Premiers résultats de l’évaluation du programme expérimental de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus, France, 2010-2012

// First results of the experimental programme for organized cervical cancer screening, France, 2010-2012

Nicolas Duport (n.duport@invs.sante.fr), Emmanuelle Salines, Isabelle Grémy
Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 19.11.2013 // Date of submission: 11.19.2013
Mots-clés : Cancer du col de l’utérus | Dépistage organisé | Frottis cervico-utérin | Évaluation | France
Keywords: Cervical cancer | Organized screening | Pap-smear | Evaluation | France

Résumé

Objectifs –

Cet article présente les premiers résultats de l’évaluation des 13 départements expérimentant en France, selon le même protocole, l’organisation du dépistage du cancer du col utérin sur la période 2010-2012.

Méthodes –

Les données présentées sont issues des structures de gestion locales (départementales ou régionales) qui transmettent les données sous forme agrégée à l’Institut de veille sanitaire.

Résultats –

Le dépistage organisé concerne en France 13 départements, couvrant 13,4% de la population-cible des femmes de 25-65 ans. Sur la période 2010-2012, un total de 1,33 millions de femmes n’ayant pas réalisé de frottis sur prescription individuelle au cours des trois dernières années a reçu une incitation à se faire dépister. Suite aux incitations et relances (envoyées dans les 9 à 12 mois suivant une incitation en l’absence de dépistage), le taux de couverture de dépistage sur trois ans (2010-2012) a augmenté de 13,2 points. Douze mois après avoir reçu une incitation ou une relance, près de 280 000 femmes ont réalisé un dépistage qu’elles n’auraient probablement pas fait.

Conclusion –

Ces premiers résultats témoignent d’ores et déjà d’un impact positif du programme, avec notamment un gain significatif de couverture de dépistage par sollicitation de femmes peu ou pas dépistées. Ce programme constitue ainsi un dispositif supplémentaire dans la lutte contre les inégalités sociales de santé.

Abstract

Objectives –

This article presents the first results from the evaluation of the thirteen French departments testing an organization based on the same protocol of cervical cancer screening over the period 2010-2012.

Methods –

Aggregate data presented are collected from local (French department or region) monitoring centres of organized cervical cancer screening and transmitted to the French National Institute for Public Health Surveillance.

Results –

French organized cervical cancer screening relates to thirteen departments, which represent 13.4% of the French cervical cancer screening target-population (women aged 25-65y). Over the period 2010-2012, a total of 1.33 million women, who did not undergo a Pap-smear spontaneously during the last three years, received an invitation for screening. This call/recall system (women who do not respond to the first invitation over the 9 to 12 following months receive a reminder letter) increased the 3 years cervical cancer screening coverage rate by 13.2 points. Nearly 280,000 women underwent a Pap-smear over the twelve months following invitation or the reminder letter.

Conclusion –

These first results already show a positive impact of the programme, in particular a significant increase of the screening coverage rate. The programme, targeting women little or never screened, is an additional actor of the fight against social inequalities in health.

Introduction

Le cancer du col de l’utérus (CCU) répond aux critères de dépistage retenus par l’Organisation mondiale de la santé 1, du fait de son évolution lente et de l’existence de lésions précancéreuses curables. Le test de dépistage de référence est le frottis cervico-utérin (FCU), qui est recommandé en France chez les femmes de 25 à 65 ans tous les 3 ans après 2 premiers frottis négatifs à un an d’intervalle 2.

Si, depuis les années 1990, cinq départements ont testé différentes organisations de dépistage, l’année 2010 a marqué le début d’une expérimentation d’organisation selon un protocole commun dans 13 départements, couvrant 13,4% de la population-cible.

Contrairement aux autres programmes de dépistage organisé comme ceux du sein ou du côlon-rectum, l’organisation repose sur l’incitation/relance des femmes qui ne se font pas spontanément dépister individuellement et sur un recueil exhaustif des résultats de toutes les femmes de 25-65 ans ayant réalisé un dépistage, qu’il soit individuel (DI) ou organisé (DO).

Cette expérimentation est pilotée par la Direction générale de la santé et co-financée par l’Institut national du cancer. L’Institut de veille sanitaire est chargé de son évaluation, qui sera achevée fin 2014. Cet article présente les premiers résultats disponibles de l’évaluation fin 2013.

