Caractérisation des femmes ne réalisant pas de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervico-utérin en France

// Characteristics of French women who fail to undergo regular Pap smears for cervical cancer screening

Stéphanie Barré1 (sbarre@institutcancer.fr), Marc Massetti2, Henri Leleu2, Nathalie Catajar1, Frédéric de Bels1
1 Institut national du cancer (INCa), Boulogne-Billancourt, France
2 Public Health Expertise, Paris, France
Soumis le 14.10.2016 // Date of submission: 10.14.2016
Mots-clés : Dépistage | Cancer du col de l’utérus | Inégalités sociales | Population vulnérable
Keywords: Screening | Cervical cancer | Social inequalities | Vulnerable population

Résumé

Introduction –

L’Institut national du cancer a conduit une étude visant à caractériser les populations vulnérables et les femmes non-participantes au dépistage du cancer du col de l’utérus (CCU), en amont de la généralisation du programme de dépistage organisé (DO).

Méthodes –

L’étude est une analyse transversale des données de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) de l’Assurance maladie sur la période 2010-2013. Elle a porté sur 125 519 femmes.

Résultats –

Près de 40% des femmes n’avaient réalisé aucun dépistage en quatre ans. Les taux de non-participation au dépistage augmentaient à partir de l’âge de 50 ans, chez les femmes ayant un moindre recours au système de santé, en ALD, en invalidité et présentant des caractéristiques socioéconomiques défavorables. Près de 60% des femmes non-participantes résidaient dans une commune identifiée comme défavorisée et 15% étaient bénéficiaires de la CMUc.

Conclusion –

Les résultats sont cohérents avec les données issues de la littérature. La caractérisation au plan quantitatif des femmes non-participantes et des populations vulnérables permet d’évaluer les moyens que le programme de DO CCU devra déployer. Toutefois, pour mieux atteindre ces populations, des approches qualitatives ciblées devront être conduites en complément, dans une démarche d’universalisme proportionné.

Abstract

Introduction –

The French National Cancer Institute conducted a study to characterize vulnerable and non-participating women in cervical cancer (CC) screening prior to implementing an organized screening (OS) program.

Methods –

The study is a cross-sectional statistical analysis of the French health insurance database for 2010-2013, and covering 125,519 women.

Results –

Nearly 40% of women had made no Pap-smear in four years. The rate of non-participation in CC screening increased from the age of 50, in women rarely in contact with the healthcare system, suffering from chronic illness, on disability or in a poor social and economic situation. Close to 60% of non-participating women lived in deprived area and 15% was covered by the French universal health cover (CMU-C).

Conclusion –

Results were consistent with the scientific literature. The quantitative characterization of vulnerable and non-participating women in CC screening enables an accurate assessment of the means that the forthcoming OS program should deploy. However in order to better reach these populations, complementary targeted qualitative approaches will have to be proposed in a proportionate universal way.

Introduction

Le Plan cancer 2014-2019 s’est donné pour objectif de faire reculer les inégalités face au cancer du col de l’utérus (CCU). Un nombre important de femmes échappe à tout dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus, principalement dans les populations vulnérables. Plus de 1 100 femmes meurent chaque année de ce cancer. C’est l’un des seuls pour lequel le pronostic se dégrade en France, avec un taux de survie à cinq ans après le diagnostic en diminution (passé de 68% en 1989-1991 à 64% en 2001-2004) et un impact démontré du niveau socioéconomique sur la mortalité. Toutefois, les facteurs qui influencent la survie sont nombreux. L’existence d’un dépistage peut avoir des conséquences paradoxales sur la survie. Celui du CCU permet le diagnostic de lésions précancéreuses, qui se traduit par une baisse de l’incidence. Les cancers diagnostiqués au stade invasif sont moins nombreux, mais comportent une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic, ce qui induit une baisse de la survie des cancers invasifs diagnostiqués 1,2.

L’action 1.1. du Plan cancer prévoit de permettre à chaque femme de 25 à 65 ans l’accès à un dépistage régulier du CCU via un programme national de dépistage organisé (DO). Elle précise que le dispositif devra cibler les femmes ne réalisant pas de dépistage et les populations les plus vulnérables 2.

L’objectif de cette étude était de caractériser au plan quantitatif les femmes non-participantes au dépistage du CCU, d’étudier les facteurs de non-participation et d’identifier des facteurs permettant de caractériser les femmes vulnérables non-participantes que le programme devra cibler.

Matériel et méthode

L’étude est une analyse transversale sur la période 2010-2013 des données de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) de l’Assurance maladie. Elle s’est déroulée d’octobre 2014 à juin 2015. La méthodologie a été décrite de façon détaillée dans deux rapports publiés sur le site de l’Institut national du cancer (INCa) 3,4.

