Résidents admis en Ehpad au cours du premier trimestre 2013 : pathologies prises en charge, traitements et hospitalisations l’année suivante

// Characteristics, diseases, medication use and hospitalization one year after admission in skilled nursing homes during the first quarter of 2013 in France

Alice Atramont1, Isabelle Bourdel-Marchasson2, Dominique Bonnet-Zamponi3, Isabelle Tangre4, Anne Fagot-Campagna1, Philippe Tuppin1 (philippe.tuppin@cnamts.fr)
1 Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), Paris, France
2 Pôle de gérontologie clinique, Centre Henri Choussat, Hôpital Xavier Arnozan, Pessac, France
3 Centre de pharmaco-épidémiologie de l’AP-HP ; Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (OMEDIT) d’Île de France, Paris, France
4 Korian Bonisiaca, Bondy, France
Soumis le 21.12.2016 // Date of submission: 12.21.2016
Mots-clés : Ehpad | Dépendance | Morbidité | Mortalité | Personnes âgées
Keywords: Nursing home | Dependency | Morbidity | Mortality | Elderly people

Résumé

Objectifs –

Caractériser, au travers de la consommation de soins, l’état de santé en 2013 des personnes l’année qui suit une admission en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ainsi que leurs traitements médicamenteux et les diagnostics de leurs hospitalisations.

Méthodes –

Les personnes de 65 ans et plus admises en Ehpad au 1er trimestre 2013, assurées au régime général de l’Assurance maladie et toujours vivantes un an après leur admission, ont été sélectionnées dans la base Resid-ehpad. Leurs soins remboursés au cours des 12 mois précédant ou suivant leur admission ont été extraits du Sniiram et 56 groupes de pathologies ont été repérés par algorithmes pour les années civiles 2012 et 2013.

Résultats –

Parmi les 11 687 personnes étudiées (âge moyen 86 ans, 76% de femmes), les maladies neurodégénératives (53%) et cardio-neuro-vasculaires (51%) étaient les pathologies les plus fréquentes. Le recours aux psychotropes (≥3 délivrances/an) augmentait après l’admission : antidépresseurs de 34% à 46%, anxiolytiques de 32% à 42%, hypnotiques/sédatifs de 17% à 24%, antipsychotiques de 10% à 21%, antibactériens systémiques (≥1 délivrance/an) de 45% à 61%. Le pourcentage de personnes hospitalisées au moins une fois passait de 75% dans les 12 mois précédant l’admission à 40% dans les 12 mois la suivant. Lors des hospitalisations après admission en Ehpad, les diagnostics principaux les plus fréquents concernaient les maladies de l’appareil circulatoire et les lésions traumatiques (15% pour chaque groupe), les maladies de l’appareil respiratoire (11%), de l’appareil digestif (8%) et les fractures du col du fémur (7%).

Discussion – conclusion –

Les données médico-administratives issues du chaînage Resid-ehpad / Sniiram sont utiles pour suivre l’évolution de l’état de santé des personnes en Ehpad, estimé via la consommation de soins. On constate, relativement aux recommandations, une fréquence élevée et une augmentation des consommations de certaines classes de médicaments.

Abstract

Objectives –

To describe the health status in 2013 of people admitted in a skilled nursing home (SNH) one year after admission, based on healthcare use, drug use and hospitalization diagnosis.

Methods –

People over the age of 65 years admitted in SNH in France during the first quarter of 2013, covered by the general national health insurance scheme, and still alive one year after admission were identified in a specific database (Resid-ehpad). Data on reimbursed care over the 12 months before and after their admission were extracted from the National Health Insurance Information System (SNIIRAM) and 56 diseases were identified by means of algorithms for 2012 and 2013.

