Surveillance de l’hépatite B aiguë en France : données issues de la déclaration obligatoire, 2011-2022

// Surveillance of acute hepatitis B in France: Data from mandatory notifications, 2011–2022

Stella Laporal, Cynthia Tamandjou, Florence Lot, Cécile Brouard (cecile.brouard@santepubliquefrance.fr)
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 19.03.2024 // Date of submission: 03.19.2024
Mots-clés : Hépatite B aiguë | Déclaration obligatoire | Surveillance
Keywords: Acute hepatitis B infection | Mandatory notification | Surveillance

Résumé

Introduction –

Depuis 2003, la surveillance de l’hépatite B aiguë par la déclaration obligatoire (DO) contribue à l’évaluation de l’impact des stratégies vaccinales contre l’hépatite B.

Méthode –

Une analyse des données 2011-2022 de la DO de l’hépatite B aiguë a été réalisée.

Résultats –

Entre 2011 et 2022, 840 cas d’hépatite B aiguë ont été déclarés, le nombre annuel de cas ayant diminué de moitié. Les cas étaient majoritairement des hommes (73%) et étaient âgés de 41 ans en moyenne. La proportion de cas de 40-49 ans, classe d’âge prépondérante en 2011-2014 (27%), a diminué (16% en 2019-2022), tandis que la proportion de cas de 20-29 ans a augmenté de 18% en 2011-2014 à 27% en 2019-2022. Six cas sur dix étaient hospitalisés et 5% avaient une forme fulminante, suggérant une surreprésentation des formes sévères. Parmi les cas avec une exposition à risque rapportée (65%), 81% avaient une indication vaccinale, mais seuls 5% étaient vaccinés. Les personnes nées à l’étranger représentaient 60% des cas et étaient plus jeunes que celles nées en France (39 vs 43 ans, p=0,002). Elles rapportaient plus souvent un voyage/séjour en zone de forte endémicité de l’hépatite B (47% vs 19%, p<0,001) et moins fréquemment une exposition sexuelle que celles nées en France (50% vs 72%, p<0,001).

Conclusion –

Ces résultats pourraient refléter une baisse de l’incidence de l’hépatite B aiguë, si l’exhaustivité de la DO, estimée à 27% en 2016, n’a pas diminué depuis. Des actions de rattrapage vaccinal chez les adolescents et les jeunes adultes et de prévention (dépistage, vaccination) auprès des personnes migrantes sont nécessaires. Les biologistes et cliniciens doivent être incités à notifier tous les cas diagnostiqués afin d’améliorer l’exhaustivité et la représentativité de cette DO.

Abstract

Introduction –

Since 2003, surveillance of acute hepatitis B through mandatory notification (MN) has helped to assess the impact of hepatitis B vaccination strategies.

Method –

An analysis of MN data reported between 2011 and 2022 was performed.

Results –

Between 2011 and 2022, 840 cases of acute hepatitis B were reported, with the annual number of cases having halved over the period. The majority of cases concerned men (73%), with a mean age of 41 years. The proportion of cases aged 40–49, which was the predominant age group in 2011–2014 (27%), has fallen (16% in 2019–2022), while the proportion of cases aged 20–29 has increased from 18% in 2011–2014 to 27% in 2019–2022. Six out of ten cases were hospitalised and 5% had a fulminant form, suggesting an over-representation of severe forms. Of the 65% of cases with a reported risk exposure, 81% had a vaccination indication, but only 5% were vaccinated. People born abroad accounted for 60% of cases, and were younger than those born in France (39 vs 43 years, p=0.002). They were also more likely to report travelling to or staying in areas where hepatitis B was highly endemic (47% vs 19%, p<0.001) and less likely to declare sexual exposure than those born in France (50% vs 72%, p<0.001).

Conclusion –

These results could reflect a decline in the incidence of acute hepatitis B, if the completeness of MN, estimated at 27% in 2016, has not decreased since then. Catch-up vaccination campaigns among adolescents and young adults, and prevention campaigns (screening, vaccination) among migrants are needed. Biologists and clinicians must be encouraged to notify all cases diagnosed in order to improve the completeness and representativeness of MN reports.

