Bilan de la surveillance des arboviroses en 2019 : transition vers une surveillance des cas confirmés de chikungunya, dengue et d’infection à virus Zika en France métropolitaine

// Review of arbovirus surveillance in 2019: Transition to surveillance for confirmed cases of chikungunya, dengue and Zika virus in metropolitan France

Sandra Giron1 (sandra.giron@santepubliquefrance.fr), Nelly Fournet2, Florian Franke1, Elise Brottet3, Clémentine Calba4, Amandine Cochet5, Nicolas Vincent6, Elodie Terrien7, Anne Bernadou8, Julie Wendling9, Guillaume Heuzé1, Pascal Chaud1, Anne Guinard6, Anne-Hélène Liebert9, Bakhao N’Diaye10, Isabelle Leparc-Goffart12, Gilda Grard12, Guillaume Durand12, Jean Dominique Poveda13, Anne Ovize14, Grégory Lambert15, Charles Jeannin15, Joël Deniau1, Athinna Nisavanh2, Julien Durand2, Marie-Claire Paty2
1 Santé publique France – Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Marseille/Ajaccio, France
2 Santé publique France, Saint-Maurice, France
3 Santé publique France – Auvergne-Rhône-Alpes, Lyon, France
4 Santé publique France – Île-de-France, Paris, France
5 Santé publique France – Occitanie, Toulouse/Montpellier, France
6 Santé publique France – Centre-Val de Loire, Orléans, France
7 Santé publique France – Bourgogne-Franche-Comté, Dijon, France
8 Santé publique France – Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux/Poitiers, France
9 Santé publique France – Grand Est, Strasbourg/Nancy, France
10 Santé publique France – Pays de la Loire, Nantes, France
11 Santé publique France, Hauts-de-France, Lille, France
12 Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des Armées, Marseille, France
13 Laboratoire Cerba, Saint-Ouen-l’Aumône, France
14 Laboratoire Eurofins-Biomnis, Lyon, France
15 Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), Montpellier, France
Soumis le 16.06.2020 // Date of submission: 06.16.2020
Mots clés : Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | Virus Zika | France métropolitaine | Maladie à déclaration obligatoire
Keywords: Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | Zika virus | Mainland France | Notifiable disease

Résumé

Le moustique Aedes albopictus continue de s’implanter dans de nouveaux départements chaque année en France métropolitaine (51 départements colonisés en 2019 ; 42 en 2018), exposant au risque de transmission autochtone d’arboviroses. En métropole, les cas probables et confirmés de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika sont à déclaration obligatoire (DO) toute l’année. Dans les départements métropolitains où le moustique Aedes albopictus est implanté, la surveillance est « renforcée » du 1er mai au 30 novembre, par un dispositif de rattrapage laboratoire des résultats positifs de ces arboviroses. Contrairement aux années précédentes et suite à l’évaluation en 2018 en région Paca d’un nouveau système de surveillance, basé sur le signalement des cas confirmés ou probables seulement, la déclaration de cas suspects n’a pas été encouragée par Santé publique France en 2019.

Au total, en 2019, 113 cas confirmés ou probables de chikungunya, 923 cas de dengue, 17 cas d’infection à virus Zika et un cas de flavivirus ont été identifiés. Le pourcentage de signalement par DO des cas confirmés ou probables pendant la période de surveillance renforcée est en hausse : 23% en 2017, 29% en 2018 et 44% en 2019.

Les professionnels de santé semblent mieux informés des risques d’importation d’arboviroses en France métropolitaine. Des efforts sont faits pour que les actions de démoustication soient ciblées autour des cas confirmés afin de réduire des traitements non justifiés. Néanmoins, la sensibilisation des voyageurs et des professionnels face au risque d’épidémie d’arbovirose en France est essentielle afin que l’identification des cas soit la plus précoce possible.

