Spécificités et perspectives du programme de travail partenarial 2011-2013, relatif à la surveillance des cancers à partir des registres

Specificities and perspectives of the French partnership programme 2011-2013, with respect to cancer surveillance using data from registries

Philippe Jean Bousquet1 (pjbousquet@institutcancer.fr), Nicole Rasamimanana-Cerf1, Florence de Maria2, Pascale Grosclaude3, Nadine Bossard4, Arlette Danzon2

1 Institut national du cancer, Boulogne-Billancourt, France
2 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
3 Réseau français des registres de cancer Francim, Faculté de médecine, Toulouse, France
4 Hospices civils de Lyon, Service de biostatistique, Lyon, France ; Université de Lyon ; Université Lyon I, Villeurbanne, France ; CNRS UMR 5558, Laboratoire Biostatistique Santé, Pierre-Bénite, France
Soumis le 02.10.2013 // Date of submission: 10.02.2013
Mots-clés : Cancer | Surveillance épidémiologique | Registre | Programme partenarial | France
Keywords: Cancer | Surveillance | Registry | Partnership National Program | France

Résumé

L’action 7.1 du Plan cancer 2009-2013 préconisait la mise en place d’un partenariat entre le réseau français des registres des cancers Francim, le Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon, l’Institut de veille sanitaire et l’Institut national du cancer, afin de poursuivre l’optimisation des systèmes de surveillance et d’observation des cancers, d’améliorer le recueil des données par les registres des cancers et ainsi de mieux orienter la politique de lutte contre les cancers.

Le partenariat 2011-2013 s’articule autour d’un programme de travail commun, formalisé par un accord-cadre de collaboration. Ce programme est encadré par deux instances de pilotage (le comité de suivi et le comité de pilotage) et un conseil scientifique indépendant. Il se décline en 28 actions regroupées en thématiques (accès aux sources de données, développements méthodologiques, production d’indicateurs en routine, développement de partenariats et de collaborations). Le gain d’une année et demi pour la mise à disposition des données des registres, la publication de données d’incidence (nationales et régionales), de mortalité et de survie, ainsi que le recueil des stades au diagnostic et la publication de tableaux de bords sur les délais de prise en charge font parties des nombreuses actions.

Les registres sont ainsi les seules structures permettant d’apprécier l’ampleur du problème posé par les cancers en fournissant des données de référence pour leur surveillance épidémiologique. Ils sont d’un apport considérable pour l’observation des cancers, l’évaluation des politiques et des actions de santé publique, et la recherche. Il conviendra dès lors de mener une réflexion sur la pérennisation de ces membres du réseau national de santé publique.

Abstract

Policy 7.1 of the 2009-2013 French National Cancer Programme recommended the implementation of a partnership programme between the French cancer registries network FRANCIM, the Biostatistics unit in Hospices Civils de Lyon, the French Institute for Public Health Surveillance and the National Cancer Institute, in order to both continue optimizing cancer surveillance and observation systems, and enhance data collection by cancer registries, with a view to better orienting policy in the fight against cancer.

The 2011-2013 National Partnership Program is based on a joint working programme, formalised by a framework agreement for collaboration. This programme is supervised by two steering bodies (the monitoring committee and the steering committee) and an independent scientific board. The partnership comprises 28 initiatives grouped under specific themes (access to sources of data, methodological developments, production of routine indicators, development of partnerships and collaborations). The following are some of the numerous programme initiatives: making cancer registries data available one and a half years earlier than was previously possible, publishing incidence (regional and national) data , publishing mortality and survival data, recording cancer stage at diagnosis and publishing information dashboards on waiting times for initial care after diagnosis.

Cancer registries are therefore the only structures which enable the problem posed by cancer to be assessed, as they provide reference data for epidemiological surveillance of cancer. They provide considerable input with respect to the observation of cancer, the evaluation of public health policies and actions, and research. It would therefore seem worthwhile to consider ensuring continuity of these members of the French public health network.

