Estimation des parts attribuables de cancers aux expositions professionnelles à l’amiante en France : utilisation des matrices développées dans le cadre du programme Matgéné
// Estimated proportion of cancers attributable to occupational exposure to asbestos in France: using matrices developed under the program MATGÉNÉ
Résumé
Objectifs –
Produire et actualiser des estimations relatives à la part de certains cancers (mésothéliome pleural, cancers bronchopulmonaires, cancers du larynx et de l’ovaire) attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante en France, à l’aide d’outils élaborés par l’Institut de veille sanitaire.
Méthodes –
La part attribuable a été calculée à partir de la formule de Levin. Les risques relatifs sont issus de la littérature scientifique nationale et internationale et la prévalence de l’exposition professionnelle à l’amiante a été estimée à partir du croisement de la matrice emplois-expositions « amiante » et d’un échantillon d’histoires professionnelles représentatif de la population française. Le nombre de cas attribuable a été calculé pour chacune des pathologies et comparé au nombre de cas de reconnaissance en maladie professionnelle.
Résultats –
Au total, le nombre de cas (mésothéliome pleural, cancers bronchopulmonaires, cancers du larynx et de l’ovaire) attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante est estimé, en 2012, entre 2 002 et 5 094 chez les hommes et entre 179 et 315 chez les femmes ; rapporté au nombre total de cas pour ces quatre cancers, on peut estimer que 6,3% à 16% des cas de ces cancers seraient attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante chez les hommes et 1,1% à 1,9% chez les femmes. Par ailleurs, 5% à 66% des cas de cancers du poumon et 30 à 48% des cas de mésothéliomes relevant du régime général de sécurité sociale ne feraient pas l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle.
Conclusion –
Ces estimations confirment le poids considérable des expositions professionnelles à l’amiante dans la survenue de certains cancers dans la population française et, par là même, l’importance de la sous-réparation des pathologies qui leur sont attribuables, non seulement pour le cancer du poumon ou le mésothéliome, mais également pour le cancer du larynx ou celui de l’ovaire pour lesquels, à ce jour, il n’existe pas de tableau de reconnaissance de maladie professionnelle.
Abstract
Objectives –
To produce and to update the estimates of the fraction of cancers (pleural mesothelioma, lung cancer, larynx cancer and ovarian cancer) attributable to occupational exposure to asbestos in France, using tools developed by the French Institute for Public Health Surveillance.
Methods –
The attributable fraction was calculated from the Levin’s formula. Relative risks were identified in the national and international scientific literature. The job-exposure matrix “asbestos” was linked to a representative sample of occupational histories of the French population in order to estimate the prevalence of occupational exposure to asbestos. The number of cases attributable was calculated for each cancer and compared to the number of compensated asbestos-related occupational diseases.
Results –
Globally, the number of cases (pleural mesothelioma, lung cancers, larynx cancer and ovarian cancer) attributable to occupational exposure to asbestos is estimated, in 2012, at between 2,002 and 5,094 among men, and between 179 and 315 among women; based on the total number of cases for these four cancers, 6.3% to 16% of these cancers would be are attributable to occupational exposure to asbestos among men and 1.1% to 1.9% in women. Moreover, 5% to 66% of lung cancers and 30% to 48% of mesothelioma cases from the French general employees social insurance fund are not compensated as an occupational disease.
Conclusion –
These estimates confirm the substantial weight of occupational exposure to asbestos in the occurrence of certain cancers in the French population, and hence the importance of under-recognition of attributable cancers, not only for lung cancer or mesothelioma, but also for laryngeal cancer or ovarian cancer that are not recognized as occupational asbestos-related diseases.
Introduction
Le poids des pathologies d’origine professionnelle, pour la plupart non spécifiques, sur la santé de la population est important en France 1. Néanmoins, on ne dispose que de travaux français récents permettant de l’objectiver quantitativement. Au cours des années 2000, deux rapports présentant des estimations de parts attribuables de cancers à des facteurs professionnels ont été publiés 1,2. Les données et les méthodes utilisées ainsi que les résultats produits étaient très différents.
Dans ce contexte, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a développé, au travers du programme Matgéné 3, des outils spécifiques à la situation française afin d’évaluer les expositions professionnelles aux cancérogènes et l’impact de ces dernières sur la santé de la population.
Cet article illustre l’utilisation de ces outils pour quantifier la part de certains cancers attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante.
