Infections par le VHB et le VHC chez les personnes migrantes, en situation de vulnérabilité, reçues au COMEDE entre 2007 et 2016

// HBV and HBC infections among vulnerable migrants RECEIVED at the COMEDE Health Centre (France) between 2007 and 2016

Pascal Revault (pascal.revault@comede.org), Maud Giacopelli, Olivier Lefebvre, Arnaud Veïsse, Khalda Vescovacci
Comede (Comité pour la santé des exilés), Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, France
Soumis le 03.02.2017 // Date of submission: 02.03.2017
Mots-clés : VHB | VHC | Dépistage | Vaccination | Accès aux soins | Migrants | Vulnérabilité
Keywords: HBV | HBC | Testing | Vaccination | Access to care | Migrants | Vulnerability

Résumé

Le centre de santé du Comede à l’hôpital Bicêtre reçoit en consultation de médecine un public migrant vivant en Île-de-France, récemment arrivé en France, particulièrement vulnérable. Un bilan de santé est systématiquement proposé, comportant en particulier le dépistage des infections par le VHB et le VHC et réalisé par 96% des consultants. Les résultats sont documentés en continu par les soignants dans une base de données et dans un dossier médical papier. Les prévalences des personnes chroniquement infectées par le VHB et le VHC, parmi 16 095 personnes accueillies en consultation de médecine générale au centre de santé entre 2007 et 2016, sont de 6,8% pour le VHB et de 1,8% pour le VHC. Seules 8% des personnes infectées par le VHB et 15% de celles infectées par le VHC connaissaient déjà leur statut sérologique. Parmi les personnes accueillies en 2014, 6% étaient vaccinées contre le VHB et 45% nécessitaient un rattrapage vaccinal. Un cumul de vulnérabilités plus important est retrouvé chez les personnes infectées par le VHC, qui sont plus âgées.

Ces résultats sont en faveur d’une proposition de dépistage au moyen des trois marqueurs du VHB et des anticorps du VHC, complété si besoin par un rattrapage vaccinal ou une orientation pour un suivi et un traitement. De façon plus générale, il s’agit d’améliorer l’accès aux soins et à la prévention chez les migrants cumulant des facteurs de vulnérabilité.

Abstract

Based in the Bicêtre Hospital (Paris area, France), the COMEDE Health Center provides medical consultations to recent migrants living in Ile-de-France, who are especially vulnerable. The COMEDE Health Centre systematically proposes a comprehensive health assessment, including HBV and HBC testing, achieved by 96% of these migrants. Caregivers continuously record the results in a database and on a paper personal medical file. Among 16,095 people, who were examined by a general practitioner at the health centre between 2007 and 2016, the prevalences of those chronically infected by HBV and HBC were respectively 6.8% and 1.8%. Only 8% of those infected by HBV and 15% of those infected by HBC knew their serological status. Among patients examined in 2014, 6% were vaccinated against HBV, and 45% required a catch-up vaccination. People infected by HBC are older and cumulate more vulnerability factors.

These results are in favor of a testing proposal including the three serological markers for HBV and HBC antibodies, completed by a catch-up vaccination, or referral for regular follow up and treatment if necessary. More generally, access to prevention and care among vulnerable migrants should be improved.

Introduction

Les prévalences des infections par le virus de l’hépatite B (VHB) et de l’hépatite C (VHC) chez les personnes étrangères et/ou immigrées vivant en France, ainsi que les caractéristiques sociales, démographiques et médicales de ces dernières, sont peu documentées.

Parmi les 2,6 millions de ressortissants des pays tiers à l’Union européenne vivant en France aujourd’hui (dont presque 40% résident en Île-de-France) 1, près de 1 million sont en situation de précarité administrative, avec un titre de séjour de moins d’un an ou sans titre de séjour 2, soit près de 38%. Cette population cumule des facteurs de vulnérabilité et des difficultés d’inscription dans le droit commun, en particulier pour l’accès aux soins et à la prévention 2,3. Elle constitue ainsi une priorité pour les politiques de santé publique, en raison des conséquences sur le plan individuel et collectif des infections par les VHB et VHC 4,5.

