Dépistage des maladies infectieuses en cours de grossesse : résultats de l’enquête Elfe en maternités, France métropolitaine, 2011

// Infectious diseases screening during pregnancy: results from the ELFE survey in maternity units, mainland France, 2011

Elsa Richaud-Eyraud1, Cécile Brouard1 (c.brouard@invs.sante.fr), Denise Antona1, Guy La Ruche1, Mathieu Tourdjman1, Marie-Noëlle Dufourg2, Florence Lot1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Institut national d’études démographiques, Paris, France
Soumis le 09.01.2015 // Date of submission: 01.09.2015
Mots-clés : Dépistage prénatal | Grossesse | Toxoplasmose | VIH | Hépatite B | Syphilis | Cytomégalovirus
Keywords: Prenatal screening | Pregnancy | Toxoplasmosis | HIV | Hepatitis B | Syphilis | Cytomegalovirus

Résumé

Introduction –

En France, plusieurs infections susceptibles d’avoir un retentissement materno-fœtal font l’objet d’un dépistage prénatal. L’objectif de cet article était d’étudier la réalisation des dépistages prénataux et leurs déterminants pour les maladies infectieuses suivantes : toxoplasmose, syphilis, hépatite B (dépistages obligatoires), infections à VIH (dépistage obligatoirement proposé) et à cytomégalovirus (CMV, dépistage non recommandé).

Méthodes –

Les données de l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), recueillies en maternités en 2011, ont été utilisées. Elles portaient sur 18 022 mères âgées d’au moins 18 ans ayant accouché dans 320 maternités publiques et privées de France métropolitaine tirées au sort. Les données concernant les dépistages infectieux ont été renseignées à partir du dossier médical (toxoplasmose, syphilis, hépatite B et CMV) ou lors d’un entretien avec la mère (VIH). Les facteurs associés à la réalisation de ces dépistages ont été étudiés par analyses uni- et multivariées.

Résultats –

L’absence de dépistage concernait entre 2,8% et 2,9% des femmes pour la toxoplasmose (en raison d’une immunité déjà connue pour 97,5% d’entre elles), entre 2,6% et 2,8% pour la syphilis et entre 2,2% et 2,3% pour l’hépatite B selon que l’on exclut ou non les valeurs manquantes. Concernant le VIH, 10,2% à 11,0% des femmes ont déclaré ne pas avoir été dépistées. Les principaux facteurs associés à l’absence de dépistage de ces infections étaient le fait d’habiter hors Île-de-France et d’avoir déjà au moins un enfant. Le dépistage du CMV a été réalisé pour 24,6% des femmes pour lesquelles l’information était disponible.

Conclusion –

Bien que très fréquemment réalisés, les dépistages prénataux obligatoires de l’hépatite B et de la syphilis ne le sont pas encore suffisamment. Les résultats suggèrent aussi un défaut d’information des femmes concernant le dépistage prénatal du VIH. Ils montrent enfin une pratique assez répandue du dépistage du CMV, qui n’est pourtant pas recommandé.

Abstract

Introduction –

In France, antenatal screening for various infectious diseases is offered during pregnancy to allow implementation of strategies to prevent mother-to-child transmission. This article aimed at studying the implementation of antenatal screenings and their determinants for the following infectious diseases: toxoplasmosis, syphilis, hepatitis B (mandatory screenings), HIV infection (mandatory proposed) and cytomegalovirus infection (CMV, screening not recommended).

Methods –

Data collected in maternity units in 2011 from the French Longitudinal Study of Children (ELFE survey) were used. They covered 18,022 mothers aged at least 18 who gave birth in 320 randomly selected public and private maternity units in mainland France. Data on infectious screenings were either abstracted from medical records (toxoplasmosis, syphilis, hepatitis B and CMV) or collected during an interview with the mother (HIV). Factors associated with the implementation of the screenings were studied by using both univariate and multivariate analyses.

Results –

The lack of screening involved between 2.8% and 2.9% of women for toxoplasmosis (because of an immunity already known for 97.5% of them), 2.6-2.8% for syphilis and 2.2-2.3% for hepatitis B depending on whether or not missing values were excluded. Regarding HIV, 10.2-11.0% of women indicated that they had not been tested. The fact of living outside the Ile-de-France region (greater Paris area) and of having at least one child were the main factors associated with the lack of screening for these infectious diseases. CMV screening was performed for 24.6% of women for whom data were available.