Méthodes
Part attribuable ou fraction attribuable
La quantification de l’impact sanitaire d’une exposition à un facteur de risque de morbidité ou de mortalité au niveau populationnel est un sujet fondamental en épidémiologie.
La part attribuable ou fraction attribuable (FA) est l’un des concepts qui peut être utilisé pour quantifier cet impact. La FA estime la proportion de cas (ou décès) qui aurait pu être évitée si l’exposition à l’agent d’intérêt n’avait pas existé.
Cette fraction a été calculée à partir de la formule de Levin 4 : FA=PE*(RR-1)/(1+PE(RR-1)), où PE représente la prévalence d’exposition carrière entière au facteur de risque, et RR le risque relatif associant le facteur de risque à la pathologie d’intérêt.
La FA reflète à la fois la force de l’association entre le facteur de risque et son effet sur la santé et la prévalence de l’exposition à ce facteur dans la population ; elle permet ainsi d’évaluer l’impact de l’exposition au facteur en cause sur la santé publique.
À noter que la FA est spécifique d’une population, en particulier du fait qu’elle dépend de la prévalence d’exposition au facteur de risque, laquelle peut être très différente d’une population à l’autre.
Pathologies et risque relatif
L’amiante est à l’origine de pathologies bénignes (plaques pleurales, épaississements pleuraux, asbestose) et malignes. Nous ne traitons ici que des pathologies malignes pour lesquelles l’exposition à l’amiante constitue un risque avéré selon le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Ainsi, les pathologies considérées sont le mésothéliome pleural, les cancers du poumon, du larynx et de l’ovaire.
Une revue de la littérature nationale et internationale a été réalisée afin de documenter au mieux le lien entre l’exposition à l’amiante et le risque de survenue de pathologies d’intérêt.
Ont été privilégiées, dans cet ordre, les études nationales, supposées refléter au mieux la situation spécifique française, les méta-analyses, les autres études européennes ou internationales.
Pour chacune des pathologies d’intérêt, le choix de considérer un intervalle plutôt qu’une valeur unique et moyenne de risque relatif (RR) a été fait afin de refléter au mieux la variabilité des résultats des études.
Ainsi, à l’issue de la revue de littérature réalisée, deux valeurs de RR ont été retenues : celles des deux bornes de l’intervalle recouvrant l’ensemble des intervalles de confiance des estimations de RR issus de la littérature.
Évaluation des expositions carrière entière
Elle a été réalisée à partir du croisement de la matrice emplois-expositions aux fibres d’amiante et de l’échantillon d’histoires professionnelles, tous deux développés à l’InVS.
Matrice emplois-expositions aux fibres d’amiante
Le programme Matgéné développe des matrices emplois-expositions (MEE) adaptées à la population générale française, évaluant les expositions professionnelles des travailleurs à certaines nuisances de manière exhaustive, depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui 5. Ces MEE peuvent notamment être utilisées pour estimer la prévalence des expositions professionnelles à différents agents dont l’impact sur la santé est établi.
La MEE aux fibres d’amiante est une base de données associant, pour chaque emploi (métier x secteur d’activité) potentiellement exposé à l’amiante, des données d’exposition par grande période historique : probabilité, fréquence et intensité d’exposition ainsi que le type d’exposition (directe, indirecte ou passive). Les professions sont codées selon la nomenclature internationale CITP 1968 6 et les secteurs d’activités selon la nomenclature nationale NAF 2000 7.
Échantillon d’histoires professionnelles
Il a été élaboré en 2007 de manière à pouvoir être croisé avec les données des MEE et contribuer à la production d’indicateurs, tels que la prévalence des expositions professionnelles en population générale.
Il a été constitué par sondage téléphonique stratifié par sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle (CSP) et région, pour être représentatif de la population française (recensement Insee 1999).
L’ensemble des histoires professionnelles a été recueilli et codé selon les nomenclatures CITP 1968 et NAF 2000, permettant son croisement avec la matrice amiante.
L'échantillon compte 10 010 sujets âgés de 25 à 74 ans (4 758 hommes et 5 252 femmes).
Prévalence d’exposition carrière entière
Pour estimer la prévalence d’exposition carrière entière de la population, la probabilité individuelle d’exposition (P) de chacun des sujets de l’échantillon a été calculée à partir des probabilités d’exposition associées à chacun de ses emplois :
P=1-[(1-p1)(1-p2) … (1-pn)]
Avec pi, les probabilités d’exposition au cours de l’emploi i, et n, le nombre d’emplois occupés au cours de la carrière, en faisant l’hypothèse d’indépendance entre les emplois.
