Surveillance du chikungunya, de la dengue et du virus Zika en France métropolitaine, 2018
// Chikungunya, dengue and Zika virus surveillance in metropolitan France, 2018
Résumé
Le moustique Aedes albopictus, vecteur des virus du chikungunya, de la dengue et du Zika, est implanté en France métropolitaine depuis 2004. Il expose au risque de transmission autochtone de ces arboviroses en cas de retour en métropole de personnes virémiques infectées dans des zones où circulent ces virus.
En métropole, la surveillance épidémiologique du chikungunya, de la dengue et du virus Zika est basée sur la déclaration obligatoire (DO) des cas probables et confirmés. Dans les départements métropolitains où le moustique Aedes albopictus est implanté, du 1er mai au 30 novembre, la surveillance par la DO est dite « renforcée », avec le signalement de cas importés dès la suspicion clinique pour mettre en place des interventions de démoustication.
En 2018, 16 cas de chikungunya, 333 cas de dengue et 10 cas de Zika ont été notifiés. Du 1er mai au 30 novembre, 7 cas importés de chikungunya, 197 cas importés et 8 cas autochtones de dengue et 1 cas importé de virus Zika ont été confirmés.
L’extension d’Aedes albopictus en 2019 à neuf nouveaux départements pose la question de la soutenabilité du dispositif actuel de surveillance. Il pourrait être recentré sur les cas confirmés ou probables, en l’absence de transmission autochtone, pour une meilleure efficacité et utilisation des moyens. Avec l’augmentation constante du poids des arboviroses dans le monde, il apparaît fondamental d’informer les voyageurs se rendant ou revenant des zones à risque, tout comme de renforcer la sensibilisation des professionnels de santé à leur diagnostic et à leur surveillance.
Abstract
The Aedes albopictus mosquito, vector of chikungunya, dengue and Zika viruses, has been established in metropolitan France since 2004. It poses a risk of autochthonous transmission if these arboviruses are introduced by viraemic infected individuals returning from endemic areas.
In metropolitan France, the epidemiological surveillance of dengue, chikungunya and Zika viruses is based on the mandatory notification of probable and confirmed cases. Enhanced surveillance based on the immediate reporting of imported suspected clinical cases is conducted in the departments where Aedes albopictus is established, from 1 May to 30 November.
In 2018, 16 chikungunya cases, 333 dengue cases and 10 Zika cases were notified. Between 1 May and 30 November, 7 imported cases of chikungunya, 197 imported and 8 autochthonous cases of dengue and 1 imported case of Zika were confirmed.
The spread of Aedes albopictus to nine new departments in 2019 raises the question of the sustainability of the current surveillance system. It could be adapted to only confirmed or probable cases in the absence of autochthonous transmission, for a more efficient use of human and logistical resources. With the ongoing increasing burden of arboviruses globally, it is essential to inform travelers going to or returning from risk areas. Awareness of diagnosis and surveillance of these arboviruses should also be increased amongst health professionals.
Introduction
Les vecteurs du chikungunya, de la dengue et du virus Zika sont des moustiques du genre Aedes, essentiellement Aedes albopictus et Aedes aegypti. Le moustique Aedes albopictus est l’espèce la plus invasive au monde et se développe majoritairement en zone urbaine. Détecté pour la première fois en 2004 en France métropolitaine dans le département des Alpes-Maritimes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), il était implanté et actif au 1er mai 2018 dans 42 départements français métropolitains (1) 1 (figure 1). Selon les départements et les conditions climatiques, le moustique peut être actif à partir de mai et jusqu’à novembre. Sa présence expose la population à un risque de transmission de ces arboviroses en métropole à partir de personnes infectées dans des zones où circulent ces virus. La transmission autochtone est possible si ces personnes séjournent dans les départements colonisés pendant leur période de virémie (comprise entre 2 jours avant le début des signes cliniques et jusqu’à 7 jours après) et pendant la période où le moustique y est actif.
De 2010 à 2018, 12 épisodes de transmission autochtones ont été recensés en France métropolitaine, 9 de dengue (23 cas) et 3 de chikungunya (31 cas) 2,3,4,5,6,7,8. L’année 2018 a également été marquée par une épidémie de dengue à La Réunion 9.
