Hypothyroïdie congénitale : évolution à long terme chez le jeune adulte

// Congenital hypothyroidism: long term outcome in young adults

Juliane Léger1,2,3 (juliane.leger@rdb.aphp.fr), Sophie Dos Santos1, Emmanuel Ecosse1
1 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital Robert Debré, Service d’endocrinologie-diabétologie pédiatrique ; Centre de référence des maladies endocriniennes rares de la croissance, Paris, France
2 Université Paris Diderot/Paris 7, Sorbonne Paris-Cité, Paris, France
3 Inserm U1141, DHU
Protect, Paris, France
Soumis le 28.10.2014 // Date of submission: 10.28.2014
Mots-clés : Hypothyroïdie congénitale | Dépistage néonatal | État de santé | Évolution à long terme | France
Keywords: Congenital hypothyroidism | Neonatal screening program | Health status | Outcome | France

Résumé

Introduction –

Le dépistage néonatal systématique de l’hypothyroïdie congénitale (HC) a permis d’améliorer le pronostic des patients dépistés, depuis sa généralisation en France en 1979.

Objectifs –

Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’état de santé et les caractéristiques sociodémographiques des jeunes adultes traités pour HC depuis la période néonatale.

Méthodes –

Tous les patients (n=1 748) dépistés lors de la première décennie suivant l’introduction du dépistage néonatal en France ont été sélectionnés pour l’étude. Ils étaient invités à compléter un questionnaire standardisé ; 70% (n=1 202) de la cohorte initiale ont répondu ; leur âge médian était de 23,4 ans. Les résultats ont été comparés à une population de référence (n=5 817) issue de l’Enquête décennale santé 2003.

Résultats –

La majorité des patients présentait un état de santé et une intégration sociale satisfaisants. Néanmoins, comparés à la population de référence, les patients ont déclaré une proportion plus élevée de maladies chroniques associées (5,7% vs. 2,9%), de baisse auditive (9,5% vs. 2,5%), de problèmes visuels (55,4% vs. 47,9%), ainsi que davantage de surpoids et d’obésité (22,8% vs. 15,7%). La proportion de patients atteignant le niveau socioéconomique le plus élevé et avec un emploi à temps plein était légèrement moindre, respectivement de 14,6% vs. 23,1% et 39,9% vs. 44,8% (p<0,0001). Ils étaient plus nombreux à vivre encore chez leurs parents et avaient une qualité de vie légèrement inférieure sur le plan de la composante mentale. Les facteurs qui altéraient le niveau d’études atteint et la qualité de vie étaient la sévérité initiale de l’affection, la persistance d’une hypothyroïdie à l’âge adulte, liée le plus souvent à une observance insuffisante du traitement, la présence d’une maladie chronique associée, l’existence d’une baisse de l’audition et d’une obésité.

Conclusion –

Un traitement et une prise en charge optimales depuis la période néonatale, l’identification précoce d’une éventuelle comorbidité et des stratégies éducatives pour améliorer une adhésion thérapeutique au long cours, particulièrement au moment de l’adolescence et de la période de transition vers la prise en charge en secteur adulte, devraient améliorer le pronostic à long terme.

Abstract

The neonatal screening and early treatment of congenital hypothyroidism (CH) patients has successfully improved the prognosis and management of this disorder. In France, the CH neonatal screening was implemented nationwide in 1979.

Objectives –

The aim of this study was to assess self-reported health status and sociodemographic characteristics for a population-based registry of young adult patients with CH.

Methods –

All 1,748 eligible patients diagnosed during the first decade after the introduction of neonatal screening in France, were invited to participate in this study at a median age of 23.4 years. Completed questionnaires, including health indicators, were obtained from 1,202 of the selected patients. The comparison group included 5,817 subjects of the same age, from the 2003 French Decennial Health Survey.

Results –

Most patients were in good health and well integrated into society. However, patients with CH were significantly more likely than their peers to report associated chronic diseases (5.7 vs. 2.9%), hearing impairment (9.5 vs. 2.5%), visual problems (55.4 vs. 47.9%) and being overweight, with a BMI≥25 (22.8 vs. 15.7% ; p<0.0001). Furthermore, fewer patients reached the highest socioeconomic category (14.6 vs. 23.1%) and full-time employment (39.9 vs. 44.8%; p<0.0001). They were more likely to be still living with their parents and had a slightly lower health-related quality of life (HRQoL) than their healthy peers, particularly for mental dimensions. CH severity at diagnosis, the persistence of hypothyroidism in adulthood, most likely linked to insufficient treatment adherence, the presence of other chronic health conditions, hearing impairment and obesity were the main determinants of educational achievement and HRQoL scores.

