La dépression dans la population active occupée en France en 2017. Baromètre santé 2017
// Depression among the working population in France. 2017 Health Barometer
* Contributions égales.
Résumé
Objectifs –
Décrire la prévalence de la dépression chez les actifs occupés en France métropolitaine et étudier les associations entre l’exposition à certains facteurs professionnels et la dépression, à partir des données du Baromètre santé 2017.
Méthodes –
Les données étudiées concernent 14 520 actifs occupés. Les épisodes dépressifs caractérisés (EDC) ont été mesurés à l’aide du questionnaire standardisé CIDI-SF. La prévalence des EDC a été décrite notamment selon la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité. Des régressions logistiques multivariées ont été effectuées pour tester l’association entre les facteurs professionnels étudiés (expositions à des facteurs psychosociaux au travail et évènements professionnels indésirables) et l’EDC.
Résultats –
Le taux de prévalence d’EDC parmi les actifs occupés était de 8,2%. Les femmes présentaient une prévalence deux fois plus élevée que les hommes (11,4% vs 5,3%). Les taux de prévalence étaient significativement différents chez les hommes selon le secteur d’activité. Les secteurs les plus touchés étaient l’hébergement et la restauration ainsi que les activités financières et d’assurance. Quel que soit le sexe, les facteurs professionnels étudiés étaient associés à un risque plus élevé de présenter un EDC.
Discussion-conclusion –
Cette étude apporte un nouvel éclairage sur la dépression dans la population active française. Le milieu du travail étant un environnement favorable pour développer des actions de promotion et de prévention en santé mentale, ces résultats devraient permettre d’orienter des actions de prévention notamment dans les secteurs d’activité les plus touchés.
Abstract
Aims –
To describe the prevalence of depression among metropolitan French working population and to study the associations between exposure to certain occupational factors and depression, based on the data from the 2017 Health Barometer, a cross-sectional representative survey.
Methods –
The study population included 14,520 workers. Major depressive episodes (MDE) were measured using a standardized questionnaire (CIDI-SF). The prevalence of MDE was especially described by occupational category and economic sector. Multivariate logistic regressions were performed to test the association between the occupational factors studied (psychosocial exposures and occupational adverse events) and MDE.
Results –
The prevalence rate of MDE among working population was 8.2%. Women had prevalence twice as high as men (11.4% vs 5.3%). Prevalence rates were significantly different among men by economic sectors. The most affected sectors were accommodation and food services as well as finance and insurance. Regardless of gender, the occupational factors studied were associated with a higher risk of MDE.
Discussion-Conclusion –
This study shed new light on depression among French working population. The workplace is a favorable environment to develop promotion and prevention actions in mental health, these results should be used to guide prevention actions, particularly in the most impacted economic sector.
Introduction
La dépression représente un lourd fardeau pour la société, que ce soit en termes de coûts humains, sociaux ou économiques. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé, en 2015, que plus de 300 millions de personnes dans le monde seraient atteintes de dépression, qui serait responsable de 4,3% de la charge mondiale de morbidité 1. Outre ses conséquences sur l’individu et son entourage, la dépression a aussi un impact direct sur la vie professionnelle. Elle agit sur la capacité à travailler et sur la productivité. Elle est également la cause d’un fort absentéisme pour maladie 2,3.
Il est admis que l’étiologie de la dépression est multifactorielle, liant des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux (maltraitance pendant l’enfance, isolement social, séparations, problèmes professionnels, etc.). La littérature épidémiologique en santé travail indique que l’exposition à certains facteurs psychosociaux au travail a un effet pathogène sur la santé mentale 4 et est associée à un risque accru de dépression 5.
La prévalence des dépressions, qu’elles soient ou non en lien avec le travail, au sein de la population active est mal connue en France. En 2003, l’enquête décennale santé avait estimé la prévalence de la symptomatologie dépressive à environ 11% de la population active au travail, avec des variations selon la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité 6. Par ailleurs, on note ces dernières années, malgré l’absence de tableaux de maladies professionnelles pour les affections psychiques, une hausse des demandes de reconnaissance des troubles psychiques auprès du système complémentaire des affections hors tableaux 7. La progression constatée pourrait être en partie expliquée par l’augmentation du nombre de pathologies psychiques liées au travail. Cette tendance a été confirmée par les données du programme maladies à caractère professionnel (MCP) 8 et celles du réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) 9.
