Rôle de l’activité physique adaptée dans la prévention
et le traitement des maladies chroniques : contexte et enjeux de la mise en œuvre de l’expertise collective Inserm 2019

// Role of adapted physical activity in the prevention and treatment of chronic diseases: context and challenges of the implementation of the 2019 INSERM collective Expertise 2019

Isabelle Grémy1, Alain Varray2 (alain.varray@umontpellier.fr), Laurent Fleury3, Béatrice Fervers4, Damien Freyssenet5
1 Institut Paris Région. Observatoire régional de santé Île-de-France, Paris
2 Laboratoire EuroMov - Digital Health in Motion, EA 2991, Université de Montpellier
3 Pôle expertises collectives, Institut thématique santé publique, Inserm, Paris
4 Département cancer et environnement, Centre Léon Bérard, Université Lyon 1 et Centre de recherche en cancérologie
de Lyon, UMR Inserm 1052-CNRS 5286, Lyon
5 Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité, EA 7424, Universités de Lyon et Saint-Étienne
Soumis le 09.12.2019 // Date of submission: 12.09.2019
Mots-clés : Maladies chroniques | Activité physique | Prévention | Traitement | Déconditionnement physique
Keywords: Chronic diseases | Physical activity | Prevention | Treatment | Physical deconditioning

Résumé

Les pathologies chroniques représentent un enjeu majeur de santé publique en raison de leur prévalence, de leur augmentation régulière, de leur charge de morbidité et de l’augmentation dramatique des risques d’incapacité et de dépendance. En effet, ces pathologies impactent négativement l’activité physique habituelle et spontanée des patients. En retour, l’inactivité physique aggrave les morbidités directes ou associées ainsi que la mortalité. Dans ce contexte, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a réalisé une expertise collective sur la prévention et le traitement de 10 groupes de maladies chroniques par l’activité physique (AP). Les effets bénéfiques de l’AP sont avérés et incontestables. En revanche, l’identification, pour chaque pathologie chronique, des programmes d’activité physique spécifiques les plus efficaces ainsi que l’investigation des déterminants de l’adoption pérenne d’un comportement plus actif ancré dans la vie quotidienne restent des champs qui ne sont que partiellement couverts.

Cet article introductif présente les principaux enjeux et les raisons qui justifient la pratique régulière d’une AP, à partir de la compréhension du cercle vicieux du déconditionnement conduisant à des altérations musculaires majeures, dont la conséquence sera d’aggraver la maladie et de faire le lit de nombreuses comorbidités (tant physiques que psychiques) impactant défavorablement la qualité de vie, la fréquence des hospitalisations et la mortalité des patients.

Abstract

Chronic diseases are a major public health issue because of their prevalence, their steady increase, their burden of disease and their increasing impact on the risk of disability and dependence. Indeed, these pathologies negatively impact the usual and spontaneous physical activity of patients. In turn, physical inactivity exacerbates direct or associated morbidities and mortality. In this context, INSERM has carried out a collective expertise on the prevention and treatment of 10 groups of chronic diseases through physical activity (AP). The beneficial effects of PA are proven and indisputable. However, the identification for each chronic pathology, of the most effective specific physical activity programs as well as the investigation of the determinants of the adoption of a regular physically active behavior rooted in daily life remain fields that are only partially covered.

This introductory article presents the main stakes and the rational for a regular practice of physical activity, starting from understanding the vicious circle of deconditioning leading to major muscle alterations whose consequence will be to aggravate the disease and setting the stage for comorbidities (both physical and psychological) adversely affecting quality of life, frequency of hospitalizations and mortality of patients.

Introduction-contexte

Les principales conclusions et remarques de l’expertise Inserm 2019, intitulée « Activité physique : prévention et traitement des maladies chroniques » 1 font l’objet de ce numéro thématique du BEH. La méthodologie de l’expertise Inserm, basée sur une analyse collégiale par un groupe d’experts de la bibliographie existante, est exposée dans le focus de Grémy et coll. dans ce numéro du BEH. Le présent article s’attache à poser les principaux enjeux de cette expertise.

