Le cancer du col de l’utérus : état des connaissances en 2014

// Cervical cancer: 2014 overview on current knowledge

Nicolas Duport1 (n.duport@invs.sante.fr), Isabelle Heard2,3, Stéphanie Barré4, Anne-Sophie Woronoff5,6
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence pour les Papillomavirus, Institut Pasteur, Paris, France
3 Inserm UMR_S 1136 ; AP-HP, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
4 Institut national du cancer, Boulogne-Billancourt, France
5 Registre des tumeurs du Doubs et du Territoire de Belfort, EA3181, Centre hospitalier régional universitaire, Besançon, France
6 Francim : Réseau français des registres des cancers, Toulouse, France
Soumis le 06.02.2013 // Date of submission: 02.06.2013
Mots-clés : Cancer du col de l’utérus | Épidémiologie | Prévention
Keywords: Cervical cancer | Epidemiology | Prevention

Quelques définitions

  1. Le libellé « cancer du col de l’utérus », utilisé dans l’évaluation du dépistage, les estimations de l’incidence et de la mortalité, les projections et les études de survie brute et nette, correspond uniquement aux carcinomes du col de l’utérus. Ce sont des tumeurs d’origine épithéliale parmi lesquelles on distingue les carcinomes épidermoïdes, qui sont les plus fréquents (autour de 80%), et les adénocarcinomes, plus rares (entre 10 et 20%) et moins accessibles au dépistage. Les tumeurs cervicales non épithéliales (sarcomes, mélanomes, lymphomes, tumeurs secondaires), beaucoup plus rares, ne sont pas incluses.
  2. Les lésions cervicales précancéreuses correspondent à des modifications des cellules de l’épithélium du col de l’utérus appelées néoplasies intraépithéliales (Cervical Intraepithelial Neoplasia – CIN). Il en existe trois grades selon le degré de désorganisation de l’épithélium, les CIN3 étant les plus sévères (toute l’épaisseur de l’épithélium est désorganisée).
  3. Cancer in situ : cancer au stade initial de son développement, restant limité au tissu qui lui a donné naissance, sans franchissement de la membrane basale (cancer non invasif). Cette dénomination ne concerne que l’adénocarcinome, le carcinome épidermoïde in situ n’étant plus véritablement individualisé de la CIN3.
  4. Cancer invasif : un cancer est dit invasif (ou infiltrant) lorsqu’il franchit la membrane basale pour infiltrer le chorion.

Épidémiologie du cancer du col de l’utérus

  1. Le cancer invasif du col de l’utérus (CCU) était, en 2012, le 11e cancer chez la femme en France métropolitaine avec 3 028 cas estimés, et le 12e le plus meurtrier avec 1 102 décès estimés 1.
  2. L’incidence du CCU ne cesse de diminuer depuis 1980. Le taux d’incidence standardisé (monde) a baissé en France de 2,5% par an entre 1980 et 2012 (de 15,0 cas pour 100 000 personnes-années (PA) en 1980 à 6,7 en 2012). Cette baisse est cependant moindre depuis 2000. Elle n’était plus que de 1,3% par an entre 2000 et 2012 1.
  3. La mortalité du CCU diminue aussi régulièrement depuis 1980. Le taux de mortalité standardisé (monde) a baissé de 3,2% par an entre 1980 et 2012 (de 5,0 cas pour 100 000 PA en 1980 à 1,8 en 2012). Cette baisse est cependant moindre depuis 2000. Elle n’était plus que de 2,0% par an entre 2000 et 2012 1.
  4. L’épidémiologie du CCU est marquée par des disparités sociales et géographiques notables 2.
  5. La survie nette du CCU est la proportion de patientes survivant après diagnostic de ce cancer, si la seule cause de décès possible était le CCU. La survie des personnes pour lesquelles le diagnostic a été posé entre 1989 et 2004 est de 66% cinq ans après le diagnostic et de 59% dix ans après le diagnostic. Elle varie selon l’âge au diagnostic, passant de 76% dix ans après le diagnostic chez les femmes de moins de 45 ans à 23% pour celles de 75 ans et plus. Pour ces dernières, la mortalité la plus élevée survient immédiatement après le diagnostic. Il faut noter que la survie à 5 ans diminue avec la période de diagnostic : elle est passée de 68% pour les cas diagnostiqués en 1990 à 64% pour ceux diagnostiqués en 2002 3. L’hypothèse évoquée pour expliquer ce phénomène est que, grâce à l’effet du dépistage, on diagnostique moins de cancers au stade invasif, mais que ceux qui sont diagnostiqués sont de plus mauvais pronostic (cancers non dépistés, cancers de femmes n’effectuant pas de dépistage).

