Soignants et médicaments cytotoxiques. Place de la biométrologie dans la maîtrise des risques dans le temps

// Healthcare workers and cytotoxic drugs. The place of biometrology in risk management over time

Sophie Ndaw1 (sophie.ndaw@inrs.fr), Alain Robert1, Claire Ricolfi2, Flavien Denis1, Philippe Marsan1
1 Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), Vandœuvre-lès-Nancy, France
2 Association interprofessionnelle de santé au travail de la Côte-d’Or, Dijon, France
Soumis le 17.11.2017 // Date of submission: 11.17.2017
Mots-clés : Médicaments cytotoxiques | Biométrologie | Soignants | Exposition professionnelle
Keywords: Cytotoxic drugs | Biomonitoring | Healthcare workers | Occupational exposure

Résumé

Les médicaments cytotoxiques utilisés dans les traitements des cancers présentent une toxicité intrinsèque, du fait de leurs propriétés génotoxiques, tératogènes et cancérigènes. Les professionnels de santé pouvant y être exposés, il est essentiel de garantir leur sécurité et de mettre en place des programmes d’évaluation des expositions pour documenter les expositions, juger de l’efficacité des mesures de protection et établir des priorités en matière de prévention. Cet article présente les principaux résultats de deux campagnes d’évaluation des expositions aux médicaments cytotoxiques, réalisées en 2010 puis en 2016 dans un même établissement hospitalier en France.

Les expositions des soignants (infirmiers, aides-soignants et agents de service hospitalier) ont été évaluées par la biométrologie et par la mesure de la contamination de leur environnement de travail.

Les analyses réalisées en 2010 ont mis en évidence la présence de médicaments cytotoxiques dans les urines de près de la moitié des infirmiers et aides-soignants suivis, ainsi que sur les surfaces de travail. Malgré la mise en place de plusieurs actions de prévention, la campagne d’évaluation suivante, en 2016, a montré que les expositions perduraient. L’analyse d’un questionnaire sur la prise en charge globale du risque cytotoxique a permis d’apporter un éclairage sur ces résultats. Il apparaît ainsi que les différents déterminants de l’exposition (formation, port des équipements de protection individuelle, gestion des incidents, procédures formalisées…) doivent être identifiés et pris en compte pour une maîtrise du risque cytotoxique. Enfin, cette étude met en évidence le besoin d’un suivi régulier des expositions pour maintenir un niveau de vigilance optimal du personnel et éviter toute dérive au cours du temps.

Abstract

Cytotoxic drugs used in the treatment of cancers have an intrinsic toxicity, because of their genotoxic, teratogenic and carcinogenic properties. As healthcare workers may be exposed to these drugs, it is essential to estimate exposure, ensure their safety and to implement control programs to assess the effectiveness of protective measures, and set priorities in terms of prevention. This article presents the main results of two cytotoxic drug exposure evaluation campaigns conducted in 2010 and again in 2016 in the same hospital in France.

Caregiver exposures (nurses, caregivers, and hospital service workers) were assessed by biometrology and by measuring contamination in their work environment. The analyzes carried out in 2010 revealed the presence of cytotoxic drugs in the urine of almost half of the nurses and caregivers monitored, as well as on the work surfaces. Despite the implementation of several preventive actions, the following evaluation campaign, in 2016, showed that the exposures persisted. The analysis of a questionnaire on the global management of the cytotoxic risk shed light on these results. It thus appears that the various determinants of exposure (training, wearing of personal protective equipment, incident management, formalized procedures, etc.) must be identified and taken into account in order to control the cytotoxic risk. Finally, this study highlights the need for regular monitoring of exposures to maintain an optimal level of vigilance of staff and avoid drift over time.

Introduction

Utilisés dans le traitement des cancers, les médicaments cytotoxiques présentent une toxicité intrinsèque liée à leur mécanisme d’action sur les cellules. La plupart possèdent des propriétés génotoxiques, reprotoxiques et/ou cancérogènes.

