Surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en France métropolitaine, 2017

// Chikungunya, dengue and Zika virus infection surveillance in mainland France, 2017

Nelly Fournet1 (nelly.fournet@santepubliquefrance.fr), Florian Franke2, Pascal Chaud2, Marie-Eve Raguenaud3, Clémentine Calba4, Alexandra Septfons1, Nicolas Vincent4, Garance Terpant5, Anne Bernadou3, Oriane Broustal6, Guillaume Heuzé2, Anne Guinard7, Anne-Hélène Liebert8, Jeanine Stoll9, Joël Deniau2, Mathilde Galla10, Jean Dominique Poveda11, Georges Chyderiotis12, Emmanuelle Cart-Tanneur12, Ségolène Brichler13, Laetitia Ninove14, Athinna Nisavanh1, Julien Durand1, Henriette de Valk1, Marie-Claire Paty1, Harold Noël1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Paca, Marseille, France
3 Santé publique France, Cire Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, France
4 Santé publique France, Cire Île-de-France, Paris, France
5 Santé publique France, Cire Auvergne Rhône Alpes, Lyon, France
6 Santé publique France, Cire Grand-Est, Strasbourg, France
7 Santé publique France, Cire Occitanie, Toulouse, France
8 Santé publique France, Cire Pays de la Loire, Nantes, France
9 Santé publique France, Cire Bourgogne Franche-Comté, Dijon, France
10 Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des Armées, Marseille, France
11 Laboratoire Cerba, Saint-Ouen l’Aumône, France
12 Laboratoire Eurofin-Biomnis, Lyon, France
13 Laboratoire de bactériologie-virologie, hygiène, Centre hospitalier universitaire Avicenne, Bobigny, France
14 Laboratoire de virologie, IHU Méditerranée Infection, Marseille, France
Soumis le 13.04.2018 // Date of submission: 04.13.2018
Mots-clés : Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | Zika | France métropolitaine
Keywords: Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | Zika | Mainland France

Résumé

Implanté en France métropolitaine depuis 2004, le moustique Aedes albopictus – vecteur des virus de la dengue, du chikungunya et du virus Zika – expose au risque de transmission autochtone de ces arboviroses en cas de retour en métropole de personnes infectées dans des zones où circulent ces virus.

En métropole, la surveillance épidémiologique est basée sur la déclaration obligatoire (DO) des cas probables et confirmés. Pendant la période d’activité du moustique Ae. albopictus dans les départements où le moustique est implanté, du 1er mai au 30 novembre, dite « période de surveillance renforcée », la DO est complétée par le signalement de cas importés dès leur suspicion clinique.

En 2017, 37 cas de chikungunya, 269 cas de dengue et 28 cas d’infection à virus Zika ont été notifiés. Pendant la période de surveillance renforcée, 729 signalements ont été effectués. Parmi eux, 7 cas importés et un foyer de 17 cas autochtones de chikungunya, 151 cas importés de dengue, 15 cas importés et 1 cas autochtone d’infection à virus Zika ont été confirmés.

L’extension d’Ae. albopictus à neuf nouveaux départements en 2018 pose la question de la soutenabilité du dispositif actuel de surveillance. Il pourrait être recentré sur les cas confirmés, en l’absence de transmission autochtone, pour une meilleure efficacité et utilisation des moyens. Avec l’augmentation constante du poids des arboviroses dans le monde, il apparait fondamental d’informer les voyageurs se rendant ou revenant des zones à risque et de toujours sensibiliser les professionnels de santé à cette surveillance.

Abstract

Because Aedes albopictus, mosquito vector of dengue, chikungunya and Zika viruses has been established in mainland France since 2004, there is risk of autochthonous transmission of these arboviruses in the event of persons returning from areas where these viruses circulate.

In mainland France, the epidemiological surveillance of dengue, chikungunya and Zika is based on the mandatory notification of probable and confirmed cases. Enhanced surveillance based on the immediate reporting of imported suspected clinical cases is conducted during the vector activity period, from 1 May to 30 November in the department colonized by Ae. albopictus.