Le fardeau important de morbidité et de mortalité des maladies chroniques

Un groupe limité de pathologies chroniques est responsable d’une grande partie de la morbidité et de la mortalité en Europe. Parmi les six régions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1), la région européenne est la plus touchée par ces maladies chroniques. Selon l’OMS, environ 86% des décès et 77% de la charge de morbidité en Europe sont dus au diabète, aux maladies cardiovasculaires, au cancer, aux maladies respiratoires chroniques et aux troubles mentaux. Beaucoup de ces maladies partagent des facteurs de risque communs accessibles à la prévention : consommation d’alcool et de tabac, mauvaise alimentation, sédentarité et manque d’activité physique. L’accroissement de l’espérance de vie, même s’il semble se tasser ces dernières années, entraine un vieillissement de la population. En France, entre 1990 et 2018, l’espérance de vie est passée de 73,6 à 79,4 ans chez les hommes et de 81,8 à 85,5 ans chez les femmes et le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans passerait d’un quart de la population en 2015 à un tiers en 2040. Il existe en effet une baisse régulière de la mortalité pour de nombreuses pathologies chroniques comme la plupart des cancers, des maladies cardiovasculaires et des maladies respiratoires (2) sans que ne soient observées parallèlement des diminutions nettes de l’incidence (sauf pour les maladies cardiovasculaires) pour l’ensemble de ces pathologies. Il en résulte une augmentation très importante du nombre de personnes atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques. En France, 28 millions de personnes suivent un traitement au long cours et 9 millions sont déclarées en affections de longue durée 2. Or, les maladies chroniques et leurs complications sont des facteurs de risque majeurs de l’incapacité et de la dépendance. En France, le nombre de personnes dépendantes, de 1,2 million en 2012 passerait à 2,3 millions en 2060. La prévention des complications, des récidives, des exacerbations et des aggravations des maladies chroniques permet de ralentir le chemin vers la dépendance voire de l’éviter : c’est un enjeu majeur tant pour la qualité de vie et le bien-être des personnes que pour la pérennité de notre système de santé.

Les enjeux de l’expertise collective de l’Inserm : activité physique, prévention et traitement des maladies chroniques

Dans ce contexte, le ministère de la Jeunesse et des Sports et le ministère de la Santé ont conjointement sollicité l’Inserm pour faire le point sur l’impact préventif et thérapeutique de l’activité physique chez les patients atteints de maladies chroniques.

Dix groupes de pathologies ont été étudiés dans le cadre de cette expertise : le diabète de type 2, l’obésité, la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’asthme, les cancers, les syndromes coronaires aigus, l’insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies ostéo-articulaires, la dépression et la schizophrénie. Cette expertise faisait suite à l’expertise collective de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiée en 2016 intitulée « Actualisation des repères du Plan national nutrition santé (PNNS) relatifs à l’activité physique et à la sédentarité » 3 et à celle plus ancienne de l’Inserm : « Activité physique : contexte et effets sur la santé » 4.

L’enjeu principal de l’expertise n’était pas tant de savoir s’il faut recommander ou prescrire une pratique régulière de d’activité physique adaptée aux personnes atteintes d’une maladie chronique – il n’y a plus aucun doute sur cette nécessité – mais de déterminer les caractéristiques des programmes d’activité physique les plus efficients selon les aptitudes physiques, la ou les pathologies dont souffrent les personnes, leurs ressources psycho-sociales initiales, dans la perspective d’obtenir un maximum de bénéfices avec un minimum de risques : Quand commencer un programme ? À quelle distance du diagnostic ? Quel type d’activité physique (renforcement musculaire, endurance, combinée souplesse équilibre, etc.), à quelle(s) intensité(s) ? Selon quelle fréquence ? Y a-t-il des programmes spécifiques à mettre en place selon la pathologie du patient et sa gravité, etc.

