Bilan de l’incitation au dépistage des virus hématogènes chez les patients de deux centres dentaires, Bourgogne-Franche-Comté, 2021-2022

// Results of screening for bloodborne viruses among patients of two dental clinics in Bourgogne-Franche-Comté, 2021–2022

Élodie Terrien1 (elodie.terrien@santepubliquefrance.fr), Emmanuel Delmas1, Florence Lot2, Sophan Soing Altrach2, Cécile Brouard2, Olivier Retel1
1 Santé publique France – Bourgogne-Franche-Comté, Dijon
2 Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 11.04.2023 // Date of submission: 04.11.2023
Mots-clés : Dépistage | VHB | VHC | VIH | Centre dentaire
Keywords: Screening | HBV | HCV | HIV | Dental clinic

Résumé

Introduction –

En France, les autorités sanitaires ont reçu plusieurs signalements de manquements aux règles d’hygiène dans des cabinets dentaires. Cet article présente l’opération de dépistage de virus hématogènes mise en place dans le cadre d’un épisode survenu dans deux centres dentaires en Bourgogne-Franche-Comté.

Méthode –

L’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté a informé les patients et leur a recommandé de se faire dépister pour les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Elle a organisé le recueil des résultats des dépistages. La cellule régionale Bourgogne-Franche-Comté de Santé publique France a effectué l’analyse des données et a organisé l’envoi des prélèvements positifs au Centre national de référence (CNR) des hépatites B, C et Delta en vue de comparaisons génotypiques.

Résultats –

Le taux de dépistage global était de 25,8%. Aucun patient n’a été testé positif pour le VIH, 7 patients ont été testés positifs pour les anticorps anti-VHC, dont 1 était positif pour l’ARN VHC (parmi les 4 patients avec des résultats disponibles), 7 autres patients étaient positifs pour l’antigène HBs. Les dates des soins dentaires différaient entre les patients positifs ayant fréquenté le même centre dentaire. Les échantillons sanguins qui ont pu être comparés par le CNR pour le VHB avaient des génotypes différents.

Discussion –

Aucune transmission virale entre patients n’a été mise en évidence sur la base des résultats partiels de l’investigation épidémiologique et virologique. Les différents épisodes signalés suggèrent d’une part la nécessité de renforcer les contrôles des centres dentaires afin de prévenir ou de détecter précocement des manquements aux mesures d’hygiène, et d’autre part, le besoin d’une conduite à tenir pour homogénéiser et faciliter la gestion par les ARS.

Abstract

Introduction –

The health authorities in France have received several reports of hygiene breaches in dental clinics. This article describes the screening initiative set up in response to an episode of bloodborne viruses that involved two dental clinics in the region of Bourgogne-Franche-Comté.

Method –

The Bourgogne-Franche-Comté Regional Health Agency (RHA) informed patients of the situation and recommended screening for hepatitis B (HBV), hepatitis C (HCV) and human immunodeficiency virus (HIV). The Bourgogne-Franche-Comté Regional Office of Santé publique France analyzed the screening results then sent the positive samples to the National Reference Center (NRC) for Hepatitis B, C and Delta for genotypic comparisons.

Results –

The overall screening rate was 25.8%. No patient tested positive for HIV, 7 patients tested positive for HCV antibodies, 1 of whom was positive for HCV RNA (among the 4 patients with available results), 7 other patients were HBsAg-positive. The dates of dental treatment differed between positive patients who attended the same dental clinic. Several HBV genotypes were identified in the blood samples compared by the NRC.

Discussion –

No viral transmission between patients was identified based on the partial results of the epidemiological and virological investigations. These several cases suggest, on the one hand, the need to reinforce the monitoring of dental clinics to prevent or detect hygiene breaches and, on the other hand, the need for guidelines with standard procedures that facilitate management by regional health agencies.