Les données du Baromètre santé 2017 permettent d’établir un état des lieux récent de la prévalence de la dépression, qu’elle soit ou non liée au travail, au sein de la population active occupée en France afin de mieux cibler les stratégies de prévention.
Cet article décrit, à partir des données du Baromètre santé 2017, la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés (EDC) au cours des 12 derniers mois chez les actifs occupés (1) en France métropolitaine et étudie les associations entre l’exposition à certains facteurs professionnels et la présence d’EDC.
Matériel et méthode
Source de données et population d’étude
Le Baromètre santé est une enquête périodique réalisée par Santé publique France, portant sur les comportements, connaissances et attitudes des Français en matière de santé. Les données du Baromètre santé 2017 ont été recueillies par sondages aléatoires à deux degrés (ménage puis individu) à partir de numéros de téléphone (40% fixes et 60% mobiles). La passation du questionnaire a duré en moyenne 30 minutes, à l’aide du système CATI (Collecte assistée par téléphone et informatique).
Au total, 25 319 personnes (48,7% d’hommes et 51,3% de femmes) âgées de 18 à 75 ans, résidant en France métropolitaine, ont été interrogées par l’institut de sondage Ipsos Observer entre le 5 janvier et le 18 juillet 2017. Le taux de réponse global a été d’environ 60%. Un poids a été associé pour chaque personne interrogée permettant de prendre en compte les probabilités d’inclusion et un redressement sur les données de l’Enquête emploi 2016 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ainsi, les données ont été pondérées en tenant compte du sexe, de l’âge, de la région, de la taille de l’agglomération, du diplôme et de la probabilité d’être tiré au sort au sein du foyer.
La population d’étude comprenait toutes les personnes actives occupées incluses dans l’enquête du Baromètre santé 2017 et ayant répondu aux questions du CIDI-SF (Composite International Diagnostic Interview – Short Form). Les étudiants ayant travaillé plus de six mois dans l’année et les apprentis ont été inclus dans la population d’étude.
Données étudiées
L’EDC a été mesuré à partir du questionnaire court du CIDI-SF, outil développé par l’OMS 10. La version courte peut être utilisée par des non-cliniciens et par téléphone. Ce questionnaire standardisé permet de mesurer un EDC au cours des 12 derniers mois selon la classification du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition (DSM IV). Un EDC est défini par la présence d’une période de tristesse ou de perte d’intérêt pendant au moins deux semaines consécutives, associée à au moins trois symptômes secondaires et une perturbation des activités. Les symptômes secondaires sont l’épuisement ou le manque d’énergie, la prise ou la perte d’au moins 5 kg, des difficultés pour dormir, pour se concentrer, une perte de confiance en soi ou encore des pensées de mort récurrentes. L’EDC est classé selon trois niveaux de sévérité (léger, modéré et sévère) (figure 1). Dans le cadre de cette étude, l’épisode dépressif caractérisé a été étudié en variable binaire (avoir un EDC oui/non).
Les variables professionnelles étudiées étaient la catégorie socioprofessionnelle (PCS) et le secteur d’activité (NAF) selon les niveaux les plus agrégés respectivement de la PCS 2003 et de la NAF 2008. Les variables professionnelles ont été codées selon le logiciel Sicore® développé par l’Insee 11.
Le statut d’emploi a été décliné en deux catégories : salarié ou à son compte. Les revenus ont été étudiés selon deux catégories : inférieurs et supérieurs ou égaux à 1 500 euros (somme des revenus nets par mois du foyer).
Les facteurs professionnels étudiés se déclinaient en deux groupes : les facteurs psychosociaux au travail et les évènements professionnels indésirables.
Les facteurs psychosociaux au travail concernaient le fait d’avoir, dans les 12 derniers mois :
–été victime de menaces verbales, humiliations, intimidation au travail ;
–été frappé ou blessé physiquement au travail par une ou plusieurs personnes (hors agression sexuelle) ;
–eu peur de perdre son emploi.
Les évènements professionnels indésirables portaient sur le fait d’avoir, dans les 12 derniers mois, été licencié ou d’avoir vécu une longue période de chômage (plus de six mois).
Analyses statistiques
Les analyses ont été menées séparément selon le sexe.
