La surveillance épidémiologique des chutes chez les personnes âgées
// Epidemiological surveillance of falls in the elderly
Résumé
Introduction –
Les chutes des personnes âgées (65 ans et plus) sont à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité considérables dans tous les pays et constituent un problème majeur de santé publique.
Méthodes –
La surveillance épidémiologique des chutes s’appuie sur plusieurs sources de données, chacune ayant ses propres objectifs : les enquêtes du Baromètre santé, l’Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (EPAC), le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et une base constituée à partir des certificats de décès.
Résultats –
Selon le Baromètre santé, en 2010, près d’une personne sur 12 âgée de 55 à 85 ans (7,8%) déclarait avoir subi au cours des 12 derniers mois au moins un accident suivi d’une consultation médicale ou hospitalière. Les personnes ayant subi un accident déclaraient principalement des chutes (56,5%). Selon les données EPAC, en 2010, 85% des recours aux urgences pour accident de la vie courante chez les 65 ans et plus étaient dus à une chute. Cette proportion augmentait avec l’âge : 71% de 65 à 69 ans, 78% de 70 à 74 ans, 85% de 80 à 84 ans, 93% de 85 à 89 ans, 95% à 90 ans et plus. Selon le PMSI, en 2014, 76 100 hospitalisations ont été motivées par une fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez les personnes âgées de 65 ans ou plus, trois fois plus chez les femmes que chez les hommes. Ces fractures sont survenues 9 fois sur 10 à la suite d’une chute. Enfin, selon les données issues des certificats de décès, en 2013, en France métropolitaine, 9 334 personnes de plus de 65 ans sont décédées suite à une chute accidentelle (11,2/100 000), parmi lesquelles 3 737 hommes (13,1/100 000) et 5 597 femmes (10,1/100 000). Les taux de mortalité par chute augmentent avec l’âge.
Discussion –
Les enquêtes actuellement disponibles fournissent des résultats permettant d’assurer globalement la surveillance épidémiologique des chutes, mais ne permettent pas de construire des actions ciblées de prévention. À l’avenir, les données OSCOUR-SurSaUD® seront susceptibles de répondre en partie à la demande de mesure de l’évolution des taux de recours aux urgences pour chute. L’enquête ChuPADom sur les chutes des personnes âgées à domicile établira des profils de chuteurs de 65 ans et plus selon leurs caractéristiques sociodémographiques et économiques, la présence de maladies chroniques et/ou de polypathologies, leur santé mentale, une (poly)médication, l’autonomie avant la chute, l’aide à domicile, les facteurs de risque extrinsèques (habitat, produits impliqués dans la chute, activité au moment de la chute, etc.), les séquelles physiques et psychologiques, ainsi que leur qualité de vie un an après la chute.
Abstract
Introduction –
Falls in the elderly (65 years and over) are responsible for high morbidity and mortality in all countries, and represent a major public health issue.
Methods –
Epidemiological surveillance of falls is based on several data sources, each one having its own objectives: Health Barometer Surveys, the Permanent Home and Leisure Injury Survey (EPAC), the PMSI (French medicalized information system program), the data based on death certificates.
Results –
According to the Health Barometer Survey, in 2010, nearly one in 12 people aged 55 to 85 years old (7.8%) reported having been victim of at least one injury during the last twelve months, followed by a medical or hospital consultation. The victims reported mostly falls (56.5%). According to the EPAC Survey, in 2010, 85% of all emergency visits for home and leisure injuries (HLI) were due to a fall in victims aged 65 years old and over. This proportion increases with age: 71% from 65 to 69 years of age, 78% from 70 to 74 years, 85% from 80 to 84 years, 93% from 85 to 89 years, up to 95% at 90 years and over. According to the PMSI, in 2014, 76,100 hospitalizations were caused by a fracture of the upper femur in patients aged 65 years old or over, three times more in women than in men. Nine times out of ten, these fractures happened as a result of a fall. Finally, according to the death certificates in 2013 in Metropolitan France, 9,334 people over 65 years old died as a result of an accidental fall (11.2 / 100,000), including 3,737 men (13.1 / 100,000) and 5,597 women (10.1 / 100,000). Mortality rates due to falls increase with age.
