Mobilisations de la Réserve sanitaire à Mayotte : quels enseignements pour le dispositif / pour les territoires fragiles ?

// Mobilization of the French Health Reserve in Mayotte: what are the lessons learned for the system / fragile territories?

Clara de Bort (clara.debort@santepubliquefrance.fr), Nicole Pelletier, Arnaud Serret-Larmande
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 08.08.2017 // Date of submission: 08.08.2017
Mots-clés : Offre de soins | Urgence sanitaire | Mayotte | Océan Indien
Keywords: Health care | Health emergency | Mayotte | Indian Ocean

La Réserve sanitaire, créée par la loi du 5 mars 2007, est un vivier de professionnels médicaux et paramédicaux amenés à compléter les moyens humains des services de l’État et des établissements de santé lors de « situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaires graves sur le territoire national » (article L3132-1 du Code de la santé publique (1)). Son principe fondateur était de doter le système de santé français d’un dispositif capable de renforcer une offre de soins locale lorsque celle-ci se trouve dépassée par un événement extérieur (catastrophe naturelle, épidémie infectieuse, attentat…), à la demande du ministère chargé de la Santé ou, depuis la loi Santé de 2016, par une agence régionale de santé.

Or, à Mayotte au cours des trois dernières années (2014-2017), la Réserve sanitaire a été mobilisée par le ministère chargé de la Santé à trois reprises pour des missions de grande ampleur, sans qu’aucun événement sanitaire exceptionnel n’ait pourtant été constaté. Ces mobilisations représentaient une réponse à un déficit temporaire en personnel médicaux et paramédicaux susceptible de mettre en danger la continuité et la qualité des soins.

Au total, ces trois missions ont concerné 180 réservistes, avec 4 042 jours de mission cumulés. À titre d’illustration, la mission menée en 2016 a représenté à elle seule 42% des jours de mission par réserviste effectués dans l’année. Le tableau ci-après détaille les durées de mobilisation et les catégories socioprofessionnelles mobilisées.

Tableau : Caractéristiques des effectifs mobilisés pour les missions de soutien à l’offre de soins, Mayotte, 2014-2017
Agrandir l'image

Les réservistes ont renforcé le service des urgences et les services d’obstétrique du CH de Mamoudzou, essentiellement pour la prise en charge des femmes enceintes, mais aussi les dispensaires qui en dépendent pour des missions de rattrapage vaccinal notamment.

Ces missions répondaient à des besoins urgents liés :

à une situation sociale et sécuritaire sensible, limitant l’arrivée de professionnels de santé, et ce dans un contexte de turn-over élevé ;

à une croissance importante du nombre de naissances, entraînant une hausse de l’activité obstétricale et pédiatrique du CH de Mamoudzou (9 514 naissances en 2016 contre 6 814 en 2014) (2).

au caractère insulaire de Mayotte, qui ne permet aucun dégagement de patients vers des établissements périphériques ni l’appui de professionnels de tels établissements ;

à l’absence de ressources humaines disponibles localement susceptibles d’être recrutées par l’établissement de santé : absence de filière de formation locale, absence de professionnels de santé sans activité ni en intérim sur place, absence de professionnels de santé en situation de retraite (dépendance à l’égard des ressources humaines sanitaires de métropole) ;

à des besoins de soins massifs au regard du contexte épidémiologique et social (précarité, afflux de migrants comoriens, parmi lesquels un grand nombre de femmes enceintes), besoins de soins pris en charge par un établissement de santé concentré sur des activités non programmées et non reportables (accouchements, urgences vitales…).

Ces missions de renfort urgentes sont ainsi venues répondre en partie à des problématiques sanitaires et sociales propres au département de Mayotte et à une situation structurellement très fragile, sans être déclenchées en réaction à un événement extérieur. Si une partie de ces problématiques peut être rencontrée épisodiquement dans les autres départements ultra-marins français, l’ampleur des difficultés et leur retentissement sur l’offre de soins est spécifique à l’île de Mayotte.

À l’aune de ces constats et alors que la Réserve sanitaire entame sa deuxième décennie d’existence, un nouvel équilibre est à trouver entre les missions de réponse à des situations sanitaires exceptionnelles, qui ont été la raison fondatrice de ce dispositif, et les missions d’appui à la régulation de l’offre de soins en territoires « fragiles », ces dernières représentant une part croissante de son activité.

Se pose alors la question de l’évolution du cadre juridique et du cadre d’emploi de la Réserve sanitaire afin d’adapter au mieux la Réserve et les réservistes aux nouveaux défis auxquels ils sont confrontés.

Citer cet article

De Bort C, Pelletier N, Serret-Larmande A. Focus. Mobilisations de la Réserve sanitaire à Mayotte : quels enseignements pour le dispositif / pour les territoires fragiles ? Bull Epidémiol Hebd. 2017;(24-25):548-9.
http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/24-25/2017_24-25_7.html