Les enfants victimes de traumatismes crâniens infligés par secouement hospitalisés : analyse exploratoire des données du PMSI

// Children hospitalized following traumatic brain injury from shaking:
an exploratory analysis of PMSI data

Louis-Marie Paget1 (louis-marie.paget@santepubliquefrance.fr), Séverine Gilard-Pioc2, Catherine Quantin2,3, Jonathan Cottenet2, Nathalie Beltzer1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Service de biostatistiques et d’information médicale (DIM), CHRU Dijon, Université de Bourgogne, Dijon, France
3 Biostatistics, Biomathematics, Pharmacoepidemiology and Infectious Diseases (B2PHI), Inserm, UVSQ, Institut Pasteur, Université Paris-Saclay, Paris, France
Soumis le 19.04.2019 // Date of submission: 04.19.2019
Mots-clés : Traumatisme crânien infligé | Syndrome du bébé secoué | Épidémiologie
Keywords: Inflicted brain injury | Shaken baby syndrome | Epidemiology

Résumé

Introduction –

Le syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien infligé par secouement (TCIS) – traumatisme qui relève de la maltraitance infantile – est particulièrement grave en termes de mortalité et de morbidité. Des données récentes sur ces traumatismes ne sont pas disponibles en France. Les données hospitalières du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO) pourraient être une source de données pertinente pour étudier le TCIS, à condition toutefois que les enfants victimes de secouement puissent être repérés aisément à partir de cette source.

Méthode –

Les données hospitalières du PMSI-MCO ont été analysées sur la période 2015-2017 pour chercher à dénombrer et décrire les enfants âgés de 1 à 11 mois résidant en France (hors Mayotte). Un groupe de cas probables, enfants hospitalisés présentant des lésions très caractéristiques du TCIS, et un groupe de cas possibles, enfants présentant des lésions possiblement associées au TCIS, ont été distingués dans les analyses.

Résultats –

Sur la période 2015-2017, 1 215 enfants ont été sélectionnés, 512 cas probables et 703 cas possibles. Le taux d’incidence en utilisant la définition la plus restrictive, c’est à dire celle des cas probables, est de 22,1 [20,2-24,0] pour 100 000 naissances vivantes. Il est de 52,4 [49,5-55,4] pour 100 000 naissances vivantes si l’on utilise une définition plus large (cas probables et cas possibles). Les signes cliniques et les lésions retrouvées chez les cas probables et possibles diffèrent sensiblement.

Discussion-conclusion –

Cette analyse exploratoire montre que la détermination précise du nombre de cas de TCIS hospitalisés à partir des données du PMSI-MCO est complexe. La mise en place d’un code spécifique dans le PMSI-MCO pour le syndrome du bébé secoué, comme cela a été envisagé dans le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019, permettrait d’identifier plus précisément les cas de TCIS hospitalisés.

Abstract

Introduction –

The shaken baby syndrome (SBS) or abusive head trauma (AHT) is related to child maltreatment. It is particularly severe in terms of mortality and morbidity. Recent data on these traumas are not yet available in France. Hospital data from the Medical Information Systems in Medicine, Surgery, Obstetrics Program (PMSI-MCO) could be a relevant source of data for studying AHT provided that children affected by shaking can be easily identified from this source.

Method –

The PMSI-MCO hospital data were analyzed over the 2015-2017 period in an attempt to quantify and characterize children aged 1-11 months living in France (excluding Mayotte). A group of probable cases, hospitalized children with very characteristic lesions of SBS and a group of possible cases, children with possibly associated lesions with SBS, were identified in the analyses.

Results –

On the 2015-2017 period 1,215 children were selected, 512 probable cases and 703 possible cases. The incidence rate using the most restrictive definition of highly probable cases is 22.1 cases [20.2-24.0] per 100,000 live births and 52.4 cases [49.5-55.4] per 100,000 live births if a broader definition is used (probable + possible cases). The clinical signs and lesions found in probable and possible cases differ significantly.

Discussion-conclusion –

This exploratory analysis shows that the precise determination of the number of SBS cases from the PMSI-MCO database is complex. The implementation of a specific code in the French PMSI-MCO database for SBS, as envisioned in the Inter-Ministerial Plan for Mobilizing and Combating violence against children 2017-2019, could contribute to identify more accurately cases of SBS.

