Tentatives d’arrêt du tabac au dernier trimestre 2016 et lien avec Mois sans tabac : premiers résultats observés dans le Baromètre santé 2017

// Quit attempts in the last quarter of 2016 and relation with Mois sans tabac: first results from the 2017 Health Barometer

Romain Guignard (romain.guignard@santepubliquefrance.fr), Jean-Baptiste Richard, Anne Pasquereau, Raphaël Andler, Pierre Arwidson, Olivier Smadja, Viêt Nguyen-Thanh ; le groupe Baromètre santé 2017*
Santé publique France, Saint-Maurice, France

* Le groupe Baromètre santé 2017 : Raphaël Andler, Chloé Cogordan, Romain Guignard, Christophe Léon, Viêt Nguyen-Thanh, Anne Pasquereau, Jean-Baptiste Richard, Maëlle Robert
Soumis le 15.02.2018 // Date of submission: 02.15.2018
Mots-clés : Tabagisme | Arrêt du tabac | Tentative d’arrêt | Intervention de marketing social
Keywords: Smoking | Smoking cessation | Quit attempt | Social marketing intervention

Résumé

En octobre 2016, Santé publique France a lancé la première édition du dispositif « Mois sans tabac », inspiré de la campagne britannique Stoptober et dont l’objectif principal est d’inciter les fumeurs à tenter d’arrêter de fumer. Cette étude consiste en une description des tentatives d’arrêt du tabac (TA) effectuées au moment de cette première édition, à partir des données du Baromètre santé 2017, enquête aléatoire représentative de la population résidant en France métropolitaine menée au premier semestre 2017 sur un échantillon de 25 319 individus. La principale variable d’intérêt est la réalisation, par les fumeurs quotidiens, d’une TA d’au moins 24 heures au dernier trimestre 2016, recueillie de manière rétrospective.

Près d’un fumeur quotidien sur six (15,9%) a déclaré avoir fait une TA au dernier trimestre 2016, et 18,4% d’entre eux ont déclaré qu’elle était liée à Mois sans tabac, ce qui représente environ 380 000 TA liées à Mois sans tabac. Environ la moitié des individus ayant fait une TA au dernier trimestre 2016 ont utilisé une aide extérieure (47,7%), proportion plus élevée (67,1%) parmi ceux déclarant que cette tentative était liée à Mois sans tabac. L’analyse des facteurs associés aux TA liées à Mois sans tabac montre peu de différences selon le niveau socioéconomique. Ces premiers résultats seront complétés par une analyse selon le niveau d’exposition à la campagne, permettant d’approfondir l’étude de l’efficacité de cette opération.

Abstract

In October 2016, Santé publique France launched the first edition of Mois sans tabac, inspired by the British Stoptober campaign, whose main objective is to encourage smokers to try to quit smoking. This study consists of a description of the quit attempts made at the time of this first edition, based on data from the 2017 Health Barometer, a random survey representative of the population living in metropolitan France conducted on a sample of 25,319 individuals. The main variable of interest is quit attempts for at least 24 hours made by daily smokers in the last quarter of 2016, collected retrospectively.

Nearly one in six daily smokers (15.9%) report making a quit attempt in the last quarter of 2016, and 18.4% of them report that it was related to Mois sans tabac, which represents approximately 380,000 quit attempts related to Mois sans tabac. About half of the individuals who made a quit attempt in the last quarter of 2016 used external assistance (47.7%), more among those reporting that this was linked to Mois sans tabac (67.1%). The analysis of the factors associated with quit attempts shows little difference by socio-economic level. These initial results will be completed by an analysis based on the level of exposure to the campaign, allowing to study more thoroughly the effectiveness of this operation.

Introduction

En octobre 2016, Santé publique France a lancé la première édition du dispositif « Mois sans tabac » 1. L’objectif de cette intervention était d’inciter les fumeurs à arrêter de fumer pendant 30 jours au mois de novembre. Le seuil de 30 jours correspond à une durée après laquelle les symptômes de sevrage tabagique sont considérablement réduits, multipliant par cinq les chances de succès définitif 2. Mois sans tabac associait une campagne nationale de communication dans les médias traditionnels (télévision, radio, presse, affiches…) et digitaux (Internet, réseaux sociaux) et des actions de proximité. Ces dernières reposaient sur la mise en place de partenariats nationaux et régionaux avec des professionnels de santé, des organismes publics, des entreprises, des municipalités, des associations 1… Il s’agissait principalement d’actions de sensibilisation dans les lieux de vie des personnes résidant en France (stands d’information, réunions…) mais également d’actions visant à faciliter le sevrage tabagique, comme la mise en place de consultations individuelles ou en groupe. Le dispositif d’aide à distance Tabac info service (ligne téléphonique 3989, site Internet et application mobile), piloté par Santé publique France et l’Assurance maladie, était intégré à l’opération, avec la possibilité de s’inscrire en ligne. Parmi les outils disponibles, un kit d’aide à l’arrêt du tabac était également accessible en pharmacie ou sur commande.