Le Comité pour la santé des exilés (Comede) reçoit ce public dans le centre de santé de l’association à l’hôpital Bicêtre, en Île-de-France, et recueille en routine des données médicales, psychologiques et sociales au cours du dépistage et du suivi des affections chroniques non transmissibles (outre la santé mentale, principalement les maladies cardiovasculaires et le diabète) et des infections transmissibles (VIH, tuberculose, VHB, VHC, syphilis). Le bilan systématiquement proposé lors de la première consultation médicale comporte notamment le dépistage des trois marqueurs de l’infection par le VHB (Ag (antigène) HBs, Ac (anticorps) anti-HBc et Ac anti HBs) et, pour l’hépatite C, la recherche d’Ac anti-VHC et de l’ARN VHC en cas de positivité des Ac anti-VHC. La restitution du bilan est l’occasion d’expliquer aux personnes les résultats et d’aborder les questions liées à la prévention (sexualité, usage de drogue et réduction des risques, vie en collectivité et mesures de prévention, vaccination contre le VHB). En cas d’Ag HBs et/ou d’Ac anti-HBc, ou encore d’Ac anti-VHC positifs avec ARN VHC positif, un bilan complémentaire et une orientation en éducation thérapeutique sont proposés au Comede.

Une fois le diagnostic d’infection chronique par le VHB porté, si des signes de gravité sont présents (cirrhose, carcinome hépatocellulaire, comorbidités graves, ADN >2 000 UI/ml, ALAT perturbées), la personne est adressée à un hépatologue. Sinon, un suivi trimestriel peut démarrer au centre de santé du Comede, avant un avis spécialisé (appréciation de l’infection avec activité, fibrose et discussion d’un traitement) puis une orientation en médecine générale pour le suivi régulier une fois la couverture maladie obtenue, sauf si des facteurs de vulnérabilité rendent cette orientation difficile. En revanche, toutes les personnes infectées par le VHC sont adressées dans un service spécialisé en hépatologie de proximité pour la mise en place d’un traitement.

Cet article présente le statut sérologique vis-à-vis du VHB et du VHC des personnes ayant consulté au centre de santé du Comede entre 2007 et 2016, les prévalences des infections chroniques par le VHC et le VHB ainsi que certaines caractéristiques démographiques et sociales des personnes infectées.

Méthodes

Recueil des données

Il s’agit d’une étude rétrospective, unicentrique et descriptive. Les données analysées dans cet article sont issues de deux sources d’information.

La première est une base de données informatisée développée par le Comede dans le cadre de son observatoire sur la santé des exilés. Systématiquement renseignée et mise à jour par les médecins et autres professionnels de santé pour l’ensemble des personnes reçues, cette base de données recueille des informations démographiques, médico-psychologiques, de vulnérabilité sociale ainsi que sur l’accès aux soins et aux droits. Sur le plan épidémiologique, les médecins et psychologues y caractérisent l’ensemble des maladies et risques médico-psychologiques graves issus des conclusions de l’examen clinique et des bilans de santé pratiqués annuellement par 96% des consultants du centre de santé, reçus initialement en consultation de médecine.

La seconde source d’information est constituée des dossiers médicaux individuels sous forme papier, où sont renseignés l’évolution du suivi médical, les résultats des examens complémentaires (notamment les Ac anti-VHC, l’Ag HBs, les Ac anti-HBs, les Ac anti-HBc et, si indiqué, l’ARN VHC et l’ADN VHB), les courriers de liaison avec les médecins partenaires de la prise en charge (dont les hépatologues exerçant principalement en milieu hospitalier), ainsi que les informations relatives à l’éducation thérapeutique.

Indicateurs

Les données présentées concernent :

les principales caractéristiques épidémiologiques des personnes accueillies au centre de santé du Comede en 2014-2015 ;

le statut sérologique des consultants vis-à-vis du VHB et du VHC pour l’année 2014 uniquement : en effet, ces données figurent dans les dossiers médicaux papier et nécessitent un examen individualisé de ces dossiers ;

les prévalences des infections chroniques par le VHC et le VHB par sexe, âge et régions d’origine, et la connaissance du diagnostic avant l’arrivée en France, analysées à partir de la base de données pour la période 2007-2016. Les infections chroniques par le VHB et le VHC sont définies respectivement par la persistance de l’AgHBs à 6 mois et par la présence de l’ARN du VHC ;

les caractéristiques démographiques et de vulnérabilité sociale des personnes chroniquement infectées par le VHB et le VHC en 2014-2015, analysées à partir de la base de données. La détresse sociale est définie par le cumul d’au moins 5 items parmi les 7 suivants : absence de maîtrise du français, absence d’hébergement, titre de séjour de moins d’un an, absence de couverture maladie, absence d’une personne de confiance avec qui partager ses émotions et sa maladie (isolement relationnel), absence d’un accompagnement pour la réalisation des démarches administratives et de soins, ne pas avoir accédé à un repas pour des raisons financières en décrivant une sensation de faim.

