Pratiques de prévention et connaissance de la borréliose de Lyme : Baromètre santé 2016
// Preventive behaviours and Lyme borreliosis knowledge in France: 2016 Health Barometer
Résumé
La borréliose de Lyme (BL) est la maladie infectieuse transmise par les tiques la plus fréquente en France. Il n’existe actuellement pas de vaccin contre la BL, les mesures de prévention visant à prévenir la transmission des Borrelia par piqûre de tiques sont donc essentielles.
En 2016, un module spécifique sur les pratiques de prévention et la connaissance de la BL, désignée par le terme maladie de Lyme dans l’enquête, a été intégré au Baromètre santé. Le Baromètre est une enquête aléatoire réalisée par téléphone entre janvier et août 2016 auprès de 15 216 personnes âgées de 15 à 75 ans résidant en France métropolitaine.
En 2016, un quart de la population métropolitaine a déclaré avoir déjà été piqué par une tique au cours de sa vie. Parallèlement, 22% de la population se sentaient exposés aux piqûres de tiques. Seuls 28% de la population déclaraient se sentir bien informés sur la maladie de Lyme et 35% n’en avaient jamais entendu parler. Les personnes ayant déjà été piquées, celles se sentant exposées et les personnes vivant dans des régions de haute incidence déclaraient davantage être bien informées sur la maladie. Parmi les personnes se sentant exposées, les moyens de protection utilisés étaient préférentiellement le port de vêtements longs (66%) et la recherche de tiques après une exposition (48%) plutôt que les répulsifs (16%).
Cette étude a permis de mettre en évidence qu’une proportion non négligeable de la population a déjà été piquée et se sent exposée, avec néanmoins un niveau d’information sur la BL très hétérogène sur le territoire. Cette première étude pourrait contribuer à l’adaptation des messages et à la prise en compte des caractéristiques des populations à cibler lors de futures campagnes de prévention.
Abstract
Lyme borreliosis (LB) is the most frequent tick-borne infectious disease in France. There is no vaccine against LB, measures to prevent transmission of Borrelia by tick bites are therefore essential. In 2016, specific questions about preventive behaviours and LB knowledge, referred as Lyme disease in the study, were included in the Health Barometer. The Health Barometer is a random phone survey conducted between January and August 2016, involving 15,216 people aged 15-75 years old living in mainland France.
In 2016, a quarter of the population reported having been bitten by a tick in their lifetime. Meanwhile, 22% of the population felt exposed to tick bites. Only 28% of the population reported feeling well informed about LB, and 35% had never heard about it. Persons who had been bitten, those who felt exposed, and those living in high incidence areas reported being more frequently well informed about the disease. Among persons who felt exposed, the percentage of respondents were higher among those wearing protective clothing (66%) and those regularly checking for tick bites (48%) than those using insect repellents (16%).
This study highlighted that a significant proportion of the population had already been bitten and felt exposed, with heterogeneous levels of information in the country. This first study should help adapt key preventive messages taking into account the characteristics of the population during future prevention campaigns.
Introduction
La borréliose de Lyme (BL), communément appelée maladie de Lyme, est causée par des spirochètes du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato, transmis par des tiques dures du genre Ixodes 1. La manifestation clinique la plus fréquente est l’érythème migrant, qui peut disparaître même sans traitement antibiotique. Cependant, les Borrelia peuvent se propager à d’autres tissus et organes, provoquant des manifestations plus graves pouvant toucher la peau, le système nerveux, les articulations ou le système circulatoire 1. La BL est la maladie infectieuse transmise par les tiques la plus fréquente en France. Après une longue période de stabilité, l’incidence annuelle des cas de BL vus en consultation de médecine générale en France, estimée par le réseau Sentinelles, a présenté en 2016 une augmentation significative 2.
À la différence de l’encéphalite à tiques, autre maladie transmise par les tiques, il n’existe actuellement pas de vaccin contre la BL. Les mesures de prévention visant à prévenir la transmission des Borrelia par piqûre de tiques sont donc essentielles. Elles reposent notamment sur la protection individuelle avec le port de vêtements longs, l’examen minutieux du corps après une exposition au risque de piqûre et le retrait de la tique en cas de piqûre. Les activités exposant aux piqûres de tiques ont lieu dans des zones favorables à leur présence (zones boisées, prairies, parcs, jardins privés, etc.) pendant leur période d’activité, d’avril à novembre.