Méthodologie

Organisation du dépistage

L’organisation du dépistage est assurée par des structures de gestion (SG) locales (départementales ou régionales) (figure 1). L’expérimentation s’appuie sur un total de neuf SG : trois pérennes (Alsace, Isère, Martinique) et six financées spécifiquement pour l’occasion (Auvergne, Cher, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire, La Réunion, Val-de-Marne).

Figure 1 : Circuit général de l’organisation du dépistage du cancer du col de l’utérus en France en 2012
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Le modèle mis en œuvre en Alsace depuis 1994 3 a été retenu pour cette expérimentation. Il consiste d’une part à n’inciter, sur une période de trois ans, que les femmes de 25 à 65 ans révolus qui n’ont pas réalisé de frottis depuis trois ans et, d’autre part, à recueillir la totalité des résultats des femmes ayant réalisé un DI ou un frottis suite à l’incitation.

Les SG ont cinq rôles clefs : i) créer/animer un réseau de professionnels impliqués dans le dépistage, ii) constituer la liste des personnes cibles du DO en croisant différentes sources (provenant de l’assurance-maladie et des anatomo-cytopathologistes) et envoyer les incitations/relances, iii) gérer les exclusions du dépistage, iv) recueillir la totalité des actes de dépistage des femmes résidant dans le territoire couvert par la SG et v) recueillir la totalité des résultats des examens complémentaires pour s’assurer du suivi des frottis anormaux.

Construction des indicateurs présentés

Les résultats présentés sont calculés à partir de données agrégées par tranches d’âges quinquennales transmises par les SG.

La population-cible a été estimée à partir des projections Insee 2007-2042, en calculant l’effectif moyen sur la période 2010-2012 des femmes de 25-65 ans dans les 13 départements.

Deux groupes d’indicateurs, décrits dans un guide publié en 2009 4, sont présentés.

Le premier correspond aux indicateurs d’activité du dépistage :

  • le taux de couverture de dépistage sur trois ans, qui correspond à la proportion de femmes de la population-cible (corrigée des exclusions définitives pour raisons médicales) ayant effectué un DI ou suite à une incitation/relance en 2010-2012. Il est exprimé en taux standardisé sur la répartition des tranches d’âge de la population française (France entière) de l’année 2010. Si une femme a réalisé plusieurs frottis de dépistage au cours de la période, seul le premier est comptabilisé ;
  • les taux de participation par vague d’incitation et par vague de relance, qui permettent d’apprécier la performance de l’incitation ou de la relance. Ils sont définis comme la proportion de femmes ayant réalisé un dépistage au cours des 12 mois suivant une incitation ou une relance. Contrairement au taux de couverture, la date retenue est celle de l’incitation ou de la relance et non de l’acte de dépistage : le frottis comptabilisé a de ce fait pu être réalisé après 2012.

Le deuxième groupe d’indicateurs correspond aux indicateurs de qualité des tests, des examens et du suivi :

  • la proportion de frottis non-satisfaisants pour l’évaluation 5, qui mesure la proportion de frottis devant être refaits (si possible dans un délai de 3 à 6 mois) ;
  • la proportion de frottis jugés anormaux (parmi les frottis satisfaisants). Pour cet indicateur, le caractère anormal du frottis est défini comme la présence d’anomalies des cellules malpighiennes et/ou glandulaires.

Résultats

La population-cible dans les 13 départements représentait 13,4% de la population-cible française, avec environ 2,37 millions de femmes de 25-65 ans (tableau 1). La répartition des tranches d’âge était très proche de celle retrouvée au niveau de la France pour les trois années sauf en ce qui concerne la dernière (60-65 ans), qui était légèrement sous-représentée dans les 13 départements. Cette population-cible était construite par les SG à partir des bases de l’assurance-maladie enrichies des données en provenance des anatomo-cytopathologistes (ACP). Si globalement, dans les 13 départements, la différence entre population-cible transmise par l’assurance-maladie et population-cible retravaillée par les SG (servant de base aux incitations/relances) était faible (environ 0,6%), en revanche au niveau départemental cette différence pouvait dépasser 20%.

Sur la période 2010-2012, le volume total d’incitations était de plus de 1,33 millions, dont la répartition était de 28,0% en 2010, année de démarrage pour 6 des 9 structures, 40,7% en 2011 et 31,3% en 2012. Le volume total de relances sur la période dans 12 départements (La Réunion n’ayant pas effectué de relances) était de presque 460 000, dont la répartition était de 10,1% en 2010 étant donné qu’elles ne concernaient que deux SG, l’Alsace et l’Isère, 35,8% en 2011 et 54,1% en 2012. Une partie des femmes incitées en 2012 a été relancée en 2013 et n’a donc pas été comptabilisée dans ce total (tableau 1).