La saisie et l’analyse descriptive des résultats ont été effectuées à l’aide d’un tableur Excel®.

Résultats

Caractéristiques des personnes accueillies au centre de santé

Parmi les personnes accueillies au centre de santé en 2014-2015, 41% ont bénéficié d’au moins une consultation médicale, à l’occasion de laquelle un bilan de santé clinique et paraclinique global a été proposé dans 97% des cas. Les personnes étaient récemment arrivées en France (médiane d’un an), n’avaient pas ou peu de contact avec le système de santé et ignoraient pour la plupart leur statut sérologique et vaccinal. Le public reçu était composé de demandeurs d’asile (58%), de personnes en séjour précaire (pas de droit ou droit au séjour inférieur à 1 an : 92%) ; il y avait 33% de femmes, 10% de mineurs et 6% de personnes âgées de plus de 60 ans. Plus de 95% des personnes présentaient des revenus inférieurs au seuil permettant d’obtenir la CMU-C.

Moins de 1% des personnes ont refusé le bilan proposé ou ne sont pas revenues chercher les résultats.

La moyenne du suivi en médecine générale était de 12 mois, plus courte qu’en psychothérapie et au service social et juridique. Les consultations médicales ont eu lieu en présence d’un interprète au centre de santé dans 46% des cas (pour 5%, l’interprète était au téléphone) ; 51 langues étaient pratiquées par les consultants, principalement bengali, anglais, tamoul, russe, pular, ourdou et lingala. Les personnes étaient originaires de 85 pays, principalement d’Afrique de l’Ouest, d’Asie du Sud, d’Afrique centrale, d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord. Près de la moitié était atteinte de maladies graves ou chroniques, dont les plus fréquentes étaient les troubles psychiques (36%), puis les infections par le VHB et le VHC (15%), les maladies cardiovasculaires (15%) et le diabète (10%).

Statut sérologique vis-à-vis du VHB et du VHC

Les données sur le statut sérologique VHB et VHC ne concernent que 986 des 1 255 personnes ayant bénéficié d’au moins une consultation médicale en 2014, car près de 21% des dossiers médicaux n’étaient pas correctement complétés.

Concernant le VHB, les données sérologiques montrent que 45% des personnes avaient eu un contact avec le virus, dont 25% avaient une immunité acquise, 11% présentaient des Ac anti-HBc positifs isolés et 9% étaient infectées chroniquement par le VHB (tableau 1). Seules 6% présentaient une immunité vaccinale pour le VHB. Près d’une personne sur deux pourrait ainsi bénéficier d’un rattrapage vaccinal contre le VHB.

Tableau 1 : Statut sérologique vis-à-vis du VHB et du VHC chez les personnes ayant réalisé un bilan de santé au Comede en 2014
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La proportion de personnes connaissant leur statut sérologique pour le VHB avant l’arrivée en France, y compris le statut vaccinal, était inférieure à 10%. La quasi-totalité des personnes n’avait pas de carnet de vaccination.

Concernant le VHC, 3% des personnes avaient des Ac anti-VHC positifs, témoignant d’un contact avec le virus, et 2% avaient une infection chronique (ARN VHC positif).

Prévalences des infections par le VHB et le VHC

Les prévalences des infections chroniques par le VHB et par le VHC ont été calculées pour 16 095 personnes accueillies en consultation de médecine générale entre 2007 et 2016, sachant que le bilan de santé est réalisé pour 96% des personnes accueillies.

Ces prévalences étaient de 6,8% pour le VHB et de 1,8% pour le VHC (tableau 2).

Pour le VHB, la prévalence était deux fois plus élevée chez les hommes (8%) que chez les femmes (3,8%). Il existait des différences importantes suivant les régions de naissance, avec des prévalences plus élevées pour les personnes nées en Afrique de l’Ouest ou en Asie de l’Est. Au regard de l’âge, la prévalence la plus élevée concernait les 35-50 ans (9%).