In 2017, 37 chikungunya cases, 269 dengue cases and 28 Zika cases were notified. During the enhanced surveillance period, 729 suspected cases were reported including 7 imported cases and 17 clustered autochthonous cases of chikungunya, 151 imported dengue cases, 15 imported and 1 autochthonous of Zika virus infection were confirmed.

The spread of Ae. albopictus to nine new departments in 2018 poses the challenge of the sustainability of the current surveillance system. In the absence of autochthonous transmission, surveillance could be refocused on the notification of confirmed case for an optimized efficacy and use of means. With the constantly increasing burden of arboviral diseases worldwide, it is essential to inform people travelling to and from endemic areas and to sensitize health professionals to this surveillance.

Introduction

Les vecteurs du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika sont des moustiques du genre Aedes, essentiellement Aedes albopictus et Aedes aegypti. Le moustique Ae. albopictus est l’espèce la plus invasive au monde et se développe majoritairement en zone urbaine. Détecté pour la première fois en 2004 en France métropolitaine dans le département des Alpes-Maritimes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), il était implanté et actif, au 1er mai 2017, dans un tiers des départements français métropolitains, soit 33 départements 1 (figure 1). Selon les départements et les conditions climatiques de l’année en cours, le moustique peut être actif à partir du 1er mai et jusqu’au 30 novembre. Sa présence expose à un risque de transmission autochtone de ces arboviroses en cas de retour en métropole de personnes infectées dans des zones où circulent ces virus. Cette transmission est possible si ces personnes séjournent dans les départements colonisés pendant leur période de virémie (d’une durée de 6 à 8 jours en moyenne) et qu’ils se font piquer pendant la période où le moustique y est actif.

Des épisodes de transmission autochtone se sont déjà produits en France métropolitaine, avec des foyers de dengue entre 2010 et 2015 et de chikungunya en 2010 et 2014 2,3,4,5,6,7, et plus généralement en Europe 8,9,10. En 2016, aucun foyer de cas autochtones de chikungunya ou de dengue n’a été signalé en France métropolitaine. L’année 2016 a cependant été marquée par une épidémie d’infections à virus Zika dans la zone Amérique et des Caraïbes, avec des spécificités par rapport aux deux autres arboviroses (risque de contamination par transmission sexuelle, risque de malformations congénitales en cas d’infection pendant la grossesse, complications neurologiques) 11,12,13,14.

En France, depuis 2006, un plan national « anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole » est mis en œuvre chaque année 1. En 2016,

l’infection à virus Zika a été ajoutée au plan. Le dispositif de surveillance épidémiologique de ce plan associe une surveillance humaine et entomologique à des mesures de prévention et de contrôle. Cinq niveaux de risque sont définis en fonction de l’implantation du moustique et de la présence de cas autochtone(s). Les départements où Ae. albopictus est implanté et actif sont classés au niveau 1 15 (figure 1).

Cet article présente les résultats de la surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en France métropolitaine en 2017.

Figure 1 : Départements et années d’implantation du moustique vecteur Aedes albopictus en France métropolitaine, au 1er mai 2017
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Méthodes

Système de surveillance épidémiologique

Tout au long de l’année, la surveillance épidémiologique du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika a pour objectif de décrire les tendances nationales et régionales de ces infections ainsi que les pays et zones d’acquisition de ces virus. En période d’activité du moustique Ae. albopictus, du 1er mai au 30 novembre, appelée « période de surveillance renforcée », et dans les départements où il est implanté, cette surveillance a de plus pour objectif de détecter le plus tôt possible les cas importés et autochtones. Cette détection précoce a pour but de déclencher les mesures de lutte anti-vectorielle (LAV) appropriées pour limiter le risque de transmission autochtone autour de ces cas.

