Prévalence des troubles du spectre autistique en Guyane : un témoin des inégalités territoriales de santé ?

// Prevalence of autism spectrum disorders in French Guiana: Highlighting territorial health inequalities?

Barbara Biche1, Boubacar Diop1, Ousmane Sy1, Benoit Saria2, Issaga Diallo1, Françoise Odunlami3, Carine Lican4, Joyce Dechamp1, Caroline Janvier1, Mathieu Nacher (mathieu.nacher66@gmail.com)1
1 Centre hospitalier André Rosemon, Cayenne, Guyane, France
2 Service de psychiatrie infanto-juvénile, Centre hospitalier de l’Ouest Guyanais, Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane, France
3 Maison départementale des personnes handicapées, Cayenne, Guyane, France
4 Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) de Guyane, Cayenne, France
Soumis le 01.07.2019 // Date of submission: 07.01.2019
Mots-clés : Trouble du spectre autistique | Guyane | Prévalence | Disparités territoriales
Keywords: Autism spectrum disorder | French Guiana | Prevalence | Territorial disparities

Résumé

Introduction –

Les données sur les troubles du spectre autistique (TSA) en Guyane sont éparses et ne permettent pas de déterminer de manière fiable leur prévalence. Or, ces données sont nécessaires pour la mise en place d’une offre en adéquation aux besoins, notamment dans le cadre du rattrapage du retard structurel du territoire. L’objectif de cette étude était d’estimer la prévalence des TSA chez les enfants de 6 à 11 ans résidant en Guyane, de décrire leurs caractéristiques principales et leur prise en charge.

Méthodes –

La méthode et les critères d’inclusion de l’étude étaient calqués sur ceux des registres des handicaps de l’enfant de l’Hexagone. Les enfants présentant un TSA étaient identifiés à partir des dossiers médicaux de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ou de toute structure diagnostiquant ou accompagnant des enfants avec TSA sur le territoire.

Résultats –

En 2016, 65 des 74 enfants identifiés avec un TSA ont été inclus dans l’étude. La prévalence était de 18,4/10 000 enfants. Cette prévalence variait de 3,4 à 33,8 pour 10 000 enfants selon la communauté de communes de résidence (p<0,01). Bien que la fréquence de la scolarisation et d’un accompagnement soit plus importante en 2017-2018 qu’au moment de leur diagnostic, les structures et professionnels médico-sociaux étaient insuffisants pour répondre aux besoins.

Conclusion –

Cette étude fait ressortir une faible prévalence des TSA comparativement aux estimations mondiales, particulièrement dans l’ouest du territoire au début du 3e Plan autisme. Le suivi de ces données pourra contribuer à évaluer l’impact local des politiques publiques en faveur du diagnostic et des prises en charges précoces ainsi qu’à planifier les ressources nécessaires.

Abstract

Background –

Data on Autism Spectrum Disorders (ASD) in Guiana are scarce and do not allow for a reliable determination of prevalence. It is thus important to obtain reliable prevalence data for ASD in the region to plan the creation of new structures for concerned children. The aim of the study was to estimate the prevalence of ASD among children aged 6 to 11 years old living in the region. The secondary objectives of the study were to describe the main characteristics and the support received by the children.

Methods –

The methods and inclusion criteria were modelled on those used in the French population-based registers monitoring severe childhood disabilities. Children with ASD were identified from medical records in the local public homes for people with disability (MDPH) and from notifications from diagnosis or care of centers for children with ASD in the area.

Results –

In 2016, 65 of the 74 children identified with an ASD were included in the study. The prevalence of ASD was 18.4/10,000 children aged 6 to 11 years old in 2016. This prevalence ranged from 3.4 to 33.8 for 10,000 children depending on the place of residence (p<0.01). Despite improvements in the schooling and care frequency among children between the time when they were diagnosed and 2017-2018, the offer was still inadequate to cover the needs.

Conclusion –

This study shows a low prevalence of ASD compared to global estimates, particularly in the west of the territory at the beginning of the Third Plan for Autism.

The monitoring of these data can help to assess the local impact of public policies in favor of early diagnosis and treatment and to plan the necessary resources.

Introduction

La prévalence des troubles du spectre autistique (TSA)/troubles envahissants du développement (TED) dans le monde est en augmentation progressive depuis les années 1980, avec des variations dans les estimations de prévalences selon les études 1. En 2010, se basant sur les études réalisées depuis les années 2000, la Haute Autorité de santé (HAS) estimait la prévalence des TED à environ 60/10 000, soit environ un cas pour 150 naissances 2 et insistait sur l’intérêt d’un dépistage et d’une prise en charge précoce pour atténuer les troubles.