Tableau 1 : Population-cible du dépistage du cancer du col de l’utérus (effectif Insee moyen issu des projections 2007-2042 des femmes de 25-65 ans), effectif des exclusions définitives pour raisons médicales et nombre de femmes incitées et relancées par les structures de gestion, France, 2010-2012
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Le taux standardisé de couverture global (13 départements) sur trois ans était de 61,7%. Les deux départements alsaciens n’ayant pas reçu le fichier complet de l’assurance-maladie pour l’année 2010, la part due au DO a été calculée dans 11 départements. Elle était de 13,2 points pour un taux standardisé de couverture global (11 départements) sur trois ans de 58,7%. Dans les deux structures pérennes métropolitaines, la couverture était supérieure à 70%, avec une part du DO en Isère de 14,1 points. En Martinique, en revanche, la couverture n’était que de 41,0% avec une part du DO de 11,9 points. Dans les six structures expérimentales, la couverture oscillait entre 51,3 (Cher) et 62,5% (Indre-et-Loire), avec une part du DO comprise entre 9,0 (Val-de-Marne) et 24,0 points (Cher) (tableau 2).

Le taux de participation global par vague d’incitation sur trois ans était de 16,4% dans les 12 mois suivant l’incitation. Il variait selon les départements de 9,7% (Val-de-Marne) à 23,6% (Isère) (tableau 2). Le taux de participation global par vague de relance sur trois ans était de 9,9% et ne concernait que 10 départements, La Réunion n’ayant pas réalisé de relances et l’Alsace n’étant pas en mesure de fournir ce résultat. Il variait selon les départements de 8,9% (Val-de-Marne) à 16,1% (Auvergne). Globalement grâce au programme, sur trois années d’activité ce sont au moins (1) 255 982 femmes supplémentaires, et même 276 341 en comptabilisant les femmes ayant réalisé un frottis en 2013 mais incitées/relancées en 2010-2012, qui ont pu bénéficier d’un dépistage.

Tableau 2 : Taux standardisés de couverture de dépistage du col de l’utérus (exclusions prises en compte), part estimée due au programme pour la période 2010-2012 et taux de participation dans les 12 mois suivant une incitation réalisée dans la période 2010-2012 ou suivant une relance, France
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Par ailleurs, sur les trois années, les SG ont pu repérer, suite aux incitations, un total de 34 337 femmes exclues définitivement du dépistage pour raisons médicales (hystérectomie totale en majorité) (tableau 1). Si ces exclusions ne concernaient que 1,5% des femmes de 25-65 ans, elles représentaient en revanche 5,2% des femmes de la tranche d’âge 60-65 ans avec 15 644 exclusions.

La proportion de frottis non-satisfaisants pour l’évaluation était globalement de 0,5% sur un total de près de 890 000 frottis analysés et issus du DI ou du DO. Elle variait selon les départements de 0,3% (Indre-et-Loire) à 2,6% (Martinique) (tableau 3).

Tableau 3 : Proportion de frottis non-satisfaisants (NSPE) dans le dépistage du cancer du col de l’utérus, France, 2010-2012
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Un frottis non-satisfaisant signifie qu’il doit être refait au cours des trois à six prochains mois ; or, dans les treize départements, la proportion de frottis non refaits après 6 mois était élevée, atteignant 3,7% soit près de 2 800 femmes.

La proportion de frottis jugés anormaux était globalement de 3,9% sur un total d’environ 885 000 frottis avec résultat satisfaisant (tableau 4). Cette proportion concernait donc environ 35 000 femmes, qui ont dû réaliser des examens complémentaires à la recherche d’éventuelles lésions histologiques (précancéreuses ou cancéreuses).

Tableau 4 : Proportion de frottis (FCU) jugés anormaux dans le dépistage du cancer du col de l’utérus, France, 2010-2012
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Discussion

Cet article présente les premiers résultats de l’évaluation des 13 départements organisant le dépistage du cancer du col utérin en France. Si aucun n’a atteint les 80% de couverture de dépistage sur trois ans inscrits dans la loi de santé publique de 2004 6,7, les départements métropolitains pérennes (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Isère) dépassent 70%. En revanche, les départements expérimentaux ont des taux plus bas, entre 51,3 et 64,6%, ce qui est en faveur d’un effet entrainant (par sensibilisation) de l’organisation du dépistage basée sur l’incitation/relance des femmes qui ne se font pas spontanément dépister individuellement. La Martinique se démarque avec un taux de couverture de 41%, très inférieur à celui calculé à 52,6% lors de la précédente évaluation 8. Une des explications possibles est la gestion séparée des DI et DO qui a compliqué l’extraction et qui est difficilement repérable et corrigeable sur données agrégées. Une autre explication est l’existence de 8 000 frottis lus en métropole et non encore comptabilisés : leur comptabilisation augmenterait la couverture de presque 8 points.