Discussion –
Currently available surveys provide the overall epidemiological monitoring of falls, although they do not contribute to the design of targeted prevention actions. In the future, data from the OSCOUR-SURSAUD® Network may partially meet the demand for measurement of trends in the use of emergency services due to falls. The ChuPADom Survey on falls of the elderly at home will establish the profiles of fallers aged 65 years and older based on their socio-demographic and economic characteristics, the presence of chronic diseases and / or multiples diseases, their mental health, their (multiple) medication, pre-fall autonomy, home care, extrinsic risk factors (habitat, products involved in the fall, activity at the time of the fall, etc.), physical and psychological sequelae, and the quality of life one year after the fall.
Introduction
Une expertise collective publiée par l’Inserm en 2014 1 faisait état des multiples définitions de la chute 2. Depuis 2006, la définition qui fait consensus est la suivante : « Perte brutale et totalement accidentelle de l’équilibre postural lors de la marche ou de la réalisation de toute autre activité et faisant tomber la personne sur le sol ou toute autre surface plus basse que celle où elle se trouvait » 3. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose de son côté : « Une chute désigne tout évènement au cours duquel une personne est brusquement contrainte de prendre volontairement appui sur le sol, un plancher ou toute autre surface située à un niveau inférieur » 4. Dans tous les cas, une chute est initiée par une rupture d’équilibre, dont les causes sont souvent multifactorielles et intriquées. La question essentielle est de savoir quelles circonstances ont entraîné ou accompagné cette chute et quels sont les facteurs de risque de chute et/ou de chute grave.
Une abondante littérature rend compte de l’incidence et de la prévalence des chutes en fonction de leurs origines, de leurs conséquences à court et à long terme (traumatisme sévère, maintien au sol prolongé, conséquences fonctionnelles, conséquences psychologiques avec peur de retomber, etc.), de leurs prises en charge, des récidives, etc. Les résultats peuvent être hétérogènes, en partie du fait des différences entre les définitions utilisées. Chez les « personnes âgées » (65 ans et plus), l’incidence et la prévalence des chutes sont toujours élevées ; leurs conséquences sur la santé et le devenir des personnes sont importantes en termes de morbidité et de mortalité. L’OMS, tout en rappelant que la létalité liée aux chutes est faible, estime que 424 000 décès par chutes accidentelles ont lieu chaque année dans le monde, sur un total de 37 millions de chutes nécessitant des soins médicaux, tous âges confondus 5. Les chutes constituent ainsi la deuxième cause de décès par traumatisme involontaire, après les décès dus aux accidents de la circulation routière. Tous les pays sont concernés, mais surtout les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Dans la majorité des cas, les décès concernent des personnes âgées. Environ 28 à 35% des personnes âgées de 65 ans et plus chutent chaque année, et cette proportion s’élève à 32-42% chez les 70 ans et plus. Le risque de chute augmente avec l’âge et avec la fragilité. Chez les 60 ans et plus, les taux de recours aux urgences pour chute varient, selon les pays, de 5 à 9 pour 10 000 personnes, et les taux d’hospitalisation de 1,6 à 3 pour 10 000. Chez les 65 ans et plus, plus de la moitié des hospitalisations pour traumatisme est due à une chute. Les lésions qui en résultent sont principalement des fractures de l’extrémité supérieure du fémur (FESF), des traumatismes crâniens et des lésions du membre supérieur. Selon certaines études, 20% des personnes hospitalisées pour FESF à la suite d’une chute décèdent l’année suivante. La chute est l’une des premières causes de décès chez les personnes âgées ; les taux sont de 10 à 50 décès pour 100 000, plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Les chutes non mortelles entraînent au niveau mondial la perte de millions d’années de vie ajustées sur l’incapacité (DALY, disability-adjusted life year), l’apparition d’une incapacité chez les personnes âgées induisant des besoins coûteux de soins et de prises en charge en institution.
De nombreux facteurs de risque de chute chez les personnes âgées ont été mis en évidence, tels que des facteurs socioéconomiques (pauvreté, conditions de vie, etc.), environnementaux (organisation de l’espace, etc.), biologiques (morbidité, détérioration cognitive, etc.), comportementaux (manque d’exercice, etc.). Les causes des chutes, multiples, sont souvent intriquées. Le vieillissement physiologique lié à l’âge, la diminution des capacités musculaires, l’existence de (poly)pathologies, les effets iatrogéniques des médicaments sont à l’origine de chutes. Les conséquences des chutes peuvent être multiples et aggraver l’état de santé initial de la personne, tant sur le plan physique que psychologique. Il est ainsi bien établi que la chute constitue chez les personnes âgées un problème majeur de santé publique, justifiant tous les efforts de surveillance épidémiologique et de prévention.