Abstract

The Aedes albopictus mosquito continues to colonize new departments each year in mainland France (51 colonized departments in 2019; 42 in 2018), exposing the population to the risk of autochthonous transmission of arboviruses. In mainland France, probable and confirmed cases of chikungunya, dengue and Zika infections are mandatorily notifiable (MN) all year round. In mainland departments where the Aedes albopictus mosquito is implanted, surveillance is enhanced from May 1 to November 30 with the screening of laboratory positive results of arboviruses infections. In 2019, Santé publique France did not anymore encourage reporting of suspected cases. This followed the evaluation in 2018 in the Paca region of a new surveillance system based on the exclusive reporting of confirmed and probable cases.

In total, in 2019, 113 cases confirmed or probable of chikungunya, 923 cases of dengue, 17 cases of Zika infections and one case of flavivirus were identified in mainland France. The percentage of confirmed or probable cases reported by mandatory notification during the enhanced surveillance period increased from 23% in 2017 to 29% in 2018, and 44% in 2019.

Health professionals seem to be better informed about the risks of importing arboviruses into mainland France. Efforts are made to make mosquito control actions more targeted around confirmed cases in order to reduce unjustified treatments. However, raising awareness of travelers and health professionals regarding the risk of arboviroses transmission in France is essential in order to detect cases as promptly as possible.

Introduction

En France, au 1er janvier 2019, Aedes albopictus, dit « moustique tigre », vecteur du chikungunya, de la dengue et du virus Zika, était présent et actif dans 51 départements métropolitains (figure 1). Pour lutter contre le risque d’arboviroses en métropole, un plan national « anti-dissémination » est en place depuis 2006.

Figure 1 : Départements colonisés par Aedes albopictus en France métropolitaine au 1er janvier 2019
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La surveillance des cas de dengue, chikungunya et d’infection à virus Zika décrite dans cet article associe une surveillance humaine et entomologique. La surveillance humaine a lieu toute l’année grâce à la déclaration obligatoire (DO) des cas confirmés et probables. En période d’activité du moustique Aedes albopictus, du 1er mai au 30 novembre, la surveillance est « renforcée » : les professionnels de santé (biologistes des laboratoires préleveurs ou les médecins prescripteurs) ont la possibilité de signaler les cas suspects (signalement accéléré) (tableau 1) et un système de « rattrapage laboratoire » permet d’identifier les cas qui n’auraient pas été signalés ou les nouveaux résultats sur les cas déjà connus, grâce au transfert automatisé à Santé publique France des données quotidiennes des laboratoires Eurofins-Biomnis (Lyon) et Cerba (tous les résultats des tests PCR, sérologiques et de détection de l’antigène NS1 de la dengue).

Tableau 1 : Définition de cas pour la surveillance du chikungunya, de la dengue et de l’infection à virus Zika en France métropolitaine, 2019
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Face à l’expansion des territoires colonisés par Aedes albopictus, l’augmentation de la densité vectorielle dans certains départements et l’augmentation des investigations et interventions de lutte anti-vectorielle (LAV), il est apparu nécessaire de faire évoluer le dispositif de surveillance renforcée dans un objectif d’efficience et de durabilité. Il s’agissait d’éviter des investigations épidémiologiques et entomologiques inutiles et coûteuses en ressources humaines et d’avoir un impact réduit sur l’environnement en évitant des traitements de démoustication superflus.

La cellule régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et Corse de Santé publique France, en collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS) Paca, avait réalisé en 2018 une expérience pilote consistant à ne solliciter l’opérateur public de démoustication (OPD) qu’après confirmation biologique des cas, à l’exception de cas suspects :

1) revenant de La Réunion (épidémie en 2018) ;

2) pour lesquels la probabilité d’une arbovirose était jugée élevée sur des critères épidémiologiques et/ou cliniques ;

3) dont le délai d’obtention des résultats biologiques était trop long (supérieur ou égal à 10 jours).

Cette stratégie a permis d’améliorer le rapport coût/efficacité de la surveillance en limitant les investigations et en réduisant les actions de LAV a posteriori non justifiées (actions de LAV réalisées autour de cas suspects finalement non confirmés) 1.

