Expositions professionnelles à des agents cancérogènes respiratoires chez les salariés en 2010

// Occupational exposure to respiratory carcinogenic agents among salaried workers in 2010

Nadine Fréry1 (nadine.frery@santepubliquefrance.fr), Frédéric Moisan1, Yannick Schwaab1, Robert Garnier2
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Centre antipoison (CAP) de Paris, Assistance-Publique-Hôpitaux de Paris et Université Denis-Diderot, Paris, France
Soumis le 20.11.2017 // Date of submission: 11.20.2017
Mots-clés : Salariés | Multi-exposition | Agents cancérogènes respiratoires | Agents chimiques | Rayonnements ionisants
Keywords: Salaried workers | Multiple exposure | Respiratory carcinogens | Chemicals | Ionizing radiation

Résumé

Introduction –

Les cancers respiratoires sont les plus fréquents des cancers professionnels, mais très peu de données sont disponibles pour quantifier l’exposition professionnelle aux cancérogènes respiratoires. L’objectif de ce travail était d’évaluer en France la proportion de salariés exposés à des agents cancérogènes respiratoires et d’identifier les groupes professionnels les plus exposés, à des fins de prévention.

Méthode –

À partir des données de l’enquête Sumer 2009-2010 sur l’exposition des salariés en France, Santé publique France a calculé des proportions de salariés exposés à des cancérogènes respiratoires selon le secteur d’activité et la famille professionnelle. Les agents cancérogènes respiratoires sélectionnés sont les rayonnements ionisants et 15 cancérogènes chimiques respiratoires, différenciés selon leur action au niveau de l’appareil broncho-pulmonaire ou de la sphère ORL.

Résultats –

En France, en 2010, environ 2 millions de salariés (environ 1,7 million d’hommes et 300 000 femmes) ont été exposés à au moins un cancérogène de l’appareil respiratoire et 22% d’entre eux avaient au moins une double exposition. Si chez les hommes, les secteurs de la construction, de la réparation automobile et du transport et de l’entreposage sont prépondérants et impliquent essentiellement des agents chimiques, chez les femmes, l’exposition se concentre dans le secteur de la santé où sont présents les rayonnements ionisants en plus des agents chimiques.

Discussion – conclusion –

Cette étude a permis de quantifier un effectif important de salariés exposés à des cancérogènes respiratoires en France, en particulier dans certains secteurs et groupes professionnels. Une meilleure connaissance des protections mises en place dans ces secteurs et professions sont nécessaires pour assurer une prévention adéquate à ces risques cancérogènes.

Abstract

Introduction –

Respiratory system cancers accounts for a large part of occupational cancers, but few data are available to quantify occupational exposure to respiratory carcinogens. The aim of this study was to estimate the proportion of salaried workers exposed to respiratory carcinogenic agents and to identify occupational groups with the highest proportion of exposure in France, in order to facilitate preventive measures.

Methods –

Based on the data of the SUMER 2009-2010 survey on exposure of salaried workers in France, the French National Public Health Agency (Santé publique France) produced proportions of salaried workers exposed to respiratory carcinogenic agents according to the activity sectors and occupational groups. The selected respiratory carcinogenic agents were 15 hazardous chemical carcinogens and ionizing radiation, distinguished by their effect on the lungs or ENT.

Results –

In France in 2010, nearly 2 million of salaried workers (around 1.7 million of men and 300 000 women) were exposed to at least one respiratory carcinogenic hazard and 22% of them had at least a double exposure. The activity sectors of exposed men were mainly construction, automobile repair and transport and mainly involved chemicals. Exposed women mainly worked in health activity sector where chemicals and also radiation are present.

Discussion – conclusion –

This study identified a high number of workers exposed to respiratory carcinogens in France, particularly in some activity sectors and occupational groups. A better knowledge of protections in these activity sectors and occupational groups are necessary to insure an adequate prevention of these carcinogenic risks.