En France métropolitaine, depuis 2006, un plan national « anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole » est mis en œuvre chaque année ; le virus Zika y est inclus depuis 2016 1. Le dispositif de surveillance de ce plan associe une surveillance humaine et entomologique à des mesures de prévention et de contrôle. Cinq niveaux de risque sont définis en fonction de l’implantation du moustique et de la présence de cas autochtone(s) et s’appliquent à l’échelle du département. Les départements où Aedes albopictus est implanté et actif sont classés au niveau 1 (figure 1).
Cet article présente les résultats de la surveillance du chikungunya, de la dengue et du Zika en France métropolitaine en 2018.
Méthodes
Le chikungunya, la dengue et l’infection à virus Zika sont des maladies à déclaration obligatoire (DO). Les médecins cliniciens et les biologistes doivent signaler tout cas confirmé ou probable (tableau 1) de chikungunya, de dengue et de maladie à virus Zika à leur Agence régionale de santé (ARS). Après validation du signalement, l’ARS transmet les informations à Santé publique France. La DO des trois arboviroses est active toute l’année et sur l’ensemble du territoire métropolitain. Des données sociodémographiques, cliniques (signes, date de début des signes), biologiques et épidémiologiques (voyage hors métropole, date de retour en métropole) permettent de décrire les cas, leur période de séjour en zone de circulation virale et leur période de virémie.
En période d’activité du moustique Aedes albopictus, du 1er mai au 30 novembre, et dans les départements où il est implanté, la surveillance épidémiologique du chikungunya, de la dengue et du Zika est « renforcée » dans l’objectif de détecter le plus tôt possible les cas importés et autochtones. Les cas importés sont signalés dès la suspicion clinique afin de mettre en place les mesures adaptées de lutte anti-vectorielle (LAV) sans attendre leur confirmation biologique (tableau 1). En complément, les résultats provenant des laboratoires privés Biomnis et Cerba, de portée nationale, sont analysés quotidiennement par Santé publique France afin d’identifier des cas qui n’auraient pas été signalés par les médecins ou les laboratoires (rattrapage laboratoire). En présence d’une transmission locale, le signalement des cas autochtones résidant dans la zone identifiée de circulation du virus s’applique également dès la suspicion clinique. La confirmation biologique du ou des premier(s) cas autochtone(s) doit être corroborée par le centre national de référence des arbovirus (CNR). L’identification d’un cas importé virémique, ou potentiellement virémique, dans un département de niveau 1 entraîne immédiatement des investigations épidémiologiques pour déterminer les lieux de séjour et de déplacements pendant la période de virémie. Des investigations entomologiques et des actions de LAV appropriées sont menées par les opérateurs publics de démoustication (OPD) afin de prévenir ou de limiter l’instauration d’un cycle autochtone de transmission de ces virus. Ces actions regroupent la destruction des gîtes larvaires et, si nécessaire, des traitements larvicides et/ou adulticides ciblés dans un périmètre de 150 à 200 mètres autour des lieux fréquentés par le cas pendant la période de virémie. En présence d’un cas autochtone confirmé, ces actions sont couplées à une recherche active du cas primaire importé (cas à l’origine de la transmission) et de cas autochtones secondaires (enquêtes en porte-à-porte, information et sensibilisation des professionnels de santé), ainsi qu’à des actions de LAV et d’éducation de la population autour des lieux fréquentés par le cas autochtone durant la période d’exposition.
Ainsi, la surveillance épidémiologique est assurée au niveau régional par les ARS et les cellules régionales de Santé publique France. Elle repose également sur un réseau de laboratoires effectuant les diagnostics de ces arboviroses ainsi que sur le CNR. Santé publique France coordonne cette surveillance épidémiologique au niveau national. La surveillance entomologique, ainsi que les interventions de démoustication, sont réalisées par des OPD.
Résultats
Cas de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika notifiés en France métropolitaine au cours de l’année 2018
En 2018, 352 cas importés (figure 2) et 8 cas autochtones ont été notifiés en France métropolitaine :
–16 cas de chikungunya, tous importés ;
–333 cas de dengue, dont 8 autochtones ;
–10 cas d’infection à virus Zika, tous importés ;
–1 cas importé présentant une sérologie positive à la fois pour la dengue et le Zika ne permettant pas de différencier ces deux flavivirus (possibles réactions croisées).