La Guyane est un département français d’outre-mer situé entre le Brésil et le Surinam. C’est un territoire jeune où plus de 40% des 270 000 habitants avaient moins de 20 ans en 2016. La population présente une forte diversité culturelle et linguistique et se trouve essentiellement sur la bordure littorale du territoire 3. Depuis quelques années, les communes de l’Ouest, dont la majorité sont accessibles uniquement en pirogue ou en avion, connaissent une forte croissance démographique. Il existe un retard structurel au niveau sanitaire et médico-éducatif sur l’ensemble du territoire où l’on observe les taux d’équipement et la densité en personnel médical et paramédical les plus faibles de France. Les ressources sont en outre principalement situées à Cayenne ou dans son agglomération 4. L’organisation du rattrapage de l’offre de soins est complexe dans ce vaste territoire en constante évolution. Jusqu’en 2011, l’ensemble de l’offre en services de psychiatrie infanto-juvénile et en institut médico-éducatif (IME) pour enfants avec TED (environ 30 places) était concentré à Cayenne. En 2011, un service de pédopsychiatrie a été ouvert dans l’Ouest. Aucune donnée épidémiologique n’était disponible concernant la prévalence des TSA sur le territoire pour aider à la planification.

Dans ce contexte, le 3e Plan autisme (2013-2017) prévoyait d’améliorer les données épidémiologiques et de mettre en place diverses actions pour renforcer le dépistage et la prise en charge des personnes avec TSA. Des Cellules de diagnostic simple de l’autisme (CDA) ont été mises en place pour désengorger le Centre de ressources autisme (CRA) parallèlement à la création de places en établissement médico-social. Une étude a été initiée en 2016 afin de décrire la prévalence des TSA parmi les enfants de 6 à 11 ans. L’enregistrement des enfants diagnostiqués avec TSA dans le département avant l’âge de 8 ans s’est poursuivi afin de surveiller l’évolution de cette prévalence, sur les mêmes critères et avec la même méthodologie que ceux des deux registres des handicaps de l’enfant de l’Hexagone existants : le Registre des handicaps de l’enfant et observatoire périnatal (RHEOP) couvrant trois départements d’Auvergne-Rhône-Alpes et le registre couvrant le département de la Haute-Garonne (RHE31). Ces registres, après information et accord des familles, collectent sans examen des enfants, des données sur les déficiences, la périnatalité, les comorbidités, ainsi que les modalités de prise en charge médicale, sociale et scolaire à partir de dossiers médicaux.

Méthode

Les enfants nés entre 2005 et 2010 présentant – en référence aux classifications en vigueur (DSM-5 et CIM-10) – un diagnostic établi de TSA ou de TED résidant en Guyane en 2016 étaient identifiés à partir des dossiers médicaux de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), du CRA, et des dossiers médicaux dans les structures d’accueil ou de diagnostic des enfants (CDA), Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), Centre médico-psychologique infantile (CMPI) ou Centre de santé mentale infantile (CSMI), Hôpital de jour de psychiatrie infanto-juvénile (HDJ), Service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad ou IME TED) de tout le département. Les dossiers de sources multiples ont ainsi été consultés, afin de contribuer à l’exhaustivité et à la complétude des données. Les données concernant le diagnostic de TSA étaient validées par un praticien. Des données sociodémographiques, des informations sur les troubles associés et les données périnatales étaient recueillies en l’absence d’opposition des responsables légaux qui étaient informés par courrier des finalités du registre et du fait que les données de leur enfant y seraient consignées, à moins qu’ils ne s’y opposent.

Les prises en charge scolaires et sanitaires ou médico-sociales ont été recueillies au moment du diagnostic et au cours de l’année 2017-2018. Ces dernières étaient comparées aux droits ouverts en Commission départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Ces informations sociodémographiques sur les troubles associés ou sur les prises en charge antérieures ont été recueillies uniquement à partir des dossiers. La prévalence a été calculée à partir du nombre d’enfants avec TSA identifiés rapporté au nombre d’enfants des mêmes générations résidant dans le département en 2016.

Sur le plan éthique et règlementaire, le Registre a reçu l’autorisation du Comité d’évaluation éthique de l’Inserm (avis n°15-241), du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (n°15433) et de la Cnil (décision DR-2016.094).