Introduction

Avec environ 28 000 nouveaux cas en 2012, le cancer broncho-pulmonaire primitif est, chez l’homme, le deuxième cancer le plus fréquent et la première cause de mortalité par cancer en France (21 000 décès annuels environ). Chez la femme, l’incidence du cancer broncho-pulmonaire et la mortalité associée sont en constante augmentation (11 000 nouveaux cas et 8 500 décès par cancer broncho-pulmonaire en 2012) 1. La majorité des cancers professionnels identifiés sont de localisation broncho-pulmonaire 2. En France, le nombre de cas de cancers broncho-pulmonaires reconnus dans le cadre des tableaux du régime général de la Sécurité sociale semble très largement sous-estimé 3. Les cancers imputables à l’amiante, au benzène, aux rayonnements ionisants et aux poussières de bois couvrent à eux seuls près de 90% des cancers d’origine professionnelle indemnisés 2. Or, en France en 2010, un tiers des salariés étaient exposés à des produits chimiques, dont 10% à des substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) 4.

Ce volet du projet Multi-expo a pour but de quantifier en France le nombre de salariés exposés et multi-exposés à des cancérogènes respiratoires et d’identifier des groupes à risque (secteurs d’activité, familles professionnelles) au sein de la population française salariée en 2010, afin de faciliter la prévention.

Méthode

Les indicateurs d’exposition ont été obtenus à partir de l’exploitation des données de l’enquête Sumer 5,6 sur l’exposition des salariés, du ministère chargé du travail (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – Dares – et Direction générale du travail, Inspection médicale du travail). Elle a été réalisée par les médecins du travail en 2009-2010 auprès d’un échantillon de 47 983 salariés (chacun étant affecté d’un poids pour prendre en compte le plan de sondage et le redressement de l’échantillon 7), représentatif de près de 90% de l’ensemble des salariés.

Les nuisances cancérogènes respiratoires sélectionnées sont les rayonnements ionisants (classés par le Centre international de recherche sur le cancer – Circ – dans le groupe 1 des cancérogènes avérés pour l’homme), et 15 cancérogènes chimiques respiratoires (groupe 1 ou 2A du Circ ou 1A ou 1B de l’Union européenne) classés en deux groupes présentés dans le tableau 1 : ceux ayant une action sur l’appareil respiratoire broncho-pulmonaire (BCP) et ceux ayant une action sur la sphère ORL. Ont été considérés par les médecins du travail comme exposés aux rayonnements ionisants : les salariés classés en catégorie A ou B (≥1 mSv/an, item du questionnaire ; mode et sources d’exposition non précisés) quelle que soit la durée d’exposition.

Tableau 1 : Agents chimiques cancérogènes retenus dans le projet Multi-expo
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Le pourcentage de salariés exposés à un ensemble particulier de nuisances a été obtenu par le cumul d’indices binaires d’exposition définis pour chaque nuisance cancérogène respiratoire au poste de travail (présente/absente selon le médecin du travail). Les indicateurs produits (basés sur l’effectif des salariés) n’intègrent pas l’usage des protections collectives et/ou individuelles, mais celui-ci a été étudié lors de situations d’exposition à un cancérogène chimique, qui peuvent être multiples pour un même salarié. Les indicateurs produits sont déclinés selon le secteur d’activité, la profession, le sexe, l’âge et calculés en utilisant les poids de pondération afin de tenir compte du plan de sondage et des redressements (SAS® 9.2 Enterprise Guide 4.3 et R version 3.1.0).

Résultats

Exposition globale aux cancérogènes de l’appareil respiratoire

En France en 2010, près de 2 millions de salariés (environ 1 700 000 hommes et 300 000 femmes), soit 9,0% des salariés, ont été exposés à au moins un cancérogène de l’appareil respiratoire – agents chimiques et/ou rayonnements ionisants – lors de la dernière semaine travaillée avant l’enquête (tableau 2). Environ 22% d’entre eux avaient subi au moins une double exposition (soit environ 420 000 salariés : 23% des hommes et 16% des femmes salariés exposés), ce qui correspond in fine à 2 303 800 situations d’exposition à un cancérogène chimique respiratoire. Un même salarié peut être exposé à plusieurs cancérogènes chimiques, ce qui explique que le nombre de salariés exposés soit un peu plus faible que le nombre de situations d’expositions.