Conclusion –

These results indicate that mandatory antenatal screenings for syphilis and hepatitis B are insufficiently performed. They also suggest a lack of knowledge in women regarding antenatal HIV testing. Finally, they suggest a relatively common practice of CMV screening although it is not recommended.

Introduction

En France, plusieurs infections susceptibles d’avoir un retentissement materno-fœtal font l’objet d’un dépistage prénatal. Ces dépistages sont soit obligatoires (toxoplasmose, rubéole, syphilis, hépatite B) 1, soit obligatoirement proposés (infection à VIH) 2, soit pratiqués sans faire l’objet de recommandations spécifiques (infection à cytomégalovirus (CMV)). Ils sont réalisés à différents moments de la grossesse en fonction des mesures préventives à mettre en œuvre : au premier trimestre pour la sérologie de la rubéole, de la toxoplasmose (à contrôler tous les mois jusqu’à l’accouchement en l’absence d’immunité) et celles de la syphilis et du VIH (pour lesquelles un deuxième dépistage est recommandé au troisième trimestre en cas de facteurs de risque) ; au sixième mois de grossesse pour l’hépatite B (recherche de l’antigène HBs (AgHBs)).

Ces dépistages sont essentiels pour prévenir la transmission materno-fœtale de ces maladies aux conséquences potentiellement graves et évitables. Ainsi, la mise en évidence de l’AgHBs chez la mère permet de débuter chez le nouveau-né, dans les heures suivant la naissance, une sérovaccination afin de prévenir la transmission du virus de l’hépatite B et le développement d’une hépatite B chronique chez le nouveau-né 3.

En France, les données permettant d’évaluer la réalisation des dépistages infectieux prénataux à caractère obligatoire sont essentiellement issues des enquêtes nationales périnatales (ENP) successives. Ces enquêtes n’étudient cependant pas systématiquement l’ensemble de ces dépistages 4. Concernant le dépistage prénatal du CMV, les données sont anciennes 5.

L’objectif de cet article est d’étudier les pratiques de dépistage de la toxoplasmose, de la syphilis, de l’hépatite B, du VIH et du CMV au cours de la grossesse, ainsi que les déterminants de ces pratiques, à partir des données recueillies en maternité dans le cadre de l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe).

Méthodes

Description de l’étude

Elfe est une étude de cohorte visant à suivre pendant 20 ans environ 18 000 enfants nés en 2011. Son objectif est d’étudier comment les conditions de vie de l’enfant, de la période utérine à l’âge adulte, affectent son développement, sa santé et sa socialisation. La première phase de l’enquête s’est déroulée, durant quatre périodes d’inclusion en 2011, auprès d’un échantillon aléatoire de maternités publiques et privées de France métropolitaine. Toutes les mères âgées de 18 ans ou plus ayant accouché d’un enfant né à au moins 33 semaines d’aménorrhée ont été sollicitées. Au total, 320 maternités (92% des maternités sollicitées) et 18 022 mères (51%) ont accepté de participer à l’étude 6.

Données recueillies

Les données étaient recueillies à la maternité par une sage-femme enquêtrice à l’aide d’un questionnaire administré à la mère (questionnaire maternel) et d’un questionnaire complété à partir du dossier médical (questionnaire médical). Le questionnaire maternel concernait la situation sociodémographique de la mère et son suivi de grossesse : trimestre de la déclaration de grossesse, nombre de visites prénatales, réalisation du dépistage du VIH, type de professionnel de santé ayant essentiellement assuré le suivi... La réalisation des dépistages de la toxoplasmose, de la syphilis, de l’hépatite B, du CMV et leurs résultats étaient renseignés dans le questionnaire médical. Le recueil de données n’a pas concerné la rubéole.

Analyse statistique

Les résultats ont été pondérés en prenant en compte le plan de sondage, puis redressés à l’aide d’un calage sur marges, à partir des données de l’état-civil et de l’ENP 2010 sur plusieurs variables (âge, région, état matrimonial, statut d’immigré, niveau d’études et primiparité) 6.

Les proportions de femmes dépistées ou non dépistées ont été estimées en excluant ou non les femmes pour lesquelles l’information sur la réalisation des dépistages était manquante. Après exclusion de ces dernières, les associations entre la réalisation (ou l’absence de réalisation) des dépistages et les variables sociodémographiques et de suivi de grossesse ont été testées en analyses univariées (Chi2 de Pearson) et multivariées par régression de Poisson avec variance robuste. Les variables introduites dans le modèle multivarié sont celles qui étaient associées au dépistage en analyse univariée avec un p<0,20, ainsi que certaines variables d’intérêt. Les résultats présentés sont les rapports de prévalence (RP) et leurs intervalles de confiance à 95% (IC95%). L’analyse a été réalisée à l’aide du logiciel Stata® version 12.1.