Les professionnels de santé pouvant être exposés à ces composés toxiques, leur utilisation est de fait reconnue, depuis la fin des années 1970, comme un risque professionnel dans les établissements de santé. En raison de la forte toxicité de ces composés, des expositions, même à faibles doses, peuvent s’avérer délétères pour la santé des professionnels qui les manipulent quotidiennement, parfois pendant de nombreuses années. Ces expositions surviennent lors de toutes les étapes de la mise en œuvre des cytotoxiques (fabrication, préparation, administration et élimination). Les contaminations résultent essentiellement d’une pénétration par voie transcutanée ou par inhalation d’aérosols, lors de la manipulation des cytotoxiques et des excréta des patients.

Afin de maîtriser les risques liés à leur manipulation et garantir la sécurité des professionnels de santé, plusieurs mesures ont été prises et des guides de bonnes pratiques de manipulation des médicaments cytotoxiques ont été élaborés 1,2,3. Les recommandations portent aussi bien sur les locaux et les équipements de protection que sur les méthodes de travail (reconstitution, administration et élimination) ou la formation du personnel 2. Elles s’adressent à tous les professionnels susceptibles d’être en contact avec ces médicaments : infirmiers, pharmaciens, médecins, aides-soignants, agents de service hospitalier… Cependant, les études publiées depuis les années 2000 font encore état d’expositions du personnel concerné et de contaminations fréquentes des surfaces de travail dans les hôpitaux 4,5,6. Il est donc essentiel pour les établissements hospitaliers de mettre en place des programmes pour évaluer les expositions, juger de l’efficacité des mesures de protection mises en place et établir des priorités en matière de prévention.

La biométrologie et la mesure de la contamination de l’environnement de travail sont les méthodes d’évaluation couramment utilisées. La biométrologie, par le dosage des cytotoxiques ou de leurs métabolites dans les liquides biologiques, permet d’évaluer les expositions en tenant compte de toutes les voies d’absorption (respiratoire, cutanée et orale). Par conséquent, elle rend compte de l’efficacité des méthodes de travail et des moyens de protection utilisés. Les prélèvements de surface sont utiles pour sensibiliser le personnel au respect des bonnes pratiques de manipulation et aux principales sources de contamination, ainsi que pour évaluer l’efficacité des procédures de nettoyage.

Cet article présente les principaux résultats de deux campagnes d’évaluation des expositions aux médicaments cytotoxiques, réalisées à six années d’intervalle (2010 et 2016) à la demande d’un établissement hospitalier en France. Les objectifs poursuivis étaient la documentation des expositions, la sensibilisation des personnels aux risques d’exposition et un suivi de l’efficacité des mesures de prévention mises en place à la suite de la première intervention.

Méthodes

L’établissement suivi était un centre hospitalier exclusivement dédié à la cancérologie. La préparation des médicaments cytotoxiques y était réalisée au sein d’une unité centralisée de préparation des cytotoxiques (UCPC) de la pharmacie. Cette unité de reconstitution a réalisé 23 000 préparations en 2009 et 31 000 en 2015. L’évaluation de l’exposition a porté sur les équipes de soignants des services d’oncologie : infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitalier (ASH). Elle consistait en une biométrologie urinaire couplée à une mesure de la contamination de l’environnement de travail par des prélèvements de surface. Les médicaments marqueurs de l’exposition étaient le 5-fluorouracile, le cyclophosphamide, l’ifosfamide et le méthotrexate pour la première campagne de prélèvements en 2010. En 2016, seul le 5-fluorouracile a été utilisé comme marqueur.