L’étude a porté sur 125 519 femmes (figure 1). La population d’étude correspondait à l’ensemble des femmes présentes dans l’EGB, inscrites de façon ininterrompue au régime général de l’Assurance maladie entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013, vivantes au 31 décembre 2013 et dont l’âge était de 25 ans au 1er janvier 2010 et inférieur à 65 ans au 31 décembre 2013. Étaient exclues de l’étude (considérées comme non éligibles au dépistage) : les femmes ayant une affection de longue durée (ALD) potentiellement liée à une hystérectomie (ablation du corps et du col utérin pour pathologie cancéreuse, fibrome, endométriose, etc.) dont la date était antérieure à janvier 2010, ou ayant subi une hystérectomie ou une trachélectomie au cours d’une hospitalisation entre 2006 et 2009.

Figure 1 : Diagramme de flux de l’étude transversale des données de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires de l’Assurance maladie (EGB), période 2010-2013
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En France, l’intervalle recommandé entre deux frottis cervico-utérins (FCU) de dépistage est de trois ans pour toutes les femmes de 25 à 65 ans 5. La participation au dépistage du CCU a été fondée sur l’identification d’au moins un remboursement pour un examen cytopathologique d’un FCU durant la période d’étude de quatre ans. Une période plus longue que l’intervalle recommandé entre deux FCU a été retenue afin d’éviter un effet de seuil et sous-estimer la participation réelle.

Des analyses univariées ainsi que des régressions logistiques et des analyses multidimensionnelles ont été conduites 4. Les analyses multidimensionnelles étaient des analyses en composantes multiples (ACM) dont l’objectif était d’identifier des grands axes fondés sur les caractéristiques des femmes et corrélés à la participation au dépistage.

Les variables d’étude sont issues ou ont été estimées directement à partir de l’EGB : réalisation d’un FCU, médecin traitant déclaré à l’Assurance maladie, remboursement pour un traitement associé à une infection sexuellement transmissible (IST) pour syphilis ou chlamydia, fréquence des consultations avec un gynécologue, fréquence des consultations avec un médecin généraliste, remboursement pour un traitement associé à une dépendance à l’alcool, remboursement pour un traitement de substitution aux opioïdes, déclaration d’une affection de longue durée (ALD), remboursement au titre de la Couverture maladie universelle (CMU), séjour hospitalier en lien avec un accouchement, consultation avec une sage-femme, séjour hospitalier en lien avec une IVG, remboursement en lien avec la pose d’un stérilet, remboursement pour une contraception pharmacologique prise en charge par l’Assurance maladie, remboursement pour la réalisation d’une mammographie, paiement en espèces au titre d’une pension d’invalidité-décès. En complément, les variables géographiques suivantes ont été obtenues à partir de la commune de résidence des bénéficiaires : type de commune selon la classification de l’Insee (urbain, petit urbain, périurbain, rural), densité de gynécologues (en quartile, du plus au moins dense) et défavorisation de la commune de résidence, selon l’indice européen de défavorisation (EDI) 6.

Un comité scientifique a été constitué pour apporter des avis sur les choix méthodologiques, la mise en œuvre, les résultats et limites des analyses 3. Les membres de ce comité ont communiqué leurs déclarations d’intérêts à l’Institut national du cancer (INCa) qui les a analysées et publiées sur son site Internet.

Résultats

Selon l’analyse des données de l’EGB, 39% des femmes de la population-cible du dépistage n’avaient réalisé aucun FCU durant la période d’étude de quatre ans. La proportion de femmes non-participantes au dépistage du CCU augmentait (tableau 1) :

à partir de l’âge de 50 ans ;

dans les zones géographiques identifiées comme défavorisées et pour les femmes bénéficiaires de la CMUc (CMU complémentaire) ;

chez les femmes en invalidité ;

chez les femmes ayant un moindre recours au système de soins (n’ayant pas de médecin traitant ou consultant un médecin généraliste moins de trois fois par an ou sans consultation de gynécologue durant la période d’étude) ou à la prévention (femmes entre 50 et 65 ans n’ayant pas réalisé de mammographie) ;

chez les femmes dépendantes à l’alcool ou aux opioïdes ;

chez les femmes atteintes de certaines ALD, notamment obésité, diabète, pathologie psychiatrique, VIH, hépatite ;

chez les femmes décédées après la période d’analyse.