Pour l’hépatite B, les mères ont été regroupées selon le niveau d’endémicité VHB de leur pays de naissance 7.

Résultats

Caractéristiques des mères et de leur grossesse

Près des deux tiers des 18 022 mères étaient âgées de 25 à 34 ans (médiane : 30,3 ans) (tableau 1). La plupart (91,0%) vivaient en couple et 57,6% avaient déjà au moins un enfant. Elles étaient majoritairement nées en France (79,9%) et 23,2% résidaient en Île-de-France. Plus de la moitié des mères avait fait des études supérieures et 63,7% avaient une activité professionnelle au moment de la grossesse.

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des mères avant et après pondération. Étude Elfe, France métropolitaine, 2011
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La quasi-totalité des mères indiquait avoir déclaré leur grossesse au cours du premier trimestre (91,3%). Parmi les mères indiquant avoir été suivies pendant leur grossesse (99,7% des femmes), près des deux tiers l’avaient été essentiellement par un gynécologue-obstétricien (tableau 2) et 73,3% rapportaient 5 à 9 visites prénatales (médiane : 8 visites).

Tableau 2 : Caractéristiques de la grossesse actuelle avant et après pondération. Étude Elfe, France métropolitaine, 2011
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Dépistages prénataux

Toxoplasmose

Ce dépistage a été réalisé pour 94,2% des femmes et non réalisé pour 2,8% (tableau 2). L’information manquait pour 3,0% des femmes, plus fréquemment pour celles résidant en Île-de-France (6,0% vs. 2,1%, p<10-3) ou celles nées à l’étranger (3,8% vs. 2,2%, p<10-3).

En excluant les femmes pour lesquelles l’information était manquante, 2,9% des femmes n’avaient pas été dépistées (tableau 3), dont 97,5% en raison d’une immunité déjà connue. En analyse univariée, la non réalisation du test augmentait avec l’âge (de 1,6% chez les 18-24 ans à 4,1% chez les 35 ans et plus, p<10-3) et concernait plus souvent les femmes nées en France (3,2%, p<10-2) ou habitant hors Île-de-France (3,2% vs. 1,8%, p<10-3). Le dépistage était également moins souvent réalisé chez les femmes ayant fait des études supérieures (3,4%, p<10-2), exerçant une profession intermédiaire (3,6%) ou supérieure (3,8%, p<10-2), bénéficiant d’une couverture maladie complémentaire (3,1% vs. 1,7%, p<0,05), ayant déjà eu au moins un enfant (3,8% vs. 1,6%, p<10-3), ayant été suivies essentiellement par un gynécologue-obstétricien (3,2%, p<0,05) ou ayant déclaré avoir eu 5 à 9 visites prénatales (3,1%, p<0,05).

En analyse multivariée, les facteurs significativement associés à l’absence de dépistage étaient le fait d’être âgée d’au moins 30 ans, d’être née en France (et non pas en Afrique subsaharienne), d’habiter hors Île-de-France (RP=1,5 ; [IC95%:1,13-2,04]) et d’avoir déjà au moins un enfant (RP=2,0 ; [IC95%:1,59-2,57]) (tableau 3).

Parmi les femmes dépistées pendant la grossesse, 32,0% [IC95%:31,1-32,9] avaient un test révélant la présence d’IgG attestant d’une immunisation antérieure.

Tableau 3 : Facteurs associés à l’absence de dépistage de la toxoplasmose, de la syphilis, de l’AgHBs (documenté) et du VIH (déclaré), en analyses uni- et multivariées. Résultats pondérés. Étude Elfe, France métropolitaine, 2011
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Syphilis

Ce dépistage a été réalisé pour 90,5% des femmes et non réalisé pour 2,6% (tableau 2). L’information manquait pour 6,9% des femmes, plus souvent pour celles résidant en Île-de-France (7,9% vs. 6,6%, p<0,05).