Introduction

Le virus de l’hépatite B (VHB) se transmet principalement par voie sexuelle, par contact direct avec du sang infecté et par transmission de la mère à l’enfant. La fréquence des modes de transmission et l’âge à la contamination varient cependant selon la zone géographique, avec notamment une prépondérance de la transmission mère-enfant dans les zones de forte endémicité du VHB (Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est en particulier), où les mesures de prophylaxie sont insuffisamment mises en œuvre. Dans les pays de faible endémicité, comme en France (prévalence du portage de l’antigène – Ag – HBs estimée à 0,3% 1), la contamination survient généralement à l’âge adulte par voie sexuelle. La phase aiguë de l’infection est rarement symptomatique (30% chez les adultes 2) et évolue dans environ 90% des cas vers une guérison spontanée. Dans moins de 1% des cas, une forme fulminante, souvent mortelle en l’absence de transplantation hépatique, peut survenir.

La vaccination reste le pilier de la prévention de l’hépatite B. En France, la vaccination (vaccin inactivé) est recommandée pour les personnes à risque élevé d’exposition depuis les années 1980 et pour l’ensemble des nourrissons avec un rattrapage chez les enfants et adolescents jusqu’à 15 ans révolus depuis 1995. Dans les années 1990, une campagne de vaccination ciblant les adolescents (et aussi les jeunes adultes) a été menée en milieu scolaire, mais a été stoppée en 1998 du fait de polémiques sur la sécurité du vaccin 3. La vaccination des nourrissons nés à partir du 1er janvier 2018 est devenue obligatoire 4.

Depuis 2003, la déclaration obligatoire (DO) de l’hépatite B aiguë a pour objectif de suivre l’évolution du nombre de cas et les caractéristiques des personnes infectées, contribuant ainsi à l’évaluation de l’impact des stratégies vaccinales. L’objectif principal de cet article est de décrire les caractéristiques des cas d’hépatite B aiguë déclarés et leur évolution sur la période 2011-2022. Du fait de la proportion élevée de cas nés à l’étranger (59% sur la période 2014-2021 5), l’objectif secondaire est de comparer les caractéristiques des cas nés en France avec celles des cas nés à l’étranger.

Méthode

Un cas d’hépatite B aiguë est défini par :

la détection des immunoglobulines M (IgM) anti-HBc pour la première fois chez un patient ;

en l’absence de réalisation de ce test, la détection de l’AgHBs et des anticorps (Ac) anti-HBc totaux dans un contexte d’hépatite aiguë : augmentation importante des ALAT (alanine aminotransférases) avec ou sans ictère.

Sont exclus les cas de portage chronique de l’AgHBs ou de réactivation d’une hépatite B chronique avec IgM anti-HBc positives.

La DO (1) est initiée sur papier par le biologiste, qui indique les résultats des tests diagnostiques, puis complétée par le clinicien prescripteur, qui renseigne les éléments cliniques (notamment l’antécédent éventuel d’une hépatite B chronique ou la réactivation), les antécédents vaccinaux et les expositions à risque vis-à-vis du VHB au cours des six mois précédant l’apparition des signes cliniques. Les feuillets de DO sont adressés à l’Agence régionale de santé (ARS), qui les transmet à Santé publique France. La définition de cas reposant sur des critères biologiques et cliniques, les deux feuillets complétés par le biologiste et le clinicien sont requis pour la validation des cas.

Les données 2011-2022 ont été analysées (base arrêtée au 10 octobre 2023). Les pourcentages ont été comparés avec le test du Chi2 de Pearson ou le test exact de Fischer et les variables discrètes à l’aide du test de Student. Les tendances ont été analysées par période de quatre ans avec le test du Chi2 de tendance de Cochrane-Armitage. Une analyse stratifiée sur le lieu de naissance (France vs étranger) et le sexe a été réalisée. Le logiciel Stata® version 16.0 a été utilisé.