Introduction

L’activité des chirurgiens-dentistes et des stomatologistes implique de très nombreux actes invasifs exposant au sang et aux produits biologiques et utilisant des instruments complexes dans un milieu naturellement septique. Dans un cabinet dentaire, des transmissions d’agents infectieux sont possibles de patient à patient, lors de désinfections et de stérilisations non conformes aux recommandations des instruments, ou de praticien à patient (ou inversement) en cas par exemple de blessure du praticien exposant le patient à son sang, ou à partir de l’environnement 1. Le risque individuel moyen de contracter une infection par un virus hématogène à la suite de soins dentaires, en l’absence de stérilisation des porte-instruments dynamiques entre chaque patient, avait été estimé à 1/420 millions pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), 1/67 millions pour le virus de l’hépatite C (VHC) et à 1/516 000 pour le virus de l’hépatite B (VHB) 2. Plusieurs épisodes de probable transmission de virus hématogènes lors de soins dentaires ont déjà été documentés dans la littérature internationale 3,4,5.

Depuis quelques années en France, plusieurs épisodes de manquements aux règles d’hygiène dans des cabinets dentaires ont été signalés aux autorités sanitaires. Nous rapportons dans cet article un épisode dans deux centres dentaires de Bourgogne-Franche-Comté. En juin 2021, un pharmacien inspecteur de santé publique de l’Agence régionale de santé (ARS) a effectué une inspection au sein d’un centre dentaire. Elle faisait suite, d’une part à deux signalements (d’un patient et d’un professionnel de santé exerçant dans ce centre dentaire) faisant état de mauvaises conditions d’hygiène, et d’autre part à une alerte du Comité départemental opérationnel anti-fraude (Codaf). Plusieurs points critiques compromettant la qualité et la sécurité des soins ont été relevés lors de cette inspection, notamment l’absence de personnel formé et diplômé pour procéder au nettoyage et à la désinfection des surfaces et des dispositifs médicaux, la stérilisation non systématique des porte-instruments dynamiques entre chaque patient, un temps de purge insuffisant des équipements de l’unit (1) en début de journée et entre chaque patient, et l’absence d’aération possible dans les salles de soins.

Un mois plus tard, une inspection menée par deux pharmaciens inspecteurs de santé publique de l’ARS dans un autre centre dentaire, dirigé par le même gestionnaire, relevait les mêmes manquements. Ce constat a conduit l’ARS à suspendre l’activité de ces deux centres dans un premier temps, et à fermer définitivement ceux-ci par la suite. En effet, les pratiques constatées faisaient encourir à l’ensemble de la patientèle de ces deux centres dentaires un réel risque d’exposition aux virus hématogènes, du fait notamment de l’absence de stérilisation systématique des porte-instruments dynamiques entre chaque patient 2, et un risque potentiel d’exposition au SARS-CoV-2, du fait de l’absence d’aération 6.

Cet article présente l’opération de dépistage de virus hématogènes mise en place dans le cadre de cet épisode, ainsi que les résultats du dépistage, en essayant de tirer des enseignements pour le traitement de futurs signalements.

Méthode

À la suite des constats réalisés lors de la première inspection, une réunion a été organisée avec les différents acteurs impliqués (ARS, Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (Corruss) de la Direction générale de la santé (DGS), Direction des maladies infectieuses (DMI) de Santé publique France, Assurance maladie), afin de décider de la conduite à tenir.

Avec l’aide de l’Assurance maladie, chargée d’identifier la patientèle bénéficiaire du régime général, l’ARS a effectué une information individuelle aux patients des deux centres dentaires. Le courrier avait pour but de les informer de la situation et de les inciter à aller consulter leur médecin traitant pour prescription d’un dépistage des hépatites B et C (antigène AgHBs et anticorps Ac anti-VHC) et du VIH (Ac anti-VIH). En parallèle, les médecins généralistes de la région ont reçu un courrier les informant des dysfonctionnements constatés dans les centres et explicitant les tests biologiques à prescrire aux patients se présentant dans leur cabinet. Le laboratoire de biologie était laissé au libre choix des patients.

Les laboratoires de biologie de la région ont également reçu une information leur demandant de transmettre à l’ARS par messagerie sécurisée l’ensemble des résultats en lien avec ce dépistage.

Cette information, faite avant la seconde inspection, concernait initialement les patients du centre dentaire ciblés par la première inspection (centre dentaire 1, CD1) et ayant consulté dans les 6 derniers mois, du fait de l’activité très importante de celui-ci sur la période. Cette stratégie permettait déjà de cibler un nombre important de patients pris en charge. À la suite de quelques résultats positifs d’hépatite B et C obtenus sur les 6 derniers mois et à la seconde inspection, l’information a ensuite été élargie à l’ensemble de la patientèle des deux centres dentaires, depuis leur ouverture (en juillet 2020 pour le premier, et en juin 2021 pour le second). L’ensemble du personnel des deux centres dentaires a également été invité à se faire dépister.

