Baisse du tabagisme en France : un million de fumeurs quotidiens de moins entre 2016 et 2017. Un succès pour la santé publique
// Decrease of smoking in France : one million less of daily smokers between 2016 and 2017. A success for public health
Certains résultats d’études sont très attendus. C’est bien sûr le cas des données annuelles de prévalence du tabagisme. Elles permettent, en effet, d’apprécier l’impact du Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 (PNRT) et, plus spécifiquement, l’impact possible de trois mesures phares mises en place en 2016 : l’instauration du paquet neutre (1), l’augmentation du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques à hauteur de 150€ (auparavant de 50€) et la mise en place du grand évènement national médiatique de prévention intégrée d’aide au sevrage tabagique du mois de novembre : « Mois sans tabac ».
Ces trois mesures sont la marque d’un renouveau de l’approche de santé publique, impulsé aussi bien par la Cour des comptes que par Santé publique France. Un rapport de la Cour des comptes de 2012 (2) préconisait « la cohérence et la complémentarité d’actions » inscrites dans une stratégie pluriannuelle. C’est, en effet, un grand sujet d’interrogation de la part nos voisins européens que de constater la persistance en France d’un taux de prévalence du tabagisme quotidien très élevé (29,4% en 2016), alors que notre pays a adopté toutes les mesures recommandées par la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (3). Dans cette optique d’intégration de la cohérence et de complémentarité des actions, la France a instauré son PNRT 2014-2019 (S. Chazalon et coll.). Santé publique France, l’agence nationale de santé publique a, quant à elle, radicalement fait évoluer sa stratégie. Elle a transformé ses campagnes de communication en stratégie de marketing social, ouvrant la voie au dispositif Mois sans Tabac qui promeut l’ensemble des outils de sevrage tabagique, s’appuie sur tous les moyens de communication (TV, radio, digital) ainsi que sur le dispositif Tabac info service (un site, une appli, un service téléphonique) et se déploie sur tout le territoire afin que des milliers d’actions se développent simultanément au sein des entreprises, des écoles, en famille… Santé publique France s’est, par ailleurs, engagée à publier tous les ans des données de prévalence du tabagisme.
Des signes précurseurs d’une baisse du tabagisme en France (cf. encadré 1)
Quelques signaux, issus de données de surveillance dans la période récente, laissaient présager une diminution du tabagisme en France : une baisse de 23% chez les jeunes de 17 ans entre 2014 et 2017, une augmentation très forte des ventes de substituts nicotiniques entre 2016 et 2017, un nombre très important de tentatives de sevrage tabagique : 2 millions au 4e trimestre 2016.
Des signaux laissant présager une diminution du tabagisme en France
Quelques signaux, issus de données de surveillance, laissent présager une diminution du tabagisme en France.
En premier lieu les résultats de l’étude Escapad, menée lors de la Journée de défense et de citoyenneté, qui montrent une diminution très importante (-23%) du tabagisme quotidien des adolescents de 17 ans entre 2014 et 2017 (O. Le Nézet et coll.).
En second lieu, il convient également de souligner une augmentation très nette, entre 2016 et 2017, des ventes de traitements d’aide au sevrage tabagique (+28,5% (1)) et une baisse des ventes de tabac en France métropolitaine de 1,4% par rapport à 2016 (2), probablement liées en partie à la très forte notoriété de l’opération Mois sans tabac. En 2016, 180 000 personnes se sont inscrites à Mois sans tabac et 78 000 sur l’application coaching de Tabac info service. L’évaluation de cette campagne média montre que 74% de la population a déclaré avoir entendu parler de Mois sans tabac ou avoir vu son logo en 2016. Le niveau de mémorisation spontanée ou le score spécifique de mémorisation sont parmi les plus élevés des campagnes menées par l’Inpes puis Santé publique France. Enfin et surtout, cette campagne a été jugée incitative pour réfléchir sur son tabagisme par plus de la moitié des fumeurs et incitative pour arrêter de fumer par 36% d’entre eux (R. Guignard et coll.).