L’objectif de cet article est de rendre compte de la surveillance épidémiologique des chutes chez les personnes âgées en France. Les principaux résultats sur les chutes (causes, morbidité, mortalité) issus des bases de données disponibles sont présentés, ainsi que les perspectives des travaux en cours de développement.
Méthodes
La surveillance épidémiologique des chutes s’appuie sur plusieurs sources de données, chacune ayant ses propres objectifs : enquêtes du Baromètre santé, Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (EPAC), Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et base nationale des causes de décès du Centre d’épidémiologie des causes de décès (CépiDc-Inserm).
Le Baromètre santé est une enquête périodique réalisée par Santé publique France, avec l’objectif de renseigner sur les attitudes et les comportements de santé des populations. Il s’agit d’une enquête transversale déclarative multithématique, répétée en principe à un rythme quinquennal. L’échantillon des enquêtés est constitué par tirage au sort (d’un foyer, puis d’un individu dans le foyer) représentatif de la population. Les données sont pondérées pour tenir compte de la probabilité d’inclusion des enquêtés, corrigées du biais de non réponse puis redressées sur différentes variables dont le sexe et l’âge 6,7. En 2005 et en 2010, des questions portant sur la survenue d’une chute chez les 55-85 ans ont été posées dans le module sur les accidents. Des résultats sur les accidents, et notamment sur les chutes des personnes âgées de 55 à 85 ans, sont disponibles 8.
L’enquête EPAC repose sur l’enregistrement exhaustif et permanent des recours aux urgences pour accident de la vie courante (AcVC) dans les services d’urgence de dix hôpitaux en France métropolitaine et d’un hôpital à La Réunion. Les données recueillies concernent la personne accidentée (données sociodémographiques, code postal de résidence), l’accident (mécanisme, lieu, activité, produits ou éléments impliqués, lésion, partie du corps lésée), la prise en charge (date de recours aux urgences, traitement, hospitalisation). Un guide de référence définit les règles d’inclusion et de codage des AcVC 9. EPAC permet ainsi de décrire les chutes parmi les AcVC, avec les circonstances de leur survenue, les produits en cause, etc. La base de données, qui comporte chaque année environ 120 000 AcVC, est exploitée par type d’accident, par produit, par population, etc. et notamment pour les chutes, qui représentent la grande majorité des AcVC chez les plus de 65 ans 10.
Le PMSI est constitué par les résumés de sortie de toutes les hospitalisations effectuées en France. L’exploitation de la base des résumés de sortie anonymes (RSA) en médecine-chirurgie-obstétrique de court séjour (PMSI-MCO) permet de rendre compte des hospitalisations pour certains traumatismes : brûlures, lésions cérébrales traumatiques 11, FESF 12,13. Le PMSI est une source fiable pour étudier les patients victimes de FESF car leur prise en charge est nécessairement hospitalière, et les cas de FESF non hospitalisés sont rares (décès avant passage à l’hôpital). Les hospitalisations d’un même patient peuvent être chaînées entre elles. Chez les personnes de 65 ans et plus, les FESF sont la conséquence d’une chute dans 87% à 98% des cas 14,15. Ainsi, les résultats sur les FESF renseignent indirectement sur les chutes qui sont très majoritairement à l’origine de ces fractures. Les séjours hospitaliers pour FESF sont sélectionnés soit lorsque le diagnostic principal (DP) du RSA est codé en S72.0, S72.1 ou S72.2 de la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10), soit, si le DP comporte un autre code, lorsque le RSA contient un des actes chirurgicaux spécifiques du traitement de ces fractures (mise en place d’une prothèse céphalique ou ostéosynthèse de l’extrémité supérieure du fémur).