Résultats

Sur la période 2011-2022, 1 524 DO d’hépatite B aiguë ont été reçues à Santé publique France, dont près d’un tiers avec uniquement le feuillet biologiste, proportion croissante au cours de la période : 22% en 2011-2014, 23% en 2015-2018 et 41% en 2019-2022 (p<0,001).

Parmi les DO avec seulement le feuillet biologique, 279 répondaient aux critères biologiques de la définition de cas. Sur la période, 70% (196 cas) étaient de sexe masculin, l’âge moyen des cas était de 41 ans (44 ans pour les hommes et 36 ans pour les femmes, p<0,001).

Un total de 840 cas d’hépatite B aiguë répondaient à la définition de cas. Après une évolution irrégulière entre 2011 et 2015, le nombre annuel de cas a diminué de moitié entre 2015 (94 cas) et 2022 (47 cas), malgré une légère augmentation en 2021 (figure 1). Cette évolution était observée quel que soit le sexe.

Les trois-quarts des cas ont été déclarés par des médecins exerçant dans des établissements hospitaliers (dont 54% dans des services d’hépato-gastro-entérologie) et 25% par des médecins libéraux (dont 82% de médecins généralistes). La proportion de cas déclarés par des médecins hospitaliers a significativement augmenté : 71% en 2011-2014, 75% en 2015-2018 et 84% en 2019-2022 (p=0,004).

Figure 1 : Évolution annuelle du nombre de cas déclarés d’hépatite B aiguë par année de diagnostic, déclaration obligatoire, France, 2011-2022
Agrandir l'image

Caractéristiques démographiques

Les cas étaient majoritairement des hommes (73%) : 76% en 2011-2014, 70% en 2015-2018 et en 2019-2022 (p=0,14). L’âge moyen était stable autour de 41 ans ; les femmes étaient significativement plus jeunes que les hommes (âge moyen de 35 ans vs 43 ans, p<0,001) (tableau 1). La distribution de l’âge des cas a cependant évolué au cours de la période comme le montre la figure 2, sur laquelle sont identifiées les « générations » qui ont été concernées par la campagne de vaccination menée dans les années 1990. Ainsi, la proportion de cas âgés de 40-49 ans, classe d’âge la plus représentée en 2011-2014 (27%), a diminué en 2015-2018 (18%) et en 2019-2022 (16%) (p<0,001), ces deux dernières générations ayant pu être concernées par la campagne de vaccination. À l’inverse, la proportion de cas âgés de 20-29 ans, qui était de 18% en 2011-2014 (génération ciblée par la campagne de vaccination), a augmenté à 24% en 2015-2018 et 27% en 2019-2022 (p=0,006), constituant la classe d’âge prépondérante sur la période 2015-2022. Les proportions de cas des autres classes d’âges sont restées stables, notamment pour les 10-19 ans (entre 7 et 9%). Ces évolutions sont observées quel que soit le sexe.

Parmi les cas dont le pays de naissance était renseigné (91%), 60% étaient nés à l’étranger (60% des hommes, 61% des femmes), proportion stable pendant toute la période. Près d’un tiers étaient nés en Afrique subsaharienne et 48% étaient arrivés en France la même année ou l’année précédant le diagnostic (information sur l’année d’arrivée disponible pour 21%).

Tableau 1 : Caractéristiques démographiques, cliniques et biologiques des cas déclarés d’hépatite B aiguë, par sexe, déclaration obligatoire, France, 2011-2022
Agrandir l'image
Figure 2 : Évolution de la distribution des cas déclarés d’hépatite B aiguë par classe d’âge et par période de diagnostic de 4 ans, déclaration obligatoire, France, 2011-2022
Agrandir l'image

Caractéristiques biologiques et cliniques

Sur l’ensemble de la période et sans tendance particulière, 75% des cas ont présenté un ictère et 47% avaient un niveau d’ALAT supérieur à 50 fois la valeur normale, les femmes plus souvent que les hommes (55% vs 44%, p=0,01) (tableau 1).