La population d’étude a été décrite. Les prévalences d’EDC au cours des 12 derniers mois en 2017 ont été calculées selon l’âge, la catégorie sociale, le secteur d’activité, le statut d’emploi et les revenus. Des tests du Chi2 ont été réalisés avec un seuil de significativité de 5%, afin de tester l’existence de différences selon les modalités des variables étudiées.
L’étude des associations entre l’exposition aux facteurs professionnels et la présence d’un EDC au cours des 12 derniers mois a été réalisée à partir de régressions logistiques multivariées où l’EDC était la variable dépendante. Chaque facteur professionnel était introduit séparément dans un modèle avec ajustement sur l’âge, la catégorie sociale, le secteur d’activité, le statut d’emploi et les revenus. Ces modèles ont permis de calculer des odds ratios et leurs intervalles de confiance à 95%, permettant d’estimer un risque plus élevé ou plus faible d’avoir un EDC selon les facteurs professionnels étudiés.
Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS®.
Résultats
Au total, 14 520 personnes actives occupées ont été interviewées, dont 51% d’hommes. Les caractéristiques de la population d’étude sont présentées dans le tableau 1.
En 2017, la prévalence de l’EDC au cours des 12 derniers mois était de 8,2% parmi la population active occupée. Les femmes avaient une prévalence d’EDC deux fois plus élevée que les hommes (11,4% vs 5,3%) (tableau 2). Les EDC moyens et sévères représentaient 95% de l’ensemble des EDC quel que soit le sexe.
La prévalence d’EDC était significativement différente selon l’âge chez les hommes (tableau 2). Les hommes de 25 à 34 et 35 à 44 ans présentaient les prévalences d’EDC les plus élevées (respectivement 6,5 et 6,3%). Chez les femmes, il n’y avait pas de différence significative selon l’âge. Les hommes comme les femmes présentant les prévalences les plus importantes avaient des revenus inférieurs à 1 500 euros par mois. Toutefois les taux de prévalence n’étaient pas significativement différents selon le statut d’emploi quel que soit le sexe.
Par ailleurs, les prévalences d’EDC variaient, de façon non significative, selon la PCS et le sexe (figure 2). Ces différences entre hommes et femmes n’étaient pas observées chez les agriculteurs exploitants (prévalences estimées à environ 6,5% pour les deux sexes). Pour toutes les autres PCS, les prévalences étaient deux fois plus élevées chez les femmes. Les professions intermédiaires et les employés présentaient les plus fortes prévalences d’EDC (environ 12% chez les femmes vs 6% chez les hommes). Les hommes cadres apparaissaient les moins touchés (4,5%).
Les taux de prévalence de l’EDC étaient significativement différents chez les hommes selon le secteur d’activité (p<0,05). Les trois secteurs aux prévalences les plus élevées étaient l’hébergement et la restauration, les activités financières et d’assurance ainsi que les arts et spectacles. Concernant les femmes, les taux de prévalence n’étaient pas significativement différents selon le secteur d’activité. Toutefois, les femmes travaillant dans la construction, les arts et spectacles ou dans l’hébergement et la restauration présentaient les prévalences d’EDC au cours des 12 derniers mois les plus élevées (figure 3).
Le tableau 3 présente les résultats des analyses de régression logistique des associations entre les facteurs professionnels au cours des 12 derniers mois et les EDC ajustés sur les variables socioprofessionnelles.
Concernant les facteurs psychosociaux au travail, le risque d’avoir eu un EDC au cours des 12 derniers mois était plus élevé chez les hommes et les femmes actifs occupés ayant, au cours de l’année écoulée, eu peur de perdre leur emploi (respectivement OR=4,0 [3,1-5,1] et OR=2,2 [1,8-2,7]), ayant été victime de menaces verbales, d’humiliations ou d’intimidation (hommes : OR=3,7 [2,8-4,9] / femmes : OR=3,0 [2,4-3,7]) et ayant été frappé ou blessé physiquement (hommes : OR=2,5 [1,1-5,8] / femmes : OR=3,4 [1,9-6,3]).
Pour les évènements professionnels indésirables, le risque d’avoir eu un EDC au cours des 12 derniers mois était plus élevé parmi les personnes ayant, au cours de l’année écoulée, été licenciées (respectivement hommes : OR=1,8 [1,0-3,3] / femmes : OR=1,9 [1,2-2,8]) ou ayant connu une période de chômage de plus de six mois (hommes : OR=2,0 [1,3-3,0] / femmes : OR=1,3 [1,0-1,9]).
