Dépistage et diagnostic des hépatites B et C en CeGIDD en 2022, surveillance SurCeGIDD
// Screening and diagnosis of hepatitis B and C in French STI clinics (CeGIDD) in 2022, SurCeGIDD surveillance
Résumé
Introduction –
Cet article analyse l’activité de dépistage et de diagnostic des hépatites B et C dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (IST) (CeGIDD) pour l’année 2022.
Méthode –
La surveillance SurCeGIDD repose sur l’envoi sécurisé à Santé publique France des données individuelles concernant les consultants en CeGIDD. Les tests de dépistage et les diagnostics des hépatites B et C ont été analysés en fonction des caractéristiques sociodémographiques et des comportements sexuels. Les proportions de consultants dépistés et les taux de positivité ont été décrits pour chaque pathogène et par région des CeGIDD.
Résultats –
En 2022, 529 453 consultations ont été rapportées par 76% des 304 CeGIDD recensés, un taux de participation en nette augmentation (62,4% en 2021, 50,3% en 2020, 45% en 2018). Les consultants étaient majoritairement des hommes cis (64%) et des jeunes de moins de 30 ans (60%). Un total de 141 989 et 141 718 sérologies de l’antigène AgHBs et des anticorps Ac anti-VHC ont été analysées. Les taux de positivité étaient de 1,1% pour l’AgHBs et 0,7% pour les Ac anti-VHC (dont 12% étaient positifs pour l’ARN viral). Ces taux étaient plus élevés chez les personnes nées à l’étranger (4,0% pour le VHB et 1,6% pour le VHC), les hommes cis hétérosexuels (0,8% pour le VHB) et les personnes transgenres (1,4% pour le VHB et 1,4% pour le VHC), et les hommes cis ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) (0,5%) pour le VHC. Les taux de positivité étaient plus élevés parmi les consultants en Guyane, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France pour le VHB, dans le Grand Est pour le VHC et en Centre-Val de Loire pour les deux virus.
Conclusion –
Grâce à un taux de participation croissant des CeGIDD, la surveillance SurCeGIDD permet une meilleure caractérisation de l’activité de dépistage des hépatites B et C, et du profil des personnes diagnostiquées positives. Il est donc important de maintenir cette participation à un niveau élevé, et d’améliorer l’exhaustivité et la complétude des données recueillies.
Abstract
Introduction –
This article describes, for the year 2022, the screening and diagnosis of hepatitis B and C in CeGIDD centres, which provide information, screening and diagnosis of human immunodeficiency virus (HIV), viral hepatitis and sexually transmitted infections (STIs).
Method –
SurCeGIDD surveillance is based on the secure transmission, to Santé publique France, of individual data on persons attending CeGIDD. Hepatitis B and C screening tests and diagnoses were analysed according to sociodemographic characteristics and sexual behaviour. The proportions of attendants screened and the positivity rates were described for each pathogen and by the region in which the CeGIDD was located.
Results –
In 2022, 529,453 consultations were reported by 76% of the 304 CeGIDDs surveyed. The majority of patients were cis men (64%) and young people under the age of 30 (60%). A total of 141,989 HBsAg and 141,718 anti-HCV serologies were analysed. The positivity rates were 1.1% for HBsAg and 0.7% for anti-HCV (12% of which were positive for viral RNA). These rates were higher among people born abroad (4.0% for HBV and 1.6% for HCV), cis heterosexual men (0.8% for HBV) and transgender people (1.4% for HBV and 1, 4% for HCV), cis men who have sex with men (MSM) (0.5%) for HCV, and those attending centres located in French Guiana, Auvergne-Rhône-Alpes and Île-de-France for HBV, in Grand Est for HCV and in Centre-Val de Loire for both viruses.
Conclusion –
With a growing participation from CeGIDDs, the SurCeGIDD surveillance system provides an improved characterisation of hepatitis B and C screening activity, and of the profile of people diagnosed with these infections. It is therefore important to maintain this high level of participation, and to improve the exhaustiveness and completeness of the data collected.
Introduction
Créés en 2016, les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (IST) (CeGIDD) ont pour missions d’assurer la prévention, le dépistage et le diagnostic des infections par le VIH, des IST et des hépatites virales, et leur traitement ambulatoire, dans une approche globale de santé sexuelle (vaccination, éducation à la sexualité, prescription de contraception, détection des violences et des troubles sexuels) 1. Ils sont accessibles à tous gratuitement, particulièrement aux populations les plus exposées ou les plus éloignées du système de soins.