En septembre 2016, le ministère de la Santé a lancé un « Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques », incluant des actions de sensibilisation et d’information du grand public ainsi que de formation des professionnels de santé.
En France, peu de données sont disponibles en population générale sur les perceptions et pratiques de prévention des maladies transmises par les tiques et particulièrement la BL. En 2016, un module spécifique sur cette thématique a été intégré au questionnaire du Baromètre santé.
Cet article décrit les attitudes, pratiques de prévention et perception de l’exposition aux piqûres de tiques, ainsi que les connaissances sur la maladie de Lyme selon différentes variables sociodémographiques et les niveaux d’incidence de la région de résidence.
Méthode
Recueil des données
Le Baromètre santé 2016 est une enquête téléphonique menée auprès d’un échantillon probabiliste de personnes âgées de 15 à
75 ans résidant en France métropolitaine. Les numéros de téléphone, fixes comme mobiles, ont été générés aléatoirement ; une
personne était sélectionnée au hasard (par la méthode Kish) parmi l’ensemble des personnes éligibles du ménage pour les appels
sur fixe ou parmi les utilisateurs réguliers du téléphone pour les appels sur mobiles (http://inpes.santepubliquefrance.fr/
Barometres/barometre-sante-2016/index.asp). Le terrain du Baromètre santé 2016, confié à l’institut de sondage Ipsos, s’est déroulé par téléphone du 8 janvier au 1er août 2016 auprès de 15 216 personnes. Le taux de participation était de 52% pour l’échantillon des téléphones fixes et de 48%
pour les mobiles.
Variables étudiées
Les pratiques de prévention et la connaissance de la BL ont été abordées auprès de l’ensemble des répondants à l’enquête (soit 15 216 personnes). Les questions portaient sur : 1/ le fait d’avoir déjà été piqué et si, en cas de piqûre, les personnes avaient consulté, 2/ la perception d’être exposé aux piqûres de tiques, 3/ l’utilisation de moyens de protection contre les piqûres de tiques, 4/ la perception de l’information, de la gravité et les connaissances sur la maladie de Lyme 3. Le terme maladie de Lyme a été repris dans la présentation des résultats tel que formulé dans les questions de ce Baromètre.
Dans le cadre de l’analyse multivariée, la perception de l’information sur de la BL a été recodée en variable dichotomique prenant en compte les réponses aux questions « Avez-vous déjà entendu parler de la maladie de Lyme ? » et « Considérez-vous être bien informé sur la maladie de Lyme ? ». Les personnes n’ayant jamais entendu parler de la maladie de Lyme ont été considérées comme n’étant pas bien informées.
Les données du Baromètre ont été analysées en prenant en compte les taux d’incidence régionale de la BL. Trois classes d’incidence régionale ont été définies en fonction des estimations du réseau Sentinelles sur la période 2011-2015 4. Les régions de haute incidence (>100 cas pour 100 000 habitants) étaient le Limousin, l’Alsace, Rhône-Alpes et la Franche Comté. Les régions d’incidence moyenne (50-100 cas pour 100 000 habitants) étaient Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées, Auvergne et Poitou-Charentes. Les autres régions étaient considérées d’incidence faible (<50 cas pour 100 000 habitants).
Analyse des données
Les données de l’enquête ont été pondérées pour tenir compte de la probabilité d’inclusion et redressées sur les données de l’Enquête emploi 2014 de l’Insee par calage sur les marges des variables sexe, âge, région de résidence, taille d’agglomération, niveau de diplôme et le fait de vivre seul.
Outre la variable relative à l’incidence régionale de la BL, les questions ont été analysées selon différentes caractéristiques sociodémographiques disponibles dans le Baromètre santé 2016. Ces caractéristiques étaient le sexe, l’âge, le diplôme, le revenu par unité de consommation, la catégorie socioprofessionnelle et la taille de l’agglomération de résidence.
Les analyses bivariées ont été testées au moyen du test de Chi2 de Pearson et complétées par des analyses multivariées utilisant un modèle de régression logistique afin d’estimer des odds ratios ajustés (ORa) intégrant l’ensemble des variables sociodémographiques précitées.