La surveillance épidémiologique est assurée au niveau régional par les Agences régionales de santé (ARS) et les cellules d’intervention en région (Cire) de Santé publique France. Elle repose également sur un réseau de laboratoires privés Eurofins-Biomnis et Cerba, qui effectuent les diagnostics de ces arboviroses, ainsi que sur le centre national de référence (CNR) des arbovirus. Santé publique France coordonne cette surveillance épidémiologique au niveau national. Pendant la période de surveillance renforcée, la surveillance entomologique ainsi que les interventions de LAV sont réalisées par des opérateurs publics de démoustication.

La déclaration obligatoire (DO) des cas confirmés de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika est active toute l’année et sur l’ensemble de la métropole. Les médecins ou les biologistes doivent signaler tout cas confirmé ou probable de ces trois arboviroses (tableau 1) à leur ARS. Des données sociodémographiques, cliniques (signes, date de début des signes), biologiques et épidémiologiques (voyage hors métropole, date de retour en métropole) sont recueillies, ainsi que la période de séjour en zone de circulation virale et leur période de virémie (comprise entre 2 jours avant le début des signes cliniques et jusqu’à 7 jours après). Après validation du signalement, l’ARS transmet ces informations à Santé publique France.

Surveillance pendant la période d’activité du moustique Ae. albopictus dans les départements où le moustique est implanté

Pendant la période de surveillance renforcée, les cas importés sont signalés dès la suspicion clinique afin de mettre en place les mesures adaptées de LAV sans attendre leur confirmation biologique (tableau 1). Si une transmission autochtone est établie, le signalement des cas autochtones résidant dans le département concerné s’applique également dès la suspicion clinique. La confirmation biologique des premiers cas d’un foyer de transmission autochtone doit être corroborée par le CNR.

En complément, les résultats provenant des laboratoires privés Eurofins-Biomnis et Cerba (seuls laboratoires à réaliser ces diagnostics en secteur libéral en métropole) sont transmis de manière confidentielle et analysés quotidiennement par Santé publique France afin d’identifier des cas qui n’auraient pas été signalés par les médecins ou les laboratoires (DO ou signalement d’un cas suspect).

Pendant la période de surveillance renforcée, le signalement d’un cas par les professionnels de santé ou via les données des laboratoires Eurofins-Biomnis et Cerba entraîne immédiatement des investigations épidémiologiques par les ARS et les Cire pour déterminer les lieux de séjour et de déplacements pendant la période de virémie. Toutes les informations concernant le cas sont recueillies dans une application web Voozanoo. Si un cas a séjourné dans un département de niveau 1 pendant sa période de virémie, l’application Voozanoo envoie automatiquement un message aux opérateurs publics de démoustication. Des investigations entomologiques et des actions de LAV appropriées sont alors menées par ces opérateurs afin de prévenir ou de limiter l’instauration d’un cycle autochtone de transmission de ces virus. Ces actions comportent la destruction des gîtes larvaires et, si nécessaire, des traitements adulticides et/ou larvicides ciblés dans un périmètre de 150 à 200 mètres autour des lieux fréquentés par les cas pendant la période de virémie. En présence d’un cas autochtone confirmé, ces actions sont couplées à une information auprès des professionnels de santé, à une sensibilisation de la population, à une recherche active du cas primaire (cas importé, à l’origine de la transmission) et de cas secondaires (enquêtes en porte-à-porte, information et sensibilisation des professionnels de santé) ainsi qu’à des actions de LAV autour des lieux fréquentés par le ou les cas durant la période d’exposition.

Tableau 1 : Définitions de cas pour la surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en France métropolitaine, 2017
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Résultats

Cas probables ou confirmés de chikungunya, dengue et d’infection à virus Zika notifiés en France métropolitaine au cours de l’année 2017

En 2017, 319 cas importés et 18 cas autochtones ont été notifiés en France métropolitaine (figure 2) :

37 cas de chikungunya : 20 importés et 17 cas autochtones ;

269 cas de dengue, tous importés ;

28 cas d’infection à virus Zika dont 1 autochtone (transmission sexuelle) ;

3 autres cas importés présentant une sérologie positive à la fois pour la dengue et pour une infection à virus Zika ne permettant pas de différencier ces deux flavivirus (possibles réactions croisées).