Tableau 1 : Analyses univariées des caractéristiques des femmes selon la réalisation ou non d’au moins un frottis cervico-utérin (FCU) dans les quatre ans. Échantillon généraliste des bénéficiaires de l’Assurance maladie, période d’étude 2010-2013
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Parmi les femmes bénéficiaires d’une ALD, le pourcentage de celles ayant réalisé un FCU était inférieur à celui de la population générale (55% versus 61%). L’étude montrait également qu’il existait des disparités importantes selon le motif de l’ALD. Les résultats standardisés sur l’âge des femmes étaient les plus bas pour les motifs d’obésité (26%), de retard mental (22%) et de maladie alcoolique du foie (20%), tandis que les plus élevés concernaient les cancers cutanés (75%) et les maladies inflammatoires intestinales (71%).

La population des femmes non-participantes était uniformément répartie entre 25 et 60 ans, et les femmes de plus de 60 ans étaient sous-représentées (moins de 7% du total des femmes non-participantes). Près de 60% des femmes non-participantes résidaient dans une commune identifiée comme défavorisée (dernier quintile) et 15% étaient bénéficiaires de la CMUc. S’agissant du recours au système de soins, 73% des femmes non-participantes consultaient un médecin généraliste plus de deux fois par an, mais 80% d’entre elles n’avaient pas consulté de gynécologue en quatre ans.

Plus les femmes étaient jeunes, plus la proportion de celles résidant dans les communes les plus défavorisées était importante, tandis que la proportion de bénéficiaires de la CMUc diminuait avec l’âge et que les proportions de femmes en ALD pour une pathologie chronique ou en invalidité augmentaient avec l’âge. Enfin, les femmes jeunes non-participantes consultaient plutôt un gynécologue tandis que les plus âgées s’adressaient à un médecin généraliste.

Après ajustement sur l’ensemble des caractéristiques explorées dans les analyses univariées, les régressions logistiques montraient qu’une faible participation au dépistage était associée aux variables suivantes :

l’âge, l’indice de défavorisation de la commune de résidence, la rareté des consultations chez le médecin généraliste, les dépendances, l’obtention d’une ALD, la CMUc et la faible densité médicale du lieu de résidence pour l’ensemble des femmes (tableau 2) ;

l’indice de défavorisation de la commune de résidence, la faible densité médicale de gynécologues, la rareté des consultations chez le médecin généraliste et/ou chez le gynécologue (ou la sage-femme), l’alcoolo-dépendance, l’obtention d’une ALD, le fait d’avoir été soignée pour une IST, la CMUc, le décès après le suivi, l’absence de dépistage du cancer du sein par mammographie et la séropositivité VHB pour les femmes entre 50 et 65 ans (tableau 3).

Tableau 2 : Régression logistique, ensemble des femmes : probabilité de réaliser un frottis dans les quatre ans. Échantillon généraliste des bénéficiaires de l’Assurance maladie, période d’étude 2010-2013
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Tableau 3 : Régression logistique chez les femmes entre 50 et 65 ans : probabilité de réaliser un frottis dans les quatre ans. Échantillon généraliste des bénéficiaires de l’Assurance maladie, période d’étude 2010-2013
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Enfin, dans l’analyse des correspondances multiples, conduite sur l’ensemble des femmes, deux axes principaux expliquant 30% de la variance et corrélés à la participation ont été décrits (figure 2) :

un axe lié au recours aux soins (variables liées à la fréquence des consultations chez le médecin généraliste ou le gynécologue) ;

un axe lié à la présence de comorbidités ou de situation(s) de dépendance (variables ALD, invalidité et dépendance).

Ces deux axes étaient associés à des variables qui avaient été précédemment décrites comme associées à la participation. Toutefois, la faible variance expliquée confirme que les facteurs de participation sont multiples et que les variables retenues n’en expliquent qu’une faible proportion.

Figure 2 : Analyse des correspondances multiples (ensemble des femmes)
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Discussion et conclusion

L’étude a permis de caractériser les femmes ne réalisant pas de FCU de dépistage et les facteurs associés à une moindre participation au dépistage par FCU.

Les caractéristiques identifiées sont cohérentes avec les principaux freins associés à la participation au dépistage du CCU identifiés dans la revue systématique de littérature publiée en 2010 par la Haute Autorité de santé (HAS) 5.