En excluant les femmes pour lesquelles l’information était manquante, l’absence de dépistage concernait 2,8% des femmes (tableau 3). En analyse univariée, elle était plus fréquente chez les mères nées en France (3,2%, p<10-2), habitant hors Île-de-France (3,4% vs. 1,1%, p<10-3), ayant déjà au moins un enfant (3,4% vs. 2,1%, p<10-3), suivies essentiellement par un gynécologue-obstétricien (3,2%) ou un médecin généraliste au cours de leur grossesse (4,8%, p<10-3), ou ayant eu moins de 5 visites prénatales (6,2%, p<10-3).

En analyse multivariée, les facteurs associés à l’absence de dépistage étaient le fait d’être née en France (et non pas en Afrique subsaharienne), d’habiter hors Île-de-France (RP=2,6 ; [IC95%:1,67-3,94]), d’avoir eu au moins un enfant (RP=1,7 ; [IC95%:1,28-2,20]), d’avoir été essentiellement suivies par un gynécologue-obstétricien (RP=2,7 ; [IC95%:1,58-4,76]) ou un médecin généraliste (RP=3,6 ; [IC95%:1,83-7,13]) par rapport à une sage-femme ou d’avoir eu moins de 5 visites prénatales, par rapport à 5 à 9 visites (RP=2,1 ; [IC95%:1,06-3,99]) (tableau 3). Les femmes qui avaient eu au moins 10 visites prénatales étaient plus souvent dépistées que celles ayant eu 5 à 9 visites prénatales.

Parmi les femmes dépistées, 0,06% [IC95%:0,03-0,16] étaient positives pour la syphilis (TPHA-VDRL).

Hépatite B

Ce dépistage a été réalisé pour 92,4% des femmes et non réalisé pour 2,2% (tableau 2). L’information manquait pour 5,5% des femmes, plus fréquemment pour celles résidant en Île-de-France (7,6% vs. 4,8%, p<10-3).

En excluant les femmes pour lesquelles l’information était manquante, 2,3% des femmes (tableau 3) n’avaient pas été dépistées : 85,8% car précédemment vaccinées, 3,7% en raison d’un portage chronique déjà connu de l’AgHBs et 10,5% pour une autre raison. En analyse univariée, la non réalisation du test concernait plus souvent les mères nées dans une zone de faible endémicité du VHB (2,5% vs. 1,1%, p<10-3), habitant hors Île-de-France (2,8% vs. 0,5%, p<10-3) ou ayant une activité professionnelle au moment de la grossesse (2,7% vs. 1,6%, p<10-3) (tableau 3). La proportion de mères non dépistées augmentait avec le niveau d’études (p<10-2).

En analyse multivariée, le seul facteur associé à la non réalisation du dépistage était le fait de résider hors Île-de-France (RP=5,4 ; [IC95%:3,01-9,70]) (tableau 3).

Parmi les mères dépistées en cours de grossesse, 0,8% [IC95%:0,6-1,1] étaient positives pour l’AgHBs. Cette proportion était de 0,3% [IC95%:0,2-0,5] pour celles nées dans un pays de faible endémicité du VHB, 1,2% [IC95%:0,6-2,2] pour celles nées dans un pays de moyenne endémicité et 6,7% [IC95%:4,5-9,8] pour celles nées en pays de forte endémicité. Elle était plus élevée pour les mères habitant en Île-de-France (1,4% vs. 0,7%, p<10-2) ou celles ne vivant pas en couple (2,4% vs. 0,7%, p<10-3).

L’information sur l’injection des immunoglobulines anti-HBs et de la première dose de vaccination anti-VHB chez l’enfant n’était présente que pour 85,0% [IC95%:73,6-92,0] des femmes dépistées positives pour l’AgHBs en cours de grossesse ou non dépistées en raison d’un portage chronique déjà connu : 74,5% [IC95% 61,3-84,4] des enfants avaient reçu une sérovaccination, 2,2% [IC95%:0,6-7,5] uniquement des immunoglobulines, 1,1% [IC95%:0,3-4,6] uniquement la première dose de vaccination et 22,2% [IC95%:12,9-35,4] n’avaient bénéficié d’aucune mesure préventive.

VIH

Parmi les femmes interrogées, 83,3% ont indiqué avoir été dépistées pour le VIH pendant leur grossesse, 10,2% ne pas l’avoir été, 4,4% ne pas savoir et l’information manquait dans 2,1% des cas (tableau 2). Les femmes nées à l’étranger étaient plus nombreuses à ne pas savoir ou ne pas avoir répondu (8,8% vs. 4,6%, p<10-3). Il en était de même pour celles résidant en Île-de-France (9,4% vs. 5,6%, p<10-3).