La majorité des cas (60%) a été notifiée de mai à novembre dans des départements de niveau 1.
Pour les 16 cas importés de chikungunya, l’âge médian était de 58 ans (extrêmes : 18-77 ans) et 12 cas (71%) étaient des femmes (sex-ratio homme/femme : 0,3). Parmi les cas pour lesquels l’information était connue, 43% ont été hospitalisés (6/14). Neuf cas (56%) ont été confirmés par RT-PCR, séroconversion ou IgM et IgG positives (tableau 2). Les 7 autres cas étaient des cas probables, diagnostiqués à l’aide d’une seule sérologie avec identification d’IgM isolées (tableau 2). Les symptômes les plus fréquents étaient des douleurs articulaires (94%), de la fièvre (88%), et des éruptions cutanées (50%). Ces cas revenaient principalement d’Asie du Sud (7 cas), d’Afrique (7 cas) et du Brésil (2 cas) (figure 3).
Les 325 cas importés de dengue avaient un âge médian de 40 ans (extrêmes : 6-79 ans) et 55% étaient des hommes (sex-ratio H/F : 1,2). Parmi les cas pour lesquels l’information était renseignée, une hospitalisation a été nécessaire pour 46% d’entre eux (101/221). La majorité des cas (89%) était confirmés par RT-PCR, séroconversion, IgM et IgG positives ou par la détection dans le sérum de l’antigène viral NS1 (tableau 2). Les autres cas (n=36) étaient des cas probables (tableau 2). Les symptômes majoritairement rapportés étaient de la fièvre (97%), des myalgies (68%), des céphalées (65%) et des arthralgies (48%). Près de la moitié des cas (48%) revenaient d’un séjour en Asie (19% de Thaïlande). Trente-trois cas (10%) revenaient de l’Île de La Réunion, 30 cas (9%) de Polynésie française, 15 cas (5%) du Mexique et 6 cas (2%) de Nouvelle-Calédonie (figure 3).
L’âge médian des 10 cas importés de Zika était de 32 ans (extrêmes : 28-47 ans) et le sex-ratio H/F était de 0,7 (4 hommes). Au total, 4 cas (40%) ont été confirmés par IgM et IgG positives et les 6 autres étaient des cas probables (tableau 2). La majorité des cas (70%) étaient asymptomatiques. Les cas revenaient d’un séjour en Amérique latine (6 cas), en Asie (3 cas) et en Afrique (1 cas, figure 3).
En 2018, 8 cas autochtones de dengue ont été déclarés (encadré). Trois épisodes de transmission autochtone ont été identifiés :
–un foyer de 5 cas de dengue, sérotype 2, dans les Alpes-Maritimes en septembre et octobre 2018 ;
–un foyer de 2 cas de dengue, sérotype 1, dans l’Hérault fin septembre et début octobre 2018 ;
–un cas de dengue, sérotype 1, dans le Gard en octobre 2018.
Aucun décès n’a été enregistré pour ces trois arboviroses au cours de l’année 2018.
Cas autochtones de dengue en régions Paca et Occitanie, septembre-octobre 2018
La surveillance renforcée des arboviroses transmises par Aedes albopictus, a permis de détecter 3 épisodes d’émergence de dengue en métropole au cours de l’été 2018. Des investigations épidémiologiques et entomologiques ont été menées, afin de déterminer l’origine de la contamination et de limiter la transmission du virus.