Results –

Among 11,687 residents (mean age: 86 years, women: 76%), the most prevalent diseases were neurodegenerative disorders (53%) and cardiovascular/neurovascular diseases (51%). The use of psychotropic medications (3 reimbursements/year) increased the year after admission: from 34% to 46% for antidepressants, from 32% to 42% for anxiolytics, from 17% to 24% for hypnotics/sedatives, from 10% to 21% for antipsychotics. This was also the case for the use of antibacterials (1 reimbursement/year) (45% vs 61%). The percentage of residents, hospitalized at least once decreased between the 12 months preceding admission, and the 12 months following admission (75% vs 40%). Hospitalizations after admission were mainly due to a diagnosis of diseases of the circulatory system and traumatic injuries (each accounting 15%), respiratory tract diseases (11%), digestive tract diseases (8%), and fractures of the femoral neck (7%).

Discussion  Conclusion – Medical and administrative data derived from linking the Resid-ehpad/Sniiram databases could be used to monitor the health status of people in SNH based on health care use. Regarding recommendations, these results suggest a high frequency and an increase of use of certain types of psychotropic drugs and antibacterials.

Introduction

En France, au 1er janvier 2013, les 11,5 millions de personnes de 65 ans ou plus représentaient 17,6% des 65,6 millions d’habitants, et celles de 75 ans et plus, 9% 1. Parallèlement, en France métropolitaine, 1,2 million de personnes de 60 ans ou plus percevaient l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) fin 2012. Ce chiffre pourrait atteindre 2,3 millions en 2060 2. Dans ce contexte, l’enquête transversale quadriennale sur les établissements d’hébergements pour personnes âgées (Ehpa), réalisée auprès du personnel et des résidents d’un échantillon d’établissements, permet à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) de fournir les principales données statistiques nationales sur les effectifs et caractéristiques des personnes âgées institutionnalisées 3,4,5,6. Près de 700 000 personnes âgées vivaient en institution fin 2011, année de la dernière enquête disponible, soit 10% des 75 ans ou plus et près de 23% des 85 ans ou plus 5. Parmi celles-ci, 573 600 (83%) résidaient spécifiquement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). L’enquête 2011 retrouvait 89% de personnes dépendantes (groupes iso-ressources –GIR– 1 à 4) en Ehpad parmi les personnes âgées de 80 ans et plus 4.

Depuis 2012, les Ehpad transmettent les listes (devenues exhaustives en 2013) de leurs résidents à l’Assurance maladie, dans une base appelée Resid-ehpad. Ces informations, recueillies sur 33 mois glissants, peuvent être chaînées à celles de leur consommation de soins remboursés présentes dans le Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (Sniiram). Ce chaînage ouvre la possibilité d’études de cohortes dans les Ehpad.

L’objectif principal de cette étude était, à partir du Sniiram, de décrire les pathologies en 2012 et 2013 des personnes admises en Ehpad au cours du 1er trimestre 2013, leurs traitements médicamenteux pris en charge par l’Assurance maladie et leurs hospitalisations en court séjour dans les 12 mois précédant ou suivant leur admission en Ehpad.

Matériel et méthodes

Système d’information

Les Ehpad ont été créés en 1999 par la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées. L’outil Resid-ehpad permet aux Ehpad de transmettre à l’Assurance maladie les listes de leurs résidents et leurs mouvements. Des informations sont également collectées sur les établissements : option tarifaire (partielle ou globale, conditionnant les postes de soins couverts par le forfait versé par l’Assurance maladie à l’établissement), présence ou non d’une pharmacie à usage intérieur (PUI, conditionnant le fait que les médicaments entrent dans le forfait versé par l’Assurance maladie ou non, et sont donc repérables individuellement ou non). Resid-ehpad ne contient pas de données médico-sociales.

Le Sniiram rassemble de façon anonyme, individualisée et exhaustive toutes les prestations remboursées sur trois ans plus l’année en cours aux assurés des différents régimes d’assurance maladie 7. Il ne comporte pas d’information quant aux résultats cliniques en relation avec les prescriptions ou examens, mais contient les informations relatives aux affections de longue durée (ALD). L’ensemble de ces informations est chaîné à celles relatives aux séjours hospitaliers fournies par le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Les ALD et les diagnostics hospitaliers sont codés selon la classification internationale des maladies, 10e version (CIM-10).