Des infectiologues des deux centres hospitaliers universitaires (CHU) de la région ont été impliqués comme référents pour les médecins traitants (réponse aux interrogations, prise en charge des patients le cas échéant) et pour l’ARS (interprétation des marqueurs, nécessité d’examens complémentaires).

Un numéro vert a été mis en place par l’ARS pour répondre aux éventuelles questions des patients et des professionnels de santé (médecins généralistes, laboratoires…). L’information sur ce numéro vert a été relayée par les courriers, mais également par la presse, dans l’éventualité où des patients n’auraient pas été identifiés par l’Assurance maladie, notamment ceux n’appartenant pas au régime général.

Un médecin de l’ARS réceptionnait les résultats des dépistages, ces derniers étant saisis ensuite dans un fichier nominatif. Pour le VHB, un résultat était considéré positif lorsque l’AgHBs était détecté. Pour le VHC et le VIH, un résultat était considéré positif lorsque la présence d’Ac anti-VHC ou d’Ac anti-VIH était mise en évidence. Les résultats positifs étaient discutés collégialement entre un médecin de l’ARS et un infectiologue pour identifier les patients requérant des analyses virologiques complémentaires (charge virale en cas d’Ac anti-VHC positifs). Le médecin de l’ARS contactait les médecins traitants des patients dépistés positifs pour savoir si l’infection était déjà connue ou non, et le cas échéant, identifier des facteurs de risque d’exposition autres que les soins prodigués dans le centre dentaire. Pour les patients dont l’infection était découverte à l’issue du prélèvement effectué, il a été recommandé de les orienter vers un spécialiste pour la prise en charge de l’infection.

La cellule régionale Bourgogne-Franche-Comté de Santé publique France a effectué l’analyse des données.

Après information des patients concernés, les échantillons sanguins des patients ayant été dépistés positifs pour le VHB (présence d’AgHBs) et/ou le VHC ont été envoyés par les laboratoires au Centre national de référence (CNR) des hépatites B, C et Delta pour comparaison génotypique, afin de pouvoir explorer l’hypothèse d’une source commune d’infection.

Résultats

L’Assurance maladie a identifié 6 565 patients ayant bénéficié de soins dans les deux centres dentaires entre juillet 2020 et juillet 2021 : 5 997 du CD1 et 568 du centre dentaire 2 (CD2). L’âge des patients identifiés allait de 3 à 100 ans, avec une moyenne à 37 ans (écart-type, ET=19 ans).

Par ailleurs, 14 professionnels de santé exerçant dans ces deux centres ont été identifiés : 5 dentistes, 5 faisant fonction d’assistant, 3 consultants et 1 administratif.

Réalisation des dépistages

Au total, 1 696 résultats de dépistage sont parvenus à l’ARS, concernant 25,8% (1 696/6 565) des patients identifiés par l’Assurance maladie : 1 671 patients (soit 27,9%) du CD1 et 25 patients (soit 4,4%) du CD2. Par ailleurs, 172 résultats de patients hors liste ont été réceptionnés par l’ARS (concernant des patients ne relevant pas du régime général). La figure 1 résume les résultats du dépistage. Aucune information n’était disponible concernant le statut sérologique et vaccinal des professionnels de santé.

Figure 1 : Diagramme de flux du dépistage et de la comparaison des souches virales des patients des centres dentaires, Bourgogne-Franche-Comté, juin 2021-juillet 2022
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Les patients ont réalisé leur dépistage de juin 2021 à janvier 2022, avec un 1er pic pendant la 1re semaine de juillet 2021 et un 2e pendant la dernière semaine d’octobre 2021 (figure 2). L’âge des patients dépistés allait de 2 à 93 ans avec une moyenne à 40 ans (écart-type, ET=20 ans).

Aucun patient n’a été testé positif pour le VIH. Sept patients ont été testés positifs pour les Ac anti-VHC dont 6 ayant fréquenté le même centre dentaire. Les résultats de la recherche de l’ARN VHC, disponibles pour 4 des 7 patients, étaient positifs pour 1 patient et négatifs pour les 3 autres.