Résultats
Perception de l’exposition et comportement vis-à-vis des piqûres de tiques
Notion de piqûre de tique
En 2016, 25,4% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [24,6-26,2]) de la population des 15-75 ans interrogée déclaraient avoir été piqués par une tique au cours de leur vie, dont 4,1% [3,7-4,4] au cours des 12 derniers mois (tableau 1) ; 27% des hommes et 24% des femmes déclaraient avoir été piqués par des tiques au cours de leur vie (p<0,001). Les personnes exerçant une profession agricole (46,5%), vivant en zone rurale (32,9%), ayant un niveau d’étude supérieur au baccalauréat (30,8%) ou ayant un revenu élevé (28,7%) déclaraient plus souvent avoir déjà été piquées par une tique. La proportion de personnes déclarant avoir déjà été piquées était plus importante lorsqu’elles résidaient dans une région de haute et moyenne incidence comparée à celles résidant dans les régions de basse incidence (33,6% vs 22,3%, p<0,001, tableau 1). Parmi les personnes ayant répondu avoir été piquées par une tique dans les 12 derniers mois, 20,0% [16,2-23,8] ont consulté un professionnel de santé la dernière fois qu’elles ont été piquées (tableau 1).
Exposition aux piqûres de tiques
Sur l’ensemble de la population interrogée, 46,7% [45,7-47,7] ne se sentaient pas du tout exposés aux piqûres de tiques dans le cadre de leur mode de vie habituel, 30,4% [29,5-31,3] plutôt pas exposés, 18,3% [17,6-19,0] plutôt exposés et seulement 4,0% [3,6-4,3] se sentaient très exposés (tableau 1).
Les personnes vivant en milieu rural se déclaraient davantage très exposées (7,8% ; p<0,001) et plutôt exposées (31,6%; p<0,001). De même, les personnes exerçant une profession agricole se déclaraient davantage très exposées (17%, p<0,001) comparées aux autres catégories socioprofessionnelles.
La proportion de personnes se disant très exposées était plus importante dans les régions de forte incidence : 6,5% des personnes résidant dans une région de forte incidence vs 5,9% dans les régions de moyenne incidence et 3,1% dans les régions de faible incidence (p<0,001) (tableau 1).
Utilisation de moyens de protection
Parmi les personnes se sentant exposées aux piqûres de tiques, 65,6% [63,7-67,4] ont déclaré porter des vêtements longs qui recouvrent les jambes pour se protéger des tiques, 47,6% [45,6-49,5] chercher les tiques sur tout le corps après être allé en forêt et 16,0% [14,5-17,5] utiliser des produits répulsifs sur la peau et les vêtements (figure et tableau 1).
Ces pratiques étaient plus fréquentes chez les personnes ayant déjà été piquées et se sentant exposées, avec 71,1% [68,5-73,7] déclarant porter des vêtements longs qui recouvrent les jambes (p<0,001) et 68,4% [65,7-71,1] indiquant rechercher les tiques après être allé en forêt (p<0,001). Seules 18% [15,9-20,2] déclaraient utiliser des répulsifs pour se protéger contre les piqûres de tiques (p<0,05). Les hommes déclaraient plus souvent que les femmes utiliser des vêtements longs pour se protéger des piqûres de tiques (55,9% vs 48,3%, p<0,001). En revanche, les femmes déclaraient plus fréquemment utiliser des répulsifs (6,9% vs 4,3%, p<0,001) ou chercher les tiques (39,3% vs 33,0%, p<0,001).
On observe également que les jeunes déclaraient davantage rechercher des tiques après être allés en forêt, avec 55,7% pour les 25-34 ans vs 41,4% des 65-75 ans (p<0,001).
La recherche de tiques après une exposition apparait être la seule pratique de prévention significativement plus utilisée dans les régions de haute incidence (tableau 1).
Connaissances sur la maladie de Lyme
Perception de l’information
Plus d’un tiers (35,6% [34,6-36,7]) de la population interrogée a déclaré n’avoir jamais entendu parler de la maladie de Lyme et 35,8% [34,9-36,7] ne pas se sentir informés sur la maladie de Lyme. Moins d’un tiers (28,4% [27,6-29,3]) déclaraient se sentir informés sur la maladie de Lyme (tableau 1).
Les femmes, les personnes les plus âgées (65-75 ans), les personnes résidant en milieu rural et celles résidant dans les régions d’incidence élevée déclaraient davantage se sentir informées sur la maladie de Lyme (tableau 2). La perception d’être bien informé était par ailleurs socialement différenciée : elle était plus importante parmi les personnes ayant les diplômes et les revenus les plus élevés et celles exerçant une profession intermédiaire ou cadre. Les personnes ayant déjà été piquées se sentaient mieux informées que les personnes n’ayant jamais été piquées, que la piqûre date de moins de 12 mois (ORa=2,9) ou de plus de 12 mois (ORa=1,8). Les personnes se sentant exposées se déclaraient mieux informées que les personnes se sentant non exposées. Dans les régions d’incidence élevée, les personnes déclaraient davantage se sentir informées (ORa=1,7).