Données utilisées

Les informations sur les pathologies des personnes admises provenaient de la cartographie des pathologies et des dépenses élaborée pour les années 2012 et 2013 par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) à partir du Sniiram. Il s’agit d’un outil destiné à identifier, dans la population des assurés, des pathologies et états de santé qui ont nécessité une prise en charge repérable dans le Sniiram une année civile donnée. Des algorithmes, détaillés dans le rapport charges et produits de la CnamTS 8,9 identifient 56 groupes non exclusifs de pathologies, rassemblées en 13 grandes catégories. Ils se basent sur les diagnostics principaux (DP), reliés (DR) ou associés (DA) en hôpital de court séjour (MCO) et en psychiatrie, sur les diagnostics des affections de longue durée (ALD), sur les délivrances de médicaments spécifiques et sur la réalisation d’actes spécifiques. Seuls les groupes ou pathologies d’intérêt pour la population étudiée ont été rapportés ici.

La consommation d’un médicament ou d’une classe de médicament (classification ATC) correspondait à au moins trois remboursements au cours des 12 mois glissants précédant ou suivant l’admission en Ehpad, à l’exception des antibiotiques pour lesquels la consommation correspondait à au moins un remboursement. Pour les personnes hospitalisées en court séjour (hors séances telles que dialyse ou chimiothérapie) dans les 12 mois glissants avant ou après leur admission, seul le DP était retenu. La fréquence de chaque diagnostic était calculée sur l’ensemble des hospitalisations. Pour chaque catégorie de diagnostics, ont été rapportées la fréquence des hospitalisations sans nuitée (durée <1 jour ou hospitalisations de jour, pouvant inclure les transferts, la chirurgie ambulatoire…) et la fréquence des hospitalisations dites « en urgence », estimées par les hospitalisations directes en réanimation ou après passage par un service d’urgence.

Population

L’étude a concerné l’ensemble des personnes âgées de 65 ans et plus admises en Ehpad au cours du 1er trimestre 2013, repérées dans le Sniiram comme ayant eu au moins un remboursement de soins à la fois en 2012 et en 2013 et bénéficiaires du régime général (figure), soit au final 11 687 résidents.

Figure : Sélection de la population d’étude à partir des données de Resid-ehpad et du Sniiram
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Le test de McNemar a été utilisé pour comparer les fréquences après vs avant admission. Les analyses ont été réalisées avec l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et à l’aide du logiciel SAS® 9.3 (SAS Enterprise Guide version 4.3).

Résultats

Pathologies prises en charge en 2013 et 2012

En 2013, plus de la moitié des 11 687 résidents sélectionnés (âge moyen 86 ans, 76% de femmes) admis au cours du 1er trimestre avait un marqueur de pathologie cardio-neuro-vasculaire (51%) identifié dans le Sniiram (tableau 1) : 25% présentaient un trouble du rythme ou de la conduction cardiaque, 15% une maladie coronaire chronique, 17% une insuffisance cardiaque et 15% avaient eu un accident vasculaire cérébral. Un marqueur de démence était retrouvé pour 47% de ces résidents, une maladie psychiatrique pour 17%, un cancer pour 16% et une maladie respiratoire chronique pour 13%. Ces fréquences étaient significativement plus élevées en 2013 qu’en 2012 pour les maladies cardio-neuro-vasculaires (51% vs 45%) et les démences (47% vs 35%). C’était également le cas, dans une moindre mesure, pour les maladies psychiatriques et les maladies respiratoires chroniques.

