Le Programme national de réduction du tabagisme : retour sur trois années d’une stratégie d’ensemble pour réduire l’impact du tabac en France

// The National Tobacco Reduction Programme: assessment of a three year comprehensive strategy to reduce the impact of tobacco in France

Sylvie Chazalon, Maria Cardenas, Caroline Drouin, Pierre-Yves Bello (pierre-yves.bello@sante.gouv.fr)
Direction générale de la santé, ministère des Solidarités et de la Santé, Paris, France
Soumis le 14.02.2018 // Date of submission: 02.14.2018
Mots-clés : Lutte anti-tabac | Tabagisme | Politique publique | France
Keywords: Tobacco control | Smoking | Public policy | France

En 2014, le tabagisme quotidien était particulièrement élevé en France : il concernait 28,2% des 15-75 ans 1 et 32,5% des adolescents de 17 ans 2. Pour la première fois, le Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019 3 a permis à la France de disposer d’une ambitieuse stratégie d’ensemble de lutte contre le tabac. Il fixe à notre société des objectifs volontaristes, qui imposent un effort de tous (professionnels de santé, société civile, acteurs publics), inscrit dans la durée. Il s’agit de passer en dessous de 20% de tabagisme quotidien d’ici 2024 et de parvenir à la première « génération d’adultes sans tabac » d’ici 2032. Pour ce faire, trois axes d’intervention ont été développés : protéger les jeunes et éviter l’entrée dans le tabac, aider les fumeurs à s’arrêter et agir sur l’économie du tabac. Cet article présente une synthèse des principales réalisations des trois premières années (2015-2017) du déploiement du PNRT.

Mieux protéger les jeunes

Le marketing et la composition de certains produits du tabac visent particulièrement à amener les jeunes non-fumeurs à s’engager dans une consommation régulière. La transposition de la directive européenne 2014/40, ainsi que des choix nationaux, ont abouti à une évolution importante du cadre juridique français lors de la publication de la loi de santé de janvier 2016. Ainsi, la France est devenue le deuxième pays au monde, après l’Australie, à adopter le paquet neutre pour les cigarettes et le tabac à rouler, les associant à des avertissements sanitaires presque doublés (de 35% à 65% de la surface du recto-verso des paquets). À l’exception du menthol (dérogation européenne jusqu’en 2020), les arômes caractérisants sont désormais interdits. S’appuyant sur une base de données européenne, un système d’obligation de notification aux autorités nationales des caractéristiques des produits du tabac a été mis en place. En France, il a été confié à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et doit permettre d’assurer une surveillance du respect par les industriels de leurs obligations. La publicité pour le tabac sur le lieu de vente est désormais interdite et les buralistes ont l’obligation de demander une pièce d’identité à tout acheteur afin de vérifier qu’il est majeur. Enfin, les polices municipales sont habilitées à contrôler le respect des interdictions de vente aux mineurs et de fumer dans les espaces collectifs.

Le prix est aussi un déterminant important de la consommation de tabac. L’augmentation des prix et la diminution du différentiel entre cigarettes et tabac à rouler contribuent à réduire l’attractivité du tabac auprès des jeunes. En 2017, il a ainsi été décidé une série d’augmentations de la fiscalité des produits du tabac, avec l’idée de parvenir à un paquet de cigarettes à 10 euros d’ici à 2020.

Faire évoluer notre environnement collectif vers une moindre normalité du tabac contribue aussi à protéger les jeunes et les anciens fumeurs de l’exposition au tabac. Depuis 2014, plusieurs initiatives ont été soutenues pour étendre les lieux « sans tabac ». Les lieux fréquentés par les jeunes (établissements scolaires, notamment) et les lieux de santé se doivent d’être exemplaires sur ce sujet. Ainsi, une démarche « lieux de santé sans tabac » a été élaborée et présentée lors d’un colloque national : à cette occasion, les quatre fédérations hospitalières (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, Fédération hospitalière de France, Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France, Unicancer) ainsi que les six conférences de directeurs et de présidents du monde hospitalier se sont engagées à soutenir le déploiement de cette démarche dans les années à venir. De même, les restaurateurs ont la possibilité de souscrire à la charte « Ma terrasse sans tabac » 4, et une charte « Administration sans tabac » 5 a été créée, à laquelle les institutions sont sollicitées pour y adhérer.

Mieux aider les fumeurs à aller vers l’arrêt du tabac

L’accessibilité aux traitements est essentielle pour permettre aux fumeurs de se sevrer. Cela passe par une meilleure accessibilité financière à ces traitements et par la disponibilité de professionnels de santé pour accompagner les fumeurs. La loi de 2016 a permis à plus de 700 000 professionnels de santé de prescrire des traitements de substituts nicotiniques (TSN) : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-​dentistes, médecins du travail et sages-femmes. Depuis 2015, dans les quelques 370 centres de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), il est possible de bénéficier d’une amorce gratuite de TSN. En novembre 2016, le forfait annuel de prise en charge des TSN a été porté à 150 euros pour tous les usagers.