Une hépatite fulminante était rapportée pour 5% (n=43) des cas, plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes (9% vs 4%, p=0,002). Cette proportion a fluctué de façon non significative : 4% en 2011-2014, 7% en 2015-2018 et 5% en 2019-2022. Parmi les 36 cas pour lesquels l’évolution était renseignée, 17 ont eu une évolution favorable, 13 ont bénéficié d’une transplantation hépatique et 6 sont décédés.

Sur l’ensemble de la période, 61% des cas ont été hospitalisés (59% en 2011-2014 et 2015-2018, 68% en 2019-2022, p=0,34), les femmes plus souvent que les hommes (70% vs 58%, p=0,002).

Statut vaccinal

Le statut vaccinal était renseigné pour 78% des cas : 80% en 2011-2014, 78% en 2015-2018 et 73% en 2019-2022 (diminution non significative). Parmi ces cas, 2% ont déclaré avoir reçu au moins 3 doses correspondant au schéma vaccinal complet (tableau 1).

Expositions à risque

Au moins une exposition à risque au cours des six mois précédant l’apparition des signes cliniques était rapportée pour 65% des cas, sans différence significative selon le sexe et sans tendance significative au cours de la période. Parmi eux, 81% avaient une indication vaccinale, dont 5% étaient vaccinés (quel que soit le nombre de doses). Les expositions les plus fréquentes étaient une exposition sexuelle (63% pour les hommes et 47% pour les femmes, p=0,001) et un séjour dans un pays de forte endémicité du VHB (36% pour les hommes et 32% pour les femmes, p=0,356) (tableau 1).

Certaines expositions étaient plus fréquemment rapportées pour les femmes : un partenaire sexuel AgHBs positif (30% vs 9% chez les hommes, p<0,001), un porteur chronique de l’AgHBs dans l’entourage familial (16% vs 6%, p<0,001), ainsi que la réalisation d’un tatouage ou piercing (12% vs 5%, p=0,004). À l’inverse, le multipartenariat sexuel et l’usage de drogues étaient significativement plus fréquents chez les hommes (respectivement 42% et 5%) que chez les femmes (respectivement 21% et 1%).

Comparaison des cas selon le lieu de naissance

Les hommes étaient majoritaires parmi les cas nés à l’étranger (72%) et ceux nés en France (73%).

Les hommes nés à l’étranger étaient significativement plus jeunes que ceux nés en France (âge moyen : 41 vs 47 ans, p<0,001), avec des proportions significativement plus élevées des classes d’âges des 10-19 ans (6% vs 2%, p=0,037) et 30-39 ans (20% vs 11%, p=0,004) et une proportion plus faible de la classe d’âge des 50-59 ans (12% vs 25%, p<0,001) (figure 3).

Un séjour en zone d’endémicité du VHB était plus fréquemment retrouvé chez les hommes nés à l’étranger (48% vs 21%, p<0,001), tandis que les rapports sexuels entre hommes (20% vs 43% p<0,001) et le multipartenariat sexuel (37% vs 51%, p=0,009) étaient moins souvent rapportés par les hommes nés à l’étranger que chez ceux nés en France (tableau 2).

Chez les femmes, l’âge moyen de celles nées à l’étranger (35 ans) ne différait pas significativement de celui des femmes nées en France (34 ans). Cependant, la distribution par classe d’âge variait significativement (p=0,025), avec une proportion plus faible de femmes âgées de 10-19 ans parmi celles nées à l’étranger (12% vs 30%, p=0,001) et une proportion plus élevée de femmes âgées de 30-39 ans parmi celles-ci (19% vs 8%, p=0,041). Un séjour en zone d’endémicité du VHB (45% vs 13%, p<0,001) était plus fréquemment retrouvé chez les femmes nées à l’étranger que chez celles nées en France, tandis qu’un partenaire positif pour l’AgHBs était plus souvent rapporté par celles nées en France.