Depuis 2018, la surveillance SurCeGIDD mise en place par Santé publique France consiste en un recueil de données individuelles pseudonymisées sur les consultations des CeGIDD. Dans la suite des premières analyses des données issues de cette surveillance, publiées en 2018 et en 2020 2,3, cet article a pour objectifs de décrire i) les caractéristiques de la population consultant en CeGIDD, et ii) l’activité de dépistage et de diagnostic des hépatites B et C pour l’année 2022 à partir de la surveillance SurCeGIDD.
Méthodes
Population d’étude
La population étudiée regroupe l’ensemble des personnes ayant consulté en 2022 dans les CeGIDD (structure principale ou annexe) ayant transmis leurs données à Santé publique France 1,2,3,4.
Recueil des données
Le recueil de données repose sur les systèmes d’information des CeGIDD « permettant de suivre les consultations et d’en extraire les données nécessaires au suivi d’activité et épidémiologique ». Les données individuelles sont transmises dans un format prédéfini (1) via des dispositifs sécurisés mis en place par Santé publique France : les CeGIDD disposant d’un logiciel de gestion des consultations transfèrent automatiquement leurs données en utilisant un webservice (protocole d’échange de données via Internet), dont les spécifications techniques sont disponibles sur le site de Santé publique France (2) ; ceux ne pouvant pas recourir au webservice transmettent leurs données via une plateforme sécurisée de partage de données (2).
Variables d’intérêt
Les variables analysées ont été :
–les données sociodémographiques : âge, genre, pays de naissance, activité professionnelle, et couverture maladie ;
–les expositions à risque (plusieurs possibles) : partenaires multiples au cours des 12 derniers mois, soins invasifs à l’étranger, usage de drogues injectables avec partage de matériel, vivre sous le même toit qu’un porteur d’hépatite B ou d’hépatite C, etc. ;
–le genre et le nombre de partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois. À partir de leur genre et du sexe des partenaires, les consultants ont été classés en : hommes cis ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), femmes cis ayant des rapports sexuels avec des femmes (FSF), et femmes cis ou hommes cis hétérosexuels ; sans catégorisation possible des personnes transgenres.
–les tests de dépistage du virus de l’hépatite B (VHB) (antigène AgHBs, anticorps Ac anti-HBc, et Ac anti-HBs) et du virus de l’hépatite C (VHC) (Ac anti-VHC, ARN VHC), et les résultats de ces tests.
Analyses statistiques
Le taux de participation des CeGIDD a été calculé en rapportant le nombre de CeGIDD ayant transmis leurs données 2022 au nombre de CeGIDD recensés, aux niveaux national et régional.
Les variables qualitatives ont été décrites à l’aide de proportions et les variables quantitatives à l’aide de médianes, en excluant les données manquantes. Un code d’anonymat le plus souvent différent étant attribué à chaque consultation en CeGIDD, les analyses ont été effectuées sur l’ensemble des consultations et non des consultants : ainsi une personne peut être comptée plusieurs fois dans toutes les analyses. Les taux de positivité (nombres de tests positifs/nombres de tests analysés) ont été analysés selon les caractéristiques des consultants, et régions des CeGIDD répondants ; ces taux n’incluent pas les résultats des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), qui sont présentés séparément. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel R. 4.3.2 (R Core Team).
Considérations éthiques
L’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (n°2049450) a été obtenue pour le recueil automatisé et sécurisé des données pseudonymisées des CeGIDD.
Résultats
Parmi les 304 CeGIDD recensés, 230, soit 76%, ont transmis leurs données individuelles en 2022. Le taux de participation des CeGIDD variait de 10% dans les Hauts-de-France à 100% en Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Occitanie, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Martinique (tableau 1).
Au total, 529 453 consultations ont été rapportées : 71% par des régions hexagonales hors Île-de-France (IDF), 21% par l’IDF et 8% par les départements et régions d’outre-mer (DROM). Plus des deux tiers (67%) provenaient de CeGIDD hospitaliers et 33% de CeGIDD non hospitaliers. Parmi ces consultations, 5% avaient été réalisées en dehors des locaux des structures (hors les murs) et 22% étaient anonymes.