Les prélèvements urinaires ont été effectués en début et en fin de poste de travail et durant un à trois jours auprès des soignants volontaires. Chaque participant a ainsi fourni 2 à 6 échantillons d’urine. Le cyclophosphamide, l’ifosfamide, le méthotrexate et l’α-fluoro-β-alanine (FBAL, métabolite urinaire du 5-fluorouracile) ont été dosés dans les échantillons urinaires par chromatographie liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse en tandem (HPLC-MS/MS). Les limites de quantification étaient 0,05 µg/l pour le cyclophosphamide, 0,1 µg/l pour l’ifosfamide et le méthotrexate et 1 µg/l pour la FBAL. Pour la campagne de 2016, un changement d’appareillage analytique a permis une amélioration de la limite de quantification de la FBAL d’un facteur 2, à 0,5 µg/l.

Les soignants étaient considérés comme exposés lorsqu’au moins un de leurs échantillons urinaires était positif. Ont été considérés comme positifs les échantillons d’urine dans lesquels au moins l’un des quatre médicaments (ou métabolite) était quantifié.

En parallèle, chaque participant a rempli quotidiennement un questionnaire sur son activité (poste de travail occupé, cytotoxiques manipulés, manipulation d’excréta, moyens de protection individuelle utilisés…). En 2016, ce questionnaire a été enrichi par une évaluation de la prise en charge globale du risque cytotoxique (formation, procédures, gestion des incidents …).

Les prélèvements de surface ont été réalisés durant les périodes d’activité sur différentes surfaces susceptibles d’être contaminées par les médicaments cytotoxiques (paillasses, poignées de porte, téléphones, souris d’ordinateur, plateaux de soins, sols…). L’échantillonnage était effectué par essuyage au moyen d’une compresse imbibée d’eau, selon un protocole mis au point au laboratoire. Le 5-fluorouracile a été dosé par HPLC-MS/MS avec une limite de quantification de 0,5 ng/lingette.

Résultats

Évaluation des expositions : campagne de 2010

La première campagne de prélèvements a concerné 16 infirmiers et 4 aides-soignants, répartis dans les services d’hospitalisation de jour et d’oncologie médicale. Dans ces services, les quatre médicaments marqueurs de l’exposition choisis ont été fréquemment utilisés durant la période de suivi. Le personnel était équipé de vêtements de travail avec éventuellement une surblouse, un masque médical et des gants en latex, vinyle ou nitrile. L’administration des médicaments cytotoxiques aux patients était assurée par les infirmiers, alors que les aides-soignants étaient chargés des soins portés aux patients. Cependant, certains infirmiers ont rapporté avoir manipulé les excréta des patients, au même titre que les aides-soignants.

En 2010, la moitié des 20 soignants participants a été exposée (au moins un de leurs échantillons urinaires positif) à des agents cytoxiques durant la période de suivi : 56% des infirmiers et 1 aide-soignant sur les 4 qui participaient. Cependant, seul 1 échantillon urinaire sur 5 était positif (tableau 1).

Tableau 1 : Soignants exposés au 5-fluorouracile, au cyclophosphamide, à l’ifosfamide et/ou au méthotrexate, et échantillons urinaires positifs en 2010
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Si on se focalise sur le 5-fluorouracile, 15% des participants étaient exposés, avec 4% des échantillons urinaires contaminés par le FBAL (tableau 2). La concentration maximale relevée pour ce métabolite était de 14,3 µg/l.

L’analyse des questionnaires a principalement mis en lumière un port de gants irrégulier chez les infirmiers et les aides-soignants lors de l’administration des médicaments et lors des soins aux patients. De plus, des gants en vinyle, peu protecteurs vis-à-vis des médicaments cytotoxiques, étaient utilisés dans certains secteurs. Pour autant, il n’a pas été possible d’établir un lien direct entre une activité (administration, manipulation des excréta …) et l’exposition du soignant.