Tableau 1 : Pathologies1 prises en charge en 2013 chez les personnes assurées au régime général de l’Assurance maladie, admises en Ehpad sans PUI au 1er trimestre 2013, selon le sexe et l’âge. Comparaison avec l’année 2012
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Hospitalisations en MCO après l’admission

L’année suivant leur admission, 40% des résidents étudiés ont été hospitalisés au moins une fois, soit une fréquence inférieure à celle de l’année antérieure (75%). La durée cumulée moyenne de séjour sur une année diminuait de 21 à 11 jours, la part des admissions en urgence de 60% à 52% et celle des séjours sans nuitée augmentait de 12% à 22%. Les DP hospitaliers concernaient en premier lieu les maladies de l’appareil circulatoire et les lésions traumatiques, qui totalisaient chacune 15% des hospitalisations avant ou après admission. On observait une diminution de la part des « symptômes, signes et résultats anormaux d’examens cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs » (9% vs 14%) et de celle des « troubles mentaux et du comportement » (5% vs 12%) (tableau 2).

Tableau 2 : Fréquences des diagnostics principaux des séjours hospitaliers des résidents en Ehpad sans PUI assurés au régime général, dans l’année précédant et dans l’année suivant leur admission au 1er trimestre 2013 et toujours vivants à 1 an, selon le sexe et l’âge ; part des séjours <1 jour et des séjours en urgence
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Recours aux différentes classes de médicaments

Le nombre moyen de classes de médicaments remboursés par résident était de 4,7 pour la dernière délivrance dans les 12 mois suivant l’entrée en Ehpad (médiane 4, intervalle interquartile 2-7), contre 4,4 pour la dernière délivrance dans les 12 mois précédant cette entrée. Comparativement à l’année précédant l’admission, la fréquence de personnes remboursées au moins trois fois sur 12 mois augmentait significativement lors des 12 mois suivant l’admission pour la plupart des classes retenues, sauf pour les médicaments du système rénine-angiotensine, les hypolipémiants et les médicaments du muscle et du squelette (anti-inflammatoires non stéroïdiens) qui diminuaient significativement (tableau 3).

Après l’admission, les trois quarts des résidents avaient fait l’objet d’au moins trois délivrances de traitements à visée cardiovasculaire dans les 12 mois suivant leur institutionnalisation (initiés avant ou au cours du séjour) ; 37% des résidents prenaient des médicaments du système rénine-angiotensine, 31% des diurétiques, 28% des bêtabloquants, près de 24% des inhibiteurs calciques et plus de 21% des statines. L’utilisation d’antithrombotiques concernait plus de la moitié des personnes (55%), avec près de 40% de résidents recevant des antiagrégants plaquettaires et plus de 15% des anti-vitamines K. L’ensemble de ces thérapeutiques à visée cardiovasculaire et antithrombotique augmentait avec l’âge, à l’exception des statines, dont la délivrance baissait dans la tranche des 85 ans et plus. S’agissant des médicaments du diabète, 13% des résidents avaient un traitement (8,4% par antidiabétiques oraux et 6,1% par insuline). Les antalgiques remboursés concernaient 61% des résidents, le paracétamol 55%.

En revanche, le recours aux délivrances d’anti-inflammatoires et antirhumatismaux (non stéroïdiens) était faible (3,3%). Plus de 40% des résidents consommaient des médicaments contre des troubles de l’acidité (des inhibiteurs de la pompe à protons pour 39%). Globalement, et sur la base d’au moins un remboursement dans l’année, la fréquence de la consommation d’antibactériens avant l’admission augmentait de 45% à 61% (tableau 4). Cette augmentation portait surtout sur les pénicillines (24% vs 39%), les fluoroquinolones (13% vs 20%) et les autres bêtalactamines (11% vs 20%). Une augmentation de la fréquence de certaines vaccinations était aussi observée (antigrippale et antipneumococcique).

Parmi les psychotropes, une augmentation était surtout observée pour les psycholeptiques comme les antipsychotiques (10% vs 21%) et les anxiolytiques (32% vs 42%), ainsi que pour les antidépresseurs (24% vs 46%). Pour les benzodiazépines à demi-vie longue, la fréquence après admission était de 8%. La fréquence de délivrance des médicaments de la démence était relativement stable (18%). Chez les personnes repérées comme ayant une démence en 2012 (tableau 4), il existait aussi une augmentation du recours aux antidépresseurs, aux anxiolytiques et aux antipsychotiques, mais le recours diminuait pour les anticholinestérasiques.