Introduction

Le syndrome du bébé secoué, ou traumatisme crânien infligé par secouement (TCIS), est un traumatisme qui survient suite au secouement violent d’un nourrisson par un adulte, associé ou non à un impact/choc. Ce type de traumatisme, qui relève de la maltraitance et constitue une infraction pénale, est difficile à diagnostiquer : les signes cliniques ne sont pas spécifiques, les circonstances de survenue sont rarement décrites, les victimes sont de très jeunes enfants qui ne parlent pas, les auteurs des secouements avouent rarement leurs gestes auprès des médecins et les secouements infligés sont perpétrés le plus souvent en l’absence de témoins neutres 1. Devant ces difficultés rencontrées par les professionnels de santé pour diagnostiquer le TCIS, la Haute Autorité de santé (HAS) a établi récemment des critères diagnostics précis. Ces critères sont fondés sur les lésions retrouvées chez les enfants et sur la description, par les parents ou les adultes ayant la charge de l’enfant, du contexte de survenue de ces lésions 1.

Les enfants victimes de TCIS sont majoritairement des garçons de moins d’un an et le plus souvent – dans deux tiers des cas environ – de moins de 6 mois 2. L’incidence du TCIS varierait entre 15 et 56/100 000 enfants de moins d’un an 3,4. Le TCIS représente la forme la plus grave du traumatisme crânien de l’enfant : 20% des enfants victimes de TCIS décèdent et 75% présentent des séquelles sur le long terme 1. Le très jeune âge des enfants, la répétition fréquente des secouements et, dans certains cas, le délai important avant de recourir aux soins expliquent en grande partie le mauvais pronostic du TCIS.

En France, une étude épidémiologique menée à partir des sources de données judiciaires a recensé et décrit tous les enfants décédés par TCIS dans trois régions sur la période 1996-2000. Le taux de mortalité par TCIS était estimé à 2,9 pour 100 000 naissances vivantes et le profil des victimes était cohérent avec la littérature : très jeunes enfants, prédominance masculine 5. En dehors de cette étude, qui portait spécifiquement sur les victimes de TCIS décédées, il n’existe pas en France, à notre connaissance, d’études épidémiologiques à l’échelle nationale portant sur des données récentes. Le TCIS, comme les autres formes de maltraitances, reste très peu documenté dans notre pays à ce jour 6. Face à ce constat, il apparaît nécessaire de produire, à partir de données récentes, des connaissances épidémiologiques sur le TCIS.

Idéalement, la quantification et la description précise des enfants victimes de TCIS nécessiterait de mettre en place une vaste étude prospective utilisant différentes sources de données (judiciaire, médico-administrative et médicale) afin d’identifier les cas qui ont recouru aux soins, mais également les autres cas, identifiés uniquement sur le plan judiciaire par exemple, ou encore, les enfants décédés en dehors de l’hôpital. Ce type d’étude est couteux et compliqué à mettre en œuvre et n’est pas adapté pour une surveillance en routine des cas de TCIS. Dans ce contexte, les données d’hospitalisations du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO), qui sont aisément accessibles (pour les organismes habilités), pérennes et exhaustives à l’échelle nationale, semblent pertinentes pour produire de façon régulière des indicateurs de fréquence sur le TCIS et pour disposer d’un premier socle de connaissance sur les caractéristiques des victimes de TCIS hospitalisées. Cependant, l’utilisation des données du PMSI-MCO pour identifier les victimes de TCIS n’est pas sans poser de difficultés dans la mesure où il n’existe pas, pour l’heure, de code spécifique pour le TCIS dans le PMSI-MCO. Néanmoins, l’utilisation des codes de lésions très souvent associées au TCIS devrait permettre de pouvoir repérer les cas de TCIS.

L’objectif de ce travail est ainsi de décrire, à travers une analyse exploratoire, les potentialités et les limites de différents algorithmes susceptibles de permettre le repérage des cas de TCIS dans le PMSI-MCO.

Méthode

Sources de données

Les données du PMSI-MCO ont été utilisées pour cette étude. Il s’agit d’une base de données nationale française, exhaustive, reposant sur le recueil systématique de données médico-administratives des séjours hospitaliers, en médecine, chirurgie et obstétrique dans les secteurs publics et privés. À chaque séjour correspond un résumé de sortie standardisé et anonymisé. Les séjours sont codés en diagnostic principal (DP), diagnostic relié (DR) et diagnostics associés (DA) selon la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10).