Parmi les personnes déclarant être bien informées et exposées aux piqûres de tiques, les proportions de personnes déclarant utiliser des vêtements longs (70%) ou rechercher des tiques (58%) étaient significativement plus importantes comparées aux personnes se déclarant mal ou pas informées (p<0,001).
Connaissance des symptômes
Parmi les personnes ayant déjà entendu parler de la maladie de Lyme, 65,6% [64,5-66,7] déclaraient que le premier symptôme est une plaque rougeâtre sur la peau (tableau 1). La connaissance de ce premier symptôme était significativement meilleure chez les femmes (67,2% vs 63,7% pour les hommes, p<0,05), les personnes ayant un niveau d’étude supérieur au baccalauréat (67,7%), aux niveaux de revenu les plus élevés (66,9%), habitant en milieu rural (68,5%), exerçant une profession agricole (70,0%), ayant déjà été piquées (72,8%) et vivant dans une région de haute incidence (72,5%).
Perception de la gravité de la maladie
La quasi-totalité (95,4%) des personnes ayant déjà entendu parler de la maladie de Lyme déclarait que c’est une maladie grave, « très grave » pour 47,4% [46,2-48,5] et « assez grave » pour 48,0% [46,9-49,2]. Penser que la maladie est grave n’influençait pas le fait d’avoir consulté suite à une piqûre de tique ou sur l’utilisation de moyens de protection.
Parmi les personnes disant être bien informées, la proportion de celles déclarant que la maladie de Lyme est une maladie grave atteignait 98%.
Discussion
Cette première étude montre qu’en 2016, un quart de la population métropolitaine déclarait avoir déjà été piqué par une tique au cours de sa vie. Parallèlement, 22% de la population se sentaient exposés aux piqûres de tiques dans leur mode de vie habituel. Même si ces proportions étaient plus élevées en région de haute incidence (34% ayant déjà été piqués par une tique au cours de sa vie et 29% se sentant exposés), les personnes ayant déjà été piquées ou se sentant exposées aux piqûres étaient réparties sur l’ensemble du territoire. En effet, le vecteur, la tique Ixodes ricinus, est présent dans la majeure partie de la France métropolitaine, sauf au-dessus de 1 200-1 500 mètres et dans les zones sèches de Méditerranée 5. Bien qu’il existe des zones pouvant être considérées comme plus à risque (présence de tiques infectées, d’hôtes réservoirs compétents) avec des caractéristiques climatiques et géographiques favorables (humidité élevée, zones de pluies modérés à fortes, végétation adéquate de type prairies, jardins et parcs forestiers ou urbains) 6,7, il est important que l’information ne se limite pas aux zones de forte incidence de BL et aux zones forestières. En effet, lors de deux études d’incidence menées en Franche Comté et en Alsace 8,9, il a été montré que les lieux d’exposition ou habituellement fréquentés dans le mois précédant l’érythème migrant étaient, dans respectivement 17 et 47% des cas, des jardins publics ou privés.
En 2016, seulement 28% de la population déclaraient se sentir bien informés sur la maladie de Lyme et 35% n’en avaient jamais entendu parler. Les personnes ayant déjà été piquées, celles se sentant exposées et les personnes vivant dans des régions de haute incidence déclaraient être mieux informées sur la maladie. Ces premiers résultats montrent une hétérogénéité de l’information sur le territoire. On observe néanmoins que 66% des personnes déclaraient, avec raison, que le premier symptôme est une plaque rougeâtre sur la peau (érythème migrant). De plus, se sentir bien informé était significativement associé à l’utilisation des moyens de protection recommandés (vêtements longs et recherche de tique sur la peau après exposition). Ces résultats concordent avec ceux d’autres études rapportant qu’avoir vu des tiques, être soucieux d’être piqué, avoir entendu parler de la BL et connaitre quelqu’un qui avait une BL étaient les facteurs les plus prédictifs d’un comportement de prévention contre les piqûres de tiques 10,11.
Parmi les personnes se sentant exposées, les moyens de protection utilisés étaient préférentiellement le port de vêtements longs (dans les deux tiers des cas) et la recherche de tiques après une exposition (dans la moitié des cas) plutôt que les répulsifs, rarement utilisés.