Tableau 2 : Pourcentages et effectifs des salariés exposés à des cancérogènes de l’appareil respiratoire, et en particulier broncho-pulmonaires et de la sphère ORL
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L’exposition aux cancérogènes chimiques de l’appareil respiratoire concernait environ 1 720 000 salariés (8% des salariés), celle aux rayonnements ionisants 259 000 (environ 136 000 hommes et 123 000 femmes) et 41 700 salariés avaient une exposition conjointe. Proportionnellement, les femmes étaient davantage exposées aux rayonnements ionisants que les hommes (46,3% des femmes exposées et 8,1% des hommes exposés). Inversement, les hommes étaient davantage exposés aux cancérogènes chimiques (93% des hommes exposés et 62,5% des femmes).

Parmi les 2 303 800 situations d’exposition à un cancérogène chimique respiratoire, une protection collective (aspiration à la source, vase clos…) a été signalée dans 22% des cas, était absente dans 35%, ou inadaptée pour les cancérogènes (simple ventilation générale) dans 17,5% (et 25% non renseigné). En l’absence de protection collective efficace (35% et 17,5%), la mise à disposition d’une protection individuelle respiratoire a été signalée dans 37,6% des cas de situation d’exposition, ce qui signifie que dans un tiers des cas il n’y avait ni protection collective ni protection individuelle.

Exposition globale aux cancérogènes de l’appareil broncho-pulmonaire et de la sphère ORL

Les cancérogènes respiratoires impliqués avaient pour cibles le poumon et les bronches (émissions de moteurs diesel, silice cristalline…) pour 1,6 million de salariés et la sphère ORL (poussières de bois, formaldéhyde…) pour 0,9 million. Les hommes étaient plus souvent exposés à un cancérogène de l’appareil broncho-pulmonaire qu’à un cancérogène de la sphère ORL et inversement pour les femmes (tableau 2).

Exposition masculine

Les hommes salariés exposés à un cancérogène respiratoire appartenaient principalement à trois secteurs d’activité : i) la construction, ii) le commerce et la réparation automobile et iii) le transport et l’entreposage (figure).

Les secteurs particulièrement exposants, c’est-à-dire comportant une proportion élevée de salariés exposés, étaient : la construction (environ 31,2% des salariés de la construction exposés), la métallurgie (28%), les industries manufacturières (26,9%), la recherche (26,4%) et le travail du bois (24%). Parmi les salariés exposés à un cancérogène (quel que soit l’organe cible), la proportion de salariés exposés spécifiquement à un cancérogène respiratoire était d’environ 90% dans les secteurs du transport et entreposage, du commerce, de la réparation d’automobiles et de motocycles, et de la construction. Ils étaient près de 70% dans la métallurgie ainsi que la fabrication de produits en caoutchouc ou en plastique, et 58% dans le secteur de la fabrication de matériels de transport.

Chez les hommes salariés exposés à un cancérogène de l’appareil broncho-pulmonaire, on retrouvait les trois mêmes secteurs prédominants : construction (22,5% de l’ensemble des hommes salariés exposés à un cancérogène BCP), réparation automobile (17,7%), transport (10,5%). La proportion de salariés exposés était particulièrement élevée chez les ouvriers de la réparation automobile (70% d’entre eux) et du gros œuvre du BTP (environ 36%). Les ouvriers du gros œuvre du BTP (maçons, couvreurs, charpentiers, tailleurs de pierre…) étaient davantage exposés à un cancérogène de l’appareil broncho-pulmonaire (émissions de moteur diesel, silice cristalline…), alors que les ouvriers du second œuvre (plombiers, menuisiers, électriciens, peintres…) l’étaient davantage à un cancérogène de la sphère ORL (poussières de bois, formaldéhyde…).