Parce que les effets bénéfiques de l’activité physique s’estompent rapidement à l’arrêt de la pratique, il existe un autre enjeu tout aussi essentiel que la démonstration de l’efficience d’un programme d’activité physique adaptée chez les personnes atteintes de maladie chronique : identifier les déterminants de l’adoption d’un comportement actif, pérenne et inséré dans les habitudes de vie et créer les conditions politiques, environnementales, sociales et organisationnelles qui favorisent ces comportements actifs pérennes, et cela sans aggraver les inégalités sociales de santé. En effet, dans ce contexte, il ne faut pas oublier que les prévalences, les incidences et la mortalité par maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, obésité et diabète, maladies respiratoires, certains cancers…) sont très corrélées au gradient social. Par exemple, les taux standardisés d’hospitalisation sont de 35% supérieurs et les taux de mortalité de 50% supérieurs dans le quintile de la population la plus socialement défavorisée, comparé au quintile de la population la plus favorisée 5,6. Dans l’identification des déterminants individuels et sociétaux pour l’adoption d’un comportement actif, une attention toute particulière doit être portée aux populations vulnérables, davantage atteintes de pathologies chroniques et, la plupart du temps, les plus éloignées de l’activité physique.

Les multiples relations entre activité physique et maladies chroniques

L’activité physique facteur de prévention primaire des maladies chroniques

La précédente expertise de l’Inserm faisait le point sur les bénéfices de l’activité physique 4 avec notamment les résultats suivants pour la prévention primaire :

les études épidémiologiques montrent que l’activité physique régulière diminue la mortalité ;

la pratique d’activité physique régulière d’intensité modérée contribue au bien-être et à la qualité de vie, notamment chez les personnes âgées et est un facteur d’équilibre de la santé mentale ;

l’AP contribue à l’acquisition et au maintien du capital osseux ;

l’AP protège les vaisseaux, contribue à la prévention des maladies cardiovasculaires et agit sur la prévention des maladies ostéo-articulaires ;

l’AP contribue au contrôle du poids et représente le meilleur vecteur de prévention du diabète de type 2.

Ces constats sont maintenant très largement partagés par la communauté scientifique et diffusent auprès des professionnels de santé comme auprès de la population, car relayés par de nombreuses sociétés savantes, des campagnes de prévention, d’éducation à la santé et des actions portées par les pouvoirs publiques comme par les collectivités territoriales.

Maladies chroniques et activité physique : le cercle vicieux du déconditionnement physique

Une inactivité physique ou une baisse de l’activité notable peut être antérieure au diagnostic d’une maladie chronique. Par exemple, les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) réduisent de façon significative leur activité physique, parfois plusieurs années avant que la gêne respiratoire ne devienne trop pénalisante. Ces patients mettent en œuvre de nombreuses attitudes d’évitement (réduction du périmètre de marche, évitement des escaliers, recours plus fréquent à la voiture), le plus souvent inconscientes, destinées à les « protéger » de la dyspnée. Pourtant, les données scientifiques sont sans équivoque et montrent que le déconditionnement associé à la baisse d’activité physique se traduira par une surexpression de la dyspnée.

Plus généralement, l’une des conséquences majeures d’une maladie chronique est l’activation d’un processus psycho-physiologique d’inactivité physique : le « cercle vicieux du déconditionnement physique ». C’est un processus d’installation insidieux, continu, souvent initié avant même que le diagnostic de la maladie ne soit porté et parfois à l’insu du patient lui-même. Ce déconditionnement physique implique des retentissements systémiques (musculaire, métabolique, cardiorespiratoire, psychologique et social). En s’accompagnant d’une altération de la composition corporelle, en partie due à la mobilité réduite et à la baisse de l’activité physique quotidienne, il aggrave la pathologie initiale comme un amplificateur de la fragilité et comme un accélérateur du processus de vieillissement (la figure 1 présente un exemple du processus de déconditionnement qui s’intrique avec une BPCO 7). Si le cercle vicieux du déconditionnement physique est décrit pour la BPCO à titre d’exemple, ce processus insidieux peut se reproduire chez toute personne atteinte de maladie chronique.