Un premier cas autochtone de dengue de sérotype 2 a été signalé début octobre 2018 à Saint-Laurent-du-Var, commune des Alpes-Maritimes. Lors de son interrogatoire, le patient a fait part d’un cas cliniquement évocateur dans son entourage, faisant craindre un foyer de dengue autochtone. Une enquête en porte-à-porte (PAP) a été réalisée autour du domicile du premier cas autochtone, avec la possibilité de prélever à domicile les cas suspects détectés (dépôts de sang sur papier buvard). Les objectifs étaient d’identifier le cas primaire importé et d’autres cas autochtones. Les médecins et laboratoires de la zone investiguée ont été sensibilisés au signalement rétrospectif et prospectif de tout cas suspect de dengue. Des prélèvements sanguins ont été analysés pour chaque cas suspect (RT-PCR et/ou sérologie). Des analyses génétiques ont été réalisées par le centre national de référence (CNR) des arbovirus sur un sérum du premier cas autochtone signalé. Des prospections entomologiques, ainsi que des traitements de lutte anti-vectorielle (LAV), ont été mis en place dans les zones de transmission du virus par l’Entente interdépartementale (EID) Méditerranée. Quatre cas autochtones supplémentaires de dengue de sérotype 2 ont été identifiés lors de l’enquête en PAP (prélevés à leur domicile), tous résidant dans un rayon de 50 mètres autour du premier cas. Les investigations n’ont pas permis d’identifier le cas primaire importé.
En Occitanie, 2 cas de dengue autochtones ont également été signalés courant octobre 2018 : 1 dans l’Hérault, commune de Clapiers et 1 dans le Gard à Nîmes. Comme en Paca, le plan d’actions autour d’un cas autochtone a été déroulé lors de ces 2 épisodes : sensibilisation des professionnels de santé au signalement des cas suspects autochtones, recherche du cas primaire et d’autres cas autochtones, actions de LAV par l’EID Méditerranée. Les enquêtes en PAP ont permis d’identifier un 2e cas autochtone parmi les voisins du cas héraultais. Le cas primaire importé a été identifié pour le cas du Gard, il revenait de Polynésie Française. Le sérotype était identique pour tous ces cas : type 1. Les investigations épidémiologiques ont tout d’abord suggéré un lien entre les cas de l’Hérault et du Gard. Cette hypothèse a toutefois été infirmée à la suite du séquençage des souches réalisé par le CNR des arbovirus qui a conclu à une différence d’origine géographique des virus impliqués dans les deux foyers.
Ces émergences ont été détectées assez tôt pour mettre en œuvre les mesures de LAV et en limiter l’extension. L’enquête en PAP est essentielle pour identifier les cas. Le prélèvement des cas suspects à domicile en améliore l’efficience. La circulation virale étant limitée lors de ces épisodes de dengue autochtone, la sensibilisation des professionnels de santé doit être localisée à la zone d’émergence.
Focus dans les départements de niveau 1 pendant la période d’activité d’Aedes albopictus
Du 1er mai au 30 novembre 2018, 818 cas suspects ont été identifiés dans les 42 départements où le moustique était actif (figures 4 et 5), dont 439 (54%) étaient des cas suspects importés :
–214 cas (26%) ont été confirmés ou classés comme probables au vu des résultats biologiques (tableau 1) :
–7 cas de chikungunya, tous importés,
–197 cas importés et 8 cas autochtones de dengue,
–1 cas importé de Zika,
–1 cas importé de flavivirus (impossibilité de distinguer le flavivirus malgré une séroneutralisation),
–524 cas (64%) n’ont pas été confirmés par les tests biologiques, dont 280 signalements de cas suspects autochtones ;
–80 cas (10%), dont 75 cas suspects autochtones avaient des résultats de tests biologiques qui n’étaient pas connus ou incomplets pour permettre de conclure.
Description des signalements des cas suspects importés et autochtones
Les trois-quarts des 818 cas suspects identifiés (n=610) provenaient des professionnels de santé. Les autres étaient issus du rattrapage laboratoire ou des enquêtes en porte-à-porte mises en place lors de l’identification de transmissions autochtones.
Comme recommandé, 77% des sérologies ont été réalisées au moins 5 jours après la date de début des signes (DDS), 94% des PCR dans les 7 jours suivant la DDS et 67% des tests NS1 dans les 5 jours suivant la DDS.
Le délai médian entre la DDS et l’identification du cas par le système de surveillance était de 7 jours (signalements pour lesquels la DDS était renseignée, soit 772 signalements). Ce délai était de 7 jours pour les cas signalés directement par les professionnels de santé et de 18 jours pour les cas identifiés par le rattrapage laboratoire.