Introduction

Afin de poursuivre l’optimisation des systèmes de surveillance et d’observation des cancers, d’améliorer le recueil des données par les registres des cancers et ainsi de mieux orienter la politique de lutte contre les cancers, le Plan cancer 2009-2013 (action 7.1) préconisait la mise en place d’un partenariat entre le réseau des registres des cancers français Francim, le Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa). Ce partenariat, destiné à renforcer et rationaliser le dispositif des registres, s’articule autour d’un programme de travail commun qui définit les actions à mener et leurs modalités de mise en œuvre et d’évaluation pour la période 2011-2013. Il fait également référence à des actions complémentaires au Plan qui contribuent à l’observation des cancers, à l’évaluation des politiques publiques et à l’amélioration des connaissances sur les facteurs de risque. Le programme couvre le champ de la surveillance des cancers à partir du dispositif des registres français des cancers du réseau Francim, qui constitue la référence dans ce domaine (http://www.plan-cancer.gouv.fr). Une évaluation de ce programme vient d’être menée, afin d’en mesurer les avancées.

Des registres généraux et spécialisés regroupés en réseau

Au 1er janvier 2013, la France disposait d'un réseau de 25 registres de cancers métropolitains et ultramarins, qualifiés par le Comité national des registres (CNR) : 16 registres généraux et 9 registres spécialisés, complétés par un registre à vocation nationale sur le mésothéliome et 2 registres nationaux pédiatriques. Le CNR a été abrogé en mai 2013. Il sera remplacé fin 2013 par un Comité d’évaluation des registres, chargé principalement de l’évaluation de la qualité scientifique des registres.

Le réseau des registres couvre actuellement près de 20% de la population française (figure).

Figure : Répartition géographique des registres de cancer en France, 2013
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Les registres généraux comme les registres spécialisés ont une double mission de recherche et de surveillance/observation : identification des nouveaux cas de cancer, estimations d’incidence et actions plus générales d’observation avec mise à disposition d’indicateurs (survie, prévalence, risque de second cancer…) et de tableaux de bords pouvant contribuer à l’évaluation. Ces actions peuvent porter sur le dépistage, les soins, voire l’après cancer. Les registres reçoivent une subvention de fonctionnement de l’INCa et de l’InVS pour effectuer leur mission de surveillance/observation et la mise à disposition des indicateurs.

De par leur rôle spécifique d’expertise, les registres spécialisés se focalisent sur certains types de cancers. Ils collectent en routine des informations plus détaillées que les registres généraux, notamment sur le stade d’extension des tumeurs au moment du diagnostic ainsi que sur le traitement (voir article de P. Grosclaude et coll. dans ce numéro).

Les registres sont regroupés au sein du réseau Francim afin d’harmoniser les pratiques d’enregistrement, de coordonner et faciliter leurs travaux et de fournir à la communauté les indicateurs épidémiologiques utiles à la connaissance et à la prise en charge des cancers, en lien avec différents partenaires institutionnels. Les données sont centralisées au sein d’une base de données commune gérée et analysée par le Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon (à l’exception des données pédiatriques et des mésothéliomes, gérées par ailleurs). Cette base permet la production d’estimations nationales d’incidence et de prévalence, d'estimations régionales d’incidence ainsi que des résultats de survie pour la population couverte par les registres. La nature et le rythme de production de ces indicateurs sont inscrits dans le programme partenarial.

Le regroupement des différents registres au sein d’un réseau unique - une particularité française - est un point-clé pour le bon déroulement du programme commun. Les estimations d’incidence et de survie, présentées ailleurs dans ce numéro (articles de N. Bossard et coll., ainsi que M. Colonna et coll.), sont issues de ce partenariat.

Un partenariat original entre les producteurs de données et les institutions

L’élaboration et la mise en œuvre du programme de travail commun s’appuient sur un partenariat scientifique entre d’une part, les institutions en charge de la coordination nationale de la surveillance et de l’observation des cancers, à savoir l’InVS et l’INCa et, d’autre part, le réseau Francim et le Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon.

Ce partenariat, piloté par l’InVS en lien avec l’INCa, a fait l’objet d’un accord-cadre de collaboration signé par les quatre partenaires en mars 2011. L’accord-cadre définit les modalités du partenariat et décrit les missions et les modalités de fonctionnement des instances de pilotage assurant le suivi de la mise en œuvre du programme. Le programme de travail est annexé à l’accord-cadre.

Deux instances de pilotage et un conseil scientifique ont été mis en place pour encadrer ce programme. La première est le comité de suivi, composé à parité par des représentants des quatre partenaires. Il assure le suivi de la mise en œuvre du programme et définit les grandes orientations. Il peut décider de lancer un appel à projet portant sur l’exploitation des données des registres des cancers dans un objectif spécifique ou sur des développements méthodologiques spécifiques en lien avec les registres. Le comité de suivi se réunit deux fois par an.