Caractéristiques des consultants
Les consultants étaient majoritairement des hommes cis (64%), 36% étaient des femmes cis et 0,5% des personnes transgenres (tableau 2). Leur âge médian était de 26 ans (intervalle interquartile, IQR : [22-36]), variant de 23 ans [20-30] pour les femmes cis à 29 ans [23-38] pour les hommes cis, et 31 ans [25-40] pour les personnes transgenres. L’information sur le sexe des partenaires au cours des 12 derniers mois était manquante pour 70% des consultants. Parmi ceux pour lesquels elle était renseignée, 37% étaient des hommes cis hétérosexuels, 34% des femmes cis hétérosexuelles, 24% des HSH, et 3% des FSF. Près de 5% des consultants étaient mineurs : 4% des hommes cis, 7% des femmes cis et 1% des personnes transgenres. Plus des trois quarts (76%) des consultants étaient nés en France (77% des hommes cis, 76% des femmes cis et 46% des personnes transgenres), 7% en Afrique subsaharienne (7% des hommes cis, 7% des femmes cis et 0,2% des personnes transgenres) et 7% en Amérique (5% des hommes cis, 9% des femmes cis, 46% des personnes transgenres). Les mineurs étaient également majoritairement nés en France (61%), 20% en Afrique subsaharienne, et 3% en Europe hors France. Près de la moitié des consultants (48%) ont déclaré ne pas avoir d’activité professionnelle. Pour ce qui est de la couverture maladie, 65% bénéficiaient de l’assurance maladie et une mutuelle, 19% de l’assurance maladie uniquement, 7% de la protection universelle maladie (Puma), de la CSS (complémentaire santé solidaire) ou de l’AME (aide médicale de l’État), et 9% n’avaient pas de couverture maladie. Parmi ces derniers, 86% étaient nés à l’étranger.
Dépistage du VHB et taux de positivité de l’AgHBs
Un total de 141 989 sérologies AgHBs ont été analysées, leurs résultats étant interprétables. Comme présenté dans le tableau 2, le profil sociodémographique des consultants dépistés était similaire à l’ensemble des consultants en CeGIDD : majoritairement des hommes cis (61,1%) et étaient âgés entre 20 et 29 ans (50,2% des hommes cis, 54,9% des femmes cis et 49,6% des personnes transgenres).
Sur l’ensemble des sérologies AgHBs analysées, 1 564 étaient positives (indiquant une infection active), soit un taux de positivité de 1,1%. Ce taux était plus élevé chez les hommes cis que chez les femmes cis (1,4% vs 0,6%, p<0,001), comme chez les personnes transgenres (1,4%). Chez les hommes cis, il était le plus élevé parmi les moins de 20 ans (2,4%), les 40-49 ans (2,0%), les 30-39 ans (1,8%), et le plus faible chez les 20-29 ans (0,9%). Chez les femmes cis, il était maximal chez les 40-49 ans (1,5%), élevé chez les 30-39 ans (1,3%) et les 50-59 ans (1,2%), mais était de 0,2% chez les moins de 20 ans et 0,4% chez les 20-29 ans (figure). Chez les personnes transgenres, les 30-39 ans présentaient le taux de positivité le plus élevé (3,8%). Les consultants nés à l’étranger avaient un taux de positivité significativement plus élevé que ceux nés en France (4,0% vs 0,2%, p<0,001), quels que soient l’âge, le sexe et le comportement sexuel (tableau 3). Parmi les consultants AgHBs positifs nés à l’étranger, les taux de positivité les plus élevés étaient observés chez ceux nés en Afrique subsaharienne (8,3%), sans couverture maladie (5,6%), bénéficiant de la Puma ou de la CSS ou de l’AME (5,2%), et sans activité professionnelle (3,8%). Chez les consultants AgHBs positifs nés en France, les taux les plus élevés étaient retrouvés chez les 60 ans et plus (0,5%) et les personnes sans couverture maladie (0,8%). Les mineurs présentaient un taux de 2,8% (7,4% chez les consultants nés à l’étranger vs 0,4% chez ceux nés en France). Concernant le type et le lieu de structures, le taux de positivité retrouvé dans les CeGIDD hospitaliers était similaire à celui des CeGIDD non hospitaliers (1,1% vs 1,0% respectivement). Les CeGIDD des régions Centre-Val de Loire (2,6%), Auvergne-Rhône-Alpes (1,6%), Île-de-France (1,2%), et des DROM (1,2%, en particulier en Guyane avec 2,1%) présentaient les taux de positivité les plus élevés (tableau 1).