L’intervention s’inspire de la campagne britannique Stoptober, qui avait permis de déclencher 350 000 tentatives d’arrêt du tabac (TA) supplémentaires en octobre 2012 comparativement à la moyenne des mois d’octobre des années précédentes 3. Elle repose sur la théorie de la contagion sociale 4 et sur celle de la motivation PRIME (Planifications, Réponses, Impulsions, Motivations et Évaluations) 5,6. Selon cette dernière, le comportement adopté à un moment donné est le résultat de différents types de motivations, allant des impulsions régies par des désirs, des émotions, jusqu’à des plans personnels fondés sur des évaluations profondément réfléchies. Ce système motivationnel est en instabilité permanente et résulte de tensions entre ce qui peut conduire à reprendre une cigarette et ce qui peut aider à maintenir la TA. Une campagne comme Mois sans tabac est donc destinée à multiplier par le plus grand nombre de canaux possibles (médias, groupes de soutien, kits d’aide à l’arrêt, etc.) les incitations à l’arrêt du tabac. En agissant sur l’ensemble du système motivationnel, les chances d’adopter un nouveau comportement (ici arrêter de fumer) sont plus importantes. Stoptober et Mois sans tabac fixent également un objectif SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et inscrit dans le Temps), objectif intermédiaire facilitant la réalisation du comportement souhaité 7.

L’opération Mois sans tabac fait l’objet d’une évaluation de processus et des effets 8. À l’instar de l’évaluation de Stoptober, le critère utilisé pour en mesurer l’efficacité est le fait pour les fumeurs d’avoir essayé d’arrêter de fumer (réalisation d’une TA). Néanmoins, alors que seules les TA du mois d’octobre ont été considérées dans l’évaluation de la campagne britannique, le choix a été fait, pour l’opération française, de prendre en compte l’ensemble des TA au dernier trimestre 2016. Cela permet d’une part d’intégrer des TA liées à Mois sans tabac ayant commencé avant le 1er novembre ou après le 30 novembre. D’autre part, dans l’optique d’une analyse de type exposés/non-exposés, cela permet de contrôler le fait que certains fumeurs ont pu retarder une TA qui aurait eu lieu en octobre ou anticiper une tentative qui aurait eu lieu en décembre. L’objectif premier de Mois sans tabac étant de déclencher une démarche d’arrêt, le seuil de 24 heures a été considéré, comme c’est le cas pour l’évaluation d’autres campagnes promouvant l’arrêt du tabac 9,10,11.

Cet article présente les premiers résultats de l’évaluation des effets de Mois sans tabac 2016 sur les TA réalisées par les fumeurs quotidiens et analyse les facteurs associés aux tentatives d’arrêt attribuées à Mois sans tabac.

Méthodes

Sources de données

Cette étude repose sur les données du Baromètre santé 2017, une enquête aléatoire représentative de la population des 18-75 ans vivant en France métropolitaine, parlant le français, résidant en ménage ordinaire et disposant d’une ligne téléphonique fixe ou mobile. Il s’agit d’un sondage à deux degrés (ménage, puis individu). Le recueil de données, réalisé par l’institut Ipsos, a eu lieu du 5 janvier au 18 juillet 2017. Au total, 25 319 personnes ont été interrogées par téléphone par une équipe de plus de 100 enquêteurs. Les principaux thèmes abordés par l’enquête étaient les comportements et perceptions en matière de pratiques addictives et de santé mentale. Le taux de participation pour cette enquête a été de 48,5%. Les données ont été pondérées par l’inverse de la probabilité d’inclusion, qui prend en compte le nombre de personnes éligibles et le nombre de lignes téléphoniques, puis redressées sur la structure par sexe croisé avec l’âge, la région, la taille d’unité urbaine, la taille du foyer et le niveau de diplôme de la population résidant en France métropolitaine, issue de l’enquête emploi 2016 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le protocole détaillé de l’enquête et le questionnaire sont présentés par ailleurs 12,13.