La deuxième instance, le comité de pilotage de la base de données Francim, réunit des représentants des quatre partenaires. Il a une fonction opérationnelle et assure l’exploitation de la base de données commune rassemblant les données issues des différents registres conformément aux objectifs fixés par le programme de travail (à l’exception des données des registres pédiatriques et du registre sur le mésothéliome, gérées par ailleurs). Il analyse également les demandes d’exploitation des données des registres émanant d’équipes de recherche extérieures au partenariat. Il se réunit de façon bimensuelle.

Le conseil scientifique est entièrement indépendant, les quatre partenaires ne pouvant y siéger. Il est composé de membres identifiés pour leur expertise dans les domaines couverts par le programme, qu’il s’agisse d’une expertise scientifique en santé publique ou sur les registres des cancers. Il se réunit une à deux fois par an, en fonction des sujets à traiter. Il a pour mission de valider les méthodes utilisées et d’apporter son éclairage sur les besoins en surveillance épidémiologique. Il a également la capacité à s’autosaisir d’un sujet. Le conseil scientifique a validé la nouvelle méthode utilisée pour l’analyse de la survie des personnes atteintes d’un cancer ainsi que celles pour l’estimation de l’incidence des cancers aux niveaux national et infranational. Il a également validé les travaux sur la prévalence partielle et totale des cancers.

Au final, la mise en place d’un tel partenariat, garanti par un accord-cadre et une structuration intégrant un conseil scientifique indépendant, permet d’assurer le plus possible qualité et efficacité aux actions inscrites dans le programme de travail commun.

Un programme de travail partenarial pour une surveillance et une observation cohérentes des cancers

Le programme de travail est financé conjointement, pour une grande partie des actions, par l’InVS et l’INCa, mais aussi par d’autres institutions au travers d’appels à projets. Il se décline en 28 actions et sous-actions, faisant chacune l’objet d’une fiche-type décrivant le contexte, les objectifs, le pilote ou coordonnateur scientifique, les modalités de mise en œuvre et de financement (action réalisée dans le cadre de la subvention de fonctionnement attribué aux registres ou financements spécifiques), le calendrier prévisionnel et les indicateurs de suivi. Les thèmes abordés par ces actions sont l’accès aux sources de données, les développements méthodologiques, la production d’indicateurs en routine et le développement de partenariats et de collaborations. L’avancement des actions est validé par le comité de suivi.

Une des principales actions menées concerne la réduction d’une année et demie du délai entre le recueil et la publication des données. Cet objectif a été atteint en 2012 avec un délai désormais de 2,5 ans, comparable à celui observé dans de nombreux pays et se rapprochant de celui des bases de données médico-administratives (1 à 2 ans).

Des développements méthodologiques (identification de méthodes, d’indicateurs de suivi et d’évaluations…) ont également été conduits, avec parfois des financements spécifiques, en particulier de l’Agence nationale de la recherche : on peut citer par exemple le calcul de la survie nette des personnes atteintes d’un cancer 1 ou celui de l’incidence, tant au niveau national 2,3 que régional (voir l’article de M. Colonna et coll. dans ce numéro). Ces développements sont associés à la mise à disposition de nouveaux indicateurs, comme le stade au diagnostic (voir article de P. Grosclaude et coll. dans ce numéro) ou l’extension du recueil des données aux adolescents et aux départements d’outre mer (DOM). Parallèlement, des actions sont conduites afin d’améliorer la qualité des données produites par les registres, que ce soit au travers de formations sur les techniques de surveillance épidémiologique, d'enregistrement et de codage des cancers ou d’actions ciblées, spécifiquement financées (« étude qualité » en cours).

De nouveaux partenariats locaux sont développés et viennent compléter les partenariats nationaux, notamment avec le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales décès (CépiDC-Inserm) et la Caisse nationale d’assurance maladie (CnamTS). Ils concernent plus particulièrement les structures de gestion du dépistage des cancers. L’étude sur « la sensibilité des programmes de dépistage organisé des cancers du sein et colorectal dans les départements couverts par un registre » en est le reflet. D’autres partenariats sont progressivement tissés avec d’autres structures, comme les tumorothèques, ou dans le cadre d’un appel à projet sur le développement des bases clinico-biologiques.