Les consultants déclarant vivre sous le même toit qu’un porteur de l’AgHBs avaient un taux de positivité de 6,8%. Chez ceux ayant déclaré des soins invasifs à l’étranger, ce taux était de 2,9%.
Parmi les consultants testés pour l’AgHBs, 117 307 (82,6%) ont également été testés pour les Ac anti-HBs et les Ac anti-HBc : 5 727 (4,9%) étaient AgHBs négatif et Ac anti-HBc positif, indiquant une infection VHB antérieure ; 43 146 (36,8%) étaient négatifs pour l’AgHBs et les Ac anti-HBc et positifs pour les Ac anti-HBs, indiquant une vaccination antérieure contre le VHB ; et 67 236 (57,3%) étaient négatifs pour ces trois marqueurs sérologiques.
Un total de 4 736 Trod AgHBs a également été rapporté par les CeGIDD participants, dont 32,9% réalisés en consultations hors les murs. La majorité de ces Trod ont été réalisés en Guyane (62,5%). Parmi l’ensemble des Trod, 231 (4,9%) étaient positifs.
Dépistage et taux de positivité du VHC
Concernant le VHC, 141 718 sérologies ont été analysées. La distribution par âge et par genre des consultants testés était similaire à celle des consultants testés pour l’AgHBs (figure). Plus d’un quart (27%) étaient des HSH cis ; 25% étaient nés à l’étranger (8% en Afrique subsaharienne, 5% des Amériques et 4% de l’Europe hors France). Pour ce qui est de la couverture maladie, 7% bénéficiaient de la Puma, de la CSS ou de l’AME et 8% n’avaient pas de couverture maladie. Près de la moitié (46%) n’avaient pas d’activité professionnelle.
Parmi les sérologies VHC réalisées, 958 étaient positives, soit un taux de positivité de 0,7%. Ce taux était plus élevé chez les personnes transgenres (1,4% sur 652 testées) et plus élevé chez les hommes cis que chez les femmes cis (0,7% vs 0,5% ; p<0,001). Les personnes âgées de 40 ans et plus présentaient le taux de positivité le plus élevé, tant chez les hommes cis que chez les femmes cis (figure). Le taux de positivité était quatre fois plus élevé chez les consultants nés à l’étranger que chez ceux nés en France (1,6% vs 0,4% ; p<0,001). Parmi les consultants Ac anti-VHC positifs nés à l’étranger, les taux de positivité les plus élevés étaient observés chez ceux nés en Asie (3,9%) et en Europe centrale ou orientale (2,5%), les personnes sans couverture maladie (2,8%), bénéficiant de la Puma, de la CSS ou de l’AME (1,6%), et sans activité professionnelle (1,6%). Parmi les consultants Ac anti-VHC positifs nés en France, les taux étaient plus élevés chez les personnes sans couverture maladie (1,1%). S’agissant du comportement sexuel, les taux de positivité les plus élevés étaient observés chez les personnes transgenres nées en France (1,2%), et chez les hommes cis (1,2%) et les femmes cis hétérosexuels (0,9%) nés à l’étranger. Les mineurs avaient un taux de positivité de 0,7% (1,2% chez les consultants nés à l’étranger contre 0,4% chez ceux nés en France). Ce taux était identique dans les CeGIDD hospitaliers et non hospitaliers (0,7%). Il était de 0,7% en France hexagonale contre 0,5% dans les DROM. Il était le plus élevé dans les régions Grand Est (1,0%) et Centre-Val de Loire (0,9%) (tableau 1).
Quant aux expositions à risque, les taux de positivité étaient élevés chez les consultants ayant déclaré l’usage de drogue par voie intraveineuse avec partage de matériel (19,2%), ceux ayant déclaré vivre sous le même toit qu’un porteur de l’hépatite C, (3,2% ; 5 sur 154 consultants), et ceux ayant déclaré une transfusion avant 1992 (1,8%).
Parmi les 958 consultants diagnostiqués positifs pour les Ac anti-VHC, 299 sont connus comme ayant été testés pour l’ARN VHC; dont 115 (38,5%) étaient positifs, indiquant une infection active. La positivité de l’ARN du VHC était plus élevée chez les hommes cis que chez les femmes cis (41,4% vs 30,9%), les 30-39 ans (49,1%), les 40-49 ans (44,3%), et les consultants nés à l’étranger que chez ceux nés en France (40,4% vs 33,7%).