On note une relative bonne adhésion aux recommandations sur l’utilisation de vêtements longs, que ce soit en population générale ou dans les régions de forte incidence. En revanche, seulement la moitié des personnes se sentant exposées ont déclaré rechercher des tiques après être allées en forêt. Sachant que le retrait d’une tique dans les 36 heures réduit le risque d’infection à B. burgdorferi 12, il serait important que cette mesure soit mieux comprise et appliquée. Une étude néerlandaise 10 a montré que la principale barrière à la recherche des tiques après exposition était la faible perception du risque et le fait de ne pas savoir reconnaitre une tique. Il a également été montré que seules 50% des personnes recherchant des tiques après exposition le faisaient sur le corps entier 13. Or, il est recommandé que tout le corps soit minutieusement inspecté, avec une attention particulière pour les zones à peau fine et peu visibles telles les plis cutanés derrière les genoux, les aisselles, les zones génitales, le nombril et, en particulier chez le jeune enfant, le cuir chevelu, le cou et l’arrière des oreilles.
En 2016, l’utilisation des répulsifs était la mesure la moins employée pour se protéger des piqûres de tiques. Plusieurs études suggèrent que la faible proportion de personnes utilisant des répulsifs 10,13 serait liée à une méconnaissance ou à des doutes sur leur efficacité contre les piqûres de tiques, et/ou au fait que les personnes n’aiment pas utiliser ce type de produit.
Notre étude n’a pas exploré les raisons de la non-utilisation des moyens de protection recommandés contre les piqûres de tiques, ni la perception de leur efficacité (voir aussi encadré 1 sur leur efficacité).
Plusieurs autres études ont décrit un faible niveau d’adoption des mesures de prévention, tant dans les régions de basse que de haute incidence de la BL 10,11,13,14,15. Dans des zones endémiques, une revue de la littérature a montré que moins de 54% des personnes interrogées utilisaient un pantalon recouvrant entièrement les jambes pour se protéger des piqûres de tiques, entre 38 et 79% utilisaient des répulsifs et entre 79 et 93% recherchaient les tiques après une exposition 12.
À la lumière de ces données et afin d’améliorer les pratiques de prévention de la population française, qui restent en deçà de ce qui a été décrit dans ces différentes études, il serait important que les messages de prévention intègrent des informations expliquant clairement les raisons et l’efficacité de ces mesures.
La quasi-totalité des personnes ayant déjà entendu parler de la maladie de Lyme se la représentaient comme une maladie grave. Paradoxalement, ceci n’était pas associé à une meilleure utilisation des moyens de protection. Une étude sur l’utilisation des moyens de prévention et la perception des maladies transmises par les tiques dans une région endémique des États-Unis a également montré que la majorité des personnes interrogées (93%) considérait que la maladie de Lyme était une maladie grave, sans que cela influence l’utilisation des moyens de protection recommandés 13. Néanmoins, une des limites de notre étude réside dans la difficulté d’interpréter la signification du terme gravité par les répondants. En effet, au vu du questionnaire il est impossible d’étudier les raisons qui amènent la population à penser que la BL est une maladie grave.
En France, des supports de prévention nationaux et régionaux à destination des professionnels de santé et du grand public sont disponibles 16 (voir encadré 2). Les facteurs sociodémographiques associés, dans notre étude, aux pratiques de prévention et aux connaissances de la BL permettront à l’avenir de mieux cibler les populations et d’adapter les messages. Afin de renforcer la prévention des maladies transmissibles par les tiques, un axe stratégique a été spécifiquement développé dans le cadre du Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques.
Évaluation de l’efficacité des biocides répulsifs contre les tiques, 2018
Dans le cadre du Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques de 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été chargée de tester l’efficacité des biocides répulsifs contre les tiques et d’en préciser les modalités d’utilisation, notamment pour les professionnels exposés *.
Les produits répulsifs contre les tiques et les substances actives qu’ils contiennent sont soumis au règlement biocides (UE) 528/2012. En Europe, 12 substances actives susceptibles de présenter une efficacité contre les tiques sont approuvées ou en cours d’évaluation. Un produit biocide est soumis à autorisation de mise sur le marché (AMM), délivrée à l’issue d’une évaluation de l’efficacité et de l’absence de risques inacceptables pour la santé humaine et l’environnement, quand la(les) substance(s) active(s) qu’il contient est (sont) approuvée(s).