Un intervalle de confiance à 95% (IC95%) de la prévalence carrière entière a été calculé par la méthode du Bootstrap 8.
De plus, il a été possible d’évaluer un niveau moyen d’exposition pour chacun des emplois occupé par chaque sujet de l’échantillon, grâce aux informations contenues dans la MEE (intensité et fréquence d’exposition) 9.
Afin de tenir compte des temps de latence spécifiques des pathologies cancéreuses, le calcul de la prévalence d’exposition carrière entière a été réalisé en considérant un temps de latence de dix années. Les expositions des sujets de l’échantillon constitué en 2007, survenues dans les dix précédentes années, soit après 1997, n’ont donc pas été prises en compte car elles ne contribuent pas aux pathologies étudiées.
Deux prévalences d’exposition ont été estimées, d’une part en considérant toutes les expositions non nulles et, d’autre part, en ne retenant que les expositions plus « substantielles » soit >0,1 f/ml (fibre par ml d’air), i.e. en considérant uniquement les niveaux d’exposition atteints sur la vie professionnelle supérieurs à 0,1 f/ml.
Le calcul des FA a été réalisé en considérant les prévalences moyennes d’exposition estimées et chacun des deux RR retenus.
Deux scénarios contrastés et plausibles ont été envisagés, en considérant :
- la prévalence des expositions tous niveaux et le RR le plus faible : scénario 1 ;
- la prévalence des expositions « substantielles » et le RR le plus élevé : scénario 2.
Pour le mésothéliome pleural, une estimation récente de la fraction de risque attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante, réalisée à partir des données du Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM), a été utilisée 10.
Nombre de cas incidents et décès attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante
Le nombre annuel de cas incidents attribuable (ou le nombre annuel de décès attribuable) est obtenu en multipliant la FA par le nombre total de cas incidents (ou de décès).
Le nombre annuel de cas incidents de mésothéliomes pleuraux a été obtenu d’après les estimations produites par le PNSM pour l’année 2012 11. Le nombre annuel de décès par sexe a été obtenu auprès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm) pour l’année 2011, dernière année disponible.
Le nombre annuel de cas incidents ainsi que le nombre annuel de décès pour les autres pathologies d’intérêt a été obtenu d’après les projections de l’estimation de l’incidence par sexe, réalisée par le réseau Francim pour l’année 2012 12.
Nombre de maladies reconnues en tant que maladies professionnelles
Le nombre annuel de cas de cancers du poumon et de mésothéliomes ayant fait l’objet d’une indemnisation au titre des tableaux 30 et 30 bis de maladies professionnelles est extrait du rapport de gestion 2011 de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), hommes et femmes confondus(1).
Résultats
Risques relatifs
Les RR retenus pour les calculs de fractions attribuables sont présentés dans le tableau 1.
L’intervalle retenu pour le cancer du poumon (IC95%: [1,2-1,9]) reflète la variabilité des résultats relevée dans la récente étude française de Guida et coll. 13, la méta-analyse de Moon et coll. 14 et celle de Goodman et coll. 15, plus ancienne, qui faisait référence jusque-là. Il recouvre l’ensemble des estimations de méta-RR réalisées et leur intervalle de confiance respectif (avec ajustement sur divers facteurs tels que le continent, le type d’étude, l’année de publication, le statut tabagique, la taille de la population…).
Pour exemple, selon l’étude française, un RR de cancer du poumon de 1,46 (IC95%: [1,17-1,83]) a été estimé après ajustement sur l’âge, le département, la consommation de tabac, ainsi que les expositions aux laines minérales et à la silice. Par ailleurs, d’après la plus récente des deux méta-analyses 14, l’un des méta-RR est estimé à 1,61 (IC95%: [1,38-1,88]) pour les études portant sur des populations européennes, en ajustant sur le statut tabagique. Pour sa part, l’étude la plus ancienne 15 mentionnait un méta-RR de 1,63 (IC95%: [1,58-1,69]) lorsqu’un temps de latence de dix années était considéré.