Pour le VHC, la prévalence était plus élevée chez les femmes (2,2%) que chez les hommes (1,6%). Elle était maximale chez les personnes originaires d’Asie centrale et du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est et d’Afrique centrale. La prévalence augmentait progressivement avec l’âge, atteignant un maximum à 10,8% pour les plus de 65 ans.

Au cours de la période 2007-2016, la proportion de personnes chroniquement infectées connaissant leur statut était faible : 8% pour le VHB et 15% pour le VHC.

Tableau 2 : Prévalences (en %) des infections chroniques par le VHB et le VHC selon le sexe et les régions de naissance parmi les personnes accueillies en consultation de médecine générale entre 2007 et 2016 au Comede
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Caractéristiques démographiques et vulnérabilité sociale des personnes infectées par le VHB

Parmi les 159 personnes chroniquement infectées par le VHB accueillies entre 2014 et 2015, 85% étaient des hommes. L’âge médian était de 34 ans.

Leurs caractéristiques de vulnérabilité sociale et de détresse sociale ne différaient pas beaucoup de celles de l’ensemble de la population reçue au Comede (tableau 3). Les personnes infectées par le VHB avaient moins besoin d’un interprète (allophones 20% vs 38%). Cependant, elles étaient plus nombreuses à bénéficier d’une protection maladie (31% vs 18%). Elles étaient également plus nombreuses à avoir un titre de séjour d'un an et plus (24% vs 10%). À noter que 11% étaient des mineurs (non accompagnés pour la plupart) et que la proportion de personnes sans droit au séjour était de 33%.

Tableau 3 : Indicateurs de vulnérabilité sociale à la première consultation médicale parmi l’ensemble des personnes accueillies en consultation médicale et parmi les personnes chroniquement infectées par le VHC et le VHB reçues au Comede entre 2014 et 2015
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Caractéristiques démographiques et vulnérabilité sociale des personnes infectées par le VHC

Parmi les 58 personnes chroniquement infectées par le VHC accueillies en 2014 et 2015, 63% étaient des hommes. L’âge médian était de 43 ans.

La proportion de personnes infectées par le VHC en situation de détresse sociale (cumulant au moins 5 facteurs de vulnérabilité) était supérieure à celle des personnes infectées par le VHB (38% vs 20%) ou à celle de l’ensemble des personnes accueillies au centre de santé (16%) (tableau 3). En particulier, l’absence de maîtrise de la langue française était nettement supérieure : 55% d’allophones parmi les personnes infectées par le VHC vs 20% pour les personnes infectées par le VHB et 38% pour l’ensemble des personnes accueillies au centre de santé. En outre, 93% avaient un séjour administratif précaire, 81% n’avaient pas de protection maladie et 27% étaient sans abri. À noter que moins de 1% étaient des mineurs non accompagnés et que la proportion de personnes sans droit au séjour était de 29%.

Discussion

Prévalences et recommandations en matière de dépistage

Les données recueillies au cours de la période 2007-2016 montrent des prévalences très élevées des infections chroniques par le VHB (6,8%) et le VHC (1,8%) dans la population étudiée. Ces prévalences sont à interpréter avec prudence : elles dépendent en effet des variations de recrutement des patients entre 2007 et 2016. Les pays d’origine et les caractéristiques sociodémographiques des patients étaient cependant stables au cours de la période. Des données étaient par ailleurs manquantes en raison d’une saisie non systématique, mais l’analyse des dossiers papier de 2014 a montré des résultats comparables en termes de prévalence. Enfin, il est possible que la prévalence soit sous-estimée du fait de la méthode de calcul, qui inclut dans le dénominateur les consultants n’ayant pas réalisé le bilan de santé (4%).

Malgré ces limites, ces données peuvent être utiles pour guider des actions de prévention.

En tout état de cause, la prévalence des infections par le VHC dans l’ensemble de la population étrangère en France, calculée à partir de données de la littérature et reprenant les enquêtes de 2004 et 2011 6, est inférieure à celle mesurée dans la population du Comede (1,83% vs 3% pour la présence d’Ac antiVHC et 1% vs 1,8%-2% pour l’ARN VHC). Si ces différences peuvent refléter la situation d’une population plus vaste que celle reçue au Comede, et plus diversifiée, ne concernant pas les seules personnes vulnérables, il faut néanmoins rappeler que les populations immigrées en France, y compris celles récemment arrivées, ne sont pas non plus représentatives de la population générale vivant dans leur pays d’origine, d’où l’intérêt de mesures directes et actualisées en population.