De plus, 5 965 Trod Ac anti-VHC ont été réalisés dans les CeGIDD participants, dont 38,3% en consultations hors les murs. Près de la moitié ont été réalisés en Guyane (49,0%). Parmi ces Trod, 43 (0,7%) étaient positifs.
Discussion
En 2022, le taux de participation des CeGIDD était de 75,7%, en nette augmentation par rapport aux années précédentes (62,4% en 2021, 50,3% en 2020, 45% en 2018 2,3). Cette augmentation est principalement liée à un meilleur recours des structures au webservice pour la transmission des données en raison d’un accompagnement individualisé et renforcé des CeGIDD par Santé publique France, et une implication plus importante des CeGIDD. Ceci permet de mieux caractériser les consultants de ces structures et d’améliorer la description de l’activité de dépistage et des diagnostics dans les CeGIDD aux niveaux national et régional.
Les données de l’année 2022 montrent que le profil sociodémographique des consultants dépistés pour les hépatites B et C reflète celui des personnes accueillies en CeGIDD : en majorité des hommes cis (64%), des jeunes de moins de 30 ans (60%), et une proportion de personnes nées à l’étranger plus élevée qu’en population générale (24% vs 10% d’immigrés selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques – Insee 5). Il s’agit également d’une population fortement exposée au VHB, au VHC et aux autres IST, comme le montrent les proportions élevées des expositions à risque telles que les partenaires multiples, les pratiques sexuelles non protégées, ou l’usage de drogues avec partage de matériel. Ce profil de consultants dépistés en CeGIDD contraste par rapport au profil des personnes ayant un remboursement de tests AgHBs et Ac anti-VHC en France. Les données du Système national des données de santé (SNDS) ont ainsi montré que les dépistages AgHBs et Ac anti-VHC réalisés en 2022 concernaient majoritairement des femmes (64% pour l’AgHBs et 62% pour les Ac anti-VHC) et des personnes âgées de 20 à 39 ans (57% pour l’AgHBs et 56% pour les Ac anti-VHC) 6,7. S’il n’est pas possible de vérifier dans les données du SNDS que les personnes exposées sont dépistées, conformément aux recommandations de dépistage 8,9, les données des CeGIDD montrent que ce dispositif permet d’atteindre une population différente et particulièrement exposée à ces infections.
Pour ce qui est du diagnostic, les taux de positivité étaient de 1,1% et 0,7% respectivement pour l’AgHBs et les Ac anti-VHC. À titre de comparaison, le taux national de positivité a été estimé à 0,7% pour chacun de ces marqueurs en 2021 dans l’enquête LaboHEP 2021 (enquête réalisée auprès de l’ensemble des laboratoires de biologie médicale publics et privés en France) 10. Le taux de positivité de l’AgHBs plus élevé en CeGIDD pourrait s’expliquer par la proportion élevée de consultants nés à l’étranger (24%) notamment en Afrique subsaharienne (8,5% en 2022 vs 6,6% en 2021, soit une augmentation de 1,9 points). Contrairement à la France, l’Afrique subsaharienne et l’Asie sont des régions à forte endémicité du VHB 11. À ce titre, les taux de positivité de l’AgHBs les plus élevés étaient retrouvés parmi les consultants nés en Afrique subsaharienne (8,3%) et en Asie (3,3%). Pour le VHC, les taux étaient élevés chez les consultants nés en Asie (3,9%) et en Europe centrale et orientale (2,5%), où une forte prévalence de cette infection est retrouvée 12. Les personnes en situation de précarité socio-économique sont également le plus souvent affectées par le VHB et le VHC 13,14,15, ainsi que celles à risque élevé, notamment les HSH et les usagers de drogues par voie intraveineuse (IV) 16 pour le VHC, tel que noté parmi les consultants accueillis en CeGIDD en 2022. Ces observations soulignent la persistance du fardeau important des hépatites virales dans ces populations, et appellent à des actions ciblées de prévention, de dépistage et de prise en charge auprès de celles-ci.