Enfin, les données du Baromètre santé 2017 permettent d’estimer à 2 millions le nombre de personnes ayant fait une tentative d’arrêt du tabac d’au moins 24 heures au dernier trimestre 2016 (16% des fumeurs), dont 380 000 en lien avec l’opération Mois sans tabac. Parmi eux, 31% ont été abstinents pendant un mois et 18% l’étaient encore au moment de l’entretien pour le Baromètre santé (janvier-juillet 2017). Il faut noter avec intérêt que la moitié des personnes qui font une tentative d’arrêt ont recours à une aide extérieure. Les aides les plus souvent utilisées sont la cigarette électronique (26,9%), les substituts nicotiniques (18,3%), les professionnels de santé (10,4%) et le site Tabac info service (9,1%) (R. Guignard et coll.).
(1) L’augmentation de vente de timbres transdermiques a été de 44,7% et celle de vente de substituts nicotiniques oraux de 17,6%.
(2) Lermenier-Jeannet A. Tabagisme et arrêt du tabac en 2017. Saint-Denis: OFDT; 2018. 11 p. https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/tt_17bil.pdf
Un million de fumeurs quotidiens en moins entre 2016 et 2017 (cf. encadré 2)
Selon les données du Baromètre santé 2017 de Santé publique France, enquête représentative de la population française, la baisse du tabagisme en France entre 2016 et 2017 est de 2,5 points, ce qui est considérable. Cela représente un million de fumeurs quotidiens de moins en un an. Ainsi, la prévalence du tabagisme quotidien passe de 29,4% en 2016 à 26,9% en 2017. Cette baisse touche particulièrement les jeunes hommes de 18 à 24 ans et les femmes de 55 à 64 ans. Elle est la plus marquée en Île-de-France et en Normandie en comparaison des données de 2014. Enfin, elle concerne particulièrement les personnes ayant les niveaux de diplômes et de revenus les moins élevés ainsi que les demandeurs d’emplois, ce qui permet de stopper, pour la première fois, l’accroissement observé depuis le début des années 2000 des inégalités sociales en matière de tabagisme. C’était un des objectifs du PNRT.
La baisse concerne aussi l’entrée dans le tabagisme (cf. encadré 2)
La baisse d’entrée dans le tabagisme est aussi un point de satisfaction car tout gain dans ce domaine influe fortement sur la prévalence future du tabagisme. La part des personnes n’ayant jamais fumé est passée de 34,3% à 37,1% entre 2016 et 2017.
Les principales données de prévalence du tabagisme en France
La mesure de la prévalence annuelle du tabagisme en France est appréciée par une enquête aléatoire représentative de la population des personnes âgées de 18 à 75 ans résidant en France métropolitaine, le Baromètre santé 2017 (A. Pasquereau et coll.). Elle a reposé en 2017 sur un échantillon de 25 319 personnes, permettant de disposer de données intégrant des variables d’âge, géographiques (régions) et de situation sociale. En 2017, la prévalence du tabagisme quotidien était de 26,9%, soit une baisse de 2,5 points par rapport à 2016, année où 29,4% des personnes déclaraient fumer quotidiennement. Cette baisse représente un million de fumeurs quotidien de moins en un an : c’est considérable !
La baisse du tabagisme concerne essentiellement les jeunes hommes de 18 à 24 ans
Cette baisse très forte (9 points) a concerné environ 240 000 personnes. La prévalence du tabagisme quotidien chez les hommes de 18-24 ans était de 35,3% en 2017 vs 44,2% en 2016. Elle reste cependant très et trop élevée dans cette tranche d’âge. Il n’y a pas eu par contre de baisse significative chez les femmes du même âge (1) : 28,8% des femmes de 18 à 24 ans fumaient toujours quotidiennement. En revanche, on observe, après quelques années de hausse, une baisse significative du tabagisme chez les femmes de 55 à 64 ans (17,6% en 2017 vs 21,1% en 2016).