Histoire de la maladie : un continuum lésionnel

  1. Le CCU est le premier cancer à être reconnu par l’Organisation mondiale de la santé comme étant attribuable, dans près de 100% des cas, à une infection virale par un ou plusieurs papillomavirus humains (HPV). À ce jour, une vingtaine d’HPV ont été identifiés comme étant à l’origine du CCU. Les plus fréquemment en cause en Europe de l’Ouest sont les HPV de génotypes 16 et 18, responsables de près de 70% des CCU 4.
  2. L’infection génitale par un HPV est l’infection sexuellement transmissible virale la plus fréquente en population générale et survient surtout avant 30 ans, même si les infections plus tardives ne sont pas rares. Elle est la plupart du temps asymptomatique et disparaît spontanément en un à deux ans sans provoquer de lésions 4.
  3. La persistance de l’infection par des HPV à haut risque oncogène peut entraîner la formation de lésions précancéreuses dans un délai d’environ 5 ans. Ces lésions précancéreuses peuvent régresser ou progresser vers un CCU dans un délai de 5 à 20 ans 4.

Prévention du cancer du col de l’utérus

  1. Les méthodes de contraception dites de barrière (préservatif par exemple) ne sont que partiellement efficaces.
  2. La prévention repose sur la vaccination (prévention primaire), qui vise à éviter l’infection par les deux génotypes d’HPV responsables d’environ 70% des CCU, et sur le dépistage (prévention secondaire) qui permet notamment de détecter les lésions précancéreuses et de les traiter avant la transformation maligne.
  • La vaccination prophylactique permet de protéger contre l’infection par les HPV 16 et 18 et contre le développement de lésions précancéreuses liées à ces deux virus.
    • Ce vaccin ne protège pas les femmes déjà infectées par ces génotypes et n’a aucune efficacité thérapeutique.
    • La vaccination prophylactique est recommandée en France pour toutes les jeunes filles de 11 à 14 ans, depuis le 28 septembre 2012, avec rattrapage pour les jeunes filles de 15 à 19 ans révolus qui ne seraient pas encore vaccinées 5,6.
  • Le dépistage du CCU est universellement jugé comme un moyen de prévention efficace. Ce dépistage par frottis cervico-utérin (FCU) doit être également effectué chez les femmes vaccinées qui ne sont pas protégées contre l’infection par des génotypes viraux non contenus dans le vaccin et responsables de 50% des lésions précancéreuses et de 30% des cancers invasifs.
    • Le FCU est recommandé chez toutes les femmes de 25 à 65 ans (sauf celles ayant subi une hystérectomie totale et celles n’ayant jamais eu de rapport sexuel), tous les trois ans, après deux frottis négatifs (i.e. normaux) réalisés à un an d’intervalle 7.
    • Tout FCU positif (i.e. anormal) doit être suivi d'investigations diagnostiques complémentaires 8.

Entre les années 1990 et 2010, le dépistage organisé du CCU n’existait que sous la forme d’initiatives locales selon différentes modalités. Depuis 2010, 13 départements ont expérimenté une organisation selon un cahier des charges commun. Cette même année, la Haute Autorité de santé recommandait d’organiser le dépistage du cancer du col de l’utérus au niveau national 9.

En 2014, le nouveau Plan cancer 2014-2019 a inscrit dans ses actions l’accès pour chaque femme au dépistage du CCU via un programme national de dépistage organisé 10. Il prévoit également des mesures pour améliorer le taux de couverture par les vaccins anti-HPV.

Références

[1] Woronoff AS, Trétarre B, Guizard AV, Arveux P. Col de l’utérus. In: Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2013. 122 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11619
[2] Garnier A, Brindel P. Prévention et dépistage du cancer du col de l’utérus. Boulogne-Billancourt : Institut national du cancer ; 2013. 8 p. http://www.e-cancer.fr/publications/75-prevention/735-prevention-et-depistage-du-cancer-du-col-de-luterus
[3] Grosclaude P, Remontet L, Belot A, Danzon A, Rasamimanana C, Bossard N. Survie des personnes atteintes de cancer en France, 1989-2007 – Etude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2013. 412 p. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=8758
[4] Centre national de référence des Papillomavirus humains (CNR HPV), Institut Pasteur. http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/fr/sante/info-hpv
[5] Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Infections à HPV des jeunes filles : révision de l’âge de vaccination. Janvier 2013. http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=302
[6] Chemlal K, Heard I. Prévention des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus. Repères pour votre pratique. Saint-Denis : Inpes, 2013. http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1136.pdf
[7] Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM). Pratique des frottis cervicaux pour le dépistage du cancer du col. Recommandations et références médicales, 1995;T2,9-24.
[8] Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Conduite à tenir devant une patiente ayant un frottis cervico-utérin anormal. Actualisation 2002. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/frottis_final_-_recommandations.pdf
[9] Haute Autorité de santé (HAS). État des lieux et recommandations pour le dépistage du cancer du col de l’utérus en France. Saint-Denis : HAS, 2010. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1009772/fr/etat-des-lieux-et-recommandations-pour-le-depistage-du-cancer-du-col-de-luterus-en-france?xtmc=&xtcr=5

Citer cet article

Duport N, Heard I, Barré S, Woronoff AS. Focus. Le cancer du col de l’utérus : état des connaissances en 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(13-14-15):220-1. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/13-14-15/2014_13-14-15_1.html