Figure 1 : Cercle du déconditionnement physique dans la maladie respiratoire chronique
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Ce processus détériore la qualité de vie des patients et il est directement associé à une augmentation de la mortalité pour plusieurs pathologies. Il va contribuer à une réduction progressive des capacités fonctionnelles de l’organisme, une sédentarisation croissante et une perte d’autonomie imposant une prise en charge institutionnelle des personnes affectées. Dans ce contexte, le tissu musculaire fera l’objet d’un processus de déconditionnement plus ou moins prononcé mais toujours caractérisé par une faiblesse musculaire et une atrophie musculaire, la perte de force musculaire étant généralement observée avant que la perte de masse musculaire ne soit décelable. Le déconditionnement musculaire sera différent en fonction de sa vitesse d’évolution, de l’existence ou non d’une pathologie associée, ou encore de l’âge des personnes affectées. Les données de la littérature indiquent que toutes les pathologies chroniques envisagées dans le cadre de l’expertise Inserm, qui fait l’objet de ce BEH, s’accompagnent d’un déconditionnement musculaire. Celui-ci est particulièrement bien documenté pour la bronchopneumopathie chronique obstructive, les cancers, l’insuffisance cardiaque et jusqu’à un certain point, pour le diabète de type 2 et l’accident vasculaire cérébral, alors que les données de la littérature sont beaucoup plus rares pour les maladies mentales et la polyarthrite rhumatoïde. Dans certaines pathologies chroniques (bronchopneumopathie chronique obstructive, cancer, insuffisance cardiaque), l’atrophie et/ou la faiblesse musculaire sont associées à une augmentation de la mortalité des patients 8,9,10, mettant clairement en évidence l’intérêt thérapeutique que peuvent constituer des approches visant à limiter ou prévenir le déconditionnement musculaire.

L’ampleur et les conséquences du déconditionnement musculaire dépendent aussi de l’existence ou non du terrain pathologique sous-jacent et de l’âge des personnes. Par exemple, l’évolution du déconditionnement musculaire associé à l’âge (sarcopénie) est plus rapide chez des patients diabétiques comparativement à des sujets non diabétiques de même âge. La connaissance des mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu dans le déconditionnement musculaire est essentielle pour déterminer si l’activité physique permet de prévenir ou d’inverser le cercle vicieux, et pour déterminer quelles modalités d’exercice musculaire et d’entraînement sont les plus efficaces pour ce faire.

Faible activité physique chez les personnes atteintes de maladies chroniques

Le niveau d’activité physique chez les patients est faible, bien en deçà des niveaux d’activité physique recommandés par l’OMS (voir encadré). À titre d’exemple (figure 2), il apparaît que la sévérité de la BPCO est un élément majeur déterminant la quantité et l’intensité de l’activité physique spontanée, avec un accroissement continu et important de la proportion de patients très inactifs avec l’importance de l’obstruction bronchique. Seulement 10% des patients sont considérés comme actifs quand leur sévérité est de grade III et aucun au grade IV (selon la classification GOLD (3), ce grade étant caractérisé par l’obstruction bronchique la plus importante) 11.

Figure 2 : Niveaux d’activité physique chez les patients atteints de BPCO, selon la gravité de la maladie mesurée par le score de GOLD, comparé à l’activité de personnes atteintes de bronchite chronique avec une spirométrie normale
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Des données comparables sont obtenues chez les diabétiques de type 2 (figure 3). Dans l’étude Maastricht 12, l’activité physique a été mesurée avec un accéléromètre durant le temps d’éveil chez 2 497 personnes : non diabétiques, intolérantes au glucose et diabétiques. Elle montre une plus grande sédentarité chez les personnes atteintes de diabète de type 2 par comparaison aux personnes non diabétiques, qu’elles aient ou non une intolérance au glucose.

Figure 3 : Pourcentage du temps d’éveil passé assis ou couché, debout ou en mouvement selon le métabolisme glucidique des personnes. Étude Maastricht, 2016
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Ce constat ne se limite malheureusement pas aux adultes, et une revue systématique réalisée sur des enfants et adolescents obèses met clairement en évidence que ces derniers sont largement moins actifs que leurs pairs non obèses 13, les plaçant bien en deçà des recommandations internationales en matière d’activité physique modérée à vigoureuse (figure 4).