En 2019, Santé publique France a donc proposé une simplification de la surveillance renforcée, en la basant uniquement sur le signalement des cas probables et confirmés par les professionnels de santé, complété par le dispositif de « rattrapage laboratoire ».

Cet article présente les résultats de la surveillance en France métropolitaine en 2019.

Méthode

En 2019, trois régions de France métropolitaine (Occitanie, Paca et Bourgogne-Franche-Comté) ont adopté la nouvelle stratégie de surveillance renforcée basée sur la déclaration des seuls cas confirmés ou probables. Pour ces régions, les messages de sensibilisation aux professionnels de santé ont été adaptés.

Par ailleurs, pour les régions ayant fait le choix de continuer le signalement de cas cliniquement suspects, une fiche de renseignement était mise à disposition. Les définitions de cas confirmés, probables et suspects n’ont pas évolué par rapport à la surveillance 2018 (tableau 12.

Tous les cas signalés font l’objet d’une investigation par l’Agence régionale de santé (ARS) de leur région de domicile qui vérifie les informations rapportées et recense leurs déplacements. L’OPD est informé par l’ARS des lieux à prospecter et réalise en cas de besoin des actions de LAV. Le signalement d’un premier cas autochtone implique une confirmation biologique par le centre national de référence (CNR) des arbovirus.

L’analyse des données biologiques issues du système de rattrapage laboratoire a montré que la valeur prédictive positive de la sérologie chikungunya (immunoglobuline M, IgM isolée) est estimée à seulement 1% (avec 2 cas confirmés sur 164 cas probables testés sur un deuxième prélèvement entre 2015 et 2018) 3. En conséquence, s’agissant des résultats des laboratoires Eurofins-Biomnis et Cerba, les IgM chikungunya isolées ne sont plus prises en compte. Il en est de même pour le virus Zika, pour lequel nous attendons les résultats d’un deuxième prélèvement pour identifier les séroconversions.

Comme les années précédentes, les prospections et traitements de l’ODP ont eu lieu dans un périmètre de 150 à 200 mètres autour des lieux fréquentés par les cas pendant leur période de virémie (pour tous les cas) et leur période d’exposition (pour les cas autochtones). En présence d’un cas autochtone confirmé, une recherche active de cas (cas importé à l’origine de la transmission et autres cas secondaires) est menée : recherche de cas suspects dans les bases de données, enquête en porte à porte et sensibilisation des professionnels de santé 2.

Résultats

Pendant l’année 2019, 840 cas confirmés et 214 cas probables au total ont été identifiés et investigués en France métropolitaine :

113 cas de chikungunya (dont 42 cas probables), tous importés ;

923 cas de dengue (dont 166 cas probables) dont 9 autochtones ;

17 cas d’infection à virus Zika (dont 5 probables) dont 3 autochtones ;

1 cas de flavivirus importé présentant une sérologie positive à la fois pour la dengue et le virus Zika ne permettant pas de différencier ces deux flavivirus (possibles réactions croisées).

Description des cas importés confirmés ou probables

L’année 2019 a été marquée par un nombre important de cas importés de dengue et ceci tout au long de l’année (figure 2).

Figure 2 : Nombre de cas probables ou confirmés importés de chikungunya, dengue, d’infection à virus Zika et flavivirus par mois, France métropolitaine, 2019
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Pour les 113 cas importés de chikungunya (71 confirmés et 42 probables), l’âge médian était de 48 ans (extrêmes : 5-84 ans) et 59 cas (52%) étaient des femmes.

Parmi les cas pour lesquels l’information était connue, 28% ont été hospitalisés (23/83). Trente-trois cas (46%) ont été confirmés par RT-PCR, 8% par séroconversion, 46% par IgM et IgG positives (tableau 2). Pour les 112 cas ayant des symptômes de renseignés, ceux les plus fréquents étaient de la fièvre (92%), des douleurs articulaires (83%), des éruptions cutanées (44%), des myalgies (30%) et une asthénie (27%). Les pays d’importation du chikungunya les plus fréquemment rapportés étaient la Thaïlande (40 cas), la Birmanie (16 cas), le Congo-Brazzaville (14 cas) et le Brésil (9 cas) (figure 3).