D’autre part, la prévalence des Ac anti-VHC, mesurée à partir des données de quatre centres d’accueil, de soins et d’orientation de Médecins du Monde 7 était encore supérieure (4,3%) et concernait un public précaire comparable à celui accueilli au centre de santé du Comede. Cependant, Médecins du Monde reçoit davantage de personnes issues du Maghreb et de Roumanie, tandis que le Comede accueille plus de personnes venant d’Asie du Sud et d’Afrique subsaharienne.

La prévalence de l’Ag HBs est de 8,6% chez les personnes reçues par Médecins du Monde, soit un chiffre intermédiaire entre les deux mesures différentes du Comede (6,8% pour la période 2007-2016 et 9,4% pour 2014). À noter que la population accueillie au Comede est issue de la région Île-de-France, principalement de trois départements limitrophes (75, 93, 94).

En Italie, une étude prospective menée entre 2012 et 2013 chez 882 étrangers en séjour irrégulier à Caserta et Naples 8 a retrouvé une prévalence de 8,8% de l’Ag HBs et la présence d’Ac anti-HBc chez 42% des personnes, ce qui est cohérent avec les données présentées ici et pour des régions d’origine comparables, en particulier chez les hommes. Le taux de prévalence de l’Ag HBs était de 14% chez les personnes originaires d’Afrique de l’Ouest dans cette étude italienne, soit quasi identique à celui retrouvé au centre de santé du Comede. Concernant le VHC, le taux de prévalence des Ac anti-VHC était de 4%, soit plus élevé et davantage comparable aux résultats de Médecins du Monde.

Il faut d’autre part souligner la proportion élevée de personnes étrangères qui ne connaissent pas leur statut sérologique pour l’infection chronique par le VHB (92%) et le VHC (85%) avant leur arrivée en France. Ce constat est corroboré par d’autres études, comme celle de Médecins du Monde 7, d’autant plus que la proportion de personnes dont le contact avec le VHB a été observé est de 45% dans la population étudiée, soit près d’une personne sur deux.

Ainsi, la proposition systématique de dépistage devrait être encouragée en pratique courante au cours d’un bilan de santé ou à l’aide de TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) en stratégie avancée chez les populations migrantes précaires, tout en s’accompagnant d’un maillage des acteurs socio-sanitaires pour faciliter l’accès aux soins, comme recommandé pour le VHC en 2016 9. Ces occasions devraient aussi permettre un rattrapage vaccinal du VHB, puisque seules 6% des personnes étaient vaccinées et 49% restaient à protéger selon les données 2014 pour lesquelles le statut sérologique était renseigné (79%). D’autres recommandations insistent sur la formation des professionnels de santé en France, de médecine générale en particulier, pour faciliter le dépistage et la vaccination auprès des publics migrants 10. En Suisse, il a été récemment proposé un dépistage systématique auprès des demandeurs d’asile en discutant plusieurs algorithmes qui débouchent sur une vaccination, un suivi médical ou une simple information selon les résultats des tests 11.

Caractéristiques sociales, démographiques et médicales

Il s’agit d’une population précaire sur le plan administratif, correspondant aux personnes accueillies au centre de santé du Comede, qui cumule des facteurs de vulnérabilité et nécessite, outre un soin global, tout particulièrement un interprétariat professionnel, une protection maladie, un hébergement stable et un titre de séjour non précaire (items de plus de 50% des consultants).

Les personnes infectées chroniquement par le VHC sont plus âgées et cumulent davantage de critères de vulnérabilité sociale que les personnes infectées par le VHB, avec notamment une détresse sociale pour 38% d’entre elles (contre 20% pour le VHB). Elles présenteraient davantage de comorbidités et de facteurs de risque (diabète, HTA, obésité) et de complications (cirrhose et cancer) que les personnes infectées pour le VHB (données non présentées), possiblement en lien avec leur âge plus élevé. Ceci mériterait d’être confirmé sur des effectifs plus importants. Les personnes infectées par le VHC sont le plus souvent originaires d’Asie centrale ou d’Europe de l’Est, tandis que celles infectées par le VHB sont plus souvent originaires d’Afrique de l’Ouest ou d’Asie de l’Est). Il faut en revanche souligner la forte proportion de jeunes hommes infectés par le VHB, en particulier les mineurs, et tout spécialement les mineurs non accompagnés (8%).

