Incidence de la borréliose de Lyme dans les départements alsaciens, étude Alsa(ce)tique, 2014-2015

// Incidence of Lyme borreliosis in the Alsace districts: ALSA(CE)TIQUE study 2014-2015, France

Sophie Raguet1 (sophie.raguet@santepubliquefrance.fr), Yann Le Strat2, Lucie Chouin3, Yves Hansmann4, Martin Martinot5, Pierre Kieffer6, Sylvie De Martino7, Benoit Jaulhac7, Marie-Josée Wendling4, Aurélie Velay4, Isabelle Le Parc-Goffart8, Michel Vernay1, Elisabeth Couturier2
1 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Grand Est, Nancy, France
2 Santé publique France, Saint-Maurice, France
3 Agence régionale de santé, Région Grand Est, Nancy, France
4 Centre hospitalier universitaire, Strasbourg, France
5 Centre hospitalier, Colmar, France
6 Centre hospitalier, Mulhouse, France
7 Centre national de référence des Borrelia, CHU de Strasbourg, France
8 Centre national de référence des arbovirus, Marseille, France
Soumis le 30.01.2018 // Date of submission: 01.30.2018
Mots-clés : Maladies transmises par les tiques | Borréliose de Lyme | Incidence
Keywords: Tick borne diseases | Lyme borreliosis | Incidence

Résumé

Introduction –

Les départements alsaciens constituent une zone d’incidence élevée de borréliose de Lyme (BL) en France métropolitaine. Les objectifs de l’étude étaient de recenser et décrire les cas de trois pathologies transmises par les tiques, dont la BL, et d’en estimer l’incidence.

Matériel et méthodes –

Tous les patients diagnostiqués en 2014 et 2015 ont été signalés par des médecins volontaires. Les caractéristiques des patients et leurs antécédents de piqûre de tiques ou les lieux à risque fréquentés ont été recueillis. Les signalements ont été classés par un comité technique selon les définitions de cas épidémiologiques. L’incidence de la BL a été estimée à partir du nombre de cas certains, en prenant en compte l’activité des médecins.

Résultats –

Les médecins ayant participé à l’étude étaient au nombre de 388. Pour la BL, l’analyse a porté sur 672 cas, parmi lesquels 4 sur 5 correspondaient à un érythème migrant unique. La fréquentation habituelle d’au moins un lieu à risque était rapportée par 91% des cas. Le nombre de nouveaux cas certains de BL a été estimé à, en moyenne, 2 200 cas par an, soit un taux d’incidence annuel moyen de 117 cas/105 habitants, stable sur les deux années d’étude.

Discussion –

Cette étude confirme l’incidence élevée de la BL dans les départements alsaciens et sa stabilité au cours des années 2014 et 2015. Elle apporte des informations détaillées sur les caractéristiques des cas. Les résultats plaident pour que les actions de sensibilisation à destination du grand public ciblent l’ensemble des activités de plein air.

Abstract

Introduction –

The Alsace districts represent a high incidence area for Lyme borreliosis (LB) in metropolitan France. The objectives of the study were to identify and describe cases of three tick-borne diseases, including LB, and estimate their incidence.

Materials and methods –

All patients diagnosed in 2014 and 2015 were reported by volunteer physicians. Patient characteristics and their history of tick bites or of risk sites visited were collected. The reports were classified by a technical committee according to the epidemiological case definitions. The incidence of LB was estimated from the number of certain cases, taking into account the physicians’ activity.

Results –

A total of 388 physicians participated in the study. For LB, the analysis concerned 672 cases, for whom 4 out of 5 cases corresponded to a single erythema migrant. The usual attendance of at least one place at risk was reported by 91% of cases. The number of new cases of LB was estimated at an average of 2,200 cases per year, representing an average annual incidence rate of 117 cases/105 inhabitants, sable over the two years of study.

Discussion –

This study confirms the high incidence of LB in the Alsace districts, and its stability over the years 2014 and 2015. It provides detailed information on case characteristics. The results show that outreach actions to the general public should target all outdoor activities.

Introduction

La borréliose de Lyme (BL), causée par des spirochètes du genre Borrelia du groupe Borrelia burgdorferi sensu lato est transmise à l’homme par piqûre de tiques infectées. Cette maladie présente des manifestations cliniques polymorphes pouvant toucher principalement la peau, le système nerveux et les articulations, qui peuvent rendre le diagnostic difficile 1.