Le délai médian entre la DDS et la date du premier prélèvement était de 5 jours (signalements pour lesquels la DDS et la date du premier prélèvement étaient renseignées, soit 761 signalements).
Plus des deux tiers des signalements de cas importés ont été reçus dans les régions Paca (31,0%), Auvergne-Rhône-Alpes (21,4%) et Occitanie (18,7%) (tableau 3).
Description des cas importés probables et confirmés
Parmi les 200 cas pour lesquels l’information était disponible, 111 cas (55%) ont été signalés par des professionnels de santé, 88 (44%) ont été identifiés via le rattrapage laboratoire et le dernier par une enquête en porte-à-porte.
Le délai médian entre la DDS et le signalement à l’ARS était de 11 jours : 7 jours pour les cas signalés directement par les professionnels de santé et 16 jours pour les cas identifiés par le rattrapage laboratoire.
Pour la moitié des cas importés probables et confirmés, un premier prélèvement a été réalisé dans les 5 jours suivant leur DDS. Ce délai médian était de 5 jours pour les cas signalés par des professionnels de santé et de 7 jours pour ceux identifiés par le rattrapage laboratoire.
Six des 7 cas de chikungunya ont été confirmés : 2 par une RT-PCR, 2 par un test sérologique avec séroconversion et 2 avec IgM et IgG positives. Le dernier cas était un cas probable (une sérologie avec identification d’IgM isolées).
Sur les 197 cas de dengue, 174 ont été confirmés dont 98 ont eu une RT-PCR, 11 un test sérologique avec séroconversion, 35 une détection de l’antigène NS1 et 45 des IgM et IgG positives (la confirmation du diagnostic peut avoir été faite avec plusieurs techniques). Les 23 autres cas étaient des cas probables (une sérologie avec identification d’IgM isolées).
Le cas de Zika était un cas confirmé (IgM et d’IgG positives).
Description des investigations entomologiques des cas importés probables et confirmés
Du 1er mai au 30 novembre 2018, 245 cas suspects importés ont donné lieu à des prospections entomologiques (figure 6). La majorité de ces 245 prospections ont été réalisées dans la région Paca (29%), puis dans les régions Occitanie (24%) et Auvergne-Rhône-Alpes (17%).
Ces prospections concernaient 155 cas importés probables ou confirmés (63%) et 90 cas non confirmés secondairement (37%). Parmi les cas probables ou confirmés, la présence de moustiques adultes et/ou des gîtes larvaires susceptibles d’être à l’origine d’un cycle de transmission autochtone a été mise en évidence lors de la prospection entomologique pour 50 de ces cas (32%), dont 16 en Paca, 15 en Occitanie et 13 en Auvergne-Rhône-Alpes. Des traitements adulticides et larvicides ont été réalisés autour de 45 cas.
Des traitements adulticides et larvicides non justifiés a posteriori ont également été réalisés pour 34% des 90 cas infirmés (31 cas).
Discussion
En 2018, 352 cas importés et 8 cas autochtones, probables ou confirmés, ont été identifiés par le système de surveillance : 16 cas importés de chikungunya, 333 cas de dengue dont 8 autochtones, 10 cas importés de Zika et un cas importé de flavivirus.
La dengue est l’arbovirose la plus fréquemment identifiée en France métropolitaine en 2018, comme en 2017, avec 325 cas importés, reflétant la prédominance de cette arbovirose endémique dans la zone intertropicale. Près de la moitié des cas revenaient d’un séjour en Asie. Parmi les cas de dengue importés, 11% avaient voyagé en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie française où la dengue circulait de manière endémique ou épidémique en 2018 10,11. Trente-trois cas (10%) revenaient de l’Île de la Réunion où le virus a également circulé durant toute l’année 2018 9 avec 6 800 cas autochtones déclarés représentant un impact relativement limité de cette épidémie de dengue sur le territoire métropolitain. Pendant la période d’activité du moustique Aedes albopictus, 197 cas importés de dengue ont été notifiés dans les départements de niveau 1. Ce nombre est relativement proche des années précédentes où 167 et 151 cas importés avaient été notifiés respectivement en 2016 et 2017 12,13. Trois émergences ayant entraîné 8 cas autochtones de dengue ont été identifiés soulignant la capacité vectorielle de l’Aedes albopictus à transmettre le virus de la dengue.