Dans ce contexte, l’éducation thérapeutique, classiquement réservée aux personnes sous traitement, a bénéficié au centre de santé de la mise en place de groupes de parole et d’autosupport avant tout traitement, non seulement pour la maîtrise du suivi d’une infection chronique par les patients mais aussi sur les conséquences de l’infection concernant la santé sexuelle.

Conclusion

Le nombre de personnes ne connaissant pas leur statut sérologique VHC et VHB était particulièrement élevé chez les migrants vulnérables consultant au Comede, tandis qu’une personne sur deux pourrait bénéficier d’un rattrapage vaccinal contre le VHB. Les prévalences des infections chroniques variaient significativement en fonction des régions d’origine et du sexe.

L’insuffisance des données épidémiologiques sur les infections par le VHC et le VHB dans les populations migrantes particulièrement vulnérables gagnerait à être comblée par l’amélioration du recueil de données issues d’un dépistage librement consenti et sans confusion entre d’une part, médecine de soin et de prévention, et médecine de contrôle d’autre part, au sein de structures comme les PASS (permanences d’accès aux soins de santé) ou les centres de rétention administrative, mais également au moyen d’une stratégie avancée. Certaines populations, comme les gens du voyage, qui ont des déplacements réguliers et des difficultés d’accès à la prévention et aux soins, devraient également bénéficier de cette stratégie.

Enfin, la facilitation de l’accès aux soins chez des personnes souvent sans protection maladie ni droit au séjour constitue une priorité à travers le maillage entre les structures qui réalisent le dépistage (et parfois un suivi médical généraliste) et celles davantage impliquées dans les soins spécialisés.

Remerciements

Nous tenons à remercier Benoît Bobillot qui a réalisé la synthèse des données de prévalence à partir de la documentation des dossiers médicaux en 2014, ainsi que l’ensemble des services du centre de santé du Comede à l’hôpital Bicêtre qui saisissent en routine les informations, en particulier médecins et infirmiers.

Références

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2 Comede. Rapport d’observation et d’activité Comede. Années 2014 & 2015. http://www.comede.org/rapport-dactivite/
3 La santé des migrants. Bibliographie : juillet 2016. Paris: Irdes; 2016. pp. 49-70. http://www.irdes.fr/documentation/syntheses/la-sante-des-migrants.pdf
4 Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B et ou de l’hépatite C : rapport de recommandations 2014, sous la direction du Pr Daniel Dhumeaux et sous l’égide de l’ANRS et de l’AFEF. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Prise_en_charge_Hepatites_2014.pdf
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7 Pauti MD, Tomasino A, Mari C, Mathieu C, Kartner A, Idrissu C, et al. Limiter les opportunités manquées de dépistage des hepatites B et C chez les migrants en situation de précarité: le programme de Médecins du Monde en France. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(13-14):230-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12931
8 Coppola N, Alessio L, Gualdieri L, Pisaturo M, Sagnelli C, Caprio N, et al. Hepatitis B virus, hepatitis C virus and human immunodeficiency virus infection in undocumented migrants and refugees in southern Italy, January 2012 to June 2013. Euro Surveill. 2015;20(35):pii=30009.
9 Prise en charge thérapeutique et suivi de l’ensemble des personnes infectées par le virus de l’hépatite C : rapport de recommandations 2016 sous la direction du Pr Daniel Dhumeaux, sous l’égide de l’ANRS et du CNS et avec le concours de l’AFEF. http://www.afef.asso.fr/ckfinder/userfiles/files/recommandations-textes-officiels/recommandations/rapportDhurmeaux2.pdf
10 Gautier A, Jestin C. Pratiques de dépistage des hépatites virales par les médecins généralistes, France, 2009. BEHWeb 2011;(1). http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=9528
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Citer cet article

Revault P, Giacopelli M, Lefebvre O, Veïsse A, Vescovacci K. Infections par le VHB et le VHC chez les personnes migrantes, en situation de vulnérabilité, reçues au Comede entre 2007 et 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(14-15):271-6. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/14-15/2017_14-15_3.html