Tableau 2 : Répartition par type de diagnostic des cas importés confirmés et probables de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika, France métropolitaine, 2019
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Figure 3 : Pays d’acquisition des cas importés confirmés et probables de chikungunya, dengue et d’infection
à virus Zika, France métropolitaine, 2019
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Les 749 cas confirmés et les 165 cas probables importés de dengue avaient un âge médian de 39 ans (extrêmes : 0-77 ans) et 50% étaient des femmes. Une hospitalisation a été nécessaire pour 27% des cas pour lesquels l’information était renseignée (183/669). La majorité des cas (63%) étaient confirmés
par RT-PCR ; 4% par séroconversion, 28% par IgM et IgG positives, 22% par la détection dans le sérum de l’antigène viral NS1 (tableau 2). Pour les cas ayant des symptômes renseignés (888/914), les symptômes majoritairement rapportés étaient de la fièvre (93%), des myalgies (71%), des céphalées (68%) et des arthralgies (57%). Les pays et territoires d’importation de la dengue les plus fréquemment rapportés étaient la Thaïlande (128 cas), puis l’Île de la Réunion (120 cas) la Polynésie française (88 cas),
la Guadeloupe (63 cas) et le Cambodge (50 cas) (figure 3).

L’âge médian des 14 cas importés de Zika (9 confirmés et 5 probables) était de 35 ans (extrêmes :
26-71 ans) et 50% étaient des femmes. Au total, 8 cas (89%) ont été confirmés par IgM et IgG positives
et 1 par RT-PCR (tableau 2). Les cas présentaient pour 57% de la fièvre et 36% ne rapportaient pas de symptômes. Les cas revenaient d’un séjour en Asie (Thaïlande (3 cas) et Indonésie (1 cas)), en Afrique (Angola (1 cas), Cameroun (1 cas) et Côte d’Ivoire (1 cas)) ou en Amérique (Costa-Rica (2 cas), Brésil (2 cas), Mexique (1 cas), Martinique (1 cas) et Guadeloupe (1 cas)) (figure 3).

Le cas de flavivirus était une femme de 37 ans revenant de Thaïlande et présentant de la fièvre, une asthénie et des céphalées. Les résultats biologiques montraient des IgM et IgG flavivirus (dengue
et Zika).

Période de surveillance renforcée dans les départements colonisés par Aedes albopictus (1er mai au 30 novembre 2019)

La grande majorité des cas confirmés ou probables importés ont été notifiés pendant la période de surveillance renforcée dans des départements colonisés (71% ; 738/1 042). Durant cette période, 88% (649/738) des cas importés étaient confirmés ou probables au moment du signalement (DO et rattrapage laboratoire) (figure 4).

Figure 4 : Pourcentage par mois et par source de signalement des cas importés confirmés et probables identifiés pendant la période de surveillance renforcée dans les départements colonisés par Aedes albopictus, France métropolitaine, 2019
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Les cas ont été identifiés principalement dans les régions Île-de-France (35%), Occitanie (17%), Paca (16%) et Auvergne-Rhône-Alpes (14%) (tableau 3).

Tableau 3 : Nombre de cas importés de chikungunya, dengue et d’infection à virus Zika*, notifiés dans les 51 départements colonisés par Aedes albopictus, France métropolitaine, 1er mai-30 novembre 2019
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Comparaison du nombre de signalements de cas importés probables et confirmés et de la provenance de ces signalements par rapport aux années précédentes

Le nombre de cas confirmés ou probables signalés varie grandement en fonction des années selon la situation épidémique dans le monde. L’année 2019 a été marquée par une circulation importante de la dengue et donc un signalement important de cas (tableau 4). Le pourcentage de déclaration obligatoire est en augmentation par rapport aux deux dernières années (23% en 2017, 29% en 2018 et 44% en 2019).