Après exclusion des femmes qui n’avaient pas répondu ou avaient indiqué ne pas savoir, l’absence déclarée de dépistage concernait 11,0% des femmes (tableau 3). Les raisons mentionnées étaient l’absence de proposition (51,4%), l’existence d’un test récent (23,1%), le refus du dépistage (6,2%) ou un autre motif (3,8%) ; 15,5% déclaraient ne pas savoir pourquoi elles n’avaient pas été dépistées. En analyse univariée, l’absence déclarée de dépistage du VIH concernait plus fréquemment les femmes les plus jeunes (13,2% chez les 18-24 ans, p<0,05), nées en Afrique du Nord (17,3%), résidant hors Île-de-France (11,9% vs. 7,6%, p<10-3), vivant en couple (11,3% vs. 7,5%, p<10-2), ayant déjà au moins un enfant (12,2% vs. 9,2%, p<10-3), ayant un niveau d’études inférieur ou égal au BEP (13,4%, p<10-3), sans activité professionnelle au moment de la grossesse (12,2% vs. 10,3%, p<10-2) ou ayant été suivies essentiellement par un médecin généraliste (16,0%, p<10-3) (tableau 3).

En analyse multivariée, les facteurs associés à l’absence déclarée de dépistage du VIH étaient le fait d’être âgée de moins de 25 ans, d’être née en Afrique du Nord (RP=1,8 ; [IC95%:1,41-2,25]), d’habiter hors Île-de-France (RP=1,6 ; [IC95%:1,33-1,89]), de vivre en couple, d’avoir déjà au moins un enfant (RP=1,4 ; [IC95%:1,24-1,62]) et d’avoir été suivies essentiellement par un professionnel de santé autre qu’une sage-femme (tableau 3).

CMV

L’information concernant le dépistage du CMV au cours de la grossesse était présente pour 76,6% des mères (tableau 2) et, parmi celles-ci, le dépistage du CMV a été réalisé pour 24,6% (tableau 4).

En analyse univariée, la pratique du dépistage augmentait avec l’âge des mères (de 19,1% chez les 18-24 ans à 25,9% chez les plus de 35 ans, p<10-3), le niveau d’études (p<10-3) et la catégorie socioprofessionnelle (p<10-3) (tableau 4). Le dépistage était également plus souvent réalisé chez les mères ayant une activité professionnelle au moment de la grossesse (26,5% vs. 21,2%, p<10-3), habitant en Île-de-France (43,6% vs. 18,9%, p<10-3), ayant moins de trois enfants (p<10-2), bénéficiant du régime général ou d’un autre régime par rapport à celles bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU) ou de l’Aide médicale d’État (AME) (25,6% vs. 18,6%, p<10-3), bénéficiant d’une couverture maladie complémentaire (25,1% vs. 20,1%, p<10-2) ou suivies par un gynécologue-obstétricien (26,6%, p<10-3). En revanche, il n’existait pas d’association significative avec le fait d’être née dans un pays industrialisé ou pas.

En analyse multivariée, les facteurs associés à la réalisation du dépistage étaient le fait d’être âgée de plus de 30 ans, d’exercer une profession intermédiaire (RP=1,2 ; [IC95%:1,05-1,45]) ou intellectuelle supérieure (RP=1,3 ; [IC95%:1,08-1,51]) et d’avoir été essentiellement suivies par un gynécologue-obstétricien (RP=1,3 ; IC95%:[1,11-1,43]) ou par plusieurs professionnels (RP=1,2 ; [IC95%:1,03-1,39]). Le dépistage était moins souvent réalisé chez les mères résidant hors Île-de-France (RP=0,4 ; [IC95%:0,40-0,46]) et celles ne disposant pas d’une couverture maladie complémentaire (RP=0,8 ; [IC95%:0,65-0,91]) (tableau 4).

Chez les mères dépistées, 33% [IC95%:31,0-35,0]) avaient un test positif (IgG et/ou IgM), parmi lesquelles 4,8% [IC95%:3,3-6,8] présentaient des IgM seules ou associées aux IgG spécifiques.