En 2018, le nombre de cas importés de chikungunya notifiés était de 16, revenant principalement d’Asie du Sud, d’Afrique et du Brésil. Du 1er mai au 30 novembre dans les départements de niveau 1, 7 cas importés de chikungunya ont été notifiés, chiffre faible comme les années précédentes où 18 et 7 cas importés avaient été rapportés en 2016 et 2017 12,13.
Le nombre de cas importés de Zika notifiés en 2018 sur tous les départements de France métropolitaine était de 10, nombre relativement proche de celui de 2017 (27 cas 13) alors qu’il était de 625 cas importés sur la seule période du 1er janvier au 15 juillet 2016 pendant l’épidémie dans les Antilles et en Amérique latine 14,15. La plupart des cas importés en 2018 revenait d’Amérique latine. Pendant la période d’activité du moustique Aedes albopictus, du 1er mai au 30 novembre, un seul cas importé de Zika a été notifié contre 450 sur la même période en 2016 dans les départements de niveau 1 12.
Les nombres de cas probables de chikungunya et de Zika signalés sont très probablement surestimés en raison de la faible spécificité des kits ELISA commerciaux. En effet, la très grande majorité des cas signalés avec des IgM isolées anti-chikungunya ou anti-Zika sont infirmés après contrôle sérologique (deuxième prélèvement distant de 15 jours du premier ou contrôle du résultat par le CNR). Sur la période de surveillance renforcée 2018, où un contrôle systématique de ce type de résultat a été demandé, aucun cas présentant des IgM isolées anti-chikungunya ou anti-Zika n’a été confirmé.
En 2018, 6% des RT-PCR et 23% des sérologies ont été réalisées dans un délai inadéquat après le début des signes (RT-PCR trop tardive ou sérologie trop précoce). Ces pourcentages diminuent régulièrement, mais des prescriptions inappropriées peuvent entraîner des faux négatifs, un retard ou une absence de diagnostic, et par conséquent l’absence ou le retard des actions de démoustication.
Un retard ou une absence de signalement de cas importé, dû à un diagnostic non évoqué par le professionnel de santé, de prescriptions biologiques incomplètes, un patient n’ayant pas consulté ou présentant une forme asymptomatique ou paucisymptomatique, peuvent entraîner l’apparition de cas autochtones. Pour les trois émergences de dengue survenues en 2018, il y a eu un défaut d’identification du cas primaire importé : inconnu pour deux épisodes et identifié après l’apparition du cas autochtone pour un épisode 8.
Seulement 55% des cas importés probables et confirmés pendant la période d’activité du vecteur ont été signalés par les professionnels de santé. L’identification de ces cas par le rattrapage laboratoire (44%) est plus tardive (16 contre 7 jours pour les cas signalés directement par les professionnels de santé) et entraîne un retard d’éventuelles interventions de démoustication, pouvant engendrer la survenue de cas autochtones. Des actions de réduction d’identification des cas par le rattrapage laboratoire et d’amélioration des délais de communication des résultats biologiques par Biomnis et Cerba sont mis en œuvre en 2019.
Pendant la période d’activité du moustique Aedes albopictus, du 1er mai au 30 novembre, la surveillance est dite « renforcée » dans les départements où le moustique est implanté avec le signalement de cas importés dès la suspicion clinique et la mise en œuvre des investigations épidémiologiques et entomologiques, sans attendre la confirmation biologique des cas signalés. Les investigations autour de ces cas, dont une proportion élevée (74%) n’a pas été confirmée, entraîne une mobilisation importante de ressources humaines et logistiques et des interventions, finalement inutiles et coûteuses, pour les ARS, les OPD et les conseils départementaux qui financent les prospections entomologiques et la LAV. L’évaluation interne du dispositif mis en place en région Paca en 2018, qui consistait à ne solliciter l’OPD qu’après confirmation biologique des cas (sauf exceptions), plaide en faveur d’une simplification de la surveillance, en se basant uniquement sur le signalement des cas probables et confirmés par les professionnels de santé avec un rattrapage laboratoire en complément effectué du 1er mai au 30 novembre. En 2018, sur les 245 cas suspects importés ayant eu une prospection entomologique, 155 cas ont été classés probables ou confirmés et seuls 50 étaient susceptibles d’être à l’origine d’un foyer de transmission autochtone (cas pour lesquels la présence de moustiques adultes et/ou de gîtes larvaires a été mise en évidence). Renforcer les interventions autour de ces situations à risque d’émergence permettrait d’améliorer le rapport coût/efficacité du dispositif de surveillance des arboviroses en France métropolitaine, alors que le nombre de départements concernés ne cesse d’augmenter et que l’on peut anticiper qu’à terme l’ensemble du territoire métropolitain sera colonisé.