Figure 3 : Distribution des cas déclarés d’hépatite B aiguë par classe d’âge selon le sexe et le lieu de naissance, déclaration obligatoire, France, 2011-2022
Agrandir l'image
Tableau 2 : Caractéristiques démographiques, cliniques et biologiques des cas déclarés d’hépatite B aiguë,
par sexe et par lieu de naissance, déclaration obligatoire, France, 2011-2022
Agrandir l'image

Discussion

Les données 2011-2022 de la DO montrent que la diminution du nombre de cas déclarés, observée depuis 2007, se poursuit 6. Ce nombre a ainsi été divisé par 2 entre 2015 et 2022, malgré une légère augmentation en 2021, également retrouvée en Europe 7 (2), qui pourrait s’expliquer par un retour au niveau pré-pandémique des comportements à risque et du recours aux soins. Ce phénomène est décrit dans d’autres études françaises notamment les enquêtes rapport au sexe (Eras) réalisées en ligne auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Parmi les répondants séronégatifs pour le VIH, 6,4% avaient déclaré un recours au chemsex (consommation de produits psychoactifs : cocaïne, GHB/ GBL, amphétamines, MDPV, 3-MMC, 4-MMC..., dans un contexte sexuel) lors du dernier rapport sexuel en 2017, contre 6,8% en 2019 et 8,9% en 2021 (p<0,001). Ces enquêtes ont également montré un retour à une protection limitée contre le VIH, observée avant la Covid-19, avec 24,9% déclarant n’avoir utilisé aucun moyen de protection contre le VIH lors du dernier rapport anal avec un partenaire occasionnel en 2017 contre 21,3% en 2019 et 25,4% en 2021 (p de tendance=0,104) 8. De plus, une analyse récente de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le dépistage de l’hépatite C (à partir des données de dépistage issues du Système national des données de santé – SNDS) a révélé que près d’un million de personnes ont été dépistées en 2019 et 2021, contre environ 800 000 en 2020 9. La diminution du nombre de cas déclarés pourrait refléter une baisse du nombre de nouveaux diagnostics d’hépatite B aiguë, sous réserve que l’exhaustivité de la DO, estimée à 27% en 2016 10, n’ait pas diminué depuis. Cette tendance à la baisse du nombre de cas déclarés, également observée en Europe 7 (2) et au niveau mondial 11, s’expliquerait par une baisse de l’incidence de l’hépatite B aiguë en lien avec la mise en œuvre des programmes nationaux de vaccination. En Italie, par exemple, la vaccination obligatoire depuis 1991 des nourrissons et des adolescents aurait permis de réduire d’un facteur 50 l’incidence de l’hépatite B aiguë entre 1987 et 2020 12.

En France, l’évolution de la distribution d’âge des cas déclarés entre 2011 et 2022 suggère un impact de la campagne vaccinale menée dans les années 1990 3, notamment chez les 30-39 ans. Cette campagne avait permis d’atteindre une couverture vaccinale chez les adolescents de 14-15 ans de 88% en 1996 3, mais du fait de son arrêt brutal en 1998, la couverture vaccinale a chuté et est restée stable autour de 42-45% entre 2003-2004 13 et 2016-2017 14. Malgré l’extension du rattrapage vaccinal jusqu’à 15 ans révolus et la simplification de son schéma d’administration (deux doses) en 2009, plusieurs études ont montré une faible compliance au rattrapage vaccinal 15,16. La couverture vaccinale a en revanche bien progressé chez les nourrissons grâce au remboursement du vaccin hexavalent depuis 2008 13 et à l’obligation vaccinale depuis 2018, atteignant 95,2% pour les enfants de deux ans nés en 2018 (3 doses) 5, soit les objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la zone Europe 17. Cependant, la génération des adolescents et des jeunes adultes d’aujourd’hui constitue une génération insuffisamment protégée 15, comme le montrent la prépondérance de la classe d’âge des 20-29 ans (27% des cas déclarés en 2019-2022) et la proportion relativement élevée de cas âgés de 10-19 ans (9% en 2019-2022, principalement des jeunes filles de 15-19 ans nées en France, avec une contamination sexuelle suspectée) parmi les cas déclarés en 2019-2022. De même, parmi les cas déclarés en 2021, la proportion de cas âgés de moins de 35 ans était près de 2 fois plus élevée en France (53%) qu’en Europe (France incluse) (28%) (2). Il est donc essentiel, comme cela est recommandé dans le dernier rapport d’experts sur la prise en charge du VIH, des hépatites virales et des IST 18, d’identifier des opportunités : i) de rattrapage vaccinal de l’hépatite B pour les adolescents (visites médicales scolaires, consultations de gynécologie…) en association avec la proposition de vaccination HPV ; ii) de vaccination des adultes particulièrement exposés (journée défense et citoyenneté, rendez-vous de prévention…) conformément au calendrier vaccinal 4.