Les hommes salariés exposés à un cancérogène de la sphère ORL travaillaient pour près d’un tiers d’entre eux dans la construction. Contrairement aux salariés exposés aux cancérogènes broncho-pulmonaires, on ne les retrouvait quasiment plus dans le secteur du transport et de l’entreposage (3,6% des hommes salariés exposés à un cancérogène ORL) et de façon moindre dans celui de la réparation automobile (8%) ; en revanche, ils étaient présents dans les secteurs de la santé (6,4%), des industries manufacturières (6,0%) et du travail du bois, de l’industrie du papier et de l’imprimerie (5,6%), ce dernier secteur reflétant probablement en partie l’exposition aux poussières de bois. Par ailleurs, la recherche et développement scientifique constituait un secteur particulièrement exposant (24% des salariés de ce secteur exposés, notamment aux rayonnements ionisants), ainsi que celui du travail du bois (22,3%).

Figure : Répartition par secteur d’activité des salariés exposés à au moins un cancérogène respiratoire
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Exposition féminine

Parmi les salariés exposés à un cancérogène respiratoire, les femmes ne représentaient que 14% ; les jeunes femmes étaient un peu plus exposées aux agents chimiques cancérogènes de l’appareil respiratoire (3,1% d’entre elles chez les moins de 25 ans et 2,4% chez les 30-34 ans contre moins de 1,8% dans les autres tranches d’âge). Leur activité se concentrait, pour plus de 40% d’entre elles, dans le secteur de la santé (infirmières, sages-femmes, aides-​soignantes, autres professions paramédicales), secteur le plus fortement impacté par l’exposition aux rayonnements ionisants, puis dans les services pour 7,5% (coiffeuses, esthéticiennes), et les transports (7,5%) (figure). Toutefois, le secteur le plus exposant était celui de la recherche et développement scientifique (environ 20% de ces salariées exposées).

Les salariées exposées à un cancérogène de l’appareil broncho-pulmonaire et celles exposées à un cancérogène de la sphère ORL appartenaient dans les deux cas principalement au secteur de la santé (à près de 50%). Par ailleurs, près de 10% des femmes exposées à un cancérogène de l’appareil broncho-pulmonaire travaillaient dans le secteur du transport et de l’entreposage (c’étaient notamment des conductrices et des agents de transport et du tourisme) et près de 10% des femmes exposées à un cancérogène de la sphère ORL travaillaient dans le secteur des services (coiffeuses, esthéticiennes). Cependant, pour chacune de ces expositions spécifiques (cancérogènes BCP et ORL), on notait une proportion plus élevée de salariées exposées dans la recherche et développement scientifique.

Discussion

Les cancers respiratoires sont les plus fréquents des cancers professionnels identifiés (près de 1 500 sur 1 778 cancers reconnus d’origine professionnelle et indemnisés en 2016 par l’Assurance maladie 2) ; les voies aériennes sont exposées chaque fois que les agents impliqués sont volatils, chauffés ou aérosolisés. En France, on dispose de très peu de données pour quantifier l’exposition professionnelle aux cancérogènes respiratoires. Et, comme l’exposition professionnelle est rarement à un seul agent, une attention particulière a été portée aux expositions multiples. L’originalité de ce volet du projet Multi-expo tient à la quantification très spécifique de l’exposition aux cancérogènes de l’appareil respiratoire et en particulier aux cancérogènes broncho-pulmonaires ou de la sphère ORL. Les substances chimiques et les rayonnements ionisants étudiés sont des causes bien connues de cancer respiratoire d’origine professionnelle 2. Les effets cancérogènes étant généralement sans seuil de dose, les expositions mêmes minimes doivent être évitées, d’autant plus qu’au niveau de l’arbre respiratoire les effets des cancérogènes professionnels peuvent s’ajouter à ceux du tabac.