Conclusion –

Optimal treatment and management throughout the patient’s life, beginning in the neonatal period, identification and management of associated medical conditions, and better educational strategies to improve compliance with treatment, but particularly during the transition from pediatric to adult services, should improve the long-term prognosis.

Introduction

L’hypothyroïdie congénitale (HC) est une des maladies congénitales endocriniennes les plus fréquentes. Alors qu’environ un quart des patients présentait un retard psychomoteur important avant l’introduction en France, en 1979, du dépistage néonatal systématique, du fait du retard à la mise en route du traitement, la prévention des anomalies neurodéveloppementales liées à un traitement précoce reste la justification majeure du dépistage néonatal. En effet, la mise en œuvre du traitement précoce a permis de situer le quotient de développement moyen d’environ 20 points supérieur à celui qu’il était avant l’introduction du dépistage néonatal, avec un développement psychomoteur global quasiment normal des sujets atteints 1.

Cette affection est le plus souvent en relation avec une anomalie du développement de la glande thyroïde (ectopie, absence ou hypoplasie de la glande) qui survient principalement de manière sporadique, les formes familiales étant rares. Cependant, la présence d’environ 2% de formes familiales par dysgénésie de la glande, la plus grande fréquence par rapport à la population générale de malformations congénitales associées, ainsi que la présence élevée d’anomalies morphologiques mineures du développement de la thyroïde au sein de la famille au premier degré des patients avec dysgénésie thyroïdienne, font incriminer des facteurs génétiques encore mal connus. Parmi les hypothyroïdies avec glande en place, certaines sont en relation avec un trouble de l’hormonosynthèse thyroïdienne (le plus souvent avec goître) se transmettant généralement de manière autosomique récessive. D’autres formes sont associées au caractère permanent ou transitoire de l’hypothyroïdie. Ces formes avec glande en place nécessitent donc la réévaluation ultérieure de la fonction thyroïdienne après diminution, voire arrêt du traitement au cours de l’évolution dans l’enfance 1. Ces formes transitoires ont pu parfois être rapportées comme étant liées à une surcharge iodée (surtout chez les prématurés) ou, à l’inverse, à une carence iodée. Un trouble transitoire et génétique de l’hormonosynthèse a été récemment décrit (mutation hétérozygote du gène DUOX2). Toutes les formes permanentes nécessitent un traitement substitutif à vie par lévothyroxine.

De nombreuses études ont décrit l’évolution des patients pendant l’enfance. Certaines ont pu mettre en évidence la présence d’anomalies neurologiques fines chez quelques patients dont l’HC était particulièrement sévère. Les anomalies rapportées étaient à type de déficit mineur de la psychomotricité fine, de la mémoire et de l’attention, d’un retard d’acquisition du langage, le cursus scolaire étant normal pour la plupart de ces patients 1. Les études à long terme sont plus rares puisque le début du dépistage systématique de l’affection a été effectif, dans la plupart des pays, entre 1975 et 1985 (1979 en France).

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’état de santé, les caractéristiques sociodémographiques ainsi que leurs déterminants chez les jeunes adultes traités pour HC depuis la période néonatale.

Patients et méthodes

L’étude a inclus tous les patients nés en France entre 1978 et 1988 et présentant une HC dépistée à la naissance, soit 1 748 patients éligibles 2,3,4,5. Un questionnaire leur a été envoyé : 1 202 patients y ont répondu sur la période 2007-2008, soit 70% de la cohorte initiale. Il n’existait pas de différence entre les répondants (n=1 202) et les non-répondants (n=546) pour ce qui concerne la sévérité initiale de l’HC, l’âge et les doses de lévothyroxine au début du traitement, ainsi que le délai de normalisation des hormones thyroïdiennes après l’introduction du traitement 2. Les indicateurs recueillis par le questionnaire portaient sur l’état de santé, le traitement de l’hypothyroïdie, la qualité de vie (questionnaire SF-36), le niveau d’études et l’activité professionnelle. Ils ont été comparés à ceux recueillis par un questionnaire similaire sur une population de référence (n=5 817), née durant la même période en France (Enquête décennale santé 2003) 6.

L’étude a porté sur 884 femmes et 318 hommes, âgés en moyenne de 23,4 ans. Les causes de l’hypothyroïdie se répartissaient comme suit : 351 athyréoses (29%), 653 ectopies (54%), 174 hypothyroïdies avec glande en place (15%) ; dans 24 cas (2%), l’étiologie de l’hypothyroïdie était inconnue. L’âge médian des patients au moment du diagnostic était de 20 jours et la dose initiale de lévothyroxine de 5,3 µg/kg/j, inférieure à celle préconisée actuellement (entre 8 et 14 μg/kg/j en fonction de la sévérité initiale) 1.