Tableau 3 : Fréquences des médicaments avec au moins trois remboursements chez les résidents assurés au régime général de l’Assurance maladie, dans l’année précédant et dans l’année suivant leur admission en Ehpad sans PUI au 1er trimestre 2013 et toujours vivants à 1 an, selon l’âge
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Tableau 4 : Recours aux antibactériens à usage systémique et aux vaccins chez les résidents en Ehpad sans PUI assurés au régime général, dans l’année précédant et dans l’année suivant leur admission au 1er trimestre 2013 et toujours vivants à 1 an, selon l’âge ; recours aux psychotropes chez les personnes repérées comme ayant une démence en 2012
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Discussion

Pathologies prises en charge

Dans l’enquête EHPA 2011, les pathologies cardio-neuro-vasculaires et neuropsychiatriques étaient, comme dans notre étude, les plus fréquemment identifiées 6, même si ces groupes de pathologies ne recouvrent pas exactement les mêmes diagnostics dans les deux études. Les troubles du rythme (associés aux troubles de la conduction dans notre étude) avaient une fréquence similaire (26%). Pour les autres pathologies, des fréquences légèrement plus faibles sont observées : maladie coronaire (16% vs 18% dans l’enquête EHPA), accidents vasculaires cérébraux (15% vs 18 %), démence (47% vs 49%). Les deux pathologies pour lesquelles les prévalences estimées sont nettement inférieures dans notre étude à celles des enquêtes EHPA sont les états dépressifs (9% vs 36%) et l’insuffisance cardiaque (16% vs 24%), ce qui indique probablement une sous-estimation de la fréquence de ces deux pathologies dans notre étude. Cette hypothèse est confortée par le fait que le taux de résidents sous antidépresseurs était de 46%. Cette sous-estimation s’explique par le repérage indirect des états de santé via des algorithmes (ALD, hospitalisation), contrairement à l’étude EHPA où il s’agit d’un diagnostic médical. Pour certaines maladies, les marqueurs utilisés peuvent induire une sous-estimation, notamment pour les formes cliniques légères, en raison des difficultés de diagnostic dans le contexte de l’institutionnalisation avec un recours moindre à l’hospitalisation, un sous-codage ou des ALD spécifiques moins fréquemment demandées et une compétition avec des ALD voisines 10. Une extension de cette étude a comparé l’état de santé en 2012 des personnes admises au 1er trimestre 2013 à celui de la population générale de même âge et sexe. Elle rapporte des Standardized Morbidity Ratios (SMR) plus élevés qu’en population générale. Plus précisément, les valeurs des SMR diminuaient selon l’âge, mais demeuraient relativement importantes pour les personnes de 85 ans et plus pour les démences, les maladies psychiatriques et l’accident vasculaire cérébral 11. Ces pathologies sont connues comme associées à l’institutionnalisation et pour avoir un retentissement fonctionnel et sur le niveau de dépendance 12,13.

Traitements médicamenteux

Cette étude retrouve une moyenne de 4,7 médicaments pour la dernière ordonnance de l’année post-admission, chiffre probablement sous-estimé du fait de l’évaluation sur une seule date de délivrance. Il est inférieur à celui rapporté par l’enquête EHPA 2007, qui évaluait à 6,5 le nombre moyen de médicaments des résidents dans le cadre de leur traitement habituel au long cours 3. De plus, dans notre étude, il s’agissait de résidents entrants et non décédés dans l’année, donc avec possiblement un meilleur état de santé que la population globale de l’Ehpad.