Discussion
Ce travail a permis d’estimer qu’environ 8% de la population active occupée en France en 2017 avait eu un EDC au cours des 12 derniers mois, avec une différence selon le sexe. En effet, les femmes avaient présenté un EDC deux fois plus souvent que les hommes (11% vs 5%). Ce constat est également retrouvé en population générale en France 12 comme à l’international 13,14. Les principales hypothèses avancées sont le fait que les hommes seraient moins enclins à rapporter un problème de santé mentale que les femmes, ou encore que les rôles sociaux seraient différents selon le sexe 13.
La prévalence d’EDC était également différente selon l’âge, en particulier chez les hommes. En effet, les hommes âgés de 25 à 44 ans, présentaient plus souvent un EDC au cours des 12 derniers mois que leurs ainés. Ce résultat pourrait être partiellement expliqué par l’effet du travailleur sain, qui se traduit par le fait que les personnes plus âgées sont plus souvent écartées du marché du travail notamment pour incapacité, invalidité ou longue maladie 15.
La prévalence d’EDC était plus élevée chez les hommes et les femmes ayant des revenus plus faibles. Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’enquête décennale santé en 2002 et 2003, qui avait également montré des prévalences de troubles dépressifs plus importantes chez les personnes ayant les revenus annuels les plus faibles 16. Le programme Samotrace, étude de surveillance de la santé mentale au travail en régions Centre, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, menée entre 2006 et 2008, notait par ailleurs que les femmes dont les revenus du ménage étaient les plus faibles présentaient une souffrance psychique plus élevée 17.
En outre, les résultats de cette étude suggèrent l’existence de différences selon la catégorie socioprofessionnelle bien qu’elles ne soient pas statistiquement significatives. Les professions intermédiaires et les employés étaient les catégories les plus touchées, chez les hommes comme chez les femmes. L’étude Samotrace avait mis en évidence une souffrance psychique plus élevée au sein des professions intermédiaires. Cette différence n’était pas non plus significative 17. De plus, contrairement aux autres catégories socioprofessionnelles, il n’y avait pas de différence de prévalence d’EDC entre les hommes et les femmes chez les agriculteurs. Dans cette étude, la prévalence d’EDC chez les hommes agriculteurs exploitants se rapprochait de la prévalence d’EDC chez les hommes actifs occupés. Dans la littérature scientifique, les hommes agriculteurs sont pourtant moins enclins à rapporter une souffrance psychique 18,19. Chez les femmes agricultrices exploitantes, les résultats ont révélé qu’elles présentaient moins d’EDC que l’ensemble des autres femmes actives occupées. Toutefois, ce résultat est à interpréter avec prudence en raison du faible effectif d’agricultrices exploitantes dans cette étude.
L’étude a montré des différences statistiquement significatives dans la prévalence des EDC selon le secteur d’activité. Les hommes et les femmes travaillant dans les secteurs des arts et spectacles et de l’hébergement et la restauration présentaient plus souvent un EDC au cours des 12 derniers mois. Chez les femmes, le secteur de la construction présentait une prévalence élevée. Ce résultat n’a pas été retrouvé chez les hommes. Cela pourrait être expliqué par la différence de métiers selon le sexe dans ce secteur, les emplois occupés par les femmes étant davantage des métiers du tertiaire. Cette hypothèse peut être suggérée dans d’autres secteurs d’activité comme celui du transport et entreposage. Par ailleurs, les hommes travaillant dans le secteur des activités financières et d’assurance présentaient une des prévalences d’EDC au cours des 12 derniers mois les plus élevées. En France, les prévalences de symptomatologie dépressive obtenues à partir des données de l’enquête décennale santé étaient également différentes selon le secteur d’activité, mais les résultats différaient de ceux produits à partir du Baromètre santé, hormis pour l’hébergement et la restauration chez les hommes. Ainsi, la prévalence de la symptomatologie dépressive était particulièrement élevée, chez les hommes, dans les secteurs de l’agriculture, de l’hébergement et la restauration, des services collectifs et du commerce, ainsi que, chez les femmes, dans les secteurs des activités financières et des services 6. Par ailleurs, le programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP) basé sur un réseau de médecins du travail volontaires a montré, en 2012, que la probabilité de signalement d’une souffrance psychique liée au travail était plus élevée pour les hommes travaillant dans le secteur financier et les femmes travaillant dans le secteur de l’hébergement et de la restauration par rapport à ceux et celles travaillant dans le secteur de l’industrie 8.