Résultats

Au total, 74 enfants ont été repérés, mais 9 familles/représentants légaux se sont opposés à l’étude. La prévalence des TSA parmi les enfants de 6 à 11 ans en Guyane en 2016 était donc estimée à 18,4 pour 10 000 enfants [14,3-23,5/10 000]. Lorsque l’on comptabilisait les refus, la prévalence était de 21/10 000 [16,5-26,4]. La prévalence était significativement plus faible dans la communauté de communes (CC) de l’Ouest que dans la CC du Littoral (3,4/10 000 versus 33,8/10 000) (p<0,01) (figure).

Figure : Répartition géographique des enfants de 6 à 11 ans présentant un trouble du spectre autistique (TSA) diagnostiqué en Guyane en 2016 selon leur communauté de communes de résidence, N=65
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En 2016, la prévalence chez les enfants au cours de leur 8e année était estimée à 16,8/10 000 [12,8-22,6] pour les générations 2005 à 2010. Entre 2016 et 2018, un TSA a été diagnostiqué chez 3 enfants nés en 2009 et 2010 qui n’étaient pas âgés de 8 ans en 2016 et chez au moins 10 enfants des générations 2005-2008. La prévalence à 8 ans pour les générations étudiées était estimée à 17,7/10 000 [13,6-26,9].

Le diagnostic de TSA était établi ou validé par un CRA pour plus de la moitié des enfants (37/65). Il s’agissait du premier diagnostic documenté pour 22/37 enfants. La majorité des enfants avaient reçu leur diagnostic auprès d’un médecin ou d’une structure de Cayenne et 5/65 enfants auprès de structures de métropole ou à l’étranger.

Le diagnostic indiqué dans les dossiers utilisait rarement le codage de la Classification internationale des maladies (CIM-10). Le diagnostic le plus fréquent était celui d’autisme infantile (25/65), puis celui d’autres TED ou TED non spécifié (23/65). L’âge moyen au moment du diagnostic était de 5,6 ans (DS 2,2). Il était plus élevé pour les enfants diagnostiqués avec un syndrome d’Asperger, parmi lesquels le diagnostic avait été établi après 8 ans pour 4/7 enfants (tableau 1).

Tableau 1 : Diagnostic et âge au moment du diagnostic des enfants de 6 à 11 ans présentant un trouble du spectre autistique (TSA) en Guyane en 2016, N=65
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Caractéristiques principales

Le sexe ratio (H/F) était de 3,6 dans notre étude. Une déficience intellectuelle était reportée chez 33/65 enfants. Son appréciation était essentiellement clinique et elle n’était pas mesurée à l’aide d’échelles standardisées.

Près d’un quart des enfants inclus (18/65) n’avaient ni déficience intellectuelle, ni trouble du langage (TL) documentés associés au TSA, et près d’un tiers avaient une déficience intellectuelle documentée ainsi qu’un TL. En dehors de la DI et des TL, les troubles les plus fréquemment rapportés étaient les troubles du sommeil (16/65), les troubles alimentaires (15/65) et les troubles moteurs (14/65). Une épilepsie était rapportée dans 6/65 cas et une paralysie cérébrale (PC) dans le dossier d’un enfant.

La majorité des enfants étaient nés en France (56/65) et près de deux tiers des mères étaient nées à l’étranger (41/65). Une proportion significative d’enfants (25/65) vivait dans des familles monoparentales. La situation professionnelle des parents ayant la garde de l’enfant n’était pas toujours renseignée. Au moins un des parents déclarait ne pas avoir d’activité (demandeur d’emploi ou inactif) pour 35/51 enfants.

Scolarisation et prise en charge

Le tableau 2 présente la situation scolaire et la prise en charge des enfants au moment de leur diagnostic puis au cours de l’année 2017-2018. Le temps de scolarisation et de prise en charge variait de 1 h par semaine à un temps complet (24 h).

Tableau 2 : Modes de scolarisation et type de prise en charge au moment de leur diagnostic et au cours de l’année 2017-2018 des enfants nés entre 2005 et 2010 présentant un trouble du spectre autistique (TSA) en Guyane
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L’orientation préconisée en Établissement médico-social (EMS) n’était effective que dans moins de la moitié des cas (21/49) (tableau 3). Face à la saturation des établissements, la MDPH propose de multiples orientations à chaque enfant, ce qui explique en partie le faible ratio de chaque prise en charge. Parmi les 26 enfants ayant une notification pour un établissement médico-social mais n’étant pas accueillis dans ces structures, 12 fréquentaient uniquement l’école ordinaire, 12 avaient un suivi dans une structure sanitaire et 2 enfants étaient accompagnés par le Pôle de compétences et de prestations externalisées (PCPE) mis en place en 2016 pour répondre aux besoins des enfants « sans solution ».