Les départements alsaciens du Bas-Rhin et du Haut-Rhin constituent l’une des zones ayant le plus fort taux d’incidence (TI) de BL en France métropolitaine. Une première étude régionale, réalisée entre 2001 et 2003, avait estimé un TI à 200 cas/105 habitants sur ces deux départements (estimation basse : 180 ; estimation haute : 232), avec d’importantes variations cantonales 2. Entre 2009 et 2011, le TI annuel moyen a été estimé par le réseau Sentinelles (qui couvre environ 0,5% des médecins généralistes de l’ex-région Alsace) à 178 cas/105 habitants (intervalle de confiance à 95%, IC95%[98-258]), contre 41 cas/105 habitants [31-51] en 2011 en France métropolitaine 3. Devant cette problématique de santé publique et l’ancienneté des données régionales disponibles, l’Agence régionale de santé a mandaté Santé publique France pour mener une étude épidémiologique sur les pathologies transmises par les tiques. Les objectifs de l’étude Alsa(ce)tique, réalisée en 2014-2015, étaient de recenser et décrire les cas de BL, d’encéphalite à tique (tick borne encephalitis, TBE) et d’anaplasmose granulocytaire humaine (AGH) et d’en estimer l’incidence afin de fournir des données pertinentes à leur prévention et à leur prise en charge. Cet article ne traite que des résultats relatifs à la BL, compte tenu du faible nombre de TBE et d’AGH rapportés.

Matériel et méthodes

Recueil des données

Tous les cas de BL diagnostiqués entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 par un réseau de médecins volontaires exerçant dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont été signalés, indépendamment de leur lieu de résidence. Ce réseau était constitué de médecins libéraux et hospitaliers des spécialités concernées par la prise en charge de ces pathologies (tableau 1). Le recrutement a été réalisé par courriel auprès des médecins et des établissements sanitaires, parution d’un appel à volontaires dans une publication de l’Assurance maladie destinée aux professionnels de santé et recrutement téléphonique dans les cantons insuffisamment représentés (moins de deux médecins participants par canton ou taux de participation inférieur à 10%). Une formation sur les connaissances médicales relatives aux trois pathologies et sur le déroulé de l’étude a été proposée, avec possibilité de validation comme action de développement professionnel continu. Le réseau a été entretenu par un rappel mensuel des médecins pendant les deux ans de l’étude, afin de ne pas avoir de médecins non répondants.

Tableau 1 : Participation à l’étude et à la formation, et nombre de signalements de borréliose de Lyme (BL) reçus et retenus par spécialité médicale du médecin déclarant. Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Les critères de signalement étaient la présence d’un érythème migrant ≥5 cm ou toute manifestation compatible avec une BL de type neurologique, articulaire, cardiaque, oculaire ou cutanée, et au moins un critère biologique parmi les suivants : sérologie ELISA confirmée par Western blot, synthèse intrathécale d’IgG spécifiques, détection par Polymerase Chain Reaction (PCR) dans un prélèvement, isolement de la bactérie dans un prélèvement.

Les données étaient recueillies par les médecins auprès des patients ayant accepté de participer à l’étude, à l’aide d’un questionnaire standardisé saisi en ligne ou retourné par voie postale ou électronique. Les deux premières lettres du nom et du prénom, le mois et l’année de naissance ont servi au repérage d’éventuels doublons et une lettre d’information était remise au patient. Le recueil portait sur les caractéristiques sociodémographiques des patients diagnostiqués, les symptômes, les examens biologiques réalisés et le traitement. Les lieux à risque de piqûres de tique habituellement fréquentés, définis selon les données de la littérature par les items forêt, prairie, agriculture, jardin public ou privé, étaient demandés 4,5,6. La notion de piqûre de tique et le lieu de piqûre étaient également documentés.

Définition de cas

Les signalements ont été validés par un comité technique composé d’infectiologues, de représentants des Centres nationaux de référence de Borrelia et d’épidémiologistes de Santé publique France. Cette validation a permis de classer les signalements en « retenus », car ils répondaient à la définition de cas épidémiologique (cas certain, cas possible) et en « non retenus » car ne répondant pas à la définition de cas épidémiologique.