Figure 2 : Nombre de cas importés de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika par mois de signalement, France métropolitaine, 2017 (source déclaration obligatoire, n=316)
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La majorité des cas probables et confirmés (58%) ont été notifiés de mai à novembre dans des départements de niveau 1.

Pour les 20 cas importés de chikungunya, l’âge médian était de 41 ans (extrêmes : 21-91 ans) et 10 cas (50%) étaient des hommes (sex-ratio homme/femme : 1,0). Cinq cas (25%) ont nécessité une hospitalisation. Au total, 6 cas (30%) ont été confirmés par RT-PCR ou séroconversion (tableau 2). Les 14 cas probables ont eu une seule sérologie avec identification d’IgM isolées. Les symptômes les plus fréquents étaient de la fièvre (90%), des douleurs articulaires (80%) et des éruptions cutanées (30%). Ces 20 cas importés revenaient principalement d’Asie du Sud, du Brésil et d’Afrique et 1 cas revenait d’Italie (figure 3).

Les 269 cas importés de dengue avaient un âge médian de 36 ans (extrêmes : 3 jours-82 ans) et 56% étaient des hommes (sex-ratio H/F : 1,3). Une hospitalisation a été nécessaire pour 36% des cas. La majorité des cas (91%) était des cas confirmés par RT-PCR, séroconversion ou par la détection dans le sérum de l’antigène viral NS1 (tableau 2). Les symptômes majoritairement rapportés étaient de la fièvre (93%), des myalgies (71%), des céphalées (68%) et des arthralgies (45%). Plus de la moitié des cas (54%) revenaient d’un séjour en Asie (18% de Thaïlande) et 26% d’Afrique (17% de Côte d’Ivoire). Quatre cas (2%) revenaient de l’île de La Réunion, 15 (6%) de Nouvelle-Calédonie et 17 (6%) de Polynésie française (figure 3).

L’âge médian des 27 cas importés d’infection à virus Zika était de 34 ans (extrêmes : 18-68 ans) et 37% étaient des hommes (sex-ratio H/F : 0,6). Trois cas (11%) ont été hospitalisés. Vingt-quatre cas (89%) ont été confirmés par RT-PCR ou par séroconversion (tableau 2). Les symptômes les plus rapportés étaient des éruptions cutanées (85%) et de la fièvre (59%). La majorité de ces 27 cas importés (70%) revenaient d’un séjour à Cuba (figure 3).

Les 17 cas autochtones de chikungunya identifiés en région Paca sont décrits dans l’article de C. Calba et coll. dans ce même BEH.

Le cas autochtone d’infection à virus Zika, également signalé en région Paca, a été infecté en métropole par voie sexuelle par un partenaire masculin infecté lors d’un séjour à l’étranger dans les Caraïbes. Cette personne a été hospitalisée et a présenté de la fièvre, des arthralgies, des céphalées, de l’asthénie, une éruption cutanée, une conjonctivite, des douleurs rétro-orbitaires et un œdème des extrémités.

Aucun décès n’a été enregistré pour ces trois arboviroses.