Tableau 3 : Relation entre les aménagements de la scolarisation et orientations médico-sociales décidées en CDAPH et les aménagements et accueils effectifs en 2017-2018 chez les enfants nés entre 2005-2010 présentant un trouble du spectre autistique (TSA) en Guyane, N=61
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Discussion

Taux de prévalence

Cette étude permet de décrire la prévalence des cas connus de TSA chez les enfants en Guyane au cours du 3e Plan autisme (2013-2017). La prévalence observée des TSA était de 18,4/10 000 parmi les enfants de 6 à 11 ans en Guyane en 2016, ce qui est faible au regard des données de prévalence mondiale publiées, qui la situent plutôt autour de 62/10 000 1 ou 76/10 000 (étude plus récente) 5. Ce taux de prévalence variait de manière significative selon le lieu de résidence des enfants. Ainsi, la prévalence des TSA était de 33,8 pour 10 000 enfants dans la CC du Littoral, qui concentre la majorité de l’offre sanitaire et médico-sociale. Ce taux de prévalence se trouve dans la fourchette basse des estimations de prévalence dans le monde mais reste comparable à la prévalence observée au Brésil en 2010 (27,2/10 000) 6 et est proche de celle décrite par les registres de l’Hexagone pour les générations 1997-2003 (36,5/10 000) 7.

La prévalence observée en Guyane parmi les enfants de 6 à 11 ans en 2016 est plus faible que celle décrite par les registres de l’Hexagone pour la même période (RHEOP : 48/10 000 en Isère et Savoie et RHE31 : 73/10 000 en Haute-Garonne) 8. On peut donc penser que les raisons de la faible prévalence dans cette CC sont similaires à celles évoquées par les registres des handicaps 5. Un défaut d’exhaustivité est possible car les enfants suivis uniquement en libéral ou suivis pour autre déficience sans notification du TSA peuvent avoir échappé à la recherche des cas, d’autant plus que, dans notre étude, les dossiers des enfants fréquentant des structures pour d’autres types de déficiences n’ont pas pu être consultés.

D’autre part, l’utilisation fréquente de la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) plutôt que de la Classification internationale des maladies (CIM-10) parmi les praticiens du territoire a pu contribuer à une moindre notification de TSA classés dans d’autres catégories diagnostiques. Contrairement à ce qui est décrit ailleurs, la prévalence de l’autisme infantile était plus importante que celle des autres TED et TED non spécifiés, pouvant illustrer un classement différent ou une moindre reconnaissance des cas non typiques.

Enfin, la tranche d’âge de cette étude était plus large que celle des registres qui ciblent la génération des enfants ayant 7 ans révolus 9. Ce choix initial et ponctuel de cibler les 6-11 ans était sous-tendu par la nécessité d’avoir un premier bilan rapide. Il a permis d’avoir des effectifs plus importants et de mieux décrire l’épidémiologie des TSA dans le département. Cependant, il est possible que les enfants les plus jeunes n’aient pas encore reçu de diagnostic. Sans pouvoir le dénombrer, nous avons d’ailleurs constaté que des enfants recevaient fréquemment leur diagnostic de TSA après leurs 8 ans.