Par ailleurs, les résultats de cette étude ont permis de mettre en évidence que certaines expositions professionnelles psychosociales étaient associées à un risque plus élevé d’EDC au cours des 12 derniers mois. Chez les hommes comme chez les femmes, le fait d’avoir été victime de menaces verbales ou d’avoir été blessé physiquement était associé à un risque plus élevé de présenter un EDC. De nombreux travaux ont montré que l’exposition à de tels évènements peut engendrer des pathologies dont la dépression 5,17,20. Le fait d’avoir déclaré avoir peur de perdre son emploi était également associé au fait d’avoir eu un EDC dans la même année. L’enquête SIP (Santé et itinéraire professionnel) menée en 2006 et en 2010 montrait notamment une association entre insécurité de l’emploi et épisodes dépressifs majeurs 21,22.
Cette étude montrait également que le fait d’avoir été licencié ou d’avoir connu une période de chômage de plus de six mois au cours des 12 derniers mois était associé à un risque plus élevé d’EDC. Ce résultat est corroboré par plusieurs études qui ont montré l’effet délétère du licenciement et du chômage sur la santé mentale 23,24. Notons que le caractère transversal de cette étude ne permet pas d’établir de lien causal entre ces facteurs professionnels et la survenue d’un EDC.
Cette étude présente aussi d’autres limites. L’utilisation du CIDI-SF pour définir la présence d’un EDC est basée sur la déclaration des personnes interrogées, pouvant engendrer des biais de classement. L’information recueillie par questionnaire peut être différente de la situation réelle de la personne interrogée. De plus, si ce questionnaire montre de bonnes qualités métrologiques, ce n’est pas un outil de diagnostic mais un outil de dépistage 25. Il est aussi possible que le recueil téléphonique sur des thématiques sensibles puisse conduire à un biais de déclaration. Cependant, la littérature montre que le recueil de données sur la santé mentale par téléphone semble être peu lié à un biais de déclaration par rapport aux enquêtes en face à face 26,27. Il est également important de rappeler que cette étude ne permet pas d’imputer au travail les différences de prévalences d’EDC estimées entre secteurs d’activité. Les prévalences d’EDC élevées dans certains secteurs peuvent résulter d’une exposition à des facteurs professionnels délétères mais aussi à un recrutement initial de personnes plus vulnérables. Enfin, le questionnaire du Baromètre santé 2017, qui n’est pas uniquement destiné à une population de travailleurs actifs, ne comportait pas certaines informations professionnelles, telles que la durée d’emploi ou le type de contrat, qui auraient été utiles dans le cadre de cette analyse.
Par ailleurs, l’étude a plusieurs forces : d’abord l’effectif important de la population d’étude qui permet de faire des analyses par sexe avec une puissance statistique satisfaisante, ensuite la possibilité d’extrapoler les résultats à la population active française par redressement. De plus, les questions permettant de définir un EDC et certains facteurs professionnels portaient sur les 12 derniers mois, permettant de réduire le décalage temporel entre l’exposition à ces facteurs et la survenue d’un EDC.
Conclusion
Cette étude a permis d’estimer la prévalence de l’EDC dans la population active occupée en France et de mettre en évidence des différences selon l’emploi. Ce travail souligne également l’existence d’associations entre l’exposition à certains facteurs professionnels délétères et le fait d’avoir eu un EDC au cours des 12 derniers mois. La dépression a de graves conséquences sur la qualité de vie des personnes et sur leurs emplois. Il apparait donc primordial de limiter la survenue de ce trouble. Le milieu du travail étant un environnement favorable pour développer des actions de promotion et de prévention en santé mentale, les résultats de cette étude devraient permettre d’orienter les actions de prévention ciblées au sein des actifs en France.
Références
enjeux-actions_affections-psychiques-2018_assurance-maladie.pdf
INV1010
264-82.
article/chomage-et-sante-mentale-des-liens-ambivalents