Cette étude rapporte des variations du recours à certaines classes de médicaments après l’entrée en institution détaillées dans une autre publication 14. La diminution du recours aux médicaments cardiovasculaires ne témoigne probablement pas d’une insuffisance de traitement chez ces personnes âgées, mais plus certainement d’une adaptation du traitement ou d’une réduction d’un mauvais usage. Ainsi, la fréquence de certaines classes augmente légèrement avec l’âge, ce qui peut s’expliquer par l’augmentation de l’insuffisance cardiaque, des troubles du rythme, des maladies coronaires chroniques, alors que celle des médicaments du système rénine-angiotensine et des hypolipémiants diminue. Une étude britannique retrouve, chez les personnes institutionnalisées, un plus faible recours aux médicaments du système rénine-angiotensine et aux hypolipémiants que chez celles non institutionnalisées, ainsi que pour d’autres classes de médicaments cardiovasculaires, mais un recours accru à l’aspirine et aux diurétiques de l’anse 15.

La Haute Autorité de santé a mis en place plusieurs programmes pour l’amélioration de la prise en charge médicamenteuse du sujet âgé, portant notamment sur la prescription de psychotropes comme les benzodiazépines à demi-vie longue et celle d’antipsychotiques chez le malade dément (Alzheimer) 16. Les taux d’exposition aux antipsychotiques en Ehpad retrouvés dans notre étude (21%) sont cohérents avec ceux d’une étude transversale française de méthodologie différente, qui retrouvait un taux d’exposition aux antipsychotiques de 19% chez l’ensemble des résidents 17. Notre étude rapporte une proportion de benzodiazépines à demi-vie longue (8%), similaire à celle d’une précédente étude française (9%) 18. Pour les antipsychotiques, la présente étude retrouve des fréquences relativement élevées, notamment chez les personnes souffrant d’une démence.

Plus d’un patient sur deux reçoit un traitement antalgique chronique, principalement en lien avec des pathologies ostéo-articulaires, qui n’ont pas été mises en évidence dans cette étude à défaut d’algorithmes spécifiques, tout comme d’autres pathologies telles que les affections dermatologiques. Ceci peut être le signe d’une aggravation de l’état des personnes entrant en institution, mais plus vraisemblablement d’une meilleure prise en charge de la douleur, hypothèse corroborée par l’augmentation du recours aux analgésiques et une diminution du recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Le recours aux antibiotiques dans l’année, estimé par un remboursement ou plus, est de 61%, et il est de 23% pour trois remboursements ou plus. Une revue de la littérature estime un taux de prévalence annuel d’usage d’antibiotiques entre 47 et 79% des résidents en institution 19. Si quelques infections bactériennes peuvent être favorisées par l’aggravation progressive d’une dépendance ou de certaines pathologies, un tel taux de recours aux antibiotiques en institution fait craindre un important mésusage, comme celui des fluoroquinolones, contribuant à l’antibiorésistance.

Hospitalisations en MCO post-admission

Dans cette étude, 40% des résidents ont été hospitalisés au moins une fois dans l’année suivant l’admission. Une revue de la littérature de 2008 retrouvait des taux d’hospitalisations des personnes institutionnalisées compris entre 9 et 59% en Amérique du Nord 20. Une étude française préliminaire en Midi-Pyrénées a retrouvé que près d’un tiers de résidents étaient hospitalisés sur une année 21. L’étude EHPA 2011 rapporte qu’au moins 20% des résidents se sont rendus au moins une fois aux urgences dans l’année, et que 16% des résidents avaient au moins eu une hospitalisation non programmée et 8% une programmée 6.