Tableau 2 : Soignants exposés au 5-fluorouracile, échantillons urinaires positifs et concentrations mesurées en 2010
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Les prélèvements de surface ont été principalement réalisés dans les salles de soins. Des contaminations par le 5-fluorouracile ont été relevées dans plus de la moitié des prélèvements, sur les paillasses, les faces externes des préparations, les poignées de tiroir ou les souris d’ordinateur (tableau 3). Les niveaux de contamination étaient compris entre la limite de quantification (0,5 ng/lingette) et jusqu’à 197 ng/lingette sur les paillasses.

Tableau 3 : Quantités de 5-fluorouracile dans les échantillons de surfaces contaminées en 2010
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Évaluation des expositions : campagne de 2016

La deuxième campagne de prélèvements a concerné les mêmes services d’oncologie, mais seules les expositions au 5-fluorouracile ont été évaluées.

Une population de 14 infirmiers, 5 aides-soignants et 4 ASH a été suivie pendant une journée de travail.

Plus des trois quarts des participants ont été exposés au 5-fluorouracile (tableaux 4a). Ce pourcentage était sensiblement le même dans toutes les catégories professionnelles : 3 ASH sur 4 et 4 aides-soignants sur 5. La concentration maximale relevée pour la FBAL était de 10,6 µg/l. Les pourcentages d’échantillons urinaires positifs étaient compris entre 57 et 75% selon les catégories professionnelles.

En comparant les tableaux 2 et 4, il apparaît que les pourcentages de soignants exposés au 5-fluorouracile et les pourcentages d’échantillons urinaires positifs étaient nettement plus élevés lors de la deuxième campagne, passant, respectivement, de 15% en 2010 à 78% en 2016 pour les premiers et de 4% à 62% pour les autres. Pour juger du biais induit par l’amélioration de la sensibilité de la méthode de dosage de la FBAL entre les deux campagnes, les données de 2016 ont été traitées avec la même limite de quantification qu’en 2010. Les résultats sont présentés dans le tableaux 4b : après prise en compte de la limite de quantification de 2010, le pourcentage d’infirmiers exposés est passé de 79% à 43% tandis que leur pourcentage d’échantillons urinaires positifs passait de 57% à 36%. Pour les aides-soignants, les deux pourcentages restaient identiques.

Tableau 4a : Soignants exposés au 5-fluorouracile, échantillons urinaires positifs (limite de quantification=0,5 µg/L) et concentrations mesurées en 2016
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Tableau 4b : Soignants exposés au 5-fluorouracile, échantillons urinaires positifs (limites de quantification=1 µg/L) et concentrations mesurées en 2016
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Concernant les prélèvements de surface, des contaminations ont été mises en évidence dans les salles de soins, sur les paillasses, les combinés de téléphones ou sur le sol (tableau 5). Des quantités importantes de 5-fluorouracile, jusqu’à 10 000 ng/lingette, ont été relevées dans les chambres des patients, sur le sol et les potences. Il est également à noter des traces de 5-fluorouracile sur la face interne des mains des soignants. Au total, 72% des échantillons de surface étaient contaminés.

Tableau 5 : Quantités de 5-fluorouracile dans les échantillons de surfaces contaminées en 2016
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L’analyse des questionnaires a montré qu’une majorité des infirmiers suivis (78%) avait une ancienneté inférieure à 2 ans dans le service et 50% d’entre eux avaient bénéficié d’une formation non formalisée sur la gestion du risque cytotoxique à leur arrivée dans le service. Tous les infirmiers avaient déclaré une utilisation fréquente de gants et de masques lors de l’administration des médicaments. L’existence d’un kit de décontamination en cas de fuite ou déversement accidentel d’une chimiothérapie n’était connue que par 2 des 14 infirmiers suivis.

Parmi les aides-soignants, 80% avaient une ancienneté inférieure à 5 ans et 60% avaient bénéficié d’une formation sur la gestion du risque cytotoxique à leur arrivée dans le service. Les équipements de protection (gants, masques, lunettes, surblouses) étaient portés « parfois à souvent ».