Il est donc essentiel de repérer les situations d’exposition afin de mettre en œuvre ou renforcer les mesures de prévention pour supprimer ou réduire le plus possible les expositions cancérogènes en milieu de travail.

L’étude montre un effectif assez conséquent d’hommes exposés à un cancérogène respiratoire dans les secteurs de la construction et de la réparation automobile, qui reflète en grande partie l’exposition aux émissions de moteurs diesel et à la silice cristalline, inhalée par exemple lors d’activité de ponçage de béton ou de sablage (cancérogènes broncho-pulmonaires), ainsi qu’aux poussières de bois et au formaldéhyde (cancérogènes de la sphère ORL) 4,6. Certains secteurs sont plus spécifiques d’une exposition particulière : le transport et l’entreposage pour l’exposition à des cancérogènes broncho-pulmonaires et le secteur du travail du bois, de l’industrie du papier et de l’imprimerie, de la santé pour l’exposition à des cancérogènes de la sphère ORL. Ces résultats sont cohérents au vu des quatre cancérogènes les plus fréquents 5 chez les salariés exposés que sont les émissions de moteurs diesel (environ 800 000 salariés exposés), les poussières de bois (environ 370 000), la silice cristalline (environ 295 000) et le formaldéhyde, présent dans les gaz d’échappement des véhicules à moteur, les panneaux de particules agglomérées et autres matériaux de construction semblables, les moquettes, les peintures et vernis, la fabrication du papier (environ 140 000). Dans ces secteurs, les protections collectives semblent encore insuffisantes, en partie du fait des difficultés techniques ; elles doivent être renforcées quand c’est techniquement possible et complétées par des protections individuelles efficaces, notamment lors de postes de travail mobiles sur les chantiers du bâtiment.

Les femmes exposées à des cancérogènes respiratoires se retrouvent majoritairement dans le secteur de la santé, du fait de leur exposition aux rayonnements ionisants et à des agents chimiques, comme les cytostatiques utilisés pour lutter contre le cancer et le formaldéhyde utilisé comme désinfectant et conservateur. À noter que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) rapporte la prépondérance de ce secteur pour l’exposition aux rayonnements ionisants, puisque les activités médicales et vétérinaires représentaient 62% de l’ensemble des travailleurs suivis par dosimétrie externe passive en 2010 8, date de l’enquête Sumer. Ce secteur est très féminisé (en particulier chez les infirmières, sages-femmes, aides-soignantes) ; par exemple la profession d’infirmier reste la première profession de santé en France et les femmes y sont fortement représentées avec 87% de la profession 9. Il en résulte que l’exposition aux rayonnements ionisants est observée proportionnellement davantage chez les femmes (46,3%) que chez les hommes (8,1%).

Bien que d’effectif limité, le secteur de la recherche et développement scientifique constituait un secteur particulièrement exposant pour les femmes, notamment aux rayonnements ionisants et au formaldéhyde.

Le traitement actuel des données surestime probablement le risque de cancer respiratoire associé à l’exposition aux rayonnements ionisants 1,8. En effet, une grande partie des personnes exposées sont des personnels de santé. Dans ce secteur d’activité, le type de source impliqué et les doses associées, n’entraînent probablement pas un excès de risque important de cancer respiratoire. Les données collectées dans l’étude Sumer ne permettent pas de faire la distinction entre les expositions externes et les expositions par inhalation aux rayonnements ionisants.

Par ailleurs, si des éléments d’information sont disponibles dans Sumer sur les protections collectives et individuelles qui semblent à première vue parfois insuffisantes, une étude ad hoc serait nécessaire pour s’assurer, d’une part, de leur utilisation et, d’autre part, de la réelle protection des salariés contre les agents chimiques et les radiations.

La Dares fournit quelques informations sur l’évolution entre 2003 et 2010 des protections des salariés aux produits chimiques CMR en général (pas seulement cancérogènes respiratoires). Il s’avère que ce sont surtout les protections individuelles, les moins efficaces, qui ont été renforcées (de 19% à 29%), alors que les protections collectives n’ont pas progressé 4. Par ailleurs la proportion de salariés exposés à au moins un de ces CMR chimiques a diminué, passant de 13% en 2003 à 10% en 2010.