Malgré ces différentes limites, la sensibilité et la réactivité du dispositif de surveillance des arboviroses en métropole ont permis la détection relativement rapide de trois foyers de transmission autochtone de dengue qui ont ainsi pu être limités.
Recommandations pour la surveillance
La sensibilisation et la formation des professionnels de santé doivent être renforcées afin d’améliorer l’évocation du diagnostic des arboviroses transmises par Aedes albopictus, les bonnes pratiques de prescription et le signalement des cas à l’ARS, en particulier en période d’activité du vecteur.
Il est nécessaire par ailleurs de réduire au maximum le délai entre le début des symptômes et le prélèvement sanguin : un délai court permet une confirmation par RT-PCR, qui est le test à privilégier. Cela implique une information des voyageurs pour les inciter à consulter dès l’apparition des signes compatibles avec une arbovirose et à faire réaliser le prélèvement dans les suites immédiates de la consultation, afin d’éviter qu’une prescription devienne inappropriée.
Il est important de rappeler auprès des professionnels de santé et des patients qu’en cas d’identification d’IgM isolées sur un premier prélèvement, ce résultat soit confirmé par un deuxième prélèvement distant d’au moins 15 jours du premier.
Le système de surveillance métropolitain gagnerait en simplicité et en économie de ressources s’il était recentré sur le signalement des cas probables et confirmés, ce qui permettrait de réaffecter les moyens aux situations les plus à risque de transmission autochtone.
Enfin, les activités de surveillance doivent être impérativement complétées par la mobilisation sociale pour lutter contre les gîtes larvaires en métropole, et par la sensibilisation des voyageurs sur les moyens de prévention des piqûres de moustiques.
Groupe d’investigation
Alexandra Septfons, Harold Noel, Henriette de Valk, Nicolas Vincent, Cécile Durand, Christine Castor, Jeanine Stoll, Oriane Broustal, Sophie Raguet, Virginie Garibaldi, Virginie Nengbi, Alice Dupouy, Christine Ortmans, Samer Aboukaïs, Delphine Segond, Hélène Weil-Rabaud, Isabelle Teruel, Françoise Peloux-Petiot, Karine Lopez, Sylvie Dunaud, Anne Decoppet, Lucette Pigaglio, Michelle Auzet-Caillaud, Laurianne Rosito, Monique Travanut, Muriel Andrieu-Semmel, Karine Hadji, Sébastien Lesterle, Christophe Garro, Jeanne Batbedat, Pascale Fouassier, Dado Soumare, Marie Favard, Anne Simondon, Raphaël Taravella.
Remerciements
Nous tenons à remercier tous les personnels des agences régionales de santé, des laboratoires hospitaliers et privés ainsi
que les médecins qui ont collaboré et participé activement à la surveillance du chikungunya, de la dengue et du Zika en métropole.
Nous tenons également à remercier tous les acteurs de la lutte anti-vectorielle, qui ont été particulièrement sollicités et
ont joué un rôle majeur dans la surveillance et les investigations entomologiques.
Nous tenons enfin à remercier Marine Sabastia pour la réalisation des cartes.
Références
(13-14):217-23. http://portaildocumentaire.santepubliquefrance.fr/exl-php/vue-consult/spf___internet_recherche/
INV12527
beh/2019/19-20/2019_19-20_2.html
Citer cet article
france.fr/beh/2019/19-20/2019_19-20_1.html