Sur la période 2011-2022, près des trois quarts des cas étaient des hommes, comme précédemment décrit en France 6 et en Europe 7. Chez ces derniers, une exposition sexuelle (multipartenariat, rapports sexuels entre hommes) était plus souvent identifiée que chez les femmes. En revanche, chez celles-ci, l’existence d’un partenaire sexuel AgHBs positif (30%) et d’un porteur chronique dans l’entourage familial (16%) était plus souvent retrouvée que chez les hommes (respectivement 9% et 6%), soulignant l’importance du dépistage et de la vaccination de l’entourage et des partenaires d’une personne infectée dès son diagnostic 4. Quel que soit le sexe, les deux expositions à risque les plus fréquentes étaient l’exposition sexuelle (59%) et le voyage/séjour en zone de forte endémicité du VHB (35%). Parmi les cas avec une exposition à risque identifiée (65%), 81% avaient une indication vaccinale selon les recommandations concernant les personnes particulièrement exposées 4, mais seuls 5% déclaraient avoir été vaccinés.

Sur le plan clinique, les trois quarts des cas déclarés avaient présenté un ictère, 5% une forme fulminante et 61% avaient été hospitalisés, témoignant d’une surreprésentation des cas les plus graves parmi les cas déclarés, puisqu’il est classiquement décrit que les formes ictériques et fulminantes concernent respectivement 30% et moins de 1% des adultes 2. Aussi, les trois quarts des cas avaient été déclarés par un médecin hospitalier, proportion en augmentation au cours de la période. Ceci suggère un défaut d’information et/ou d’adhésion à cette DO des médecins libéraux, certainement rarement confrontés à ce diagnostic.

Six cas déclarés sur dix étaient nés à l’étranger. Cette proportion élevée pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment la faible couverture vaccinale dans certains pays d’origine 17, des expositions à risque plus fréquentes dans les pays d’origine, de transit et/ou à l’arrivée en France, notamment chez des personnes migrantes en situation irrégulière ou précaire 19. Près de la moitié des cas (pour lesquels l’année d’arrivée était renseignée) concernaient ainsi des personnes primo-arrivantes, donc contaminées à l’étranger ou dans les mois suivant leur arrivée en France. Concernant les expositions à risque, un voyage ou séjour dans une zone de forte endémicité pour le VHB était (comme attendu) plus souvent retrouvé chez les personnes nées à l’étranger, de même qu’un séjour en institution. À l’inverse, l’exposition sexuelle était plus souvent identifiée chez les personnes nées en France, notamment le multipartenariat pour les hommes et les rapports sexuels entre hommes, et pour les femmes, un partenaire sexuel positif pour l’AgHBs. Ces résultats soulignent l’importance de faciliter l’accès aux structures de prévention (dépistage et vaccination) et de soins pour les personnes migrantes dès leur arrivée, notamment par des actions d’« aller-vers » adaptées aux spécificités de cette population 20,21.