Par rapport à l’ensemble de l’activité de dépistage en France, estimée à 5,4 millions (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [5,1-5,7]) et 5,1 millions [4,9-5,4], pour l’AgHBs et les Ac anti-VHC respectivement, grâce à l’enquête LaboHEP 2021 10, les dépistages rapportés à travers la surveillance SurCeGIDD 2022 représentent moins de 3% des tests réalisés (cette proportion étant sous-estimée du fait du manque d’exhaustivité de la surveillance SurCeGIDD). Cependant, cette offre de dépistage et de diagnostic accessible à tous gratuitement et accueillant des populations particulièrement exposées, en situation de précarité sociale et/ou éloignées du système de soins est essentielle.
De plus, comparée aux données issues du SNDS ou des enquêtes LaboHEP, la surveillance SurCeGIDD présente l’avantage de recueillir des données sur les expositions à risque. En effet, certaines populations exposées présentaient des taux de positivité élevés, notamment les consultants ayant déclaré des soins invasifs à l’étranger (2,9% pour le VHB et 1,6% pour le VHC), l’usage de drogues IV avec partage de matériel (19,2% pour VHC) ou par voie nasale avec partage de matériel (1,1% pour le VHC), et vivre avec un porteur du VHB (6,8%) ou du VHC (3,2%). La proportion élevée de données manquantes, pour ces variables, appelle à la prudence dans leurs interprétations. Toutefois, elles apportent des arguments supplémentaires en faveur des recommandations de dépistage en vigueur 8,9.
Ces données montrent également que les taux de positivité de l’AgHBs et des Ac anti-VHC en CeGIDD sont plus élevés dans certaines régions, notamment en Guyane, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France pour le VHB, dans le Grand Est pour le VHC et en Centre-Val de Loire pour les deux virus. Ces disparités régionales sont cohérentes avec les données historiques 17, et récentes 10. Elles pourraient s’expliquer par des différences régionales du taux de personnes nées à l’étranger et de la répartition de leurs pays de naissance, et/ou des différences structurelles (localisation, nombre de CeGIDD rapporté à la population).
Bien que l’augmentation de la participation des CeGIDD soit un atout important pour l’exploitation des données issues de la surveillance SurCeGIDD, des limites persistent. Tout d’abord, le manque de complétude de plusieurs variables importantes (expositions à risques dont les comportements sexuels au cours des 12 derniers mois) limite fortement l’interprétation de certains résultats. Ce problème pourrait être lié d’une part à l’organisation du recueil de ces données dans les CeGIDD (gestion des dossiers médicaux entre consultation initiale et consultations de suivi), et d’autre part à des problèmes de transmission des données à Santé publique France (différents logiciels de gestion des consultations). Une autre limite importante de ce système est l’absence d’un identifiant unique pour chaque consultant, qui ne permet pas de relier plusieurs consultations chez un même individu une année donnée. Pallier ce problème permettrait de mieux caractériser les consultants et estimer les taux de positivité. Face à ces constats, une réflexion sur des solutions envisageables (algorithme d’identification des consultations répétées, élargissement de l’accès au webservice, reformulation des questions du formulaire) devra être conduite dans le cadre du groupe de suivi de cette surveillance, coordonné par Santé publique France et composé de représentants des CeGIDD.
Conclusion
Les hépatites virales B et C restent un problème majeur de santé publique en raison des complications à long terme qu’elles peuvent entraîner (cirrhose du foie, carcinome hépatocellulaire). Elles touchent de manière disproportionnée certaines populations, comme le montrent les taux de positivité élevés observés en CeGIDD chez les personnes nées à l’étranger et celles en situation de précarité sociale (bénéficiant d’une Puma/CSS/AME ou sans couverture maladie, ou sans emploi). Dans un objectif d’élimination des hépatites virales en France, les CeGIDD jouent donc un rôle important dans la stratégie de dépistage et de diagnostic, car ils permettent d’atteindre des populations particulières (des personnes à haut risque d’infection par le VHB et le VHC, vulnérables et ayant peu ou pas d’accès au système de santé). Il est donc primordial de maintenir/améliorer la participation des CeGIDD à la surveillance SurCeGIDD et la complétude des données recueillies.
Remerciements
Nous remercions les CeGIDD qui ont transmis leurs données pour l’année 2022.
Lien d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
Citer cet article
maladies-et-traumatismes/hepatites-virales/hepatite-c/articles/surveillance-epidemiologique-au-sein-des-cegidd