Sur le même principe, le choix de l’intervalle pour le cancer du larynx (IC95%: [1,2-3,1]) a reposé sur les résultats de l’étude française récente Icare (Investigations sur les cancers respiratoires et environnement) de Paget Bailly 16, de la méta-analyse de l’IOM 17 et de l’étude de Purdue chez les travailleurs du bâtiment en Suède 18. Dans la première, le RR ajusté sur l’âge, le département, la consommation de tabac et d’alcool, ainsi que les expositions aux laines minérales, aux poussières de ciment et à la silice est estimé à 2,1 (IC95%: [1,6-2,8]). Par ailleurs, la méta-analyse menée par l’IOM estime un méta-RR de 1,4 (IC95%: [1,2-1,8]) en considérant l’ensemble des études. Enfin, l’étude de Purdue estime un RR ajusté sur l’âge et le statut tabagique de 1,9 (IC95%: [1,2-3,1]).
Enfin, concernant le cancer de l’ovaire, l’intervalle du RR [1,4-2,5] a été retenu d’après les deux méta-analyses de Reid 19 et Camargo 20. La première estime un méta-RR de 1,75 (IC95%: [1,45-2,1]), très proche de l’estimation de la seconde étude 1,77 (IC95%: [1,37-2,28]). Cette estimation est supérieure lorsque seules les études européennes sont considérées : 1,95 (IC95%: [1,51-2,51]).
Prévalence des expositions carrière entière à l’amiante
La prévalence d’exposition professionnelle à l’amiante, carrière entière en France en 2007, est présentée dans le tableau 2, par sexe et niveau d’exposition. Les expositions après 1997 n’ont pas été prises en compte. La proportion d’hommes ayant été exposés aux fibres d’amiante, au moins une fois dans leur vie professionnelle, est de 23,6% (IC95%: [22,6%-24,5%]) ; elle est 10 fois plus faible chez les femmes avec 2,5% d’exposées (IC95%: [2,2%-2,8%]).
Ces proportions varient selon le niveau d’exposition considéré ; la proportion d’exposés à des niveaux plus « substantiels », supérieurs à 0,1 f/ml, est de 16,4% chez les hommes et 0,9% chez les femmes.
Cette prévalence augmente naturellement avec l’âge (figure) : 2,4% des hommes âgés de 25 à 29 ans (respectivement 0,01% des femmes) ont été exposés au moins 1 fois dans leur vie professionnelle aux fibres d’amiante contre 32,4% de ceux âgés de 70 à 74 ans (respectivement 4,6% des femmes).
Parts attribuables de cancers aux expositions professionnelles à l’amiante
Selon les deux scénarios contrastés et plausibles retenus, la part de cancers du poumon attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante varie de 4,5% à 12,9% chez les hommes et de 0,5% à 0,7% chez les femmes (tableau 1)
Concernant le mésothéliome pleural, la part attribuable estimée à partir des données du PNSM est comprise entre 74,5% et 91,7% chez les hommes et 25,3% et 58% chez les femmes 10.
La part de cancer du larynx attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante est comprise, selon les scénarios, entre 4,5% et 25,6% chez les hommes et 0,5% et 1,7% chez les femmes.
Quant au cancer de l’ovaire, la part attribuable estimée varie de 1% à 1,2%.
Nombre annuel de cancers (incidents et décès) attribuables aux expositions professionnelles à l’amiante
Les nombres annuels de cas incidents et de décès attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante sont estimés pour l’année 2012, à l’exception du nombre de décès par mésothéliome pleural (année 2011).
Le nombre annuel estimé de cas incidents de cancer du poumon attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante varie de 1 272 à 3 628 chez les hommes, selon le scénario retenu, et de 56 à 81 chez les femmes, selon les prévalences et RR retenus (tableau 3).
Concernant le mésothéliome pleural, le nombre de cas incidents attribuables serait compris entre 603 et 743 hommes et entre 75 et 172 femmes.
Le nombre de cas de cancer du larynx attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante varie fortement selon le scénario, de 127 à 723 cas chez les hommes et de 2 à 8 cas chez les femmes.
Enfin, le nombre de cas de cancer de l’ovaire attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante est estimé entre 46 et 55.
Au total, le nombre de cas (mésothéliome pleural, cancers bronchopulmonaires, cancers du larynx et de l’ovaire) attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante est estimé entre 2 002 et 5 094 chez les hommes et entre 179 et 315 chez les femmes ; rapporté au nombre total de cas pour ces quatre cancers, on peut estimer que 6,3% à 16% des cas de ces cancers seraient attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante chez les hommes et 1,1% à 1,9% chez les femmes.