Tableau 4 : Facteurs associés à la réalisation du dépistage du CMV au cours de la grossesse (documenté) en analyses uni- et multivariées. Résultats pondérés. Étude Elfe, France métropolitaine, 2011
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Discussion

Cette étude a permis d’estimer, à partir d’un échantillon aléatoire de grande taille, la fréquence de réalisation des dépistages infectieux prénataux en France métropolitaine, en 2011. Les dépistages obligatoires (toxoplasmose, syphilis, hépatite B) ont été réalisés en cours de grossesse pour plus de 90% des femmes (97% en excluant les femmes pour lesquelles l’information était manquante). La proportion de femmes non dépistées pour le VIH au cours de leur grossesse était plus élevée, de l’ordre de 10-11%, selon les informations recueillies auprès des mères. Enfin, bien qu’il ne soit pas recommandé, le dépistage du CMV a été réalisé pour près d’un quart des femmes pour lesquelles l’information était présente dans le dossier médical. Cette étude a mis en évidence que les facteurs communs associés à l’absence de réalisation des dépistages infectieux prénataux à caractère obligatoire (syphilis, VIH, hépatite B, toxoplasmose) étaient le fait d’habiter hors Île-de-France et d’avoir déjà au moins un enfant (sauf pour l’hépatite B).

La moindre fréquence de réalisation du dépistage de la toxoplasmose chez les femmes ayant déjà au moins un enfant s’explique en partie par la probabilité plus élevée qu’ont ces femmes d’avoir des résultats écrits témoignant d’une immunité acquise qui les dispensent de l’obligation légale du dépistage prénatal 1. La quasi-totalité (97,5%) des femmes non dépistées (2,8-2,9%) avaient une immunisation connue. Ainsi, 0,07% des femmes n’avaient pas été dépistées alors qu’elles auraient dû l’être. La primo-infection toxoplasmique expose au risque de toxoplasmose congénitale, ce qui justifie l’obligation de dépistage, en l’absence de preuve d’une immunité acquise. Au total, 94,2 à 97,1% des mères ont été dépistées pour la toxoplasmose (selon exclusion ou non des données manquantes), dont 32,0% [IC95%:31,1-32,9] étaient immunisées. Ces résultats sont concordants avec la diminution observée de la séroprévalence de la toxoplasmose chez les femmes enceintes en France : dans les ENP réalisées en 1995, 2003 et 2010, la séroprévalence de la toxoplasmose était en effet respectivement de 54,3%, 43% et 36,7% 8.

Plus de 90% de l’ensemble des femmes de notre étude ont bénéficié d’un dépistage prénatal de la syphilis (90,5 à 97,2% selon que l’on prenne ou non en compte les femmes pour lesquelles l’information manquait). L’absence de dépistage était plus fréquente lorsque les femmes avaient été suivies essentiellement par un professionnel de santé autre qu’une sage-femme et lorsque le nombre de visites prénatales avait été faible, suggérant un suivi insuffisant de la grossesse. Rappelons que le dépistage par un test tréponémique et non tréponémique est obligatoire au premier trimestre de grossesse. En outre, la Haute Autorité de santé recommande de répéter ce dépistage au cours du troisième trimestre de grossesse en cas de risque de contamination récente, par exemple si la femme ou son conjoint ont eu des rapports sexuels non protégés avec un nouveau partenaire après le premier dépistage 9. La proportion de mères dépistées positives est estimée à 0,06% [IC95%:0,03-0,16] dans notre étude. Cependant, en raison de la faible valeur prédictive positive du dépistage de la syphilis chez la femme enceinte (de l’ordre de 20%), cette proportion ne préjuge pas du taux réel d’infections chez les femmes enceintes puisque le diagnostic nécessiterait un test de confirmation.

La fréquence de réalisation du dépistage prénatal de l’hépatite B, estimée à au moins 92,4% pour l’ensemble des femmes, est proche de la proportion de 89,6% estimée à partir des données 2012 des certificats de santé du 8e jour (exploitation Institut de veille sanitaire, non publiée). Pour 85% des femmes non dépistées, le motif indiqué était le fait d’être vaccinées contre l’hépatite B. Il convient cependant de rappeler que la vaccination anti-VHB ne dispense pas de l’obligation de dépistage prénatal de l’AgHBs. La prévalence du portage de l’AgHBs chez les femmes dépistées, estimée à 0,8% [IC95%:0,6-1,1%] d’après notre étude, est en cohérence avec la prévalence estimée à partir des certificats de santé (0,83% ; [IC95%:0,81-0,86%] en 2012). Elle atteignait près de 7% chez les mères nées en Afrique subsaharienne et en Asie (zones de forte endémicité du VHB), soulignant la nécessité non seulement d’une application rigoureuse de l’obligation de dépistage prénatal de l’hépatite B, mais aussi des recommandations de sérovaccination des nouveau-nés de mères porteuses de l’AgHBs 3. Seuls les trois quarts des enfants de mères porteuses de l’AgHBs pour lesquelles l’information était présente (85%) auraient reçu des immunoglobulines anti-HBs et la première dose de vaccination anti-VHB. Même si un problème de remplissage des questionnaires ou des dossiers médicaux n’est pas exclu, ces résultats sont préoccupants. En effet, le risque de transmission materno-fœtale du virus de l’hépatite B est majeur, pouvant atteindre 90% si la mère est également positive vis-à-vis de l’AgHBe avec, pour l’enfant, un risque de passage à la chronicité de l’ordre de 80-90% 10.