La base nationale des causes de décès, élaborée par le CépiDc à partir des certificats de décès, est exhaustive. Depuis 2000, les causes de décès sont codées selon la CIM-10. Dans cette base, l’analyse des décès par AcVC est réalisée en sélectionnant les décès pour lesquels le code de la cause initiale de décès (à l’origine de l’enchaînement des évènements ayant conduit au décès et sur laquelle il est possible d’agir) appartient à une « liste de référence des AcVC », constituée de codes du chapitre XX de la CIM-10 16. Toutefois, les décès par chute accidentelle sont sous-estimés par ce type d’analyse, du fait de la construction de la CIM-10. Ces décès sont donc analysés en « causes multiples », en ajoutant aux décès de cause initiale « chute » (codes W00-W19) les décès codés à la fois en cause initiale « exposition à des facteurs sans précision » (code X59) et en cause associée « fracture du fémur » (code S72) 17. Les résultats sont exprimés en nombre de décès par an, en taux spécifiques par âge (calculés pour 100 000 habitants de la population moyenne de l’année en cours) et en taux de mortalité standardisés sur l’âge (par standardisation sur la population française de 1999). Les tendances et les taux de variations annuels moyens, ajustés sur l’année et l’âge, sont estimés par un modèle de régression binomiale négative.
Résultats
Baromètre santé 2010
Selon le Baromètre santé 2010, près d’une personne sur 12 âgée de 55 à 85 ans (7,8%) déclarait avoir subi, au cours des 12 derniers mois, au moins un accident suivi d’une consultation médicale ou hospitalière, sans différence entre hommes et femmes 8. La prévalence des chutes selon le sexe et l’âge est représentée figure 1. La probabilité d’avoir été victime d’une chute au cours des 12 derniers mois augmentait lorsque la personne souffrait d’une maladie chronique ou traversait une situation de détresse psychologique. Les personnes ayant subi un accident déclaraient principalement des chutes (56,5%). Un quart (25,1%) des femmes et 17,4% des hommes déclaraient être tombés au cours des 12 derniers mois. Parmi les personnes qui avaient chuté, 1 sur 2 (51,3%) avait chuté plus d’une fois au cours de l’année. Un cinquième (19,5%) des personnes déclaraient avoir limité leurs déplacements par peur de retomber. Le risque de chuter était plus important chez les personnes plus diplômées. Chez les hommes, il augmentait avec la consommation d’alcool et, chez les femmes, avec la présence d’une maladie chronique et d’un surpoids. Le fait d’avoir chuté au cours des 12 derniers mois était significativement associé à de moins bons scores de qualité de vie. Il était aussi lié à la présence d’au moins une incapacité dans les actes de la vie quotidienne et à l’aide reçue de la part d’un membre de la famille, d’amis ou de voisins.
EPAC 2010
En 2010, selon les données EPAC, 85% des recours aux urgences pour AcVC chez les 65 ans et plus avaient pour origine une chute. Cette proportion augmentait avec l’âge : 71% de 65 à 69 ans, 78% de 70 à 74 ans, 85% de 80 à 84 ans, 93% de 85 à 89 ans, 95% à 90 ans et plus 10. Parmi la multitude de produits impliqués dans la chute, on retrouve les escaliers, puis l’ensemble « neige/verglas/glace », les lits, les chaises et les bancs, les échelles, etc. Dans 70% des cas, la chute a eu lieu à domicile. Les principales lésions étaient des fractures (37%), des plaies et des contusions (entre 20 et 25%), puis d’autres types de lésions (entorses, commotions, etc.). Les parties lésées étaient surtout les membres inférieurs, dans des proportions croissant avec l’âge (de 30 à 38%), à l’inverse des membres supérieurs, touchés dans plus du tiers des accidents à 65 ans et seulement 1 fois sur 5 au-delà de 90 ans. La tête était aussi plus souvent atteinte avec l’âge (de 20 à 28%). La proportion de personnes hospitalisées après leur passage aux urgences augmentait avec l’âge, d’un quart à 65 ans à près de la moitié à 90 ans (figure 2). La durée moyenne d’hospitalisation pour chute chez les 65 ans et plus était de 12,2 jours, plus élevée que pour l’ensemble des accidents tous âges confondus (7,4 jours) ; la durée médiane était de 9 jours versus 3 jours.