Les données du PMSI-MCO ont été analysées afin de chercher à quantifier et à caractériser les enfants victimes de traumatisme crânien infligé par secouement en France. En l’absence d’un code spécifique pour le TCIS dans le PMSI-MCO, nous nous sommes appuyés sur les critères diagnostics du TCIS établis par la HAS 1. Ainsi, nous avons sélectionné dans le PMSI-MCO les séjours avec des codes CIM-10 d’hémorragie sous-durale traumatique (S06.5), lésions qui, lorsqu’elles sont objectivées, permettent de poser un diagnostic probable ou certains de TCIS. Nous avons également recherché les codes renvoyant à des hémorragies sous-arachnoïdiennes traumatiques (S06.6) pour prendre en compte d’éventuelles imprécisions de codage.

L’ensemble des séjours d’enfants âgés de 1 à 11 mois (mois révolus) résidant en France (hors Mayotte), hospitalisés avec un code CIM-10 d’hémorragie sous-durale traumatique (S06.5) ou d’hémorragie sous-arachnoïdienne traumatiques (S06.6), en diagnostic principal, relié ou associé, ont été sélectionnés dans le PMSI-MCO sur la période 2015-2017.

Dans la mesure où les hématomes sous-duraux et les hémorragies sous-arachnoïdiennes peuvent être également retrouvés chez des enfants victimes d’accidents de la route, de traumatismes obstétricaux ou de troubles de la coagulation, nous avons exclu de l’analyse tous les enfants présentant des codes décrivant de tels troubles.

Nous avons ensuite distingué, parmi ces séjours, deux groupes. Le groupe de cas probables : les séjours avec des codes CIM-10 d’hémorragies rétiniennes (code H35.6) – lésions la plus spécifique du TCIS – ou d’autres codes évocateurs de maltraitance susceptibles d’être utilisés pour les séjours des enfants victimes de TCIS (tableau 1) ; le groupe de cas possibles : tous les autres cas (sans code de maltraitance ni de code d’hémorragies rétiniennes).

La liste des codes CIM-10 de maltraitance susceptible d’être utilisés pour coder les cas de TCIS dans le PMSI-MCO a d’abord été déterminée grâce à une revue de la littérature, puis parmi les codes proposés par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) dans les quelques discussions relatives au bébé secoué sur l’agora forum (forum de support des utilisateurs des applications de l’ATIH). Nous avons également recherché les codes CIM-10 proposés par les logiciels d’aide au codage PMSI-MCO lorsque l’on entrait les termes « bébé secoué » ou « syndrome du bébé secoué ». Nous avons ainsi identifié neuf codes supplémentaires susceptibles d’être utilisés pour coder les cas de traumatismes crâniens infligés par secouement dans le PMSI-MCO. Les codes utilisés pour sélectionner les cas probables et possibles de TCIS sont présentés dans le tableau 1.

Tableau 1 : Présentation des codes utilisés pour sélectionner les cas probables et possibles de traumatisme crânien infligé par secouement
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Analyses des données

Pour les enfants hospitalisés plusieurs fois sur la période d’étude, seul le premier séjour a été sélectionné. Utiliser le patient/l’enfant (plutôt que le séjour/l’hospitalisation) comme unité statistique dans nos analyses était nécessaire pour pouvoir quantifier le nombre d’enfants victimes de TCIS et pour calculer par la suite des taux d’incidence et de létalité. Travailler à l’échelle des patients était nécessaire également pour décrire précisément les caractéristiques des enfants victimes de TCIS.

Des taux d’incidence d’enfants âgés de 1 à 11 mois (mois révolus) résidant en France (hors Mayotte) hospitalisés au moins une fois possiblement pour TCIS ont été calculés à partir de la formule suivante : nombre d’enfants résidant en France hospitalisés pour TCIS / nombre de naissance vivantes domiciliées sur la période. Les estimations du nombre de naissances vivantes domiciliées en France (hors Mayotte), sur la période 2015-2017, produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont été utilisées. Les taux sont exprimés pour 100 000 naissances vivantes.

Des taux de létalité d’enfants âgés de 1 à 11 mois (mois révolus) résidant en France (hors Mayotte) hospitalisés au moins une fois possiblement pour TCIS ont également été calculés en utilisant la formule suivante : nombre d’enfants résidant en France décédés au cours de l’hospitalisation pour TCIS sur la période 2015-2017 / nombre d’enfants résidant en France et hospitalisés pour TCIS sur la période 2015-2017. Ces taux sont exprimés en pour cent (%).