Un cas certain de BL était défini selon les recommandations de Stanek et coll. 1 (tableau 2) ; un cas possible comme une neuroborréliose présentant une sérologie sanguine positive en l’absence de ponction lombaire et d’autres étiologies plausibles. Une sérologie positive était une sérologie ELISA positive (IgG ou IgM) confirmée par Western blot (IgG ou IgM) 1. A été considéré comme forme localisée (érythème migrant (EM) unique), tout cas certain avec un EM. En présence concomitante d’autres signes cliniques évoquant une BL, le diagnostic d’EM primait. Une arthrite aiguë était définie comme datant de moins de 1 mois.

Tableau 2 : Définition de cas certains de borréliose de Lyme*. Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Analyse des données

Une analyse descriptive des médecins et des cas (en distinguant cas pédiatriques et cas adultes), après recherche et exclusion des doublons, a été réalisée. L’incidence de la BL a été estimée à partir du nombre de cas certains rapportés et de la population (données Insee 2013, 2011 pour les populations cantonales).

Un poids de sondage, calculé à partir du nombre de consultations des médecins participants et non participants (source Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), a été attribué à chaque médecin participant. Une méthode de réduction des poids extrêmes (trimming) a été appliquée et l’estimateur d’Horvitz-Thompson a permis d’estimer le nombre de cas. Une incidence par classe d’âge a été estimée. Les TI ont été calculés à l’échelle de l’ex-région (Bas-Rhin et Haut-Rhin) afin de les interpréter au vu des données disponibles 1,2. La variabilité géographique des TI à des échelles géographiques fines étant documentée pour cette pathologie 2,7, des estimations à l’échelle cantonale (découpage de 2011) ont été réalisées. Les cas ont été rattachés aux cantons de diagnostic. Les analyses statistiques et la cartographie (données Geofla® de l’Institut national de l’information géographique et forestière) ont été réalisées à l’aide du logiciel Stata 12®.

Cette étude a reçu une autorisation Cnil (n° 913178) et un avis favorable du CCTIRS (n°12-677).

Résultats

Taux de participation des médecins

Parmi les 3 609 médecins concernés exerçant dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, 388 (11%) ont accepté de participer à l’étude (tableau 1). Parmi eux, 322 (83%) étaient des médecins généralistes, 38 (10%) étaient hospitaliers et 162 (42%) ont suivi la formation (tableau 1). Seuls 25 médecins (6%) ont arrêté leur participation en cours d’étude (essentiellement en raison de la charge de travail ou de l’arrêt de leur activité). Aucun médecin n’a participé dans 2 des 64 cantons de la zone d’étude.

Au total, 932 signalements de BL (soit, en moyenne 2,4 signalements par médecin (min: 0, médiane: 1, max: 63) ont été recueillis ; 14 médecins ont transmis 10 signalements ou plus (dont 10 entre 10 et 19 et 3 entre 20 et 29).

Description des cas

Parmi les 932 signalements de BL reçus, 260 (28%) n’ont pas été retenus car ils ne répondaient pas aux définitions de cas épidémiologiques (tableau 2). Ces signalements différaient des signalements retenus (cas certains et possibles) en termes d’âge moyen (55 ans vs 50,5 ; p=0,002) et de tableau clinique rapporté (87% avaient été signalés comme formes disséminées vs 21% ; p<0,0001). Ils différaient aussi en termes d’antécédents de piqûre de tique. Ainsi, parmi les formes déclarées comme localisées, 82% des signalements non retenus rapportaient une piqûre de tique dans le mois précédent vs 64% pour les signalements retenus (cas certains ou possibles) (p=0,027). Parmi les signalements déclarés comme formes disséminées, 44% des signalements non retenus déclaraient une piqûre de tique antérieure au mois précédent vs 27% des signalements retenus comme cas (p<0,0001).