Tableau 4 : Provenance des signalements des cas importés confirmés ou probables de chikungunya, dengue et d’infection à virus Zika pendant la période de surveillance renforcée, dans les départements colonisés
par Aedes albopictus, France métropolitaine, années 2017 à 2019
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Néanmoins, la répartition de la source des signalements de cas confirmés et probables varie fortement selon les régions (tableau 5). Par exemple, la part des DO en Paca en 2019 est de 64%, alors qu’elle n’est que de 8% en Bourgogne-Franche-Comté. De plus, pour la région Paca, la part des signalements des cas importés probables ou confirmés par la DO est passée de 9% en 2017 à 64% en 2019.

Tableau 5 : Évolution des signalements de cas importés confirmés ou probables de chikungunya, dengue
et d’infection à virus Zika par la DO par région depuis 2017, pendant la période de surveillance renforcée
et dans les départements colonisés par Aedes albopictus
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Le délai médian entre la date de début des signes (DDS) et le signalement à l’ARS des cas confirmés et probables est de 11 jours (comme en 2018) : 7 jours pour le signalement accéléré, 9 jours pour la DO et 15 jours pour le rattrapage laboratoire.

Le délai médian entre la DDS et la date de prélèvement est de 5 jours (comme en 2018). Il est de 4,5 jours pour le signalement accéléré, 5 jours pour la DO et de 6 jours pour les cas identifiés par le rattrapage laboratoire.

Description des cas autochtones confirmés ou probables de dengue et d’infection à virus Zika

En 2019, trois épisodes de transmission autochtone ont été identifiés.

un foyer de dengue dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec 2 cas de sérotype DENV-1 dans le Rhône, entre juillet et septembre 2019 (encadré) ;

un foyer de dengue en région Paca, avec 7 cas de sérotype DENV-1, dans les Alpes-Maritimes, entre juillet et août 2019 ;

un foyer de 3 cas de Zika, dans le Var en août 2019.

Pour les deux premiers foyers, le cas importé avait été signalé mais aucun traitement insecticide adulticide n’avait été réalisé, en l’absence de moustiques adultes détectés lors des prospections sur leur lieu de résidence pendant leur période de virémie. Pour le foyer d’infection à virus Zika, le cas importé n’avait pas été identifié, donnant lieu à une enquête de séroprévalence autour du domicile des cas en octobre 2019 (1).

Description des investigations entomologiques autour des cas signalés

En 2019, 622 cas suspects, probables ou confirmés ont fait l’objet d’un signalement à un OPD dans les départements colonisés de France métropolitaine. Ces signalements ont donné lieu à 1 725 prospections (enquêtes entomologiques) et à 217 traitements insecticides adulticides dans les zones où la présence de moustiques adultes avait été détectée. La grande majorité des traitements adulticides (77%) ont été faits dans les régions Paca-Corse et Occitanie. En France métropolitaine, seul 1 cas non confirmé a posteriori a donné lieu à un traitement adulticide (en Corse). Les autres étaient tous confirmés ou probables.

Encadré :
Première émergence de dengue autochtone en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le département du Rhône, en 2019

La surveillance renforcée des arboviroses transmises par Aedes albopictus a permis de détecter un premier épisode d’émergence de dengue autochtone en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le département du Rhône, au cours de l’été 2019. Des investigations épidémiologiques et entomologiques ont été menées, afin de déterminer l’origine de la contamination et de limiter la transmission du virus.

Le premier signalement de dengue confirmée (IgM et IgG anti-dengue) a été réceptionné le 16 septembre 2019 concernant une personne domiciliée dans le Rhône, n’ayant pas voyagé et ayant présenté un tableau clinique évocateur de dengue le 14 juillet 2020. Une recherche active de cas a permis de retrouver à moins de 100 mètres du cas autochtone, un cas index importé revenant du Cambodge fin juin.