Figure 4 : Forest-plot des niveaux d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse chez des enfants et adolescents obèses versus non obèses
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Encadré :
Recommandations de l’Organisation mondiale de la santé sur les activités physiques pour les adultes de 18 à 64 ans (OMS, 2017) *

« Les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue. L’activité d’endurance devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes. Pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine ou pratiquer 150 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue. Des exercices de renforcement musculaire faisant intervenir les principaux groupes musculaires devraient être pratiqués au moins deux jours par semaine. »

* https://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/9789241599979/fr/

L’activité physique peut jouer un rôle central dans l’ajustement psychologique du patient à sa maladie chronique

Différentes réactions positives ou négatives se succédant, variables selon leur durée et selon les individus, accompagnent l’annonce d’une maladie chronique. Si déni de la pathologie ou résignation à son égard sont des éléments plutôt négatifs, les phases positives du processus d’ajustement, appelé appropriation de la maladie chronique, exigent une démarche active et éclairée de la part du patient et font appel à des facteurs psychosociaux clés : les émotions positives, la flexibilité cognitive, le sens donné à l’existence, le soutien social et les stratégies actives pour faire face au stress. La pratique d’activité physique adaptée dans ce contexte va jouer un rôle de facilitateur dans cette appropriation en favorisant par exemple l’introspection, les feedbacks sensoriels, la production d’affects positifs, une diminution du stress, la consolidation de l’estime de soi...

Un patient atteint de maladie chronique doit faire face aux éventuels effets secondaires ou séquelles des traitements et gérer l’évolution de sa maladie avec l’avancée en âge. Celle-ci peut se traduire par l’apparition d’autres comorbidités, dont le risque de survenue est d’autant plus grand que les personnes sont âgées et/ou sédentaires. D’autres problèmes de santé peuvent également survenir comme des symptômes anxio-dépressifs et des dysfonctionnements neurocognitifs. Des difficultés socioéconomiques peuvent se surajouter et aggraver la vulnérabilité de la personne.

La pratique régulière de programmes personnalisés d’activité physique va permettre d’alléger ce fardeau en prévenant, retardant ou soulageant l’ensemble de ces complications. De nombreuses études utilisant des méthodologies rigoureuses, comme l’essai randomisé contrôlé, démontrent les bénéfices généraux de programmes d’activité physique sur des variables psychologiques comme la qualité de vie, le bien-être, l’estime de soi, la fatigue, le stress et la symptomatologie anxio-dépressive chez des populations de patients atteints de maladies chroniques. Mais faire adopter de nouveaux comportements vis-à-vis de l’activité physique nécessite de bien cerner ce qui se joue dans l’ajustement psychologique à une maladie chronique.

Conclusion et recommandations

En tout état de cause, au-delà de la connaissance propre de la maladie chronique, de sa sévérité, de ses complications, la connaissance du niveau d’activité physique et de la capacité physique du patient sont des éléments essentiels de l’évaluation de son état de santé et des prescriptions thérapeutiques ou symptomatiques qui s’ensuivront. C’est pourquoi l’expertise collective Inserm considère qu’une évaluation de la condition physique des patients est essentielle pour permettre une adaptation de la prescription, une progressivité des programmes proposés et d’en assurer le suivi. Le groupe d’experts recommande d’évaluer le niveau d’activité physique du patient par un entretien ou de faire passer des tests simples adaptés à la pratique clinique visant à évaluer sa capacité et sa tolérance à l’exercice physique. Il préconise de former les médecins à la prescription d’activité physique et que les professionnels intervenants dans le domaine de l’activité physique adaptée soient formés à la fois dans des compétences de conception, d’intervention et des différentes techniques mobilisables pour assurer un engagement pérenne dans un mode de vie plus actif.