Conclusion

Cette étude a permis de quantifier un effectif important de salariés exposés à des cancérogènes respiratoires en France. Si, chez les hommes, les secteurs de la construction, de la réparation automobile ainsi que du transport et de l’entreposage sont prépondérants et impliquent essentiellement des agents chimiques, chez les femmes, l’exposition se concentre dans le secteur de la santé où sont présents les rayonnements ionisants en plus des agents chimiques. Ce résultat doit être nuancé par l’utilisation de protections collectives et/ou individuelles, parfois inexistantes ; la prévention, dans le cadre de contaminants atmosphériques, doit en particulier être centrée sur l’aspiration à la source ou le travail en vase clos. L’information sur les protections (présence, utilisation, adaptée ou non) nécessite d’être complétée pour assurer une meilleure prévention et constitue un véritable enjeu pour la santé des travailleurs. La nouvelle enquête Sumer de 2017, qui sera bientôt disponible, permettra d’actualiser et d’étudier l’évolution des expositions professionnelles aux cancérogènes.

Remerciements

Nos remerciements vont tout particulièrement aux participants et aux organisateurs de l’étude Sumer 2009-2010 de la Dares et de la Direction générale du travail-Inspection médicale du travail (DGT) et au Centre Maurice Halbwachs (CMH) qui a permis la diffusion des données Surveillance médicale des risques professionnels (Sumer).

Références

1 Direction générale du travail. Surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés ou ayant été exposés à des agents cancérogènes pulmonaires. Recommandations de bonne pratique. DGT, SFMT, HAS, INC; 2015. 373 p. [Internet] http://www.chu-rouen.fr/sfmt/autres/Argumentaire_201511.pdf
2 L’Assurance maladie. Rapport annuel 2016. Risques professionnels. Focus sur les cancers professionnels. AMRP ; 2016:126-36. [Internet] http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/brochures.html
3 Institut national du cancer. Cancers professionnels – État des connaissances. Fiche repère. Inca; 2012. 8 p. [Internet] http://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Collections/Fiches-repere
4 Cavet M, Memmi S, Leonard M. Les expositions aux cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques : un zoom sur huit produits chimiques. Réf. Santé Trav. Ed INRS, TF233; 2015.144:77-91. http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TF%20233
5 Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (ministère du Travail). Enquête Sumer 2010 – Présentation détaillée. Paris: Dares; 2010. 3 p. [Internet] http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Presentation_detaillee_de_Sumer_2010.pdf.
6 Fréry N, Moisan F, Schwaab Y, Garnier R. Multi-expositions professionnelles à des agents cancérogènes chez les salariés en 2010. Saint-Maurice: Santé publique France; 2016. 16 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=13165
7 Rivalin R. Redressement des données de l’enquête Sumer 2010. Paris: Dares; 2011. 33 p. [Internet] http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Methodologie_de_redressement_des_donnees_Sumer_2010.pdf
8 Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. La radioprotection des travailleurs – Exposition professionnelle aux rayonnements ionisants en France : bilan 2010. Fontenay-aux-Roses: IRSN; 2011. 110 p. [Internet] http://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/radioprotection-homme/Pages/Bilan-2010-expositions-professionnelles-rayonnements-ionisants.aspx#.WuHeCp1OKUm
9 Institut national de la statistique et des études économiques. Personnels et équipements de santé. 9.2. TEF, Insee Références. 2016. 90-91 [Internet] http://www.insee.fr/fr/ffc/tef/tef2016/T16F092/T16F092.pdf

Citer cet article

Fréry N, Moisan F, Schwaab Y, Garnier R. Expositions professionnelles à des agents cancérogènes respiratoires chez les salariés en 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(12-13):246-51. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/12-13/2018_12-13_6.html