L’enquête en porte-à-porte autour du domicile du cas autochtone a permis d’identifier un cas autochtone supplémentaire survenu début août, mais jusque-là non diagnostiqué. Ces trois cas présentaient le même sérotype DENV1 et étaient probablement liés.

Compte tenu de la baisse attendue de la densité vectorielle à cette période (fin septembre-début octobre), de difficultés dans la mise en œuvre des traitements adulticides (difficultés d’accès à certains jardins par la voirie du fait des impasses étroites et de la configuration des maisons, fortes réticences de la population justifiant un soutien de la commune et des forces de l’ordre) et en l’absence de preuve d’une circulation encore active du virus, l’ARS, en lien avec l’EIRAD (Entente interdépartementale Rhône-Alpes pour la démoustication), a décidé de ne pas mettre en œuvre de traitement adulticide dans le quartier.

Il s’agit de la première détection de foyer de cas autochtones d’arboviroses en Auvergne-Rhône-Alpes alors que la présence du vecteur s’intensifie un peu plus chaque année dans la région. Ce cycle de transmission est resté limité sans l’aide de mesures de contrôle. Il semble donc que le potentiel de diffusion de ce virus reste faible dans cette région à cette période. Il est par ailleurs probable que d’autres foyers limités de transmission autochtone de ce type ne soient pas détectés. La sensibilisation des médecins au diagnostic d’arbovirose chez une personne n’ayant pas voyagé est donc à renforcer.

Discussion

En 2019, 1 042 cas importés et 12 cas autochtones, probables ou confirmés, ont été identifiés par le système de surveillance : 113 cas de chikungunya, tous importés, 914 cas de dengue dont 9 autochtones, 17 cas d’infection à virus Zika dont 3 autochtones et un cas importé de flavivirus.

Près de la moitié (44%) des cas importés confirmés ou probables pendant la période de surveillance renforcée ont été signalés par le biais de la DO par un professionnel de santé. Ce pourcentage est en augmentation par rapport aux deux années précédentes (23% en 2017 et 29% en 2018). Néanmoins, la part de la DO varie d’une région à l’autre et dépend de nombreux facteurs, notamment de l’ancienneté de la surveillance (un temps est nécessaire pour que les professionnels soient sensibilisés au risque d’importation d’arboviroses) et des modalités de déclaration choisies par les régions (signalement de cas confirmés ou probables seul ou incluant les cas suspects). La région Paca, première région à avoir été concernée par le risque de transmission autochtone, et qui a modifié sa stratégie de signalement (dès 2018), a un pourcentage de DO en augmentation depuis plusieurs années. Il atteint aujourd’hui le taux le plus élevé des régions de France métropolitaine (64% de DO).

Par ailleurs, grâce à l’intervention de l’OPD sur les cas confirmés seulement, des prospections et des traitements ont été évités dans certaines régions. Cette stratégie n’a donné lieu à aucun cas autochtone détecté en 2018 et 2019 4. Néanmoins, en 2019, en l’absence de traitement LAV sur le lieu de passage de cas importés, deux émergences de dengue ont été constatées, une dans le Rhône et l’autre dans les Alpes-Maritimes. Dans le Var, un cas primaire importé d’infection à virus Zika n’a pas été identifié et n’a pas entraîné d’action de LAV, ce qui a engendré une émergence de 3 cas autochtones. Cette transmission vectorielle était une première en Europe 5.

Ainsi, il est primordial de continuer à sensibiliser les professionnels de santé du risque d’arboviroses en France et de réaliser des actions de LAV ciblées autour des lieux à risques.

Connaître les zones d’importation de ces arboviroses, identifier les signes cliniques évocateurs, réaliser les prescriptions adaptées à la situation et signaler les cas probables et confirmés sont les prérequis essentiels pour les professionnels de santé, afin que cette surveillance soit la plus efficiente possible. La mobilisation sociale est également nécessaire, afin de lutter contre les gîtes larvaires et la prolifération du moustique Aedes albopictus. Une sensibilisation des voyageurs est par ailleurs indispensable pour qu’ils se protègent contre les piqûres de moustiques dans les zones de circulation, et pour qu’au retour de ces zones ils continuent à se protéger et consultent un médecin le plus rapidement possible s’ils présentent des signes évocateurs.