Elles rejoignent également les conclusions de la revue de la littérature effectuée en amont de l’étude et basée sur l’analyse de références en langues française et anglaise datant de moins de cinq ans, sauf publications majeures antérieures : 400 articles scientifiques identifiés, dont 93 retenus et analysés et 84 intégrés dans l’analyse, 22 documents issus de la littérature grise sélectionnés, dont 10 retenus 7. Cette analyse de la littérature a identifié les principaux groupes de femmes non-participantes au dépistage du CCU. Il s’agissait des femmes de plus de 50 ans, de celles qui étaient dans une situation économique et/ou sociale défavorable ainsi que celles dans une situation de santé défavorable. Des situations particulières ont également été constatées 7,8,9,10,11,12,13,14,15.

Sur le plan médical, la présence de comorbidités, l’absence ou le moindre recours au système de soins ou de santé, les situations de handicap ou de dépendance ainsi que le fait d’être hébergée en institution étaient associés à une non-participation au dépistage. Les études indiquaient de façon convergente que les femmes atteintes de pathologies chroniques constituaient un sous-groupe particulièrement à risque de sous-dépistage du CCU. En effet, ces femmes sont amenées à privilégier les suivis et examens médicaux fréquents dans le cadre de leur pathologie au détriment d’autres actes médicaux, notamment ceux de prévention et de dépistage. Tant du point de vue du professionnel de santé que de la femme elle-même, il s’agirait à la fois d’une « lassitude » à réaliser des examens supplémentaires et d’une certaine crainte à révéler un nouveau problème médical 3.

Les bases de données médico-administratives telles que l’EGB ne renseignant pas les caractéristiques sociales des populations, la revue de la littérature complète l’approche quantitative, montrant une association entre l’absence de recours au dépistage du CCU et les facteurs économiques ou sociaux suivants :

être sans activité professionnelle ;

être célibataire ou sans relation stable et ne pas avoir d’enfant (vivre seule) ;

être en situation socioéconomique délicate (faible revenu, absence de couverture sociale ou de santé) et/ou vivre dans un environnement défavorisé ;

avoir un faible niveau d’études (arrêt des études avant ou au lycée) ;

être migrante ou d’origine migrante.

Elle a également permis d’identifier des situations spécifiques vis-à-vis du CCU (sur-risque d’infection HPV et/ou moindre recours au FCU) 7. Il s’agissait :

des femmes en situation de prostitution, du fait de leur exposition à des risques sanitaires élevés en raison de leur activité professionnelle, de leurs conditions de vie souvent dégradées et d’une vulnérabilité individuelle et sociale ;

des femmes en détention, qui cumulent vraisemblablement plusieurs facteurs de vulnérabilité les exposant à un moindre dépistage du CCU et pour lesquelles la principale difficulté réside dans le suivi et la prise en charge en cas de test positif après la sortie du milieu pénitentiaire ;

des femmes migrantes en situation irrégulière ainsi que des femmes roms, principalement en raison de difficultés d’accès aux droits, du manque d’informations sur le système de santé, des barrières de la langue ou culturelles, des expulsions des lieux de vie, etc. ;

des femmes homosexuelles, du fait d’une absence ou d’un moindre suivi gynécologique (pas de contraception nécessaire), de leur moindre perception du risque de CCU et des informations de prévention hétéro-normées.

Par ailleurs, la part des femmes non-participantes a été estimée à 39% de la population-cible et, en miroir, celle des femmes ayant réalisé un moins un FCU en quatre ans à 61%. Cette estimation n’est pas directement comparable à celle réalisée par la HAS en 2010 5 en raison de modalités et de périodes d’estimation différentes, mais elle est proche de celle réalisée par l’Institut de veille sanitaire en 2015 (63% de couverture du dépistage du CCU à cinq ans chez les femmes du régime général de l’Assurance maladie pour la période 2009-2013) 4.

Les principales limites de l’analyse des données sont liées aux caractéristiques propres de l’EGB 16. Par construction, l’analyse est limitée aux seuls bénéficiaires du régime général de l’Assurance maladie (qui couvre 91% des assurés sociaux) et il est possible que des différences existent avec les bénéficiaires des autres régimes en termes de caractéristiques, de recours à la prévention et aux soins et, par là-même, de participation au dépistage du CCU. L’absence des FCU réalisés à l’hôpital introduit un biais, en particulier pour les personnes en ALD (qui bénéficient souvent d’une prise en charge hospitalière incluant, pour certaines pathologies, un suivi gynécologique) ainsi que pour les personnes en situation de précarité, plus fréquemment prises en charge à l’hôpital. L’ALD ne constitue qu’un moyen indirect pour estimer la population concernée par une pathologie (non-déclaration ou déclaration tardive en fonction des pathologies).