Les totaux de population ont été estimés à partir des données du bilan démographique 2016 de l’Insee (population au 1er janvier 2017) 14.

Variables

La principale variable d’intérêt est la réalisation, par un fumeur quotidien au 1er octobre 2016, d’une TA d’au moins 24 heures au cours du dernier trimestre 2016, recueillie de manière rétrospective. Elle est calculée sur la base des fumeurs quotidiens au moment de l’enquête et des ex-fumeurs quotidiens ayant arrêté de fumer après le 1er octobre 2016 (N=6 341). Seuls ceux déclarant avoir commencé leur TA (pour les fumeurs) ou avoir arrêté de fumer (pour les ex-fumeurs) entre le 1er octobre et le 31 décembre 2016 ont été considérés comme ayant fait une TA au dernier trimestre. Il leur était demandé s’ils attribuaient cette tentative ou cet arrêt à la campagne Mois sans tabac. La durée de la TA était également recueillie, de même que les aides éventuelles utilisées à cette occasion.

Les variables sociodémographiques utilisées dans cette étude sont le sexe, l’âge en six classes (18-24 ans, 25-34 ans, 35-44 ans, 45-54 ans, 55-64 ans, 65-75 ans), le diplôme le plus élevé obtenu (<Bac, Bac, >Bac), le revenu par unité de consommation 15 (UC) (recodé en terciles de sa distribution), la situation professionnelle (travail, chômage ou inactivité) et la catégorie socioprofessionnelle (CSP) de la personne interrogée (situation actuelle pour les actifs occupés et dernière profession pour les retraités et les chômeurs) ou de la personne de référence du ménage (pour les autres inactifs).

Analyses statistiques

La proportion de TA au dernier trimestre 2016 et la part de ces TA liées à Mois sans tabac ont été estimées avec leurs intervalles de confiance à 95% (IC95%), puis rapportées à la population de France métropolitaine. La proportion de TA déclarées au dernier trimestre 2016 par les personnes ayant répondu à l’enquête entre janvier et mars 2017 a été comparée à celle des personnes ayant répondu entre avril et juillet, dans le but d’évaluer un éventuel biais de mémoire.

La part des TA ayant duré au moins 30 jours et celle des personnes abstinentes au moment de l’administration du questionnaire ont été estimées, selon que la TA était liée à Mois sans tabac ou non.

Les comparaisons de pourcentages ont été testées au moyen du Chi2 d’indépendance de Pearson, avec correction du second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage.

Les facteurs sociodémographiques associés à la réalisation d’une TA au dernier trimestre, selon le lien déclaré avec Mois sans tabac, ont été analysés à partir de régressions logistiques polytomiques.

Résultats

Résultats principaux

Près de 4 personnes sur 5 ont déclaré avoir entendu parler du dispositif Mois sans tabac 2016 (79,2%), plus souvent les fumeurs quotidiens (82,9%) et les ex-fumeurs (80,5%) au moment de l’enquête que les fumeurs occasionnels (76,5%) et les personnes n’ayant jamais fumé (75,7%) (p<0,001).

Sur l’ensemble des fumeurs quotidiens au lancement de Mois sans tabac, 15,9% [14,9%-17,1%] ont fait une TA d’au moins 24 heures au dernier trimestre 2016, ce qui représente environ 2 millions d’individus. De plus, 18,4% d’entre eux [15,5%-21,3%] déclaraient avoir fait cette tentative en lien avec Mois sans tabac. Cela représente 2,9% de l’ensemble des fumeurs quotidiens [2,5%-3,5%] soit près de 380 000 TA liées à Mois sans tabac (377 000 [313 000-441 000]).

La proportion de TA au dernier trimestre 2016 déclarées par les individus ayant répondu à l’enquête au premier trimestre 2017 était significativement supérieure à celle observée parmi les individus ayant répondu entre avril et juillet (17,5% vs 14,3%, p=0,004). En revanche, parmi ceux ayant déclaré une TA au dernier trimestre, l’affirmation d’un lien avec Mois sans tabac est indépendante de la période d’enquête (p=0,110).