Réduire les délais entre la date de début des symptômes et les dates de prélèvements, de confirmation des diagnostics et de signalement pourrait permettre de limiter le risque de propagation des arboviroses en actionnant rapidement les prospections et traitements entomologiques pour éviter des transmissions autochtones. Les prélèvements précoces (dans les 7 jours après la DDS) permettraient également d’augmenter la part de PCR (61% en 2019), afin d’identifier le type de virus circulant (souche, sérotype (pour la dengue) et origine du virus).

La charge de travail occasionnée par cette surveillance et le risque d’importation sont croissants en raison de l’expansion du moustique tigre sur le territoire français. Les années d’expériences et les travaux réalisés (étude des IgM isolées, dispositif de surveillance Paca 2018, description des émergences 4) ont permis d’adapter les modalités de surveillance. Le changement majeur de la surveillance 2020 porte sur le signalement des seuls cas probables et confirmés 6. Cette adaptation permettra d’utiliser plus rationnellement les ressources humaines dédiées à la surveillance épidémiologique et à la lutte contre les vecteurs et ainsi de limiter les tensions du système liées à un trop grand nombre de signalement de cas non confirmés a posteriori.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous les personnels des agences régionales de santé, des laboratoires hospitaliers et privés, ainsi que les médecins qui ont collaboré et participé activement à la surveillance du chikungunya, de la dengue et de l’infection à virus Zika en métropole.
Nous tenons également à remercier tous les acteurs de la lutte anti-vectorielle, qui ont été particulièrement sollicités et ont joué un rôle majeur dans la surveillance et les investigations entomologiques.
Nous tenons enfin à remercier Perrine Decrouy-Chanel pour la réalisation de la carte.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Bulletin de santé publique Provence-Alpes Côte d’Azur-Corse. Marseille: Santé publique France; 2019. p. 2. https://www.paca.ars.sante.fr/system/files/2019-08/BSP_ARBO_2019.pdf
2 Terrien E, Fournet N, Giron S, Franke F, Cochet A, Calba C, et al. Surveillance du chikungunya, de la dengue et du virus Zika en France métropolitaine, 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(19-20):363-73. http://beh.santepublique
france.fr/beh/2019/19-20/2019_19-20_1.html
3 Fournet N, Franke F, Chaud P, Raguenaud ME, Calba C, Septfons A, et al. Surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en France métropolitaine, 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(24):494-503. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/24/2018_24_1.html
4 Franke F, Giron S, Cochet A, Jeannin C, Leparc-Goffart I, de Valk H, et al. Émergences de dengue et de chikungunya en France métropolitaine, 2010-2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(19-20):374-82. http://beh.sante
publiquefrance.fr/beh/2019/19-20/2019_19-20_2.html
5 Giron S, Franke F, Decoppet A, Cadiou B, Travaglini T, Thirion L, et al. Vector-borne transmission of Zika virus in Europe, southern France, August 2019. Euro Surveill. 2019;24(45):1900655.
6 Direction générale de la santé. Instruction N° DGS/VSS1/2019/258 du 12 décembre 2019 relative à la prévention des arboviroses. Paris: Ministère des Solidarités et de la Santé; 2019. http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2020/
01/cir_44904.pdf

Citer cet article

Giron S, Fournet N, Franke F, Brottet E, Calba C, Cochet A, et al. Bilan de la surveillance des arboviroses en 2019 : transition vers une surveillance des cas confirmés de chikungunya, dengue et d’infection à virus Zika en France métropolitaine. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(22):446-55. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/22/2020_22_
1.html

(1) voir l’article « Première transmission vectorielle du virus Zika en Europe : enquête de séroprévalence pour étudier l’étendue de l’émergence dans le Var en novembre 2019 » de Sandra Giron et coll. dans ce numéro