Au final, l’analyse a porté sur 672 cas de BL, dont 653 certains et 19 possibles (tableau 3). La majorité des cas étaient des hommes (sexe-ratio H/F=1,2) et étaient âgés de 16 ans ou plus (90%, âge médian 55 ans). Les nombres de cas les plus importants ont été notifiés dans les tranches d’âge 60-64 ans (83 cas), 55-59 ans (76 cas) et 65-69 ans (73 cas) et, chez les plus jeunes, dans la tranche 5-9 ans (29 cas vs 23 cas dans la tranche 10-14 ans). La quasi-totalité des cas (97%, 652/672) résidaient dans l’un des deux départements alsaciens ; 8% des cas âgés entre 16 et 60 ans exerçaient une profession à risque. La majorité des cas (60%) avaient déclaré leurs signes cliniques en période estivale, 24% au cours du mois de juin.

Parmi les cas, 530/672 (79%) correspondaient à une forme localisée (EM unique), sans différence entre les cas pédiatriques et les cas adultes (tableau 3). Pour 27 cas, au moins un autre signe clinique était rapporté.

Les formes disséminées étaient des arthrites de Lyme (10%, 68/672), dont la moitié aiguës et l’autre moitié chroniques, et des neuroborrélioses (8%, 54/672). Parmi les 54 cas de neuroborréliose, 18 étaient des cas possibles et aucun lieu n’était précisé.

Tableau 3 : Caractéristiques des cas certains et des cas possibles de borréliose de Lyme (n=672). Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Incidence

Sur l’ensemble de la période d’étude, le nombre de nouveaux cas certains de BL a été estimé en moyenne à 2 200 cas par an, soit un TI annuel moyen de 117 cas/105 habitants [109-126]. Ce taux était stable sur les deux années d’étude (tableau 4).

Le TI augmentait avec l’âge (figure 1). Il était respectivement de 179 et 197 cas/105 habitants chez les 46-65 ans et les 65 ans et plus. Il variait également fortement selon le canton d’exercice du médecin, avec les TI les plus élevés dans les cantons situés à proximité du massif vosgien (figure 2).

Tableau 4 : Taux d’incidence (TI) annuel des cas certains de borréliose de Lyme. Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Figure 1 : Taux d’incidence (avec intervalle de confiance à 95%) des cas certains de borréliose de Lyme par classe d’âge. Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Figure 2 : Taux d’incidence annuel moyen de cas certains de borréliose de Lyme par canton. Étude Alsa(ce)tique 2014-2015, France
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Discussion

L’étude Alsa(ce)tique apporte, en complément de la surveillance épidémiologique de la BL par le réseau Sentinelles depuis 2009 8, des informations sur l’incidence et les caractéristiques des cas. Elle confirme, avec une meilleure précision statistique en raison du plus grand nombre de médecins participants, l’incidence élevée de la BL dans l’ex-région Alsace et les fortes disparités cantonales au sein de la région, déjà observées en 2001-2003 2. Avec environ 2 200 cas par an et une incidence estimée de 121 cas/100 000 habitants [109-133] en 2014 (87 cas/105 habitants [0-194] selon le réseau Sentinelles) et 113 cas/100 000 habitants en 2015 (183 cas/105 habitants [66-300] pour Sentinelles) 3, l’Alsace reste parmi les zones métropolitaines les plus concernées par la BL.

L’incidence y est plus de deux fois supérieure à celle estimée par le réseau Sentinelles dans le reste de la métropole (41 cas/105 habitants [30-52] en 2014 et 51 cas/105 habitants [38-64] en 2015) et 1,4 fois plus élevée que dans les départements de Franche-Comté 9.

Notre étude souligne également la stabilité de l’incidence sur les années 2014 et 2015, ce qui est cohérent avec les données Sentinelles sur la même période 10. La comparaison avec l’étude régionale dans les deux départements alsaciens réalisée en 2001-2003 est en revanche plus délicate, du fait de changements dans la définition de cas des formes disséminées et dans la méthode d’estimation de l’incidence 2. La comparaison limitée aux TI annuels des formes localisées indique cependant qu’ils sont du même ordre de grandeur pour les deux études, compris entre 55 et 108 cas/105 habitants en 2001-2003 et autour de 88 cas/105 habitants [81-95] en 2014-2015. En 2016, les données Sentinelles indiquent toutefois une augmentation significative de l’incidence au niveau national, tendance qu’il conviendra de confirmer ou d’infirmer en 2017 8.