Des analyses statistiques descriptives ont également été utilisées afin de décrire : le profil démographique (sexe, âge) des enfants, les codes CIM-10 les plus souvent utilisés chez les cas probables et chez les cas possibles, la fréquence de codage des codes CIM-10 de lésions plus spécifiques de la maltraitance que de traumatismes accidentels chez les très jeunes enfants : fractures de côte (S22.3, S22.4), fractures des os long (S52 : fracture de l’avant-bras, S72 : fracture du fémur, S82 : fracture de la jambe, y compris la cheville, T10 : fracture du membre supérieur, niveau non précisé, T12 : fracture d’un membre inférieur, niveau non précisé, S42.2 : fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus, S42.3 : fracture de la diaphyse de l’humérus, S42.4 : fracture de l’extrémité inférieure de l’humérus, S42.7 : fractures multiples de la clavicule, de l’omoplate et de l’humérus, S42.8 : fracture d’autres parties de l’épaule et du bras) 7,8.

Les résultats ont été exprimés : sous forme de médiane pour les variables quantitatives ; sous forme d’effectifs et de proportions pour les variables qualitatives. Les caractéristiques du groupe de cas probables et de cas possibles ont été comparées à l’aide de tests statistiques adéquats (test du Chi 2 ou test de Fisher pour les variables qualitatives et le test de Student ou de Wilcoxon pour les variables quantitatives). Conventionnellement, le seuil de significativité des tests a été fixé à 0,05. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Entreprise Guide® 7.4.

Résultats

Sur la période 2015-2017, 1 215 enfants de 1 à 11 mois (mois révolus) ont été sélectionnés, après exclusion de 38 enfants victimes d’un accident de la route, de 7 enfants présentant des troubles de la coagulation et de 5 enfants victimes de traumatismes obstétricaux. Parmi les 1 215 enfants sélectionnés, 512 (187 cas en 2015, 176 cas en 2016, 149 cas en 2017) étaient des cas probables de TCIS, 703 (259 cas en 2015, 210 en 2016 et 234 cas en 2017) des cas possibles. Le taux d’incidence d’enfants de 1 à 11 mois hospitalisés au moins une fois pour TCIS était donc de 22,1 [20,2-24,0] cas pour 100 000 naissances vivantes sur la période 2015-2017 en utilisant la définition la plus restrictive des cas probables et de 52,4 [49,5-55,4] cas pour 100 000 naissances vivantes avec la définition plus large (cas probables + cas possibles).

On retrouvait une prédominance masculine chez les cas probables comme chez les cas possibles, mais la proportion de garçons était significativement plus élevée chez les cas probables (66,0% versus 60,5%, p=0,047). L’âge médian (en mois révolus) était de 4 mois dans les deux groupes, l’âge moyen était moins élevé chez les cas probables que chez les cas possibles (4,2 mois versus 4,8 mois), la proportion d’enfants de moins de 6 mois significativement plus élevée chez les cas probables que chez les cas possibles (72% versus 63%, p=0,0009). Le profil des courbes des proportions de cas probables et possibles selon l’âge était assez différent. La majorité des cas probables avaient entre 2 et 6 mois (71%). Après 6 mois, le nombre de cas probables chutait fortement. Chez les cas possibles, on observait un pic chez les enfants de 1 mois (18,6% des cas) puis ensuite le nombre de cas diminuait avec l’âge (figure).

Figure : Répartition selon l’âge en mois révolus des cas probables et possibles de traumatisme crânien infligé par secouement hospitalisés, PMSI-MCO. France (hors Mayotte), 2015-2017
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La part des patients ayant eu plusieurs séjours (au moins 2) était plus élevée chez les cas probables que chez les cas possibles (33,8% versus 25,7%, p=0,002).

La durée médiane de séjour était beaucoup plus élevée chez les cas probables que chez les cas possibles (12 jours versus 2 jours).

Parmi les 1 215 enfants, 55 sont décédés au cours du séjour hospitalier, 32 parmi les cas probables et 23 parmi les cas possibles. Le taux de létalité était significativement plus élevé chez les cas probables que chez les cas possibles (6,3% versus 3,3%, p=0,0137).