Abstinence à 30 jours et abstinence au moment de l’entretien

Parmi ceux ayant fait une TA d’au moins 24 heures au dernier trimestre 2016, 30,8% [27,4%-34,1%] ont été abstinents pendant au moins 30 jours (soit 4,9% [4,3%-5,5%] de l’ensemble des fumeurs au 1er octobre 2016), sans différence selon que la TA était liée à Mois sans tabac ou non (p=0,735) ; 17,9% [15,2%-20,6%] étaient toujours abstinents au moment de leur entretien, sans différence selon que la TA était liée à Mois sans tabac ou non (p=0,316). En particulier, parmi ceux qui déclaraient que leur TA était liée à Mois sans tabac, 21% [14%-27%] se déclaraient non-fumeurs au moment de leur interrogation en 2017, soit environ 80 000 individus (IC95%: [50 000-110 000]). Les proportions d’abstinents n’étaient pas significativement différentes selon la période de l’entretien (janvier-mars vs avril-juillet).

Facteurs associés aux tentatives d’arrêt au dernier trimestre 2016

Les proportions de TA au dernier trimestre 2016, qu’elles soient liées ou non à Mois sans tabac, sont similaires parmi les hommes et les femmes (tableau 1). Les 18-24 ans étaient les plus nombreux à déclarer une TA au dernier trimestre 2016 sans lien avec Mois sans tabac (19,7%) et les 18-34 ans à déclarer une TA liée à Mois sans tabac (4,4% chez les 18-24 ans et 3,8% chez les 25-34 ans). Les plus diplômés (>Bac) déclaraient plus fréquemment une TA non liée à Mois sans tabac (15,2%), l’association restant significative après ajustement sur les autres variables d’intérêt (rapport de risque relatif, RRR=1,3 [1,1-1,6]), ce qui n’est pas le cas si on considère les TA liées à Mois sans tabac. Aucun lien n’est observé entre niveau de revenus et TA au dernier trimestre. Le fait d’être inactif (étudiant, retraité, autre personne sans activité professionnelle) est associé aux TA liées à Mois sans tabac (RRR=1,5 [1,0-2,3]). Alors que les cadres et professions intellectuelles supérieures étaient plus nombreux à avoir fait une TA au dernier trimestre sans lien déclaré avec Mois sans tabac (19,7%, RRR=1,6 [1,3-2,1] par rapport aux employés), ce n’est pas le cas des tentatives liées à Mois sans tabac. Seuls les agriculteurs exploitants, artisans, commerçants et chefs d’entreprise se distinguent par une moindre propension à avoir fait une TA liée à Mois sans tabac au dernier trimestre 2016 (1,7%, RRR=0,4 [0,2-0,9]).

Tableau 1 : Facteurs associés aux tentatives d’arrêt (TA) au dernier trimestre 2016 selon le lien avec Mois sans tabac (n=6 268)
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Aides utilisées au dernier trimestre 2016

Parmi les fumeurs ayant fait une TA au dernier trimestre 2016, environ la moitié (47,7%) ont déclaré avoir utilisé une aide pour arrêter de fumer. Cette proportion était plus élevée parmi ceux déclarant que leur tentative était liée à Mois sans tabac (67,1%) que chez les autres (43,3%). Les principales aides utilisées étaient la cigarette électronique (26,9%) et les substituts nicotiniques (18,3%). Environ un fumeur sur dix ayant fait une TA a eu recours à un médecin ou un autre professionnel de santé (10,4%) ou a consulté le site Tabac info service (9,1%). Les autres aides utilisées concernent moins de 5% des répondants (tableau 2).

Tableau 2 : Aides utilisées par les fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt (TA) au dernier trimestre 2016, en lien ou non avec Mois sans tabac
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Discussion

Environ 2 millions de fumeurs ont fait une TA d’au moins 24 heures au dernier trimestre 2016 et près de 380 000 ont déclaré que cette tentative était liée à Mois sans tabac. Les proportions d’abstinents au moment de l’entretien étaient similaires parmi ceux déclarant une tentative avec ou sans lien avec Mois sans tabac. Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle les tentatives déclenchées par les campagnes sont opportunistes et moins durables que les autres et suggère que l’opération est bénéfique également à moyen terme.

Cette analyse présente plusieurs forces. Elle est basée sur un large échantillon représentatif de la population résidant en France, avec un taux de participation du même ordre que celui observé dans les enquêtes de référence comme l’enquête américaine Behavioral Risk Factor Surveillance System Survey (BRFSS) 16. Le fait de considérer les TA sur l’ensemble du dernier trimestre atténue certains biais liés au calendrier de l’opération.