Les résultats concernant les effets de la fréquence des consultations d’un gynécologue et de la densité de gynécologues témoignent de la complexité de la notion d’accès à cette spécialité qui comprend, outre l’accessibilité spatiale et géographique, le recours, c’est-à-dire l’accès effectif des populations, lié à des facteurs sociaux, économiques, culturels ou de disponibilité des professionnels (horaires, délai d’obtention d’un rendez-vous, etc.). Par ailleurs, il est probable que la granularité des données concernant le lieu géographique de résidence minore l’effet de la défavorisation (absence de données à un niveau infra-communal). Enfin, les informations disponibles dans l’EGB ne permettent pas d’analyser les caractéristiques des prescripteurs et leur impact sur la participation de leurs patientes au dépistage. Des compléments pourraient être utilement apportés à partir d’analyses sur le profil des prescripteurs réalisées sur données exhaustives de l’Assurance maladie.

Les caractéristiques associées à la non-participation ne sont pas exclusives et certaines femmes les cumulent (elles peuvent, par exemple, appartenir à la tranche d’âge la plus jeune et être bénéficiaires de la CMUc). D’autre part, l’étude montre qu’une partie de ces femmes est en contact régulier avec le système de santé, consulte fréquemment un professionnel de santé, voire bénéficie d’un suivi gynécologique, ce qui met en exergue l’importance de la parole médicale puisque, comme suggéré par les résultats du Baromètre cancer 2010, les femmes non dépistées indiquent que le fait que le médecin leur en parle les amènerait à participer au dépistage 17.

Il apparaît en outre que certains groupes ne pourront pas, ou difficilement, être ciblés pour des raisons techniques et/ou éthiques, liées à l’identification ou à la constitution de fichiers, ou d’efficacité des modalités habituelles d’invitation des programmes de dépistage organisé (invitations par courrier à partir des fichiers de l’Assurance maladie).

Néanmoins, les résultats permettent d’estimer quantitativement le nombre total de femmes non-participantes que le programme organisé devra cibler et, au sein de cette population, d’apprécier le poids de chacun des sous-groupes et les moyens qu’il sera nécessaire de déployer pour les atteindre. Ainsi, l’INCa a estimé que les femmes de plus de 50 ans non-participantes au dépistage représentent environ 40% de la population-cible du dépistage, mais représentent près de la moitié des femmes nonparticipantes (3,2 millions de femmes sur un total de 6,6 millions de femmes de 25 à 65 ans non-participantes). Il a également estimé que les femmes bénéficiant de la CMUc ont un taux de recours de 10 points inférieur à la moyenne et représentent 9% des femmes non-participantes 18.

Dès lors, il s’agit de confronter ces données à des propositions d’actions potentiellement différenciées, en direction de chacun des groupes de population identifiés, tout en conservant une articulation avec le dépistage spontané. La particularité du DO CCU sera de s’inscrire dans un juste équilibre entre des approches universelles et des approches ciblées.

À terme, pour atteindre les objectifs de réduction des inégalités de santé portés par le Plan cancer 2014-2019, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus s’inscrira dans une démarche d’universalisme proportionné, en proposant un dépistage à toutes les femmes avec des modalités ou une intensité variant selon leurs besoins et, dans un même temps, en agissant pour réduire les obstacles du recours au dépistage.

Remerciements

Les auteurs remercient les membres du Comité scientifique de l’étude pour leur contribution à la qualité de l’étude : Pr J-J Baldauf (CHU de Strasbourg), Dr A-S Banaszuk (Structure de gestion du Maine-et-Loire), N Beltzer (Santé publique France), Dr M-B Ben Hadj Yahia (CHRU de Lille), J Bonastre (Institut Gustave-Roussy), Dr V Dalstein (CHU de Reims), Dr M Flori (université de Lyon 1), J Gaillot (Institut national du cancer), C Gastaldi-Ménager (CnamTS), K Haguenoer (CHRU de Tours), F Hamers (Santé publique France), P Jordan (Institut national du cancer), G Launoy (CHU de Caen, Inserm), C Le Bihan (Institut national du cancer), P Lucidarme (Collège national des sages-femmes), E Ricard (Ligue nationale contre le cancer), J-P Romarin (Agence régionale de santé Occitanie), C Rumeau-Pichon (Haute Autorité de santé), E Salines (Direction générale de la santé), N Thomas (Structure de gestion de Guyane), A Trugeon (Observatoire régional de Picardie), H Vandewalle (Institut national du cancer), A-S Woronoff (Registre des cancers du Doubs), L Zanetti (Haute Autorité de santé).

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Citer cet article

Barré S, Massetti M, Leleu H, Catajar N, de Bels F. Caractérisation des femmes ne réalisant pas de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervico-utérin en France. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(2-3):39-47. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/2-3/2017_2-3_3.html