L’infection était inconnue pour 1 seul patient, qui n’avait aucun facteur de risque en dehors des soins prodigués dans le centre dentaire (résultat de la recherche de l’ARN VHC non disponible pour ce patient).

Sept patients ont été testés positifs pour l’AgHBs, dont 6 ayant fréquenté le même centre dentaire. L’infection était inconnue pour 2 des patients : aucun facteur de risque n’a été identifié en dehors des soins dentaires pour l’un ; l’information était indisponible pour l’autre.

Figure 2 : Évolution du nombre de patients dépistés, Bourgogne-Franche-Comté, juin 2021-février 2022
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Les dates des soins dentaires des 6 patients VHB positifs ayant fréquenté le même centre dentaire s’échelonnaient de décembre 2020 à mai 2021 et différaient entre patients. Celles des 6 patients positifs pour les Ac anti-VHC ayant fréquenté le même centre dentaire s’échelonnaient d’octobre 2020 à mai 2021 et différaient aussi entre patients (figure 3).

Figure 3 : Répartition des dates de soins dentaires des patients VHB et VHC positifs, selon si l’infection était inconnue et sans facteur de risque identifié en dehors des soins dentaires, Bourgogne-Franche-Comté, octobre 2020-mai 2021
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Comparaison des souches virales par le CNR

Sur les 7 patients testés positifs pour l’AgHBs, seuls 2 avaient une charge virale détectable et quantifiable (1,35 et 2,80 log UI/mL). Les génotypes étaient différents entre les 2 patients (A et D). Le génotype du patient positif pour l’ARN VHC était 1b (figure 1).

Discussion-conclusion

À la suite des inspections menées par l’ARS au sein de deux centres dentaires de Bourgogne-Franche-Comté, divers manquements aux règles d’hygiène mettant en cause la qualité et la sécurité des soins ont pu être relevés. L’activité des deux centres a été suspendue en urgence dans un premier temps, avec une demande de remise en conformité. Devant la persistance de dysfonctionnements majeurs, les deux centres ont été fermés définitivement.

La gestion de cet épisode a décliné plusieurs actions : information des patients, des médecins et des laboratoires ; mise en place d’un numéro vert ; centralisation et saisie des résultats des dépistages ; rappel des médecins traitants et des laboratoires si nécessaire ; recherche d’une exposition commune potentielle à travers les résultats de dépistage et l’envoi d’échantillons sanguins au CNR. Pour d’autres épisodes documentés, les mesures de gestion se réduisaient à informer les patients et les médecins, mettre en place un numéro vert, sans suivi ni évaluation. Parfois même, l’information n’a pas pu être réalisée, en raison de difficultés d’identification des patients, en l’absence de fichiers de patients ou de facturation par exemple.

L’information avec recommandation de se faire dépister pour le VHB, le VHC et le VIH, diffusée aux patients ayant consulté dans ces centres, a engendré deux pics de dépistage. Le taux de dépistage global obtenu de 25,8% était plus élevé pour le CD1 (27,9% vs 4,4%). Cette différence s’explique probablement en partie par la médiatisation importante du premier épisode. Ce taux de dépistage est proche de celui observé lors d’un autre épisode survenu dans un centre dentaire en Bourgogne-Franche-Comté en 2018 (30%), et nettement supérieur à ceux observés dans des épisodes survenus dans d’autres régions (inférieurs à 10%).

L’étape d’information des patients sur les risques liés aux soins est indispensable. Le choix des patients à informer dépend de plusieurs critères : faisabilité d’identifier la file active, nombre total de patients, période d’exposition, évolution des pratiques au sein du centre. Il peut également être fonction du risque encouru : type de dysfonctionnement survenu, type d’acte effectué lors de la consultation, exposition virale avérée (si patient positif connu) 2,7.

Lors de cet épisode, il a été choisi dans un premier temps d’informer les patients ayant consulté dans les 6 derniers mois du fait de l’activité très importante du CD1, puis d’élargir à l’ensemble de la patientèle en fonction des premiers résultats. Au total, plus de 6 500 patients ont été informés. Une autre option aurait été de cibler tout d’abord les patients identifiés par l’Assurance maladie comme ayant subi les actes les plus à risque de contamination (extractions dentaires, multiples consultations…), puis d’élargir aux autres patients selon les résultats obtenus dans ce premier cercle. Cependant, cette autre option aurait nécessité de disposer d’une liste fiable de l’ensemble des actes réalisés et aurait impliqué un examen approfondi et long des actes exécutés et une évaluation de risque par des experts entraînant un retard d’information des patients.