PMSI 2014
En 2014, selon le PMSI, 76 100 hospitalisations ont été motivées par une FESF chez les personnes âgées de 65 ans et plus : 17 800 chez les hommes, 58 300 chez les femmes 12,13,18. Les taux standardisés étaient de 36,8 pour 10 000 chez les hommes et de 64,6 pour 10 000 chez les femmes. Ces fractures sont survenues 9 fois sur 10 à la suite d’une chute. Entre 2000 et 2014, le nombre de séjours pour FESF a augmenté de 3 800 ; la population des 65 ans et plus ayant augmenté (+2,3 millions), on observe une baisse des taux standardisés de 2,6% par an en moyenne, soit de 25% en 15 ans (figure 3). Cette baisse a été plus rapide chez les femmes que chez les hommes. Une augmentation de l’activité physique des personnes âgées, une meilleure prise en charge de l’ostéoporose (dépistage et traitement) et les campagnes de prévention des chutes sont des facteurs possibles pour expliquer cette diminution. Les conséquences des FESF sont importantes en termes de mortalité : on estime que près d’un quart des personnes atteintes décèdent dans l’année qui suit la fracture, les autres connaissant très souvent une diminution de leurs capacités fonctionnelles.
Certificats de décès, 2013
Selon les données issues des certificats de décès, en 2013, en France métropolitaine, 9 334 personnes de plus de 65 ans sont décédées suite à une chute accidentelle (11,2/100 000), parmi lesquelles 3 737 hommes (13,1/100 000) et 5 597 femmes (10,1/100 000) (tableau) 18. Les femmes décédées d’une chute ont été plus nombreuses que les hommes, puisque plus nombreuses que les hommes dans la population à cet âge. Cependant, les différences de taux de mortalité standardisés montrent une surmortalité masculine (sex-ratio H/F de 1,3). Les taux de mortalité par chute augmentaient avec l’âge. Globalement, chez les personnes âgées de 65 ans et plus, les taux standardisés de mortalité ont diminué de 3,2% par an en moyenne entre 2000 et 2013. L’écart entre les hommes et les femmes s’accentue à partir de 2003. On note qu’à partir de 2011, les taux sont stables chez les hommes et augmentent à nouveau chez les femmes (figure 4).
Discussion
Les résultats présentés ici constituent un socle de connaissances générales sur les chutes, leurs causes, la morbidité et la mortalité qui leur sont liées, assurant une surveillance épidémiologique dans ce domaine. Chaque source présente des avantages et des limites qu’il est important de souligner.
En France, le nombre de chutes chez les personnes âgées est sous-estimé 1. De plus, les données disponibles ne sont pas toujours suffisantes pour permettre la mise en place d’actions de lutte contre les chutes chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Les situations accidentelles sont très variées dans le cas d’une chute 2 et souvent méconnues. Les données de mortalité ne précisent pas les circonstances de la chute (de plain-pied, dans un escalier, etc.). Les données d’hospitalisation du PMSI ont l’avantage de renseigner globalement sur les effectifs de FESF : on retrouve que les effectifs sont plus élevés chez les femmes, parce qu’elles sont plus nombreuses que les hommes au-delà de 65 ans, et plus fragiles sur le plan osseux du fait de l’ostéoporose liée à l’âge. Mais ces données ne renseignent pas sur les causes de la fracture (suite à une chute, spontanée). Les données EPAC permettent d’avoir des éléments sur le lieu de la chute et sur le produit impliqué, mais ne contiennent guère d’informations sur le profil et l’environnement physique du chuteur (conditions de vie, état de santé, logement, etc.). Les données du Baromètre santé 2010 fournissent des informations de ce type, mais avec des lacunes sur les facteurs de risque de chute ; de plus il s’agit de données déclaratives.
Les chutes peuvent provoquer des blessures graves : un traumatisme crânien, une FESF, etc. Des études internationales et une étude de la Haute Autorité de santé (HAS) ont montré la part importante des traumatismes crâniens chez les chuteurs de 65 ans et plus. Selon certains auteurs 19, 50% des décès par chute et 8% des hospitalisations pour chute sont dus à un traumatisme crânien. Parmi les décès et hospitalisations pour traumatisme crânien, la cause est une chute chez 65% des personnes âgées de 65 ans et plus, alors que cette proportion n’est que de 35% tous âges confondus 20. Entre 40 et 80% des personnes ayant chuté et ayant eu une fracture ou une blessure grave n’ont pas retrouvé leurs capacités fonctionnelles antérieures 12 mois après la chute 21, avec un risque de dépendance (les femmes récupérant moins bien que les hommes) qui justifie l’entrée en institution pour environ 8% des cas (études nord-américaines, européennes, africaines, asiatiques et du Sud du Pacifique). Ce pourcentage d’admission est plus fréquent en cas de fracture de la hanche. Toute perte d’autonomie se traduit, de fait, par une perte de libre-arbitre et de maîtrise de son existence pour la personne âgée.