En ce qui concerne l’absence déclarée de dépistage du VIH, les données étaient issues de l’entretien maternel et non du dossier médical, ce qui rendait leur interprétation difficile. Seules 83,3% des femmes indiquaient avoir été testées pour le VIH, proportion probablement sous-estimée. En effet, la non réalisation du dépistage (chez environ 10% des femmes) et l’impossibilité de répondre à cette question (pour environ 7% des femmes) étaient plus fréquentes chez les femmes nées à l’étranger, suggérant qu’elles n’avaient pas toutes été informées de la réalisation d’un test VIH durant leur grossesse. Il est important de rappeler l’obligation de proposer le test VIH à toutes les femmes enceintes et de leur rendre le résultat, quel qu’il soit 2. Le fait d’avoir été suivie essentiellement par un professionnel de santé autre qu’une sage-femme, et notamment par un médecin généraliste, était significativement associé à l’absence de dépistage du VIH. Ceci suggère que les professionnels de santé ont des difficultés à appliquer les recommandations de dépistage, notamment en médecine de ville. L’absence de dépistage constitue une véritable perte de chance, car la contamination materno-fœtale est proche de 20% sans prise en charge adaptée de la mère et de l’enfant (vs. 1% en cas de prise en charge globale 11), d’où l’importance de proposer systématiquement ce dépistage, même chez les mères estimées moins exposées au VIH (les femmes jeunes, les femmes nées en Afrique du Nord ou les femmes vivant en couple, d’après les résultats de l’étude).

Près d’un cinquième des femmes ont été dépistées pour le CMV (environ un quart en excluant celles pour lesquelles l’information manquait) malgré l’absence de recommandation officielle des autorités sanitaires françaises, suite aux conclusions du rapport de l’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) de 2004. Celles-ci sont toujours d’actualité en raison de tests sérologiques avec des performances variables, ainsi que de l’absence de vaccin et de traitement prénatal validé 12. Dans une étude traitant des pratiques de dépistage du CMV de 2000 à 2003, 22% des femmes enceintes étaient dépistées au moins une fois pour le CMV au cours de leur grossesse 5. Le pourcentage de femmes dépistées y était plus élevé chez les professions libérales et les commerçants que chez les artisans et en région parisienne. Les prescripteurs étaient majoritairement des obstétriciens. Nos résultats sont en bonne concordance avec ces données. Appartenir à une catégorie sociale élevée et habiter en Île-de-France étaient des facteurs associés à la pratique du dépistage du CMV, ce qui pourrait être lié en partie aux pratiques globales de dépistage, plus développées dans ces populations 5.

L’une des limites de cette étude est un possible biais de recrutement des femmes incluses, mais son impact sur les résultats a été minimisé par le redressement mis en œuvre 6. Concernant plus spécifiquement les questions relatives aux dépistages prénataux obligatoires, la proportion de données manquantes était non négligeable (de 3% à 7%), liée à l’absence d’informations dans le dossier médical. C’est pourquoi les proportions de femmes dépistées et non dépistées ont été estimées en prenant ou non en compte les femmes pour lesquelles l’information était manquante. La proportion de valeurs manquantes concernant la réalisation des dépistages était systématiquement plus élevée pour les femmes résidant en Île-de-France, mais les raisons de cette différence n’ont pas pu être explorées.