Description des codes les plus souvent utilisés chez les cas probables et possibles

Codes permettant d’identifier les cas probables

Le code H35.6 d’hémorragie rétinienne était présent pour plus de la moitié des cas probables (52,5%), seul (6,4%) ou en association avec d’autres codes de maltraitance susceptibles d’évoquer des cas de TCIS (46,1%).

Les codes CIM-10 susceptibles d’évoquer des cas de maltraitance les plus souvent utilisés étaient, dans l’ordre : le T74.1 « Sévices physiques » (57,8% des cas), le Z61.6 « Difficultés liées à de possibles sévices physiques infligés à un enfant » (35,2%), le T74.9 « Syndrome dû à de mauvais traitements, sans précision » (10,2%) et le Y07.9 « Autres mauvais traitements par une personne non précisée » (5,9%).

Codes souvent retrouvés chez les cas probables

En dehors des codes qui ont permis d’identifier les cas probables (codes de maltraitance et code d’hémorragie rétinienne), d’autres codes étaient très fréquemment retrouvés chez les cas probables, en particulier, le code G93 « Autres affections du cerveau » (28,9% des cas), le code Z65 « Difficultés liées à d’autres situations psychosociales » (19,1%).

Parmi les codes G93 « Autres affections du cerveau », les codes G93.2 « Hypertension intracrânienne bénigne » (13,5%) et G93.5 « Compression du cerveau » (11,1 %) étaient les plus souvent utilisés.

Parmi les codes Z65, le code Z65.3 « Difficultés liées à d’autres situations juridiques » était le plus souvent utilisé (16,8%).

Ces codes fréquemment utilisés chez les cas probables sont significativement plus fréquents chez les cas probables que chez les cas possibles (tableau 2).

Tableau 2 : Fréquence d’utilisation, chez les cas probables et chez les cas possibles de traumatisme crânien infligé par secouement hospitalisés, des codes CIM-10 les plus souvent retrouvés chez les cas probables, PMSI-MCO. France (hors Mayotte), 2015-2017
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Fréquence d’utilisation des codes CIM-10 de lésions évocatrices de maltraitance

Globalement, il ressortait que les codes de lésions évocatrices de maltraitance étaient peu utilisés. Cependant, ils étaient significativement plus souvent utilisés chez les cas probables que chez les cas possibles de TCIS.

L’analyse détaillée montre que parmi les codes de fracture des os longs, c’était le code S72 : « Fracture du fémur » qui était le plus souvent codé chez les cas probables comme chez les cas possibles (tableau 3).

Tableau 3 : Comparaison de la fréquence d’utilisation des codes de fractures des côtes et de fractures des os longs chez les cas probables et possibles de traumatisme crânien infligé par secouement hospitalisés, PMSI-MCO. France (hors Mayotte), 2015-2017
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Codes souvent retrouvés chez les cas possibles

Chez les cas possibles, les codes les plus fréquemment utilisés étaient les codes S02 « Fracture du crâne et des os de la face » (41,7%) et les codes de chutes (29,7% des cas). D’autres codes étaient plus rarement présents comme les G93 « Autres affections du cerveau » (8,2%) et les codes S00 « Lésion traumatique superficielle de la tête » (5,8%).

Parmi les codes S02 « Fracture du crâne et des os de la face », le S02.0 « Fracture de la voûte du crâne » et le S02.1 « Fracture de la base du crâne » étaient les codes les plus souvent utilisés.

Parmi les codes de chutes, le W04 : « Chute en étant porté par un tiers » (9,3%), le W08 : « Chute d’un autre meuble (hors chute d’une chaise ou d’un lit) » (5,0%) et le W17 : « Autre chute d’un niveau à un autre » (4,6%) étaient les plus souvent codés chez les cas possibles.

Parmi les codes des lésions superficielles de la tête S00, le code S00.8 : « Lésions traumatiques superficielles d’autres parties de la tête (hors cuir chevelu, paupière, région péri-oculaire, nez, oreille, lèvre) » (3,7%) était le plus souvent utilisé.

Les codes de « fracture » et les codes de « chutes » étaient significativement plus souvent utilisés chez les cas possibles que chez les cas probables. En revanche, il n’y avait pas de différence significative dans la fréquence de l’utilisation du code S00 chez les cas probables et chez les cas possibles (tableau 4).