Tableau 2 : Répartition par type de diagnostic des cas importés de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika, France métropolitaine, 2017 (source déclaration obligatoire, n=316)
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Figure 3 : Pays d’acquisition des infections importées à chikungunya, dengue et virus Zika, notifiées dans le cadre de la déclaration obligatoire, France métropolitaine, 2017
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Signalements et cas de chikungunya, de dengue et d’infection à virus Zika pendant la période d’activité d’Ae. albopictus dans les départements de niveau 1, 1er mai-30 novembre 2017

Description des signalements des cas importés et autochtones

Pendant la période de surveillance renforcée, 729 signalements ont été effectués, dont 424 (58%) étaient des cas suspects importés (figure 4) :

194 cas (27%), dont 176 cas importés, ont été confirmés ou considérés probables par les tests biologiques (tableau 1) : 7 cas importés et 17 cas autochtones de chikungunya, 151 cas de dengue (tous importés), 15 cas importés d’infections à virus Zika et 1 cas autochtone (transmission sexuelle), 3 cas de flavivirus (tous importés) ;

476 (65%) n’ont pas été confirmés par les tests biologiques, dont 243 signalements de cas suspects autochtones ;

37 cas suspects (5%) ont eu un autre diagnostic que ces arboviroses dont 20 cas suspects autochtones ;

pour 22 cas (3%), les résultats des tests bio‑logiques n’étaient pas connus ou incomplets pour permettre de conclure.

La majorité des 729 signalements (80%) ont été effectués par des professionnels de santé. Les autres 20% de cas signalés sont issus des données des laboratoires Eurofin-Biomnis et Cerba.

Parmi les 705 cas signalés avec au moins un résultat de test diagnostique connu (pour 2 signalements, un autre diagnostic a été posé, sans résultat biologique pour les arboviroses) :

292 (41%) ont eu uniquement un test sérologique ;

198 (28%) ont eu un test par PCR, dont 7 associés à un test NS1 ;

215 (31%) ont eu un test sérologique associé à une PCR et/ou à un test NS1.

Au total, 78% des sérologies ont été réalisées au moins 4 jours après la date de début des signes (DDS), 91% des PCR dans les 7 jours suivant la DDS et 64% des tests NS1 dans les 5 jours suivant la DDS.

Des IgM isolées anti-chikungunya ont été mises en évidence pour 76 cas suspects. Pour 73 cas (96%) le diagnostic d’infection à chikungunya a finalement été infirmé suite aux investigations (interrogatoire des cas et/ou résultats négatifs au CNR et/ou absence de séroconversion IgG au deuxième prélèvement).

Le délai médian entre la date de début des symptômes et le signalement à l’ARS était de 8 jours pour les 729 signalements. Ce délai était de 6 jours pour les cas signalés directement par les professionnels de santé et de 18 jours pour les cas identifiés via les données d’Eurofins-Biomnis et Cerba.

Le délai médian entre la date de début des symptômes et la date du premier prélèvement était de 5 jours (5 pour les signalements provenant des professionnels de santé et 10 jours via les données d’Eurofins-Biomnis et Cerba).

La répartition des signalements par département et région est décrite dans le tableau 3. Plus de la moitié des signalements de cas importés ont été reçus dans les régions Paca (27,6%) et Rhône-Alpes (25,7%).

Parmi les 305 cas suspects autochtones signalés, 241 (79%) ont concerné la région Paca, dont 166 (55,3%) le seul département du Var, où une circulation autochtone de chikungunya a été détectée en août 2017. Au total, la région Paca a reçu près de la moitié des signalements des cas importés et autochtones (49%), la région Auvergne-Rhône-Alpes 19%, la région Occitanie 13% et la région Nouvelle-Aquitaine 11% (tableau 3).

Figure 4 : Nombre de signalements (n=729) et de cas importés de chikungunya (n=7), de dengue (n=151) et d’infection à virus Zika (n=15) notifiés dans les 33 départements colonisés par Aedes albopictus, France métropolitaine, 1er mai-30 novembre 2017
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Tableau 3 : Nombre de signalements (n=729) et de cas importés de chikungunya (n=7), de dengue (n=151) et d’infection à virus Zika (n=15) notifiés dans les 33 départements colonisés par Aedes albopictus, France métropolitaine, 1er mai-30 novembre 2017
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Description des cas importés probables et confirmés (1er mai –30 novembre)

Parmi les 176 cas importés probables ou confirmés, 108 (61%) ont été signalés par des professionnels de santé et 68 (39%) ont été identifiés via les données des laboratoires Biomnis et Cerba.