Dans les articles suivants de ce numéro hors-série du BEH, sont précisés les bénéfices spécifiques de l’activité physique sur chacune des pathologies étudiées, qui conduisent à la proposition aux patients de programmes spécifiques d’activité physique adaptés à leur pathologie.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Institut national de la santé et de la recherche médicale. Expertise Inserm 2019. Activité physique : prévention et traitement des maladies chroniques. Montrouge: EDP Sciences. Expertise collective; 2019. 828 p. https://www.
inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/activite-physique-prevention-et-traitement-maladies-chroniques
2 Briançon S, Guérin B, Sandrin-Berthon B. Les maladies chroniques. Actualité et dossier en santé publique. 2010;72:11-53.
3 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Actualisation des repères du PNNS – Révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité. Rapport d’expertise collective. Paris: Anses; 2016. 584 p. https://www.anses.fr/fr/content/actualisation-des-rep%C3%A8res-du-pnns-r%C3%A9visions-des-rep%C3%A8res-relatifs-%C3%A0-l%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-%C3%A0
4 Institut national de la santé et de la recherche médicale. Expertise Inserm 2008. Activité physique : contexte et effets sur la santé. Inserm (dir.). Activité physique : contextes et effets sur la santé. Expertise collective. Paris: Éditions Inserm. 2008; XII. 811 p. http://hdl.handle.net/10608/97
5 Lecoffre C, Decool E, Olié V. Mortalité cardio-neurovasculaire et désavantage social en France en 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(20-21):352-8. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2016/20-21/2016_20-21_1.html
6 Lecoffre C, Decool E, Olié V. Hospitalisations pour maladies cardio-neuro-vasculaires et désavantage social en France en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(20-21):359-66. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2016/20-21/
2016_20-21_2.html
7 Préfaut C, Ninot G. La réhabilitation du malade respiratoire chronique. Paris: Masson Édition; 2009. 528 p.
8 Iritani S, Imai K, Takai K, Hanai T, Ideta T, Miyazaki T, et al. Skeletal muscle depletion is an independent prognostic factor for hepatocellular carcinoma. J Gastroenterol. 2015;50(3):323-32.
9 Narumi T, Watanabe T, Kadowaki S, Takahashi T, Yokoyama M, Kinoshita D, et al. Sarcopenia evaluated by fat-free mass index is an important prognostic factor in patients with chronic heart failure. Eur J Intern Med. 2015;26(2):
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10 Swallow EB, Reyes D, Hopkinson NS, Man WD, Porcher R, Cetti EJ, et al. Quadriceps strength predicts mortality in patients with moderate to severe chronic obstructive pulmonary disease. Thorax. 2007;62(2):115-20.
11 Watz H, Waschki B, Meyer T, Magnussen H. Physical activity in patients with COPD. Eur Respir J. 2009;33(2):
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12 van der Berg JD, Stehouwer CD, Bosma H, van der Velde JH, Willems PJ, Savelberg HH, et al. Associations of total amount and patterns of sedentary behaviour with type 2 diabetes and the metabolic syndrome: The Maastricht Study. Diabetologia. 2016;59(4):709-18.
13 Elmesmari R, Martin A, Reilly JJ, Paton JY. Comparison of accelerometer measured levels of physical activity and sedentary time between obese and non-obese children and adolescents: a systematic review. BMC Pediatr. 2018;18(1):106.

Citer cet article

Grémy I, Varray A, Fleury L, Fervers B, Freyssenet D. Rôle de l’activité physique adaptée dans la prévention et traitement des maladies chroniques : contexte et enjeux de la mise en œuvre de l’expertise collective Inserm 2019. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(HS):6-12. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/HS/2020_HS_2.html

(2) À titre d’exemple, la mortalité par cardiopathies ischémiques a baissé de 52% chez les hommes et de 48% chez les femmes entre 2002 et 2012
(3) Ces niveaux de sévérité sont définis à partir d’un groupement international de consensus (GOLD pour Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease) ayant donné son nom à cette classification. Les classes de I à IV sont basées sur la sévérité croissante de l’obstruction bronchique.