Les principales limites de la DO de l’hépatite B aiguë sont sa faible exhaustivité 10 et son manque de représentativité (surreprésentation des formes graves), ainsi que la proportion élevée de données manquantes pour certaines variables (notamment 49% pour partenaire sexuel AgHBs+ connu, 41% pour le pays de naissance). L’exhaustivité insuffisante peut s’expliquer d’une part par une incidence probablement faible des cas d’hépatite B aiguë symptomatiques 2, ne permettant pas aux biologistes et médecins d’acquérir le réflexe de déclarer tout cas diagnostiqué, et d’autre part par la nécessité de disposer des deux feuillets complétés par le biologiste et le clinicien pour permettre d’exclure les réactivations et inclure le cas. La proportion de DO comportant uniquement le feuillet biologiste a augmenté au cours de la période d’étude (malgré de nombreuses relances des cliniciens avec l’appui des ARS), soulignant une aggravation de la sous-déclaration par les cliniciens. L’intégration de cette DO dans un outil de dématérialisation commun à l’ensemble des DO, ainsi que la remontée automatique des résultats de laboratoires (Laboé-SI), sur le modèle de Sidep (Système d’information de dépistage), pourrait permettre d’améliorer l’exhaustivité de la DO de l’hépatite B aiguë. Cependant, le calendrier de déploiement de ces nouveaux outils reste à préciser. Malgré ces limites, la DO constitue un système de surveillance utile et complémentaire à l’évaluation de la couverture vaccinale, en contribuant à l’évaluation de l’impact de la stratégie vaccinale, dans un contexte d’élimination des hépatites virales fixée par l’OMS d’ici 2030 22.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous les biologistes et cliniciens déclarants, ainsi que les agences régionales de santé.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Saboni L, Brouard C, Gautier A, Chevaliez S, Rahib D, Richard JB, et al. Prévalence des hépatites chroniques C et B, et antécédents de dépistage en population générale en 2016 : contribution à une nouvelle stratégie de dépistage, Baromètre de Santé publique France-BaroTest. Bull Épidémiol Hebd. 2019(24-25):469-77. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/24-25/2019_24-25_1.html
2 Trépo C, Chan HL, Lok A. Hepatitis B virus infection. Lancet. 2014;384(9959):2053-63.
3 Denis F. Vaccination contre l’hépatite B : évolution de la couverture vaccinale ; impact en santé publique, limites de la vaccination, nouveaux vaccins. Bull Acad Natl Méd. 2016;200(1):33-45.
4 Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2024. Paris: ministère du Travail, de la Santé et de la Solidarité 2024. 96 p. https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier-vaccinal
5 Tamandjou C, Laporal S, Lot F, Brouard C. Données épidémiologiques récentes sur les hépatites C, B et Delta. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(15-16):311-7. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/15-16/2023_15-16_5.html
6 Vaux S, Laporal S, Pioche C, Bruyand M, Lévy-Bruhl D, Lot F, et al. Surveillance de l’hépatite B aiguë par la déclaration obligatoire, France, 2003-2018. Bull Épidémiol Hebd. 2019;(24-25):490-5. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/24-25/2019_24-25_3.html
7 European Center for Disease Prevention and Control. Hepatitis B – Annual epidemiological report for 2021. Stockholm: ECDC; 2022. 11 p. https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/hepatitis-b-annual-epidemiological-report-2021
8 Velter A, Ousseine Y, Dupire P, Roux P, Mercier A. Évolution du niveau de protection contre le VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes séronégatifs pour le VIH – Résultats de l’enquête Rapport au sexe 2017-2019-2021. Bull Épidémiol Hebd. 2022;(24-25):430-8. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/24-25/2022_24-25_1.html
9 Brouard C, Schwager M, Expert A, Drewniak N, Laporal S, de Lagasnerie G, et al. Impact des politiques publiques et de la pandémie de Covid-19 sur le dépistage et le traitement de l’hépatite C en France métropolitaine, 2014-2021. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(15-16):292-302. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/15-16/2023_15-16_3.html