L’étude a reçu l’approbation du Comité d’éthique institutionnel des hôpitaux Paris-Nord, Université Paris 7, AP-HP.

Analyse statistique

Les résultats des indicateurs concernant l’état de santé, la qualité de vie, le niveau d’études atteint et l’insertion socioprofessionnelle ont été comparés entre les patients avec HC et la population de référence. Les analyses ont été pondérées sur le sexe et l’âge, compte tenu d’une part, comme dans la plupart des pathologies thyroïdiennes, de la plus forte proportion de femmes que d’hommes au sein de la population HC et, d’autre part, d’une plus faible proportion de sujets plus âgés chez les patients par rapport à la population de référence, due à l’institution progressive du programme de dépistage néonatal systématique sur tout le territoire français, avant sa généralisation complète en 1979. L’étude des facteurs de risque a été analysée selon des méthodes reconnues 2,3,4,5. Pour quantifier les associations entre les variables d’intérêt et les facteurs explicatifs, et tout en prenant en compte les variables de confusion et d’ajustement, les risques relatifs ont été calculés par régression logistique. Le ratio de prévalence standardisé (SPR) a été utilisé pour quantifier le ratio de prévalence des comorbidités (prévalence observée / prévalence attendue à partir des données de la population de référence), la distribution de Poisson permettant d’obtenir l’intervalle de confiance à 95% de ce ratio. Les analyses ont été menées au moyen du logiciel SAS® v9.2.

Résultats

État de santé et caractéristiques sociodémographiques des patients

L’analyse de l’état de santé général des patients (tableau 1) révélait une fréquence supérieure à celle retrouvée dans la population générale de maladies chroniques associées (5,7% vs. 3%), de baisse de l’audition (9,5% vs. 2,5%), de problèmes visuels (55,4% vs. 48%), ainsi que de surpoids et d’obésité (22% vs. 16%). Le niveau d’études des patients était globalement bon. Cependant, il était légèrement inférieur à celui de la population de référence, de même que le statut socioéconomique, avec une proportion de patients dans les catégories socioprofessionnelles élevées et intermédiaires de 14% vs. 23% dans la population générale. La proportion de patients avec un emploi à temps plein était de 40% (45% en population générale) ; ils étaient un peu plus nombreux à vivre encore chez leurs parents (40% vs. 36% en population générale) et à être encore étudiants (31% vs. 28%).

Plusieurs facteurs influençaient le niveau d’études (évalué sur l’obtention ou non du baccalauréat) : la sévérité de l’hypothyroïdie, un contrôle insuffisant de la maladie, l’existence d’une pathologie associée ou d’une baisse de l’audition.

La qualité de vie des patients était équivalente à celle de la population générale sur le plan physique. En revanche, il existait une différence, modeste mais significative, sur la composante psychique de la qualité de vie (vitalité, liens sociaux). Les facteurs qui altéraient la qualité de vie étaient un équilibre thyroïdien inadéquat à l’âge adulte, la présence d’une maladie chronique associée, l’existence d’une baisse de l’audition et d’une obésité.

Sur le plan physique, l’évolution de la croissance et la taille adulte, ainsi que l’âge de survenue de la puberté (âge des premières règles chez les filles) étaient normaux. La fertilité, évaluée sur le délai à concevoir, était comparable à la population générale, mais aussi associée à la sévérité initiale de l’affection.

Tableau 1 : État de santé et caractéristiques sociodémographiques rapportés par les patients traités pour hypothyroïdie congénitale (HC) depuis la période néonatale par rapport à une population de référence, France (adapté de Léger et coll. 2)
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Risque de comorbidités chez les patients avec une HC

Le risque de comorbidités chez les patients avec une HC était 2 fois plus important par rapport à la population de référence : SPR=1,94 (IC95%:[1,51-2,46] ; p<0,0001) (tableau 2). Les pathologies neurodéveloppementales sévères et les malformations congénitales étaient significativement plus fréquentes par rapport à la population de référence. Aucune association n’a été mise en évidence entre la survenue des pathologies neurodéveloppementales et l’étiologie, la sévérité initiale de l’HC ou la qualité de la prise en charge de l’hypothyroïdie. Les malformations congénitales étaient plus fréquentes chez les patients ayant une forme sévère d’HC (athyréose).