Le choix d’organiser ce dépistage selon un mode incitation/relance des femmes peu ou pas dépistées repose sur le constat d’une couverture élevée de DI. Celle-ci est souvent estimée à partir de l’échantillon généraliste des bénéficiaires de l’assurance-maladie : sur la période 2006-2008, elle était de 56,6% en France 9. Il s’agit néanmoins d’une estimation basse, car elle ne prend en compte sur cette période que le régime général (avec comme dénominateur la population Insee) et uniquement les frottis réalisés en libéral. Elle ne permet pas non plus de distinguer les frottis de dépistage des frottis de contrôle, ce qui a tendance à surestimer cette couverture mais l’effet est marginal. Grâce aux SG, il est possible de calculer la couverture réelle de DI. Globalement sur 11 départements (hors Alsace) elle est de 45,5%, ce qui est inférieur à l’estimation nationale basse. De plus, la situation est extrêmement hétérogène entre les départements avec une couverture de DI de 27,3% (Cher) à 57,5% (Isère).

La part de couverture de 13,2 points attribuable au DO peut être considérée comme encourageante compte tenu du fait que les incitations/relances s’adressent à des femmes qui ne se font pas spontanément dépister individuellement, voire peut-être même réfractaires au dépistage. Si cet indicateur est majeur en termes de santé publique, il ne donne qu’une information tronquée de la performance des incitations/relances. En effet, l’impact des incitations de l’année N se décèle sur la couverture de dépistage des années N et N+1. Ce phénomène est encore plus décalé pour les relances. Dans le futur, le calcul du taux de couverture de dépistage ainsi que la part attribuable au DO, sur 5 ans, permettra de tenir compte de ces décalages les premières années. D’autres indicateurs ont donc été calculés. Il s’agit des taux de participation par vague d’incitations et de relances. Cependant, ces derniers sont dépendants des tranches d’âges ciblées, rendant les comparaisons entre départements difficiles à interpréter. Globalement, la performance des incitations et des relances à 12 mois est respectivement de 16,4% et de 9,9%, ce qui représente un volume d’environ 280 000 femmes ayant réalisé un dépistage suite au programme.

Deux indicateurs de qualité en rapport avec les résultats cytologiques ont pu être présentés. Néanmoins, ils sont à interpréter avec précaution. D’une part, ils ne sont pas complètement consolidés (en date du 15 novembre 2013) étant donné le délai encore trop court depuis la fin des incitations (le 31 décembre 2012). D’autre part, si l’on excepte l’Alsace, région pérenne qui n’a pas modifié son programme depuis le début et qui bénéficie d’un réseau de professionnels très solide, toutes les autres SG se sont heurtées à de nombreuses difficultés pour recueillir les résultats des frottis. L’exhaustivité de ce recueil varie, en novembre 2013, de 19,0% (Val-de-Marne) à 80,5% (Indre-et-Loire). Les principales difficultés étaient : i) des revendications catégorielles des ACP bloquant les transmissions aux structures de santé publique, dans le cadre d’un mouvement syndical ; ii) d’ordre déontologique, certains professionnels de santé refusant de transmettre sans leur accord les données des femmes ayant réalisé un DI; iii) informatiques, l’implantation du logiciel permettant la gestion des résultats des frottis et des examens ayant connu dans certaines SG un retard important (>2 ans). Certaines structures ACP n’ont pas souhaité installer le module qui leur était proposé pour extraire de manière automatique leurs données et ont transmis des résultats en format papier. Les volumes de fiches en cours de traitement sont importants et varient, selon les SG, entre 8 000 et 30 000 ; iv) pour les SG expérimentales, à l’exception de l’Indre-et-Loire, les résultats des frottis de 2010 antérieurs à la date de démarrage des expérimentations (juin-juillet pour la plupart, novembre pour le Val-de-Marne) ne leur ont pas été transmis. Pour le Val-de-Marne, il existe une difficulté supplémentaire : la grande taille de son réseau d’ACP, avec près de 150 structures à contacter et à convaincre, ce qui a conduit la SG à prendre l’option de n’assurer que le suivi des frottis anormaux du DO.