10 Laporal S, Léon L, Pioche C, Vaux S, Pillonel J, Lot F, et al. Estimation du nombre de diagnostics d’hépatite B aiguë et de l’exhaustivité de la déclaration obligatoire en France en 2016, enquête LaboHep 2016. Bull Épidémiol Hebd. 2019;(24-25):496-501. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/24-25/2019_24-25_4.html
11 Ouyang G, Pan G, Guan L, Wu Y, Lu W, Qin C, et al. Incidence trends of acute viral hepatitis caused by four viral etiologies between 1990 and 2019 at the global, regional and national levels. Liver Int. 2022;42(12):2662-73.
12 Sagnelli C, Sica A, Creta M, Calogero A, Ciccozzi M, Sagnelli E. Epidemiological and clinical aspects of hepatitis B virus infection in Italy over the last 50 years. World J Gastroenterol. 2022;28(26):3081-91.
13 Guthmann JP, Fonteneau L, Collet M, Vilain A, Ragot M, Ben Boutieb M, et al. Couverture vaccinale hépatite B chez l’enfant en France en 2014 : progrès très importants chez le nourrisson, stagnation chez l’adolescent. Bull Épidémiol Hebd. 2015;(26-27):499-504. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2015/26-27/2015_26-27_4.html
14 Guignon N, Delmas MC, Fonteneau L. En 2017, des adolescents plutôt en meilleure santé physique mais plus souvent en surcharge pondérale. Études et Résultats. 2019;(1122):1-6. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/en-2017-des-adolescents-plutot-en-meilleure-sante-physique-mais
15 Stahl JP, Denis F, Gaudelus J, Cohen R, Lepetit H, Martinot A. Hepatitis B vaccination and adolescents: A lost generation. Med Mal Infect. 2016;46(1):1-3.
16 Buscail C, Gagnière B. Vaccination coverage of adolescents: Results of a defense and citizenship day-based survey. Med Mal Infect. 2016;46(1):25-31.
17 World Health Organization Regional Office for Europe. Action plan for the health sector response to viral hepatitis in the WHO European Region. Geneva: WHO Regional Office for Europe; 2017. 56 p. https://iris.who.int/handle/10665/344154
18 ANRS-Maladie infectieuses émergentes, Conseil national du sida et des hépatites virales. Recommandation – Épidémiologie, prévention, dépistage des hépatites virales B, C et Delta. Paris: ANRS-MIE; 2023. 16 p. https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2023/12/EDP_Recommandations_Rapport-dexperts_-20231120.pdf
19 Dray-Spira R, Gigonzac V, Vignier N, Pannetier J, Sogni P, Lert F, et al. Caractéristiques des personnes originaires d’Afrique subsaharienne suivies pour une hépatite B chronique en Île-de-France en 2012-2013. Données de l’enquête ANRS-Parcours. Bull Épidémiol Hebd. 2015;(19-20):339-47. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2015/19-20/2015_19-20_2.html
20 Bousmah MA, Gosselin A, Coulibaly K, Ravalihasy A, Taéron C, Senne JN, et al. Immigrants’ health empowerment and access to health coverage in France: A stepped wedge randomised controlled trial. Soc Sci Med. 2023;339:116400.
21 Vaugoyeau E, Rambliere L, David M, Lemguarni H, Le Gac S, Pasquet-Cadre A, et al. Proof of concept of a sexual health outreach program led by community health workers in homeless hostels in the greater Paris region. Front Public Health. 2024;11:1305874.
22 Organisation mondiale de la santé. Stratégies mondiales du secteur de la santé contre, respectivement, le VIH, l’hépatite virale et les infections sexuellement transmissibles pour la période 2022-2030. Genève: OMS; 2022. 134 p. https://www.who.int/fr/publications/i/item/9789240053779

Citer cet article

Laporal S, Tamandjou C, Lot F, Brouard C. Surveillance de l’hépatite B aiguë en France : données issues de la déclaration obligatoire, 2011-2022. Bull Épidémiol Hebd. 2024;(16-17):369-77. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/16-17/2024_16-17_5.html

(2) European center for disease prevention and control. Surveillance atlas of infectious diseases 2024. 2024. https://www.ecdc.europa.eu/en/
surveillance-atlas-infectious-diseases