Au-delà des publications périodiques d’incidence et de mortalité, les travaux entrepris dans le cadre du programme de travail partenarial ont abouti à des avancées majeures dans le domaine de la surveillance et de l’observation des cancers. La publication des données de survie, d’estimations nationales d’incidence selon 15 sous-types d’hémopathies malignes, d’estimations régionales d’incidence, et la réalisation de tableaux de bord à partir des données des registres spécialisés en témoignent. Ces travaux sont publiés sur les sites Internet de l’InVS (http://www.invs.sante.fr) et de l’INCa
(http://www.e-cancer.fr) pour en assurer la diffusion et la mise à disposition la plus large et la plus facile possible.

Parmi l’ensemble des actions conduites dans le cadre du programme de travail, les actions portant sur l’accès par les registres aux différentes sources de données sont celles ayant le moins abouti durant la période 2011-2013. En effet, des difficultés perdurent, malgré le fort investissement des partenaires, en raison de la nature des évolutions nécessaires : réglementaire, législative ou impliquant des changements sociétaux. Cet accès est pourtant indispensable pour assurer l’exhaustivité et la qualité des données produites par les registres.

Conclusion et perspectives

Dans le cadre de l’évaluation du Plan cancer 2009-2013, un bilan du programme de travail partenarial a été mené. La richesse des travaux et des publications ainsi que les résultats concrets attestent de son efficacité. Toutefois, les actions relatives à l’accès aux sources n’ont pu aboutir compte tenu de la faible marge de manœuvre des partenaires. Ces difficultés ont également empêché la réalisation de certains travaux, notamment ceux relatifs à l’amélioration de la détection précoce des mélanomes cutanés en raison de la grève de transmission des données de la part de certains anatomo-cytopathologistes, entravant l’exhaustivité des données. Le mélanome cutané est pourtant un cancer dont l’incidence et la mortalité ont augmenté de façon conjointe sur la période 1980-2012 2. Le Plan cancer 2009-2013 le souligne au travers de l’action 17.2.

Un nouveau programme de travail partenarial est en cours de définition. Outre un axe sur les développements méthodologiques à réaliser, afin de disposer par exemple de la survie au diagnostic ou de l’incidence départementale, de nouveaux axes de travail pourraient être étudiés ou renforcés (cancers infectieux, seconds cancers…) et de nouvelles données produites en routine (stade au diagnostic). Des partenariats pourraient être renforcés avec notamment les structures de gestion du dépistage, les tumorothèques et les acteurs régionaux (réseaux régionaux de cancérologie) et inter-régionaux (cancéropôles). L’ensemble permettra aux décideurs et aux organismes de recherche de disposer de données de qualité et actualisées.

La réalisation du programme repose sur les données des registres. Seules structures permettant d’apprécier l’ampleur du problème posé par les cancers, les registres représentent le socle de la surveillance épidémiologique des cancers en France. D’un apport non négligeable dans l’observation des cancers et l’évaluation des politiques et des actions de santé publique, ils s’intègrent parfaitement dans le monde de la recherche. Pour autant, ce sont des structures fragiles, dont les financements connaissent des baisses successives. Il conviendra dès lors de mener une réflexion sur la pérennisation de ces structures, membres du réseau national de santé publique.

Références

[1] Grosclaude P, Remontet L, Belot A, Danzon A, Rasamimanana-Cerf N, Bossard N. Survie des personnes atteintes de cancer en France, 1989-2007. Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2013. 412 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11316
[2] Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N. Estimation nationale de l'incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim - Partie 1 : tumeurs solides. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2013. 122 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11619
[3] Monnereau A, Remontet L, Maynadié M, Binder-Foucard F, Belot A, Troussard X, Bossard N. Estimation nationale de l'incidence des cancers en France entre 1980 et 2012. Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Partie 2 : hémopathies malignes. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2013. 88 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11741

Citer cet article

Bousquet PJ, Rasamimanana Cerf N, de Maria F, Grosclaude P, Bossard N, et al. Spécificités et perspectives du programme de travail partenarial 2011-2013, relatif à la surveillance des cancers à partir des registres. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(43-44-45):555-9.