En France, à l’heure actuelle, plus d’un millier de produits revendiquant une efficacité répulsive contre les tiques sont sur le marché. La grande majorité de ces produits ne sont pas encore soumis à une AMM car les substances qu’ils contiennent sont encore en cours d’évaluation européenne. À ce jour, seuls les produits contenant exclusivement du DEET ont fait l’objet d’une évaluation achevée aboutissant à une AMM, et l’évaluation des produits contenant de l’IR3535 est en cours de finalisation. La liste des produits disposant d’une AMM et dont l’efficacité a été vérifiée est donc appelée à évoluer progressivement au fur et à mesure de l’instruction des dossiers et en fonction de l’approbation des substances actives au niveau européen.
L’efficacité d’un produit dépend non seulement de la (des) substance(s) active(s) qu’il contient, mais également de sa formulation. Il n’est donc pas possible de produire des recommandations générales relatives aux modalités d’utilisation des produits. Les produits disposant d’une AMM ont fait l’objet d’une évaluation complète, et l’AMM est assortie d’instructions d’emploi garantissant l’efficacité répulsive contre les tiques et une utilisation sans risques inacceptables.
L’Anses recommande donc de privilégier les produits répulsifs disposant d’une AMM, ce qui garantit, dans les conditions d’emploi préconisées figurant sur l’étiquette, l’emballage et/ou la notice des produits, une protection efficace contre les tiques et l’absence d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement.
* Note d’appui scientifique et technique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à l’efficacité des biocides répulsifs contre les tiques et aux modalités de leur utilisation, 20 mars 2018. https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOC2018SA0105.pdf
Outils d’information et de prévention de la borréliose de Lyme et des maladies transmises par les tiques, 2017
En 2016, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a lancé le Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques. L’un des axes de ce plan visait à « renforcer l’information de la population et des professionnels de santé pour prévenir l’apparition de nouveaux cas ».
Dans ce cadre, Santé publique France a été chargée d’élaborer des outils d’information et de prévention sur les maladies transmises par les tiques en lien avec les associations de défense des malades, les organismes professionnels du secteur forestier et l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé Alsace (Ireps Alsace).
Ces outils sont disponibles sur le site de Santé publique France :
– un dépliant de la collection « Repères pour votre pratique » destiné aux professionnels de santé ;
– un dépliant d’information pour le grand public ;
– un dépliant destiné aux enfants « Les conseils de Prudence : La tactique anti-tiques » ;
– un dossier de presse sonore composé d’une série de 10 chroniques interviews d’une durée d’une minute trente en réponse à des questions posées à des experts (Qu’est-ce qu’une tique? Qu’est-ce-que la maladie de Lyme ? Quels sont les signes ? Quels traitements ? Quels gestes de prévention? etc.). Un spot radio de trente secondes abordant les conseils de prévention accompagne ces chroniques.
http://inpes.santepubliquefrance.fr/10000/themes/maladies-tiques/tiques-outils-information.asp
Enfin, une affiche reprenant les principaux conseils de prévention a été créée pour être apposée par l’Office national des forêts (ONF) sur des panneaux à l’entrée des forêts et chemins de randonnées.
Conclusion
Cette étude a permis, pour la première fois, de décrire les perceptions et pratiques de prévention contre les piqûres de tiques, ainsi que les connaissances sur la BL de la population de France métropolitaine. Une proportion non négligeable de la population a déjà été piquée et se sent exposée. Une majorité de la population considère avoir un niveau d’information faible, voire inexistant, sur la BL. Cette étude pourra contribuer à l’adaptation des messages et à la prise en compte des caractéristiques des populations à cibler lors de futures campagnes de prévention. Le recueil régulier de telles données et l’analyse de leur évolution pourrait participer à l’évaluation de l’impact des campagnes de prévention. L’utilisation des moyens de prévention visant à réduire l’incidence des piqûres de tiques et les efforts de prévention de la borréliose de Lyme contribueront aussi à la prévention des autres maladies transmises par les tiques.
Remerciements
Aux personnes ayant participé au recueil des données de l’enquête, à savoir Christophe David, Valérie Blineau, Farah El Malti, Elisabeth Diez, les enquêteurs et chefs d’équipe de l’institut Ipsos, ainsi qu’Anne Finkielsztein-Saliot et Christine Gautherin de l’institut CDA, en charge de l’audit du terrain d’enquête.