Tableau 4 : Fréquence d’utilisation, chez les cas probables et chez les cas possibles de traumatisme crânien infligé par secouement hospitalisés, des codes CIM-10 les plus souvent retrouvés chez les cas possibles, PMSI-MCO. France (hors Mayotte), 2015-2017
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Discussion-conclusion

Cette étude a été réalisée à partir des données hospitalières exhaustives du PMSI-MCO à l’échelle nationale, sur une période récente, de 2015 à 2017.

Parmi les enfants âgés de 1 à 11 mois révolus, sélectionnés sur cette période, on dénombrait 512 cas probables de TCIS et 703 cas possibles. Le taux d’incidence des cas probables était de 22,1 [20,2-24,0] cas pour 100 000 naissances vivantes et de 52,4 [49,5-55,4] cas pour 100 000 naissances vivantes si l’on utilisait une définition plus large (cas « probables » + cas « possibles »).

Ainsi, la définition utilisée a toute son importance. L’incidence faisait plus que doubler lorsque l’on ajoutait aux cas probables, les cas possibles. Il n’y a pas à notre connaissance de données d’incidence à l’échelle nationale publiée en France. Mais plusieurs études réalisées dans des pays de niveau de développement comparables à la France ont cherché à évaluer l’incidence des TCIS. Les taux d’incidence varient selon les définitions de cas, les sources de données utilisées et le type d’études (prospectives versus rétrospectives). Globalement, l’incidence était comprise entre 15 et 56 pour 100 000 chez les enfants de moins d’un an 3,4. Les taux d’incidence les plus élevés sont retrouvés dans les études ayant recherché les cas en utilisant différentes sources de données. Dans les études comparables à la nôtre – utilisant les bases de données hospitalières – l’incidence varie plutôt entre 15 et 30 pour 100 000 chez les enfants de moins d’un an 3. Ainsi, le taux d’incidence de cas probables retrouvé dans notre étude est proche de ceux retrouvés dans les études basées sur les données hospitalières alors que le taux d’incidence retrouvé avec notre définition large (cas probable + cas possible) est sensiblement plus élevé.

Nos cas probables présentent des caractéristiques proches de celles retrouvées chez les victimes de TCIS dans la littérature. Ainsi, nous retrouvons une prédominance masculine et un pic d’incidence entre 2 et 4 mois 2. Cette incidence plus élevée chez les 2-4 mois pourrait être associée aux pleurs plus fréquents dans les 3-4 premiers mois de la vie de l’enfant 9. Ces pleurs, en raison du stress, de la colère, de la fatigue qu’ils peuvent occasionner chez l’adulte, sont souvent cités comme étant un des éléments déclencheurs à l’origine des secouements.

Il est intéressant de constater que les signes cliniques les plus souvent retrouvés chez les enfants victimes de TCIS tels que l’altération de la conscience et les convulsions/épilepsie étaient fréquents également chez nos cas « probables » de TCIS 2. Par ailleurs, il apparaît que le code Z65.3 « Difficultés liées à d’autres situations juridiques » fait partie des codes les plus fréquemment utilisés chez les cas probables. Ce code était certainement utilisé pour indiquer que ces enfants victimes ont fait l’objet d’un signalement judiciaire. Un tel signalement est réalisé auprès du procureur par l’équipe médicale, lorsqu’il y a une forte suspicion de mécanisme de traumatisme intentionnel.

Les cas « possibles » présentaient des caractéristiques assez différentes de celles retrouvées chez les cas « probables ». D’abord, les signes cliniques souvent retrouvés chez les enfants victimes de TCIS étaient peu fréquents chez les cas possibles. De plus, les lésions évocatrices de maltraitance (fracture des os longs, fractures des côtes), plus souvent associées au TCIS qu’aux traumatismes crâniens (TCA), étaient significativement moins fréquentes chez les cas possibles que chez les cas probables. Cependant, il n’est pas possible d’exclure que ces signes cliniques ou ces lésions étaient présents mais n’ont pas été diagnostiqués, ou ont été diagnostiqués mais n’ont pas été codés.