Parmi les limites, il faut souligner le caractère rétrospectif de l’étude. Le fait que la proportion de tentatives déclarées diminue légèrement parmi les individus ayant répondu au 2e trimestre 2017 peut faire penser à un biais de mémoire pour les individus ayant répondu plusieurs mois après Mois sans tabac, entraînant un léger biais de sous-déclaration sur la proportion de TA au dernier trimestre 2016. Par ailleurs, l’estimation du nombre de TA liées à Mois sans tabac présentée dans cet article est basée sur les déclarations des répondants et renvoie donc à leur subjectivité. Ainsi, cette estimation ne tient pas compte des fumeurs qui auraient fait une TA provoquée par un engouement collectif autour de l’arrêt du tabac, sans qu’ils attribuent cette tentative à l’opération Mois sans tabac. À l’inverse, cette opération s’inscrivait dans le cadre de la mise en place de plusieurs mesures fortes de lutte contre le tabagisme qui ont pu concourir, de manière plus ou moins consciente, au changement de comportement : augmentation, le 1er novembre 2016, du forfait de remboursement des substituts nicotiniques à hauteur de 150 euros par an pour tous les fumeurs ; vente de paquets de cigarettes et de tabac standardisés, avec des avertissements sanitaires renouvelés et de plus grande taille, initiée au second semestre 2016.

Quoi qu’il en soit, le nombre de fumeurs déclarant avoir fait une TA liée à Mois sans tabac 2016 est supérieur au seul nombre d’inscrits à Mois sans tabac en ligne (180 113). Des résultats similaires avaient été observés lors de la première édition de Stoptober au Royaume-Uni en 2012, avec 350 000 TA supplémentaires pour 275 000 inscrits 17.

Le tabagisme est un comportement très marqué socialement, si bien qu’il est primordial de porter une attention spécifique aux inégalités sociales dans le cadre des interventions de prévention 18,19. Sur ce plan, le dispositif Mois sans tabac semble avoir réussi à toucher les différentes catégories sociales de façon relativement homogène. L’analyse des facteurs associés aux TA liées à Mois sans tabac montre peu de différences selon le niveau socioéconomique, alors même que les cadres et professions intellectuelles supérieures sont les plus nombreux à avoir fait une TA sans lien déclaré avec Mois sans tabac au dernier trimestre 2016.

Environ la moitié des individus ayant fait une TA au dernier trimestre 2016 ont utilisé une aide extérieure, davantage parmi ceux déclarant que cette tentative était liée à Mois sans tabac. Ce résultat est encourageant dans le sens où la promotion des aides disponibles était un des leviers de l’opération et que le recours à une aide extérieure augmente les chances de succès. Il faut noter que l’outil le plus fréquemment utilisé sur cette période était la cigarette électronique, dont l’efficacité pour le sevrage tabagique n’est pas établie à ce jour et fait l’objet de plusieurs études expérimentales 20. Des analyses sont prévues à partir des données du Baromètre santé 2017 pour étudier de manière plus globale les aides utilisées lors d’une tentative de sevrage tabagique et les différences éventuelles observées en matière d’abstinence.

Cet article présente une analyse descriptive des tentatives d’arrêt effectuées au moment de Mois sans tabac 2016. Des analyses supplémentaires sont prévues afin de documenter l’efficacité de cette opération, étudiant le lien entre la fréquence d’exposition au dispositif et la réalisation d’une tentative d’arrêt au dernier trimestre 2016, à partir des données du Baromètre santé 2017. En outre, une enquête spécifique est conduite en 2018 auprès des répondants ayant fait une tentative d’arrêt lors de Mois sans tabac 2016. Elle vise à estimer l’impact de ce dispositif sur l’abstinence tabagique à plus long terme. Ces analyses permettront d’approfondir l’étude du lien entre l’opération Mois sans tabac et l’arrêt du tabac.

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Citer cet article

Guignard R, Richard JB, Pasquereau A, Andler R, Arwidson P, Smadja O, et al; le groupe Baromètre santé 2017. Tentatives d’arrêt du tabac au dernier trimestre 2016 et lien avec Mois sans tabac : premiers résultats observés dans le Baromètre santé 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(14-15):298-303. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/14-15/2018_14-15_6.html