Tableau 2 : Comorbidités chez les patients traités pour hypothyroïdie congénitale (HC) depuis la période néonatale, France (adapté de Azar-Kolakez et coll. 4)
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Baisse de l’audition selon le type d’HC

Parmi les 111 patients ayant déclaré une baisse de l’audition, seuls 4 étaient atteints du syndrome de Pendred. Chez les autres, le risque de déclarer une perte auditive (n=107/1 158) était 3,7 fois plus élevé au sein de la population HC que dans la population de référence (risque relatif, RR=3,7 ; IC95%:[2,9-4,7]). Les baisses d’audition ont été diagnostiquées à un âge médian de 7 ans (extrêmes : 3-19 ans) et ont nécessité un appareillage chez 17% des patients. Les troubles auditifs étaient plus fréquents parmi les patients présentant les formes les plus sévères d’HC, objectivées sur le retard de maturation osseuse avec absence d’au moins un point d’ossification au niveau des genoux au moment du diagnostic, chez les patients avec athyréose ou avec une glande en place en relation, le plus souvent, avec trouble de l’hormonosynthèse, et à la limite de la significativité chez ceux avec T4 libre au diagnostic <5,0 pmol/L (tableau 3). La perte d’audition n’était pas liée au sexe, à l’âge au début du traitement ou à l’équilibre thérapeutique pendant l’enfance. Les troubles auditifs étaient plus souvent observés chez les patients atteints d’autres maladies chroniques, de troubles neurodéveloppementaux ou de troubles visuels. La perte d’audition était principalement bilatérale (82%), légère à modérée (96%), avec une médiane de perte auditive à 35 décibels, de perception (76%) mais aussi de transmission (15%) ou mixte (9%) et affectant plus particulièrement les hautes fréquences (73%).

Tableau 3 : Baisse de l’audition en fonction du type et de la sévérité de l’hypothyroïdie congénitale (HC), France (adapté de Lichtenberger-Geslin et coll. 5)
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Discussion

Cette étude épidémiologique menée en France sur de jeunes adultes atteints d’HC a permis de confirmer la grande efficacité d’une prise en charge précoce, grâce au dépistage néonatal systématique, sur leur état de santé à long terme. Leur niveau d’études et leur insertion socioprofessionnelle sont globalement satisfaisants. Les rares études réalisées après la période de l’adolescence chez de jeunes adultes avec HC avaient parfois pu mettre en évidence des perturbations discrètes de l’attention et de la mémoire, un niveau d’études légèrement inférieur à la population générale en relation avec la sévérité initiale de l’HC et la qualité du traitement. Ces résultats sont à relier aux effets de l’hypothyroïdie chronique pendant le développement cérébral chez le fœtus et le jeune enfant. Ils soulignent l’importance d’un traitement adéquat dès la période néonatale et au long cours. De plus, à l’âge auquel ils ont été étudiés (jeunes adultes), les indices de qualité de vie et d’estime de soi étaient légèrement inférieurs à ceux d’une population de référence ; cela est probablement davantage en lien avec la chronicité de la maladie qu’avec la sévérité même de l’HC. Dans notre étude, la présence d’une hypothyroïdie à l’âge adulte, liée le plus souvent à une observance thérapeutique insuffisante, la présence d’une maladie chronique associée et l’existence d’une baisse de l’audition et d’une obésité étaient aussi des déterminants importants de la qualité de vie. Sur le plan comportemental, un retard de maturité et/ou d’autonomie chez ces patients ont pu parfois, comme dans d’autres maladies chroniques de l’enfant, être décrits, qui pourraient résulter du stress des parents associé à la maladie chronique. Ces études sont le reflet des pratiques médicales en vigueur les premières années suivant l’introduction du dépistage néonatal. Les résultats de travaux menés actuellement chez l’enfant semblent montrer une amélioration des performances intellectuelles des enfants atteints, en relation avec l’amélioration de la prise en charge.