L’ensemble des modalités de dépistage doivent être expliquées dans les courriers adressés aux médecins et aux laboratoires. Lors de cet épisode, il aurait pu être utile d’indiquer sur les prescriptions médicales la recherche de l’ARN VHC en cas d’Ac anti-VHC positifs, afin de faciliter la réalisation de cet examen complémentaire et la transmission de son résultat à l’ARS. Il aurait été également nécessaire de préciser dans le courrier initial le délai de séroconversion entre la date de dernier soin dentaire et la date de dépistage lors d’infection récente au VHB (3 mois). Au total, 283 personnes ont été dépistées trop tôt, mais une relance par courrier a été effectuée auprès de ces dernières pour les inciter à effectuer un nouveau prélèvement.

La mise en place d’un numéro vert est aussi une étape nécessaire surtout lorsqu’il y a une médiatisation importante de l’épisode et un nombre important de patients comme c’était le cas pour ce signalement : près de 900 appels ont été reçus via le numéro vert pour cet épisode.

La centralisation et la saisie de l’ensemble des résultats de dépistage, dans la mesure où elle concerne moins d’un tiers des patients, et qu’elle ne permet pas le plus souvent de réaliser une analyse génotypique sur l’ensemble des positifs, est très chronophage. Elle n’a de plus aucune efficacité attendue pour éclaircir le mode de transmission. La décision de le faire peut être prise au cas par cas, et dans un deuxième temps, en fonction de la situation et de l’intérêt épidémiologique 2.

Au regard de la part de patients dépistés (un quart) et des résultats partiels recueillis lors de l’investigation épidémiologique et virologique, aucun argument en faveur d’une transmission virale entre patients n’a été identifié. Les dates des soins dentaires des 6 patients VHB positifs et des 6 patients Ac anti-VHC positifs (dont un seul positif pour l’ARN VHC selon les informations disponibles) ayant fréquenté le même centre dentaire étaient différentes. En outre, pour la majorité des patients positifs, la séropositivité était déjà connue avant cet épisode. Enfin, 0,37% des patients dépistés étaient positifs pour l’AgHBs, ce qui est relativement proche de la prévalence estimée à 0,30% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [0,13-0,70]) en population générale chez les 18-75 ans 8. Pour le VHC, en l’absence de résultat disponible pour l’ARN VHC pour 3 des 7 patients positifs pour les Ac anti-VHC, la proportion de patients positifs pour l’ARN VHC parmi les patients dépistés était au maximum de 0,21% (en considérant ces trois patients comme positifs pour l’ARN VHC), ce qui est aussi proche de la prévalence estimée à 0,30% [0,13-0,70] en population générale chez les 18-75 ans 8.

L’envoi d’échantillons sanguins au CNR pour comparaison génotypique, afin de pouvoir explorer l’hypothèse d’une source commune d’infection, est très intéressante sur le plan épidémiologique, mais a été compliquée à mettre en œuvre. Les laboratoires préleveurs ont été rappelés pour l’envoi des échantillons au CNR. L’envoi était soumis à des contraintes techniques d’analyse inhérentes au CNR, notamment la quantité de sérum minimale nécessaire de 2 mL et une charge virale minimale de 3 log UI/mL. Très peu d’échantillons respectaient ces contraintes ce qui n’a permis d’obtenir des résultats de génotypage que pour 3 patients (2 VHB et 1 VHC).

En Bourgogne-Franche-Comté, il s’agit du troisième signalement de manquement aux règles d’hygiène au sein de centres dentaires. De manière générale, ces dernières années, une augmentation de ce type de signalement est observée malgré l’existence du guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie de la Direction générale de la santé, de la grille technique d’évaluation des cabinets dentaires réalisée et diffusée par l’Association dentaire française et du guide sur les mesures et précautions essentielles lors des soins bucco-dentaires en cabinet de ville validé par la Haute Autorité de santé dans le contexte de la Covid-19 1,9,10. Ces différents épisodes, qui restent anecdotiques, suggèrent, d’une part la nécessité de renforcer les contrôles des cabinets dentaires afin de prévenir et/ou de détecter précocement des manquements aux mesures d’hygiène, et d’autre part le besoin d’une conduite à tenir pour homogénéiser et faciliter la gestion par les ARS.