Le délai médian entre la date de début des symptômes et le signalement à l’ARS était de 12 jours : 8 jours pour les cas signalés directement par les professionnels de santé et 16 jours pour les cas identifiés via les données d’Eurofin-Biomnis et Cerba.

La moitié des cas confirmés et probables importés ont eu le premier prélèvement dans les 6 jours suivant leur date de début des symptômes. Ce délai médian était de 5 jours pour les cas signalés par des professionnels de santé et de 9 jours pour ceux identifiés par les données d’Eurofin-Biomnis et Cerba.

Parmi les 7 cas de chikungunya, 5 ont été confirmés : 1 par une PCR et 4 par un test sérologique avec séroconversion.

Sur les 151 cas de dengue, 133 ont été confirmés dont 68 par PCR, 56 par séroconversion uniquement et 9 par détection de l’antigène NS1.

Parmi les 15 cas d’infection à virus Zika, 12 ont été confirmés : 9 par PCR et 3 par séroconversion.

Description des investigations entomologiques

Du 1er mai au 30 novembre 2017, 250 signalements ont donné lieu à des prospections entomologiques (34% des signalements). La majorité des prospections a été réalisée dans la région Paca (38%), puis dans les régions Occitanie (22%) et Auvergne-Rhône-Alpes (18%).

Parmi ces 250 cas ayant entrainé des prospections entomologiques, 116 cas (46%) ont finalement été infirmés et des traitements (adulticides, larvicides ou destruction mécanique) ont eu lieu pour 39 de ces cas infirmés (34% des cas infirmés ayant eu une prospection entomologique).

Parmi les 176 cas probables ou confirmés importés, 138 (78%) étaient virémiques dans un département où le moustique est actif. Au total, la présence de moustiques adultes et/ou des gîtes larvaires susceptibles d’être à l’origine d’un cycle de transmission autochtone a été mise en évidence pour 29 de ces cas (16% des cas probables ou confirmés importés) dont 13 en Occitanie, 8 en Auvergne-Rhône-Alpes et 5 en Paca.

Discussion

En 2017, 319 cas importés et 18 cas autochtones probables ou confirmés – de chikungunya (20 importés et 17 autochtones), de dengue (269 tous importés), d’infection à virus Zika (27 importés et 1 autochtone) et de flavivirus (3 importés) – ont été notifiés par le système de surveillance. Plus de la moitié de ces cas (58%) a été signalée pendant la période de surveillance renforcée.

La dengue est l’arbovirose la plus fréquemment identifiée en France métropolitaine en 2017 avec 269 cas importés (84% de l’ensemble des cas confirmés pour les 3 arboviroses), reflétant la prédominance de cette arbovirose endémique dans la zone intertropicale. Quatre cas de dengue (2%) revenaient de l’île de La Réunion où le virus a circulé de manière persistante durant toute l’année avec 94 cas autochtones déclarés sur l’année 2017 16. Avec l’épidémie qui sévit actuellement sur l’île de La Réunion, où 3 416 cas de dengue (biologiquement confirmés ou probables) ont été signalés entre le début de l’année 2018 et le 22 mai 2018 17, le risque d’introduction du virus en France métropolitaine est accru.

Le nombre de cas importés de chikungunya notifiés en 2017 était de 20. Malgré ce faible nombre de cas importés, un foyer de 17 cas autochtones de chikungunya a été identifié dans le Var, soulignant la bonne adaptation des souches de chikungunya circulant en Afrique et en Asie à Ae. albopictus. Pour la première fois, un cas de chikungunya a été importé d’un pays européen, l’Italie où sévissait une épidémie qui a atteint plus de 400 cas dans les régions du Latium et de Calabre 9. Le développement d’un foyer de chikungunya en métropole, secondaire à une transmission détectée ou non dans un autre pays européen, est un risque plausible.

