Un enfant maltraité est un enfant dont on bafoue les droits,
la santé et le développement
// An abused child is a child whose rights, health and development are violated
Symptôme d’échecs de prévention, de protection et d’éducation, la maltraitance infantile doit être au centre de nos préoccupations. Les formes de mauvais traitements peuvent différer : physiques ou affectives, sexuelles, négligences ou exploitation commerciale, mais dans tous les cas, les préjudices pour le développement de l’enfant, sa dignité, sa santé, voire sa survie, sont considérables.
Chaque année (1), environ 50 000 plaintes pour violences physiques sur enfant sont déposées et 20 000 pour agressions sexuelles (2). Chaque jour, 90 appels sont traités par le plateau d’écoute du 119, le numéro de l’enfance en danger, et 40 informations préoccupantes sont signalées. L’Observatoire national de la protection de l’enfance a estimé à 67 le nombre d’enfants décédés de mort violente au sein de la famille en 2017 (3). Cette liste, loin d’être exhaustive, ne saisit pas toute l’ampleur de la maltraitance infantile, car ces violences ont des répercussions traumatiques, physiques et psychologiques à court, moyen et long termes. Ce numéro thématique du Bulletin épidémiologique hebdomadaire s’attache ainsi à faire connaître cette problématique complexe et encore trop peu investie par la santé publique.
Des études présentent de manière précise les effets des violences subies dans l’enfance. Ces dernières affectent gravement la santé et peuvent, entre autres, générer des perturbations du développement cérébral, affaiblir sensiblement les capacités d’apprentissage, fragiliser la gestion du stress et des émotions. Le dossier proposé dans ce numéro présente un état des connaissances sur la maltraitance en abordant, d’une part la complexité à la mettre en définition et en nous invitant à adopter des approches pluridisciplinaires, et d’autre part en dressant un panorama des conséquences de la maltraitance infantile sur la santé. En France, il n’existe pas de données exhaustives et nationales qui permettent une surveillance épidémiologique. Ce numéro participe à la documentation de ce champ, à partir des sources de données mobilisables en santé publique (données médico-administratives du Programme de médicalisation des systèmes d'information, Baromètre de Santé publique France). Si les résultats présentés dans ce numéro permettent d’apporter des éléments de quantification et de mesure des impacts négatifs sur la santé des victimes, ils soulignent également les limites de la mesure de ce phénomène à partir de sources non spécifiques.
Ces données, pour le moins, nous interpellent et nous obligent à agir : plusieurs mesures récentes ont été prises pour lutter contre ces violences faites aux enfants, et d’autres sont en préparation. Elles visent à la fois à prévenir l’apparition de ces violences, en soutenant les parents, à protéger les enfants qui en sont victimes et à les accompagner dès lors qu’elles surviendraient.
La loi interdisant les « violences éducatives ordinaires » a été définitivement adoptée le 2 juillet dernier. Il est désormais inscrit dans le Code civil que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Non anecdotique – en effet plusieurs études ont souligné le rôle que pouvaient jouer les mesures législatives interdisant les châtiments corporels dans la diminution de leurs usages et l’augmentation de méthodes disciplinaires non-violentes (4)- elle marque un tournant dans le droit français car elle reconnaît l’impact uniquement nocif des « violences éducatives ordinaires » : qu’importe son degré, la violence ne peut servir de base à une bonne éducation.
Par ailleurs, prévenir la maltraitance suppose la mise en place de conditions favorables à des relations parents-enfants adaptées. Cela nécessite que les parents et les futurs parents puissent trouver des réponses à leurs besoins en particulier dès la grossesse et pendant les premières années de vie de l’enfant. Cette période, dont on connaît aujourd’hui l’importance pour le développement de l’enfant et son devenir en tant qu’adulte (5), peut être, à juste titre, source d’appréhension et de difficultés pour les parents. C’est l’objectif du « parcours 1 000 jours » : apporter un soutien renforcé aux parents dès le 4e mois de grossesse et jusqu’aux deux ans de l’enfant, en coordonnant les multiples services en un socle cohérent.
Même si l’on estime que la grande majorité des violences faites aux enfants ont lieu dans le cadre intrafamilial, et ce numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire explore en particulier cette dimension, il est également fondamental de lutter contre les violences qui s’exercent dans tous leurs lieux de vie : scolaire, sportif, numérique, associatif, en mobilisant l’ensemble des ministères, notamment de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Justice, du Numérique, des Sports et de l’Intérieur.
Enfin, favoriser une meilleure communication et coordination entre l’ensemble des professionnels au contact des enfants et de leurs parents est crucial pour créer un environnement favorable au dépistage, à l’écoute et à la prise en charge des enfants victimes de violence. En effet, on estime que très peu de viols font l’objet de plaintes et des enquêtes révèlent que la moitié des personnes interrogées ayant subi des violences pendant l’enfance n’en avait jamais parlé. Si nous voulons que ces violences cessent, nous devons créer les conditions pour que les enfants puissent s’exprimer et être écoutés.
Tant que des enfants continueront à être victimes de maltraitance, nous continuerons à être coupables de négligence. Il est de notre devoir de nous mobiliser tous ensemble pour que plus aucun enfant n’ait à subir de violence, quelle qu’elle soit.
Citer cet article
fr/system/files/publication/ragp_2017_
web_complet.pdf et 2016 : https://www.onpe.gouv.fr/system/files/
publication/ragp_2016_-_version_
finale_2_leger.pdf
publication/note_chiffres_cles_annee_
2017.pdf