L’étude Alsa(ce)tique apporte des informations détaillées sur les caractéristiques des cas survenus en Alsace. Comparées à d’autres études reposant sur les mêmes méthodes en France 8 ou en Europe 11, les caractéristiques étaient similaires en ce qui concerne la période de survenue (période estivale), les classes d’âge les plus concernées (5-9 ans et 60-64 ans) et la proportion de formes localisées (plus de 80%). Elle confirme que le risque augmente avec l’âge et est le plus élevé chez les plus de 65 ans. Les lieux de piqûre de tiques rapportés pour les formes localisées étaient principalement la forêt, mais aussi, et de façon non négligeable, les jardins publics ou privés et les prairies. Ces résultats plaident pour que les actions de sensibilisation à destination du grand public ne ciblent pas uniquement les forêts comme lieux d’exposition à risque mais l’ensemble des activités de plein air.

L’étude Alsa(ce)tique souligne la part élevée des arthrites de Lyme (10% des cas certains) parmi les cas survenus en Alsace. Cette part est plus importante que ce qui est observé dans d’autres études régionales, notamment en Franche-Comté (1%) 9. Cette différence peut s’expliquer par la différence de constitution du réseau de médecins ou de pratiques diagnostiques (distinction entre arthrite et arthralgie). Elle souligne les difficultés de diagnostic d’arthrite de Lyme dans une zone à forte prévalence, du fait de la persistance des anticorps 1.

Le diagnostic de la BL repose à la fois sur le risque d’exposition (antécédent de piqûre de tique, taux d’infestation des tiques dans la région, saison), les signes cliniques et la biologie 1,12,13. L’exclusion d’un peu plus d’un quart des signalements, au regard des définitions de cas retenues, souligne les difficultés diagnostiques rencontrées dans la pratique quotidienne, dans une région d’incidence élevée et dans un contexte de controverses médiatiques autour du diagnostic de la BL et de sa prise en charge, ainsi que d’inquiétudes du grand public. Les signalements non retenus étaient plus âgés que les signalements retenus et plus fréquemment rapportés comme formes disséminées. Les antécédents de piqûre de tique compatibles avec les formes signalées étaient plus fréquemment rapportés chez les signalements non retenus. Une meilleure sensibilisation des médecins pourrait contribuer à une meilleure orientation des patients et à limiter les antibiothérapies injustifiées. Notre étude a aussi montré l’intérêt de la formation, qui permet de réduire la proportion de sérologies pour BL, non recommandées pour les formes localisées 7.

Le nombre élevé de médecins participants, la diversité des spécialités représentées, la couverture géographique (62 cantons sur 64), la durée de l’étude et la prise en compte du niveau d’activité des médecins participants ont permis une estimation fine de l’incidence ainsi qu’une description détaillée des cas de BL en Alsace. Par ailleurs, l’utilisation de définitions de cas standardisées et reconnues internationalement a permis de garantir la comparabilité avec d’autres études. L’ensemble des signalements ayant été soumis au comité technique pour validation, l’éventuel biais de surestimation a été également maitrisé. L’étude présente aussi des limites, dans la mesure où les cas diagnostiqués résidant en dehors de la zone n’ont pas été recensés et où les TI cantonaux ont été calculés sur le canton d’exercice des médecins et non sur les lieux de contamination ou de résidence des cas. Il peut exister un biais de classement pour les formes localisées présentant d’autres signes cliniques, ce biais étant toutefois limité (27 cas).

En l’absence de vaccin et de moyens de contrôle du vecteur, la protection contre les piqûres de tique lors d’activités de plein air et la surveillance en cas de piqûre demeurent les seuls moyens efficaces de prévention de la borréliose de Lyme et des autres pathologies transmises par les tiques. Dans ce contexte, les données d’Alsa(ce)tique 2014-2015 complètent utilement les données du réseau Sentinelles ainsi que l’analyse des connaissances, perceptions et comportements de la population générale à l’égard des tiques et de la maladie de Lyme 14.

Remerciements

À I. Sahiner, M. Stempfelet, C. Reitzer, C. Meffre, D. Christmann et l’ensemble des médecins ayant participé à l’étude.

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Citer cet article

Raguet S, Le Strat Y, Chouin L, Hansmann Y, Martinot M, Kieffer P, et al. Incidence de la borréliose de Lyme dans les départements alsaciens, étude Alsa(ce)tique, 2014-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(19-20):406-12. http://invs.santepubli​quefrance.fr/beh/2018/19-20/2018_19-20_5.html