Par ailleurs, les professionnels qui prennent en charge la santé de la femme, de la mère et de l’enfant (Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant) ont élaboré fin 2016 une feuille de route déclinant onze actions visant à réduire le tabagisme des femmes enceintes et allaitantes et le tabagisme passif des enfants. La Société française d’anesthésie réanimation a mis à jour ses recommandations sur la prise en charge du tabagisme en période péri-​opératoire, et l’Institut national du cancer a développé des outils pour que les personnes fumeuses atteintes de cancer puissent être systématiquement accompagnées.

En 2016, Santé publique France, en partenariat avec l’Assurance maladie, déployait la première campagne « Mois sans tabac ». Cette campagne nationale, relayée par de nombreuses actions locales, cherche durant chaque mois de novembre à inciter les fumeurs à arrêter de fumer pendant au moins 30 jours. L’un des leviers de cette action est la participation de l’entourage familial, amical et professionnel du fumeur, à qui il est demandé de l’appuyer dans sa démarche. Deux articles spécifiques de R. Guignard et coll. dans ce BEH détaillent les premiers résultats prometteurs de cette action ambitieuse, destinée à devenir un rendez-vous annuel.

Agir sur l’économie du tabac

La transparence de l’industrie du tabac s’est améliorée avec la loi de janvier 2016. Dorénavant, les industriels du secteur doivent déclarer annuellement au ministère en charge de la Santé leurs financements d’activités d’influence et de représentation d’intérêts. En 2017, 25 entreprises ont déclaré des dépenses qui sont consultables, pendant cinq ans, sur le site Internet du ministère (1).

Les débitants de tabac bénéficient depuis 2017 d’un nouveau protocole d’accord sur la modernisation du réseau des buralistes, qui aide plus particulièrement ceux installés en zone rurale, frontalière ou en difficulté.

Le 1er janvier 2017 a été créé un fonds de lutte contre le tabac (2) qui sera abondé, dès 2018, par le prélèvement d’une contribution sociale sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac. Il permettra de financer des actions de lutte contre le tabac.

Le PNRT en région

Les Agences régionales de santé sont fortement impliquées dans la lutte contre le tabac. La plupart d’entre elles disposent dorénavant d’un programme régional de réduction du tabagisme (P2RT), qui permet de décliner de manière fine et adaptée les principes d’actions du PNRT en s’appuyant sur les acteurs régionaux institutionnels, la société civile et les professionnels de santé.

L’action européenne et internationale

Dans le cadre de la Convention cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la France est engagée dans la lutte contre le commerce illicite (ratification du protocole OMS (3)) et des actions d’appui aux pays francophones sont envisagées. Un dispositif européen de traçabilité des produits du tabac sera mis en place dès 2019.

Perspectives

Si, au travers des résultats récents d’Escapad et du Baromètre santé, de premières inflexions positives commencent à être observées, seule la poursuite de l’effort engagé permettra de changer la situation en profondeur dans notre pays. Plus que jamais, la lutte contre le tabac reste une priorité majeure de santé publique en France. Inscrite dans la stratégie nationale de santé, la lutte contre le tabac se traduira par la publication en 2018 d’un PNRT-2, qui proposera de nouvelles perspectives d’actions pour les années à venir.

Références

1 Guignard R, Beck F, Wilquin JL, Andler R, Nguyen-Thanh V, Richard JB, et al. La consommation de tabac en France et son évolution : résultats du Baromètre santé 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(17-18):281-8.http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12567
2 Spilka S, Le Nézet O, Janssen E, Brissot A, Philippon A, Shah J, et al. Les drogues à 17 ans : analyse de l’enquête Escapad 2017. Tendances (OFDT). 2018;(123):1-8. https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/lettre-tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2017-tendances-123-fevrier-2018
3 Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019.Paris: Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes; 2015. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNRT2014-2019.pdf
4 Ma terrasse sans tabac (version 1.0.1). Soplo Digital, 2017. http://www.materrassesanstabac.com
5 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Circulaire n°DRH/SD3/2015/376 du 4 décembre 2015 relative à la mise en œuvre au sein des administrations du programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 et à leur exemplarité. http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/01/cir_40393.pdf

Citer cet article

Chazalon S, Cardenas M, Drouin C, Bello PY. Focus. Le Programme national de réduction du tabagisme : retour sur trois années d’une stratégie d’ensemble pour réduire l’impact du tabac en France. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(14-15):296-8. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/14-15/2018_14-15_5.html