Les circonstances des chutes ne sont connues avec un certain degré de précision qu’à travers EPAC. Cette enquête est implantée dans seulement 10 services d’urgence de la métropole, ce qui est trop peu pour établir des estimations représentatives de l’activité globale des 750 services d’urgence de France. Les estimations de taux d’incidence de recours aux urgences pour chute sont peu étayées, sans intervalles de confiance, et ne permettent pas de suivre dans le temps les évolutions d’incidence. L’objectif 99 de la loi de santé publique 2004 se proposait de mesurer les évolutions entre 2004 et 2008, en termes d’incidence, des chutes chez les personnes âgées, avec comme objectif de « réduire de 25% le nombre annuel de chutes des personnes de 65 ans et plus ». Les bases géographiques trop limitées de l’enquête EPAC n’ont pas permis de chiffrer cette évolution.
À l’avenir, l’exploitation des données du réseau OSCOUR–SurSaUD®, désormais collectées en routine et de façon quasiment exhaustive, sera susceptible de compléter EPAC et de répondre en partie à cette demande de mesure de l’évolution des taux de recours aux urgences pour chute 22. L’ajout d’informations sur les circonstances des chutes, sur des périodes limitées dans le temps, et/ou sur un échantillon de services d’urgence, permettrait de compléter les résultats sur l’évolution des recours aux urgences pour cette cause.
La base du CépiDc ne contient pas d’information sur les circonstances des chutes à l’origine du décès. Or, un décès par chute à ski, par exemple, est bien distinct tant par ses causes que par ses conséquences potentielles d’un décès par chute dans les escaliers. Le suivi global de l’évolution des décès par chute, aussi intéressant soit-il pour la surveillance épidémiologique, reste donc insuffisant pour conduire à des actions de prévention. Les données sur les circonstances ou les causes de la chute, les conditions socioéconomiques des personnes, leur état de santé, leur environnement et leur comportement, lorsqu’elles existent, sont rarement précises. Ces imprécisions empêchent la construction de typologies de personnes âgées pour des actions ciblées de prévention. La littérature internationale fournit quelques éléments, mais peu nombreux et de précision souvent insuffisante pour guider la prévention 23. Enfin, on ne dispose que de très peu d’informations sur le devenir des personnes ayant chuté, à l’exception de certains éléments sur le devenir des personnes ayant été hospitalisées pour FESF. Des études transversales et/ou de cohorte restent donc à mener.
L’enquête ChuPADom sur les chutes des personnes âgées à domicile, lancée en 2017, doit répondre, au moins en partie, à ces manques d’information afin de contribuer à la mise en place d’actions ciblées de prévention 24. Elle a pour objectif d’établir des profils de chuteurs de 65 ans et plus selon leurs caractéristiques sociodémographiques et économiques, la présence de maladies chroniques et/ou de polypathologies, leur santé mentale, une (poly)médication, l’autonomie avant la chute, l’aide à domicile, etc., et selon les facteurs de risque extrinsèques (habitat, produits impliqués dans la chute, activité au moment de la chute, etc.). Une étude un an après la chute portera sur les séquelles physiques (perte d’autonomie, séquelles fonctionnelles) et psychologiques (peur de rechuter) et sur la qualité de vie. Le nombre et le type de séquelles et de handicaps seront analysés en fonction des circonstances et de la gravité initiale de la chute et du profil du chuteur.
Les résultats originaux qui seront produits dans les années à venir par ce type de travaux (ChuPADom, OSCOUR – SurSaUD®, hospitalisations pour traumatismes crâniens) permettront de mieux connaître les chutes et de mettre en place des actions de prévention ciblées sur des groupes à risque de chutes.