D’après le rapport de gestion de la CnamTS, le nombre de cancers du poumon indemnisés au titre du tableau 30 bis, en 2011, était de 1 006 (hommes et femmes confondus). Ces données ne concernent que les cas relevant du régime général de sécurité sociale (RGSS), qui couvre environ 80% de la population française. Si l’on applique un abattement de 20% au nombre de cas de cancers du poumon attribuables estimé pour tenir compte des cas relevant des autres régimes de sécurité sociale, on attendrait entre 1 062 et 2 967 cas réparés au titre des maladies professionnelles ; soit un déficit de réparation de 5% à 66% des cas du RGSS.
De même, le nombre de cas de mésothéliomes indemnisés au titre du tableau 30 est de 382 (hommes et femmes confondus), soit entre 52% et 70% des cas attribuables estimés et relevant du RGSS (543 à 732 cas) ; ou encore un déficit de réparation de 30% à 48% de ces cas.
Discussion - conclusions
Ces estimations de parts de cancers attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante en France peuvent être rapprochées de celles produites antérieurement, d’une part, par l’InVS 21 et, d’autre part, par l’Académie des sciences, en collaboration avec le Circ 2. Alors que la part de cancers du poumon attribuable à l’amiante est estimée ici entre 4,5 et 12,9% chez les hommes, les travaux antérieurs de l’InVS l’estimaient entre 8 et 13% chez les hommes de 25 à 74 ans et l’Académie des sciences et le Circ rapportaient une part attribuable de 4,2% chez l’ensemble des hommes. Ces différences s’expliquent principalement par les méthodes d’estimation de la prévalence d’exposition carrière entière à l’amiante.
En utilisant la matrice emplois-expositions aux fibres d’amiante développée dans le cadre du programme Matgéné et spécifique de la population française, la prévalence d’exposition carrière entière à l’amiante a pu être estimée plus finement que précédemment.
Par ailleurs, les estimations de parts de cancers attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante issues d’études internationales sont comprises entre 10 et 20% chez les hommes 22,23,24. En effet, la récente étude anglaise de Rushton 23 estime la part de décès par cancer du poumon attribuable à une exposition à l’amiante à environ 9% chez les hommes (1,7% chez les femmes) alors que celle de Nurminen 24 l’estime à 14% (entre 6% et 19%) pour la population masculine finlandaise.
Dans tous les cas, le cancer du poumon représente la moitié de l’ensemble des cancers professionnels et l’amiante est de loin l’exposition professionnelle la plus importante. Le choix de considérer des intervalles de RR, parfois très larges, plutôt que des valeurs moyennes a été fait afin de refléter au mieux la variabilité des RR ou méta-RR de la littérature.
En conséquence, les estimations de fractions attribuables produites doivent être lues comme comprises dans des intervalles, et non comme des valeurs moyennes et uniques.
Par ailleurs, il faut souligner que de nombreuses autres limites méthodologiques inhérentes à cet exercice doivent être considérées et de ce fait, les résultats doivent être interprétés avec prudence.
Parmi ces limites, on peut citer les choix qui ont été faits concernant le temps de latence (10 ans) pour le calcul de la prévalence d’exposition. En effet, si un temps de latence plus long avait été choisi, la prévalence d’exposition carrière entière estimée aurait été inférieure, et par conséquent, la part attribuable. De même, le choix des deux scénarios sur les prévalences d’exposition a un impact indéniable sur l’estimation de la part attribuable ; un scénario considérant les expositions supérieures à 1 f/ml (au lieu de 0,1 f/ml) aurait eu comme conséquence de diminuer l’estimation de la prévalence carrière entière et donc celle de la part attribuable. De plus, la FA estimée pour l’année 2007, pour les sujets âgées de 25 à 74 ans, a été utilisée pour calculer le nombre de cancers attribuable en 2012 dans l’ensemble de la population. Cette extrapolation est faite en supposant que la FA en 2012 est très certainement peu différente de celle estimée pour l’année 2007.
Néanmoins, ces estimations confirment le poids considérable des expositions professionnelles à l’amiante dans la survenue de certains cancers dans la population française et, par là même, l’importance de la sous-réparation des pathologies qui leur sont attribuables, non seulement pour le cancer du poumon ou le mésothéliome, mais également pour le cancer du larynx ou celui de l’ovaire pour lesquels, à ce jour, il n’existe pas de tableau de reconnaissance de maladie professionnelle.
Références
Citer cet article
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