Si la prévalence des TSA parmi les enfants de la CC du Littoral se rapproche de celle décrite dans les autres registres, le faible taux observé sur le territoire serait essentiellement attribuable à la faible prévalence des TSA connus dans les autres CC. Même à Cayenne, le taux faible est peut-être lié à une prise en compte récente de cette problématique. Bien que l’hypothèse de différences de prévalence entre les communautés soit théoriquement possible, les méta-analyses mondiales semblent pencher pour une relative homogénéité de la prévalence 1,10. L’hypothèse la plus probable pour expliquer ces différences entre les communautés de communes vient de l’accessibilité des structures de diagnostic et de la sensibilisation aux troubles. Comme nous l’avons vu, l’implantation de structures de soins et de diagnostic dans l’Ouest est récente et la majorité des enfants avaient réalisé leur diagnostic à Cayenne. Plusieurs études ont montré un lien entre la distance séparant le lieu de résidence des lieux de diagnostic et une prévalence moindre des cas connus 11. Néanmoins, ce lien peut aussi traduire le besoin des personnes présentant des troubles de se rapprocher des structures de soins. Des facteurs environnementaux ou culturels sont également envisageables. Les zones à forte densité de structures sont généralement des aires urbaines, alors que les zones les plus distantes des structures sont des aires rurales. La culture et le mode de vie des populations, majoritairement bushinenguées, de la CC de l’Ouest, diffèrent de celles des autres CC. Même si l’hypothèse d’une prévalence des TSA plus faible dans ces populations de l’Ouest est possible, la faible prévalence des cas connus est probablement fortement attribuable à la moindre accessibilité des structures et à un recours aux soins différent. Les professionnels de l’Ouest observent que les représentations du handicap psychique/cognitif n’incitent pas les familles à consulter au sein du système de santé. Ils rapportaient recevoir moins fréquemment d’inquiétudes de la part des parents que dans le reste du territoire 12. La récente création des structures devrait améliorer l’accessibilité des soins et la poursuite de l’étude permettra de surveiller l’évolution de la prévalence.

Comparaison des prévalences et caractéristiques des cas observés

La fréquence de la DI et des troubles associés rapportés dans les dossiers était dans la fourchette des données de la littérature 13. La fréquence de la PC était faible au regard de la fréquence décrite concernant l’association de la PC et des TSA 14,15, ainsi que la fréquence des troubles anxieux et des troubles déficitaires de l’attention souvent décrits avec les TSA 16.

La proportion d’enfants vivant en famille monoparentale et/ou dont au moins un des parents déclarait ne pas travailler est importante dans notre étude et démontre une certaine précarité de la population. Néanmoins, ces proportions ne différaient pas de celles observées dans la population générale du territoire. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), près de 40% des familles étaient monoparentales et environ 65% des femmes n’exerçaient pas d’emploi en Guyane en 2015 3,17.

Bien que les informations soient recherchées de manière active dans des sources multiples, nous ne pouvons totalement affirmer que les enfants pour lesquels aucune scolarisation ou aucune prise en charge n’était documentée ne bénéficiaient pas d’une scolarisation dans un établissement ou en milieu ordinaire, non reportée dans leur dossier.

Une amélioration de la fréquence de la scolarisation et de la prise en charge des enfants après l’obtention du diagnostic de TSA était observée. Néanmoins, le nombre de places en structures médico-sociales n’était pas suffisant pour accompagner tous les enfants orientés et un quart des enfants fréquentait uniquement l’école, avec un temps hebdomadaire parfois très faible. Les structures sanitaires restent actuellement essentielles pour pallier la saturation des services médico-sociaux et libéraux. Cependant ces structures accueillent souvent en priorité des enfants présentant des troubles psychiatriques.

La faible taille de l’échantillon, la qualité variable du remplissage des dossiers, les difficultés d’établir l’exhaustivité constituent des limites certaines pour cette première tentative d’estimer la prévalence des TSA et leur prise en charge.

Conclusion

Cette étude apporte des premières données concernant la prévalence des TSA chez les enfants en Guyane et met en évidence un décalage entre la prévalence observée et les données internationales avec une grande hétérogénéité au sein du département. Ces chiffres reflètent le nombre de TSA reconnus et mettent en évidence des difficultés d’accès aux droits et aux soins en Guyane. Il est prévisible que l’augmentation de l’offre et de l’accès sera suivie d’une augmentation de la demande. Ce premier état des lieux de la situation en Guyane pourra servir de référence pour l’évaluation des progrès du diagnostic et de la prise en charge.

Remerciements

Les auteurs remercient la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), le Centre de ressources autisme (CRA) de Cayenne, les services de pédopsychiatrie de l’hôpital de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni, l’Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) et les Pupilles de l’enseignement public (Pep973), le rectorat et l’Agence régionale de santé de Guyane pour leur collaboration dans cette étude. Ils remercient aussi le Registre des handicaps de l’enfant de Haute-Garonne (RHE31) et le Registre des handicaps de l’enfant et observatoire périnatal (RHEOP) pour leurs conseils.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Biche B, Diop B, Sy O, Saria B, Diallo I, Odunlami F, et al. Prévalence des TSA en Guyane : un témoin des inégalités territoriales de santé ? Bull Epidémiol Hebd. 2020;(6-7):144-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/6-7/2020_6-7_3.html