Les ASH avaient une ancienneté qui variait de 11 à 30 ans. Aucun d’entre eux n’avait reçu de formation initiale sur le risque cytotoxique et le port de gants était irrégulier.

À la question « Pensez-vous avoir suffisamment de connaissances sur le risque cytotoxique, les sources d’exposition et les précautions à prendre ? », 74% des infirmiers, 80% des aides-soignants et tous les ASH ont répondu non.

Discussion

Cette étude a porté sur deux campagnes d’évaluation des expositions professionnelles de soignants lors de l’administration des médicaments cytotoxiques et des soins aux patients dans des services d’oncologie d’un même établissement.

L’évaluation des expositions des professionnels de santé aux médicaments cytotoxiques a fait l’objet de nombreuses publications scientifiques. Des contaminations de l’environnement ont été fréquemment rapportées dans les pharmacies hospitalières et les services d’oncologie 7,8. Dans les études de biométrologie, les médicaments cytotoxiques les plus fréquemment dosés étaient le cyclophosphamide, les sels de platine ou le 5-fluorouracile. Les proportions de professionnels exposés et les niveaux d’exposition rapportés étaient très variables, en fonction des catégories professionnelles suivies, des mesures de prévention en place, des médicaments marqueurs et de leur méthode de dosage.

Dans la présente étude, des expositions chez des infirmiers et des aides-soignants ont été mises en évidence lors de la première campagne de 2010. Les expositions au seul 5-fluorouacile étaient néanmoins peu fréquentes, avec 15% des soignants exposés et 4% des échantillons urinaires contaminés. Ces résultats tendent à montrer que les expositions observées n’étaient pas systématiques mais plutôt sporadiques. Cependant, dans la mesure où près d’une trentaine de médicaments cytotoxiques sont d’utilisation courante en milieu hospitalier, il ne peut être exclu que des expositions à d’autres médicaments cytotoxiques aient pu également survenir. De fait, les proportions de soignants exposés augmentent quand on multiplie le nombre de médicaments marqueurs, comme cela a été montré dans ce travail (50% des soignants exposés avec quatre médicaments marqueurs). En conséquence, la mise en évidence d’une exposition du personnel, quel qu’en soit le niveau, doit alerter sur l’efficacité des moyens de prévention utilisés et conduire à mettre en place des mesures correctrices. La détermination de la contamination de l’environnement de travail par les prélèvements de surface permet par ailleurs de sensibiliser les personnels sur des sources potentielles de contamination et d’informer sur la nécessité, notamment, de maintenir l’environnement de travail exempt de toute contamination chimique.

À l’issue de cette première évaluation en 2010, après restitution des résultats auprès de soignants et sensibilisation au risque d’exposition, aux sources de contamination et aux moyens de protection, des actions de prévention complémentaires ont été mises en place :

mise à disposition de gants exclusivement en nitrile ;

identification de zones dédiées aux médicaments cytotoxiques dans les salles de soins ;

utilisation de champs opératoires à usage unique pour déposer, notamment, les préparations ;

mise en place de procédures de nettoyage des surfaces ;

information des nouveaux arrivants lors de la visite d’embauche par le médecin de travail, avec distribution de documents d’information sur le risque cytotoxique.

La deuxième campagne de prélèvements, six ans plus tard, devait permettre d’évaluer l’efficacité de ces actions de prévention et sensibiliser de nouveau les soignants sur le risque cytotoxique, en incluant les ASH. Si cette deuxième campagne a concerné les mêmes services, la grande majorité des infirmiers et des aides-soignants y avait une ancienneté inférieure à cinq ans et n’avait pas été directement concernée par la première évaluation. De plus, seul le 5-fluorouracile a été conservé comme marqueur d’exposition, avec une amélioration de la limite de détection due à l’évolution de la technique analytique. Par ailleurs, le nombre de reconstitutions de cytotoxiques, et donc de patients traités, avait augmenté de près de 26% dans cet établissement hospitalier.