Pendant la période de surveillance renforcée, le nombre de cas importés de dengue (151) et de chikungunya (7) notifiés était très proche des années précédentes, où 131 et 167 cas avaient été notifiés respectivement en 2015 et 2016 pour la dengue et 30 et 18 pour le chikungunya.

Le nombre de cas importés d’infection à virus Zika notifiés en 2017 sur tous les départements de France métropolitaine était de 27, alors qu’il était de 625 cas importés sur la seule période du 1er janvier au 15 juillet 2016 pendant l’épidémie dans les Antilles et l’Amérique latine 13,18. La plupart des cas importés en 2017 revenaient de Cuba. Pendant la période de surveillance renforcée, 15 cas importés d’infection à virus Zika ont été notifiés versus 450 sur la même période en 2016 dans les départements de niveau 1.

Pendant la période de surveillance renforcée, les cas importés sont signalés dès la suspicion clinique et des investigations épidémiologiques et entomologiques sont mises en œuvre sans attendre la confirmation de ces cas signalés. Le signalement de ces cas, dont une proportion élevée (63%) a été infirmée, entraine une mobilisation importante de ressources humaines et logistiques et des interventions, finalement inutiles et coûteuses, pour les ARS et les opérateurs de démoustication. Dans une récente étude de modélisation 19, il est montré qu’attendre la confirmation d’un cas suspect importé avant d’entreprendre les mesures de LAV n’aurait pas d’impact significatif sur la survenue d’une épidémie et n’influerait pas sur son ampleur. En 2017, seuls 29 cas importés susceptibles d’être à l’origine d’un foyer de transmission autochtone ont été signalés (cas virémiques pour lesquels la présence de moustiques adultes et/ou de gîtes larvaires a été mise en évidence). Renforcer les interventions autour de ces situations à risque d’apparition d’une chaine de transmission autochtone permettrait d’améliorer considérablement le rapport coût/efficacité du dispositif de surveillance des arboviroses en France métropolitaine.

Près de 10% des PCR et 22% des sérologies ont été réalisées dans un délai inadéquat après le début des signes (PCR trop tardive ou test sérologique trop précoce). Ces prescriptions inappropriées peuvent entrainer des faux négatifs, un retard au ou une absence de diagnostic et par conséquent l’absence ou le retard des actions de démoustication. Par ailleurs, les tests précoces par PCR sont spécifiques et doivent être privilégiés. En revanche, la présence d’IgM isolées a une spécificité médiocre, en particulier pour le chikungunya, et la réalisation d’un second prélèvement est très rare. Ce défaut de spécificité entraine de nombreux faux positifs (en particulier en situation non épidémique dans les zones de séjour, la valeur prédictive positive du test variant selon la fréquence de la maladie) qui génèrent des interventions inutiles et une surestimation du nombre de cas. En 2017, 96% des cas suspects avec détection d’IgM isolées anti-chikungunya ont finalement été infirmés.

Un retard ou une absence de diagnostic peut également survenir lorsque le professionnel de santé n’évoque pas une arbovirose. Ce retard de diagnostic peut permettre l’apparition de foyers autochtones en métropole. Lors de l’épidémie de chikungunya en Italie en 2017, le cas primaire ayant importé le virus en Italie n’a pas été identifié et les cas autochtones ont été identifiés plus de 2 mois après le début de la transmission, facilitant la dissémination de l’épidémie à Rome et en Calabre 9. Concernant l’épisode des foyers autochtones de chikungunya dans le Var en 2017, le cas primaire n’avait pas été identifié 20. Cependant la sensibilisation des professionnels de santé dans un département où le moustique est présent depuis plusieurs années a permis la détection des premiers cas autochtones et la mise en place immédiate des interventions de démoustication, limitant ainsi son extension.