Les principaux motifs d’hospitalisations retrouvés, cardiovasculaires et complications traumatiques dues aux chutes, sont cohérents avec ceux retrouvés par la littérature, les motifs respiratoires et infectieux y étant également mentionnés 22. La Haute Autorité de santé a émis des recommandations visant à réduire les hospitalisations non programmées des résidents en Ehpad, en proposant notamment des actions de prévention des chutes et du risque de iatrogénie médicamenteuse, en favorisant le traitement en Ehpad de certaines pathologies telles que les pneumopathies, ou encore en optimisant la mobilisation des ressources internes et externes en Ehpad pouvant limiter des transferts évitables vers les services des urgences 23. Bien que les Ehpad soient des établissements médicalisés, la gestion de certaines situations permettrait d’éviter les complications liées à l’hospitalisation, mais elle dépend aussi de facteurs organisationnels de l’Ehpad et de la coordination entre les systèmes sanitaire et médico-social. Ici, la proportion assez importante (45%) d’hospitalisations possiblement « programmées » (c’est-à-dire hors urgence) suggère que les Ehpad organisent en effet l’accès à l’hôpital de leurs résidents. Dans l’enquête EHPA 2011, 16% des résidents avaient au moins un séjour non programmé. Néanmoins, l’augmentation des séjours d’une journée, hors séances, est en faveur d’une meilleure utilisation de la filière gériatrique après l’admission en Ehpad, permettant d’anticiper des actions de prévention ou une prise en charge précoce grâce aux évaluations et préconisations de ces hospitalisations de jour.

Limites

Cette étude ne concerne que les personnes assurées par le régime général de l’Assurance maladie incluses sous certaines conditions, soit 28% des entrants en Ehpad au 1er trimestre 2013. Il est possible que les personnes assurées par d’autres régimes aient des caractéristiques différentes en termes de santé ou de recours aux soins. Elle ne porte que sur les pathologies et états de santé pris en charge par le système de soins, et donc reconnus par le patient et par les soignants. Il existe des thérapeutiques médicamenteuses de prise en charge spécifique ou adaptée aux résidents, mais non prises en compte dans les bases utilisées. L’identification des maladies par des algorithmes multi-sources, même si ceux-ci ont été récemment établis et ont fait l’objet d’analyses de sensibilité et de revues d’experts, entraîne des sous-estimations de la prévalence de certaines pathologies. Cette méthode est complémentaire, mais ne peut donc se substituer aux enquêtes en population avec recueil d’informations cliniques. De plus, il n’existe pas actuellement d’information sur la dépendance ni dans Resid-ehpad ni dans le Sniiram, ce qui constitue une des principales limites de ces bases de données pour l’étude des personnes âgées, en particulier celles institutionnalisées. Cette limite pourrait toutefois être dépassée si les bases de données étaient à l’avenir enrichies par des indicateurs de dépendance à un niveau individuel tels que le GIR, déterminé par la grille nationale AGGIR, laquelle permet d’évaluer l’autonomie de la personne âgée dans l’accomplissement des actes de la vie courante et est utilisée notamment pour l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie et la tarification des établissements.

Conclusion

En conclusion, les bases de données Resid-ehpad et Sniiram utilisées ici constituent de nouveaux outils qui vont permettre, à faible coût, de suivre l’évolution des caractéristiques des résidents en Ehpad, de leur prise en charge et de leurs parcours de soins, afin de les optimiser à l’aune des recommandations.

Références

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3 Perrin-Haynes J, Chazal J, Chantel C, Falinower I. Les personnes âgées en institution. Dossiers Solidarité et Santé. 2011;(22):1-32. http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/les-dossiers-de-la-drees/dossiers-solidarite-et-sante/article/les-personnes-agees-en-institution
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5 Volant S. 693 000 résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées en 2011. Études et Résultats. 2014;(899):1-6. http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/693-000-residents-en-etablissements-d-hebergement-pour-personnes-agees-en-2011
6 Makdessi Y, Pradines N. En Ehpad, les résidents les plus dépendants souffrent davantage de pathologies aiguës. Études et Résultats. 2016;(989):1-4. http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/en-ehpad-les-residents-les-plus-dependants-souffrent-davantage-de-pathologies
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Citer cet article

Atramont A, Bourdel-Marchasson I, Bonnet-Zamponi D, Tangre I, Fagot-Campagna A, Tuppin P. Résidents admis en Ehpad au cours du premier trimestre 2013 : pathologies prises en charge, traitements et hospitalisations l’année suivante. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(16-17):317-27. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/16-17/2017_16-17_4.html