Notre étude a pu également montrer, pour la première fois, une fréquence plus élevée de pathologies neurologiques et mentales chez des personnes nées avec une HC, en dépit d’un bon équilibre thérapeutique depuis la période néonatale et indépendamment de la sévérité initiale de l’hypothyroïdie. Les caractéristiques des baisses de l’audition ont pu aussi être analysées. Ce sont essentiellement des surdités de perception légères ou modérées, en partie liées à la sévérité initiale de l’HC. Jusqu’à présent, les comorbidités associées à l’HC n’avaient pas pu être étudiées chez les patients traités tardivement, compte tenu de leur retard de développement important, et les études chez les patients traités précocement étaient limitées en nombre de patients, ne permettant pas l’analyse de la fréquence des comorbidités, en dehors des malformations congénitales qui avaient déjà été rapportées sur de larges séries. Le rôle crucial des hormones thyroïdiennes sur le développement du système nerveux central pendant la vie fœtale et lors des premiers mois de vie a déjà été largement rapporté. Le mécanisme d’action est complexe, régulé par les désiodinases et les transporteurs des hormones thyroïdiennes qui assurent le transfert de la T3 (hormone active) dans le milieu intracérébral et un métabolisme intracellulaire adéquat pour agir au niveau des tissus cibles. Des mécanismes moléculaires, encore mal connus, qui faciliteraient l’accès et la maintenance des hormones thyroïdiennes au niveau du système nerveux central, pourraient être incriminés, leurs altérations pouvant peut-être expliquer les rares anomalies neurodéveloppementales sévères observées chez certains de nos patients malgré un traitement substitutif initié précocement. Des associations syndromiques pourraient aussi être évoquées et précisées, à l’avenir.
L’hypothyroïdie sévère a été depuis longtemps associée à des baisses d’audition, qui ont pu être rapportées chez environ 25% des patients avec hypothyroïdie acquise et 30% à 50% des patients avec HC traitée tardivement, avec une réversibilité partielle après traitement hormonal substitutif. En dehors du syndrome de Pendred, pour lequel la malformation de la cochlée type Mondini entraîne une surdité importante, des études chez les enfants avec HC traitée depuis la période néonatale ont produit des résultats controversés. Néanmoins, plusieurs études expérimentales ont montré que l’hypothyroïdie induite in utero provoquait une altération cochléaire au niveau de la maturation de l’épithélium sensoriel de l’oreille interne, avec des périodes « clés » de sensibilité aux hormones thyroïdiennes au cours des étapes du développement cochléaire. Expérimentalement, la gravité des lésions dépend de la précocité de l’hypothyroïdie in utero. L’extrapolation à partir de ces données expérimentales suggère que cette période critique se situerait, chez l’homme, entre la fin du premier trimestre in utero et la fin du premier mois de vie, expliquant ainsi les anomalies observées dans notre étude.

En conclusion, grâce à l’action de dépistage néonatal systématique, la prise en charge thérapeutique précoce dès la période néonatale permet un développement normal (physique et psychomoteur) des patients nés avec une HC. Le pronostic à long terme est fonction de la sévérité de l’hypothyroïdie et surtout de la qualité du traitement, qui doit faire l’objet d’une surveillance régulière à court et à long terme.

Remerciements

Les auteurs remercient l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE), qui soutient le programme de dépistage néonatal depuis sa création, il y a 35 ans en France.

Références

1 Léger J, Olivieri A, Donaldson M, Torresani T, Krude H, van Vliet G, et al; ESPE-PES-SLEP-JSPE-APEG-APPES-ISPAE; Congenital Hypothyroidism Consensus Conference Group. European Society for Paediatric Endocrinology consensus guidelines on screening, diagnosis, and management of congenital hypothyroidism. J Clin Endocrinol Metab. 2014;99(2):363-84.
2 Léger J, Ecosse E, Roussey M, Lanoë JL, Larroque B; French Congenital Hypothyroidism Study Group. Subtle health impairment and socioeducational attainment in young adult patients with congenital hypothyroidism diagnosed by neonatal screening: a longitudinal population-based cohort study. J Clin Endocrinol Metab. 2011;96(6):1771-82.
3 Hassani Y, Larroque B, Dos Santos S, Ecosse E, Bouyer J, Léger J. Fecundity in young adults treated early for congenital hypothyroidism is related to the initial severity of the disease: a longitudinal population-based cohort study. J Clin Endocrinol Metab. 2012;97(6):1897-904.
4 Azar-Kolakez A, Ecosse E, Dos Santos S, Léger J. All-cause and disease-specific mortality and morbidity in patients with congenital hypothyroidism treated since the neonatal period: a national population-based study. J Clin Endocrinol Metab. 2013;98(2):785-93.
5 Lichtenberger-Geslin L, Dos Santos S, Hassani Y, Ecosse E, Van Den Abbeele T, Léger J. Factors associated with hearing impairment in patients with congenital hypothyroidism treated since the neonatal period: a national population-based study. J Clin Endocrinol Metab. 2013;98(9):3644-52.
6 Institut national de la statistique et des études économiques [Internet]. Santé (enquête). http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/enq-sante.htm

Citer cet article

Léger J, Dos Santos S, Ecosse E. Hypothyroïdie congénitale : évolution à long terme chez le jeune adulte. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(15-16):248-53. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/15-16/2015_15-16_3.html