Les codes de « chutes » fréquemment retrouvés chez les cas « possibles » ne permettent pas de conclure que les cas possibles sont majoritairement des TCA. En effet, la chute accidentelle du nourrisson est l’une des premières causes évoquées par l’entourage pour tenter de justifier les lésions observées chez un enfant qui a été secoué 10. La proportion élevée de fracture du crâne chez les cas possibles (et significativement plus élevée que chez les cas probables) pose question. Dans notre étude, cette proportion est sensiblement plus élevée que les proportions retrouvées dans les études ayant décrit les lésions retrouvées chez les victimes de TCIS 11,12. Toutefois, il faut rester prudent dans l’interprétation de ce résultat dans la mesure où il n’y a pas de consensus dans la littérature sur le fait que les fractures du crâne seraient plus spécifiques de traumatismes accidentels que de traumatismes par maltraitance 13.

La comparaison des indicateurs de gravité (taux de létalité et durée médiane de séjour) chez les cas possibles et probables est peut-être l’un des éléments les plus tangibles pour se questionner sur la composition du groupe de cas « possibles ». En effet, la comparaison des durées médianes chez les cas possibles et chez les cas probables semble indiquer que les cas possibles présentent des atteintes moins lourdes que les cas probables : la durée médiane de séjour était six fois plus faible chez les cas possibles que chez les cas probables (2 jours versus 12 jours) ; les taux de létalité étaient presque deux fois plus faibles chez les cas possibles que chez les cas probables (3,3% versus 6,3%). Ces écarts interrogent dans la mesure où la littérature indique que les TCIS présentent des atteintes plus lourdes que les enfants victimes de TCA 14. Les études qui ont comparé des enfants victimes de TCIS et de TCA retrouvaient des taux de létalité significativement plus élevés chez les victimes de TCIS que chez les victimes de TCA. La gravité des lésions induites par le mécanisme de secouement et le retard aux soins en cas de TCIS expliqueraient ces taux de létalité plus élevés chez les TCIS que chez les TCA. Dans la continuité de ces analyses, il serait intéressant de réaliser une étude de validation avec retour au dossier des patients pour mesurer précisément les qualités métrologiques de nos algorithmes de sélection des cas de TCIS.

Cette étude exploratoire présente plusieurs limites. Certaines sont d’abord inhérentes à l’utilisation des données du PMSI-MCO et à la précision des informations recueillies. Il est possible que des codes inappropriés aient été utilisés pour coder les hématomes sous-duraux et les hémorragies sous-arachnoïdiennes, faussant la sélection de nos cas possibles ou probables. Ensuite, le PMSI-MCO est une base de données médico-administrative et les données recueillies ont un impact direct sur le financement des établissements. Ainsi, on ne peut pas exclure que les codes de maltraitance n’aient pas été systématiquement utilisés en raison de leur faible impact en termes de valorisation des séjours. Par ailleurs, l’absence d’un code spécifique pour le TCIS ou de recommandations de codage sont d’autres éléments qui ont pu conduire à une absence d’utilisation des codes de maltraitance alors que le diagnostic de TCIS avait bien été posé. Il est possible également que les codes de maltraitance n’aient pas été utilisés parce que le diagnostic de TCIS n’avait pas été posé par le médecin. Plusieurs études ont en effet souligné les difficultés rencontrées par les médecins pour diagnostiquer le TCIS et la maltraitance en général 15,16.

Il ressort de cette étude que la quantification précise des cas de TCIS hospitalisés à partir des données du PMSI-MCO est complexe. La mise en place d’un code spécifique dans le PMSI-MCO pour le TCIS, comme cela a été envisagé dans le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019 6, favoriserait le codage des cas de TCIS et permettrait de dénombrer, de façon fiable, les cas de TCIS diagnostiqués comme tel et hospitalisés.

Ainsi, dans la continuité des recommandations de la HAS 1, qui ont précisé un certain nombre d’éléments relatifs au diagnostic du TCIS, les efforts pour améliorer le diagnostic des cas de TCIS doivent être poursuivis. Par ailleurs, la mise en place d’un code spécifique pour le TCIS devra être accompagnée de recommandations afin que les diagnostics de TCIS soient mentionnés explicitement dans les dossiers des patients pour permettre un codage systématique de ces cas.

Remerciements

Nous remercions l’Observatoire national de la protection de l’enfance pour son soutien dans la construction des algorithmes de repérage.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Paget LM, Gilard-Pioc S, Quantin C, Cottenet J, Beltzer N. Les enfants victimes de traumatismes crâniens infligés par secouement hospitalisés : analyse exploratoire des données du PMSI. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(26-27):533-40. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/26-27/2019_26-27_4.html