Remerciements

À l’ensemble des patients ayant accepté de participer au dépistage, aux professionnels de santé de la région (laboratoires de biologie médicale, médecins traitants, infectiologues des centres hospitaliers universitaires, Ordre des chirurgiens-dentistes) pour leur implication, à l’équipe du Centre national de référence des hépatites virales B, C et Delta pour la comparaison génotypique des échantillons sanguins reçus, à l’équipe de l’Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté pour la gestion de l’épisode.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Direction générale de la santé. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et stomatologie. Paris: DGS; 2006. 72 p. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_de_prevention_des_infections_liees_aux_soins_en_chirurgie_dentaire_et_en_
stomatologie.pdf
2 Thiolet JM. Analyse du risque infectieux lié à la non stérilisation entre chaque patient des porte-instruments rotatifs en chirurgie dentaire. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 37 p. https://www.santepubliquefrance.fr/docs/analyse-du-risque-infectieux-lie-a-la-non-sterilisation-entre-chaque-patient-des-porte-instruments-rotatifs-en-chirurgie-dentaire
3 Bautista LE, Oróstegui M. Dental care associated with an outbreak of HIV infection among dialysis patients. Rev Panam Salud Publica. 1997;2(3):194-202.
4 Ciesielski C, Marianos D, Ou CY, Dumbaugh R, Witte J, Berkelman R, et al. Transmission of human immunodeficiency virus in a dental practice. Ann Intern Med. 1992;116(10):798-805.
5 Redd JT, Baumbach J, Kohn W, Nainan O, Khristova M, Williams I. Patient-to-patient transmission of hepatitis B virus associated with oral surgery. J Infect Dis. 2007;195(9):1311-4.
6 Réseau de prévention des infections associées aux soins, Société française d’hygiène hospitalière. Covid-19 et traitement de l’air en cabinet de chirurgie dentaire. 2021. 3 p. https://www.sf2h.net/k-stock/data/uploads/2021/03/2021-03-10-Covid-19-traitement-dair-en-cabinet-de-chirugie-dentaire.pdf
7 Carbonne A, Antoniotti G. Information des patients exposés à un risque viral hématogène – Guide méthodologique. Hygiènes. 2006;14(1):1-66.
8 Saboni L, Brouard C, Gautier A, Chevaliez S, Rahib D, Richard JB, et al. Prévalence des hépatites chroniques C et B, et antécédents de dépistage en population générale en 2016 : Contribution à une nouvelle stratégie de dépistage. Baromètre de Santé publique France-BaroTest. Bull Épidémiol Hebd. 2019;(24-25):469-77. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/24-25/2019_24-25_1.html
9 Association dentaire française. Grille technique d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins. Paris: Association dentaire française; 2015. https://www.adf.asso.fr/articles/grille-technique-d-evaluation-pour-la-prevention-des-infections
10 Haute Autorité de santé. Réponses rapides dans le cadre du Covid-19 – Mesures et précautions essentielles lors des soins bucco-dentaires en cabinet de ville. Saint-Denis: HAS; 2021. 24 p. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3184961/fr/mesures-et-precautions-essentielles-lors-des-soins-bucco-dentaires-en-cabinet-de-ville

Citer cet article

Terrien É, Delmas E, Lot F, Soing Altrach S, Brouard C, Retel O. Bilan de l’incitation au dépistage des virus hématogènes chez les patients de deux centres dentaires, Bourgogne-Franche-Comté, 2021-2022. Bull Épidémiol Hebd. 2024;(16-17):363-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/16-17/2024_16-17_4.html

(1) L’unit est l’ensemble des dispositifs conçus pour fournir les commodités et les installations nécessaires à la dispensation de soins dentaires, tels que de l'air comprimé, de l'eau ou d'autres liquides, une source d'aspiration, de l'électricité, des commandes à main ou au pied, des plans de travail, des supports de plateaux, un crachoir et des gaz.