La baisse s’observe surtout chez les personnes ayant les niveaux de diplômes et de revenus les moins élevés et parmi les demandeurs d’emplois
C’est la première fois que l’on constate une telle diminution, observée de manière significative chez les personnes ayant un diplôme inférieur au Bac, chez celles qui disposent des revenus les moins élevés et chez les demandeurs d’emploi. Ceci est d’autant plus intéressant qu’il s’agit des populations qui fument le plus. Pour donner un exemple, les ouvriers (36,4%) fument beaucoup plus que les cadres (15,9%). L’odds ratio est de 1,7.
La baisse est très différenciée en fonction des régions
Au-delà des inégalités sociales, il existe de fortes inégalités régionales, l’Île-de-France (21,3%) et les Pays de la Loire (23,0%) étant les régions où la prévalence du tabagisme quotidien était la plus faible. À l’inverse, dans quatre régions les prévalences étaient plus élevées que dans le reste de la métropole : Paca (32,1%), Hauts-de-France (30,5%), Occitanie (30,3%) et Grand Est (30,1%).
Il faut également constater que la baisse ne s’observe pas dans toutes les régions. Seules deux d’entre elles ont connu des baisses significatives de consommation quotidienne de tabac depuis 2014 : Île-de-France et Normandie.
La baisse concerne aussi l’entrée dans le tabagisme
Il faut noter deux points importants qui montrent des évolutions notables : d’une part, l’accroissement de la part des personnes n’ayant jamais fumé, passée de 34,3% à 37,1% entre 2016 et 2017 (Baromètre santé) et, d’autre part, le recul de l’âge de l’expérimentation, passé de 14 ans à 14,4 ans entre 2014 et 2017 (Escapad). Enfin, la part des jeunes de 17 ans qui ont expérimenté la cigarette a baissé, passant de 68,4% en 2014 à 59,0% en 2017.
(1) Toutefois, le tabagisme est globalement en baisse chez les femmes de cette tranche d’âge depuis 2010.
Les études et évaluations permettent d’adapter les politiques publiques
Ce numéro spécial du BEH livre également des informations précieuses pour les politiques publiques. Outre l’évaluation de Mois sans tabac, deux points issus des travaux présentés me semblent devoir être mis en exergue : les modalités d’approvisionnement des mineurs en cigarettes et le prix du tabac à rouler. La très grande majorité (94,5%) des mineurs qui fument (25% à 17 ans) achète très régulièrement ses cigarettes dans un bureau de tabac. La plupart ne se sont jamais vus demander leur carte d’identité… (O. Le Nézet et coll.). L’interdiction de vente aux mineurs est donc peu respectée. Par ailleurs, la principale raison du report de la consommation de tabac manufacturé vers le tabac à rouler à rouler est son prix plus faible (K. Gallopel-Morvan et coll.). C’est pour cela que ce mode de consommation du tabac ne cesse d’augmenter depuis les années 2010, jusqu’à concerner près de 20% des fumeurs. L’augmentation attendue du prix du tabac à rouler est donc la bienvenue.
En conclusion
A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le tabagisme, l’annonce d’une baisse de la prévalence du tabagisme de belle ampleur est une excellente nouvelle. Elle souligne l’efficacité de la politique publique et l’importance de développer des actions cohérentes et intégrées. L’accentuation de cette politique, avec d’une part la prise en charge par l’Assurance maladie des substituts nicotiniques au même titre que les autres médicaments et, d’autre part, la mise en place pour les trois ans à venir d’une augmentation du prix du tabac pour atteindre 10€ le paquet, devrait contribuer à réduire encore plus le tabagisme en France. Chacun sait que l’augmentation du prix est la mesure la plus efficace pour limiter l’entrée dans le tabagisme et pour inciter les fumeurs à arrêter de fumer.