L’analyse des données de 2016 montre que les expositions persistaient pour les infirmiers et les aides-soignants, et qu’elles étaient même plus fréquentes qu’en 2010. L’amélioration de la sensibilité de la méthode de détection n’explique pas cette hausse, et il s’est avéré par ailleurs que les ASH étaient aussi exposés. Les prélèvements de surface ont permis d’identifier des sources de contamination des ASH, comme les chambres des patients ou les sols, dont ces agents ont en charge le nettoyage. À la suite cette deuxième campagne, il est donc apparu que l’ensemble des moyens de prévention mis en œuvre entre les deux campagnes n’était pas suffisamment efficace pour réduire les risques d’exposition aux médicaments cytotoxiques.

L’analyse du questionnaire sur la prise en charge globale du risque cytotoxique a mis en lumière certains déterminants de l’exposition et donné des leviers pour améliorer la gestion de ce risque. La formation, la sensibilisation sur les sources d’exposition, la gestion du port d’équipements de protection individuelle adaptés, la conduite à tenir en cas d’incidents sont autant de points critiques qu’il paraît essentiel de maîtriser pour réduire les expositions. Par ailleurs, les actions de prévention doivent être accompagnées d’une information et d’un suivi régulièrement renouvelés.

Conclusion

Cette étude a permis de documenter les expositions de soignants aux médicaments cytotoxiques en oncologie hospitalière. Il apparaît qu’elles concernent aussi bien les infirmiers que les aides-soignants ou les agents de service hospitalier. La biométrologie apporte un éclairage nouveau sur l’efficacité des moyens de prévention, et les mesures de contamination des surfaces permettent d’identifier des sources de contamination. Les déterminants de l’exposition sont multiples ; ils doivent être identifiés et pris en compte dans la maîtrise du risque cytotoxique. Enfin, cette étude met en évidence la nécessité d’un suivi régulier des expositions pour maintenir un niveau de vigilance optimal du personnel afin d’éviter toute dérive au cours du temps.

Références

1 Guide de prévention. Manipulation sécuritaire des médicaments dangereux. Montréal, Qc: ASSTSAS; 2008. 158 p. http://asstsas.qc.ca/publication/guide-de-prevention-manipulation-securitaire-des-medicaments-dangereux-gp65
2 Ndaw S, Capitaine L. Médicaments cytotoxiques et soignants. Manipuler avec précaution ! Dépliant. Paris: INRS; 2012. 4p.
3 Centre national hospitalier d’information sur le médicament (CNHIM). Anticancéreux : utilisation pratique. 7e ed. Dossier du CNHIM. 2013;(5-6).
4 Ndaw S, Denis F, Marsan P, d’Almeida A, Robert A. Biological monitoring of occupational exposure to 5-fluorouracil. Urinary α-fluoro-β-alanine assay by High Performance Liquid Chromatography Tandem Mass Spectrometry in health care personnel. J Chromatogr B. 2010;878:2630-4.
5 Poupeau C, Roland C, Bussières JF. Surveillance urinaire des professionnels de la santé exposés aux antinéoplasiques dans le cadre de leur travail : revue de la littérature de 2010 à 2015. J Can Pharm Hosp. 2016;69(5):376-87.
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7 Schierl R, Bohlandt A, Nowak D. Guidance values for surface monitoring of antineoplastic drugs in German pharmacies. Ann Occup Hyg. 2009;53(7):703-11.
8 Hedmer M, Wohlfart G. Hygienic guidance values for wipe sampling of antineoplastic drugs in Swedish hospitals. J Environ Monit. 2012;14:1968-75.

Citer cet article

Ndaw S, Robert A, Ricolfi C, Denis F, Marsan P. Soignants et médicaments cytotoxiques. Place de la biométrologie dans la maîtrise des risques dans le temps. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(12-13):252-7. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/12-13/2018_12-13_7.html