La proportion de frottis non-satisfaisants est un indicateur indirect de la qualité du prélèvement, qui ne dépend pas de l’âge de la femme. La majorité des départements se situe en dessous ou proche du seuil théorique de 2% inscrit dans le cahier des charges 10, ce qui est en faveur d’une qualité correcte du prélèvement. Seule la Martinique dépasse significativement ce seuil (2,6%). Lors de l’évaluation précédente, cette proportion était de 1,6% dans ce département 8. Cet indicateur sera à surveiller : en effet, il convient de le réduire puisqu’une grande proportion de femmes ayant un frottis non-satisfaisant ne revient pas faire un contrôle dans les 6 mois, ce qui est une perte de chance pour elles.

Le pourcentage de frottis anormaux est, selon le cahier des charges 10, un indicateur qui se doit d’être stable et proche de 4% en France métropolitaine, un pourcentage de frottis anormaux trop élevé pouvant signifier une proportion importante de faux positifs. Cet indicateur est inférieur à 4% pour tous les départements métropolitains, sauf le Cher et le Val-de-Marne. Pour le premier, une des explications possibles est la couverture de DI très basse (27,3%) qui a augmenté la prévalence des lésions et des anomalies cytologiques, donnant à l’organisation du dépistage dans ce département une grande plus-value. Pour le deuxième, deux hypothèses pourraient expliquer ce résultat : i) un contexte épidémiologique particulier dans la région Île-de-France et ii) un biais induit par la non-exhaustivité des structures ACP qui transmettent leur résultats. À La Réunion, les 5,7% de frottis anormaux peuvent être le reflet du contexte épidémiologique différent de celui de la métropole 11. En Martinique, en revanche, malgré le contexte épidémiologique, cet indicateur est bas. Une hypothèse pouvant expliquer ce résultat serait qu’une proportion importante de frottis jugés suspects sont envoyés en métropole pour confirmation, comme cela avait été évoqué lors de la première évaluation 8.

Ces premiers résultats permettent d’apporter deux éléments d’information importants :

  • en termes d’organisation du dépistage, la participation des SG à la constitution de la population-cible servant de base aux incitations/relances ainsi qu’au suivi est indispensable et le dépistage ne peut pas reposer seulement sur les populations issues de l’assurance-maladie. En effet, les SG retravaillent les populations issues des caisses d’assurance-maladie en éliminant les doublons et en ajoutant des personnes non repérées dans ces bases grâce à leur croisement avec les données issues des ACP. De plus, elles tiennent compte des exclusions temporaires et définitives du dépistage. Enfin, la constitution d’un réseau solide d’ACP, nécessaire à l’évaluation du DO, est longue à construire et à consolider ce qui n’est possible que sur des SG missionnées sur le long terme ;
  • en termes d’impact du DO lui-même, ces premiers résultats témoignent d’ores et déjà d’un impact positif du programme, avec notamment un gain significatif de couverture de dépistage par sollicitation de femmes peu ou pas dépistées, appartenant souvent, d’après la littérature, à des populations plutôt défavorisées 9,12,13. Ainsi, ce programme constitue un dispositif supplémentaire contribuant à la lutte contre les inégalités sociales de santé.

Remerciements

Aux structures de gestion du dépistage : Alsace (M. Fender, J-J. Baldauf), Auvergne (M-A. Grondin), Cher (F. Devay et O. Ferrand), Indre-et-Loire (K. Haguenoer et S. Sengchanh), Isère (A. Garnier et C. Olicard), Maine-et-Loire (A-S. Banaszuk et S. Goliard), Martinique (M. Dieye, S. Michel et C. Piccotti,), la Réunion (N. Devouge) et Val-de-Marne (C. Azoulay, Z. Brixi, J. Navailles et C. Roudier-Duval).
Nous tenons également à remercier l’ensemble des professionnels de santé qui ont contribué et contribuent à l’organisation du dépistage, et en particulier les anatomo-cytopathologistes qui transmettent l’ensemble de leurs résultats aux structures de gestion.

Références

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Citer cet article

Duport N, Salines E, Grémy I. Premiers résultats de l’évaluation du programme expérimental de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus, France, 2010-2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(13-14-15):228-34. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/13-14-15/2014_13-14-15_3.html
(1) Le nombre de femmes ayant réalisé un frottis suite aux relances n’était pas disponible en Alsace sur l’ensemble de la période 2010-2012.