En conclusion, cette étude a montré que, parmi les dépistages prénataux obligatoires (toxoplasmose, syphilis et hépatite B), ceux de la syphilis et de l’hépatite B étaient insuffisamment réalisés chez les femmes ayant accouché en France métropolitaine en 2011. Ce résultat souligne la nécessité de continuer à sensibiliser les professionnels de santé sur la mise en œuvre de ces dépistages prénataux, notamment la réalisation du dépistage de l’AgHBs, y compris chez les femmes vaccinées contre l’hépatite B, ainsi que celui de la syphilis chez les femmes dont la grossesse est insuffisamment suivie. Les résultats suggèrent également un défaut d’information des femmes concernant le dépistage prénatal du VIH, alors que ce test doit obligatoirement leur être proposé. À l’inverse, cette étude témoigne de la pratique du dépistage prénatal du CMV, bien que celui-ci ne soit pas recommandé.

Remerciements

Les auteurs remercient les femmes et les maternités participantes, les membres de l’équipe Elfe et Lucie Léon pour son appui statistique.

L’enquête Elfe est une réalisation conjointe de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Établissement français du sang (EFS), de l’Institut de veille sanitaire (InVS), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de la Direction générale de la santé (DGS, Ministère chargé de la Santé), de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR, Ministère chargé de l’Environnement), de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, Ministères en charge de la Santé et de l’Emploi) et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), avec le soutien du Ministère de la Recherche, du Comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales (CC DSHS) et du Ministère chargé de la Culture (Deps). Dans le cadre de la plateforme Reconai, elle bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’ANR au titre du Programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-11-EQPX-0038.

Ce projet a bénéficié du financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du projet ANR SOFI (« Déterminants socioculturels des pratiques alimentaires durant la première année de vie ») : ANR -12-DSSA-0001.

Références

1 Décret n° 2003-462 du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du code de la santé publique. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005634428
2 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social. Article 48. JO du 30 janvier 1993. http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000711603&dateTexte=&categorieLien=id
3 Haut Conseil de la santé publique. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2015. Paris, Ministère des Affaires sociales et de la Santé; 2015. 50 p. http://www.sante.gouv.fr/calendrier-vaccinal.html
4 Blondel B, Kermarrec M. Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en 2010 et leur évolution depuis 2003. Paris: Inserm; 2011. 132 p. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf
5 Moty-Monnereau C, Leroy V, Deligne J, Latapy C, Rumeau-Pichon C, Blum-Boisgard C, et al. Prenatal screening of cytomegalovirus in France: an increasing frequency practices of screening from 2000 to 2003 despite no recommendation in favor. Rev Epidémiol Santé Publique. 2005;53(6):591-600.
6 Juillard H, Thierry X, Razafindratsima N, Bringe A, Lanoë JL. Pondération de l’enquête ELFE en maternité. 2014. 37 p. https://pandora.vjf.inserm.fr/public/docs/ELFE_NoteDet0.pdf
7 Organisation mondiale de la santé. Répartition mondiale des hépatites A, B et C, 2001. Relevé Epidémiologique Hebdomadaire. 2002;77:45-7. http://www.who.int/docstore/wer/pdf/2002/wer7706.pdf
8 Tourdjman M, Tchéandjieu C, De Valk H, Goulet V, Le Strat Yann. Toxoplasmose chez les femmes enceintes en France : évolution de la séroprévalence et des facteurs associés entre 1995 et 2010, à partir des enquêtes nationales périnatales. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(15-16):264-72. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/15-16/2015_15-16_5.html
9 Haute Autorité de santé. Évaluation a priori du dépistage de la syphilis en France. Recommandation en santé publique; mai 2007. Saint-Denis La Plaine: HAS http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_548127/fr/evaluation-a-priori-du-depistage-de-la-syphilis-en-france
10 Beasley RP, Hwang LY, Lee GC, Lan CC, Roan CH, Huang FY, et al. Prevention of perinatally transmitted hepatitis B virus infections with hepatitis B immune globulin and hepatitis B vaccine. Lancet.1983;2(8359):1099-102.
11 Warszawski J, Tubiana R, Le CJ, Blanche S, Teglas JP, Dollfus C, et al. Mother-to-child HIV transmission despite antiretroviral therapy in the ANRS French Perinatal Cohort. AIDS. 2008;22(2):289-99.
12 Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Évaluation de l’intérêt du dépistage de l’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte en France. Paris: Anaes; 2004. 113 p. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272378/en/assessment-of-screening-for-cytomegalovirus-cmv-infection-in-pregnant-women-in-france

Citer cet article

Richaud-Eyraud E, Brouard C, Antona D, La Ruche G, Tourdjman M, Dufourg MN, et al. Dépistage des maladies infectieuses en cours de grossesse : résultats de l’enquête Elfe en maternités, France métropolitaine, 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(15-16):254-63. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/15-16/2015_15-16_4.html