En France, le signalement par les professionnels de santé des cas importés demeure encore insuffisant. En 2017, 39% des cas confirmés ont été identifiés via les données transmises automatiquement par les laboratoires Eurofin-Biomnis et Cerba. Ce dispositif permet d’obtenir une quasi-exhaustivité des cas diagnostiqués, mais son caractère un peu plus tardif peut s’accompagner d’un retard à d’éventuelles interventions de démoustication.

Malgré ces différentes limites, la sensibilité et la réactivité du dispositif de surveillance des arboviroses en métropole ont permis la détection relativement rapide d’un foyer de chikungunya dans le Var, qui a ainsi pu être contenu, et le signalement d’un cas importé revenant d’Italie qui n’a pas entrainé de transmission secondaire.

Recommandations

La sensibilisation et la formation des professionnels de santé doivent être renforcées afin d’améliorer l’évocation du diagnostic des arboviroses transmises par Ae. albopictus, les bonnes pratiques de prescription et le signalement des cas à l’ARS, en particulier en période d’activité du vecteur.

Il est nécessaire par ailleurs de réduire au maximum le délai entre le début des symptômes et le prélèvement sanguin : un délai court permet une confirmation par RT-PCR, qui est le test à privilégier. Cela implique une information des voyageurs pour les inciter à consulter dès l’apparition des signes compatibles avec une arboviroses et à faire réaliser le prélèvement dans les suites immédiates de la consultation.

L’extension d’Ae. albopictus à 9 nouveaux départements en 2018 21 pose la question de la soutenabilité du dispositif actuel de surveillance. De plus, l’épidémie de dengue sur l’île de La Réunion pourrait entraîner une augmentation des signalements en 2018. Le système de surveillance gagnerait en simplicité et en économie de ressources s’il était recentré sur le signalement des cas confirmés, ce qui permettrait de réaffecter les moyens aux situations les plus à risque de transmission autochtone.

Enfin, les activités de surveillance doivent être impérativement complétées par la mobilisation sociale pour lutter contre les gîtes larvaires en métropole et par la sensibilisation des voyageurs sur les zones à risque, les moyens de prévention des piqûres de moustiques et la nécessité d’une consultation en cas de symptômes après le retour.

Groupe d’investigation

Virginie Garibaldi, Virginie Nengbi, Samer Aboukaïs, Thérèse Lebaillif, Delphine Segond, Hélène Weil-Rabaud, Isabelle Teruel, Françoise Peloux-Petiot, Karine Lopez, Sylvie Dunaud, Anne Decoppet, Lucette Pigaglio, Michelle Auzet-Caillaud, Laurianne Rosito, Monique Travanut, Muriel Andrieu-Semmel, Karine Hadji, Sébastien Lesterle, Anne-Marie McKenzie, Roselyne Mariani, Stéphanie Gaucher, Jeanne Batbedat, Pascal Fouassier, Florence Labbé, Julie Jan, Asma Saidouni-Oulebsir, Elsa Baffert, Anne Etchevers, Vincent Ronin, Isabelle Poujol, Sophie Raguet, Cécile Durand, Amandine Cochet, Christophe Garro, Elodie Terrien.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous les personnels des Agences régionales de santé, des laboratoires hospitaliers et privés ainsi que les médecins qui ont collaboré et participé activement à la surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en métropole.
Nous remercions également tous les acteurs de la lutte anti-vectorielle, qui ont été particulièrement sollicités et ont joué un rôle majeur dans la surveillance et les investigations entomologiques.
Nous tenons enfin à remercier Perrine de Crouy-Chanel pour la réalisation des cartes.

Références

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Citer cet article

Fournet N, Franke F, Chaud P, Raguenaud ME, Calba C, Septfons A, et al. Surveillance du chikungunya, de la dengue et des infections à virus Zika en France métropolitaine, 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(24):494-503. http://invs.sante​publiquefrance.fr/beh/2018/24/2018_24_1.html