Activité de dépistage du VIH et des hépatites B et C au sein des Consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) en France. Bilan de quinze années de surveillance, 2001-2015
// Free and anonymous HIV and hepatitis B and C screening in France. A review of fifteen years of monitoring (2001 to 2015)
Résumé
Introduction –
Les Consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) ont été mises en place en France en 1988, avec pour objectif de compléter le dispositif de lutte contre le VIH. Au fil du temps, leurs missions ont été élargies au dépistage de l’hépatite C, puis de l’hépatite B. Cet article présente l’évolution de l’activité de dépistage du VIH et de l’hépatite C au sein des CDAG au cours de la période 2001-2015, et de l’hépatite B sur la période 2006-2015.
Méthode –
Chaque année, les CDAG ont adressé à Santé publique France le bilan agrégé de leur activité de dépistage VIH (Ac anti-VIH), VHC (Ac anti-VHC) et VHB (Ag HBs), comprenant le nombre de tests réalisés et le nombre de tests positifs par sexe et classe d’âge. Les analyses ont été effectuées en tenant compte des CDAG n’ayant pas répondu une année donnée.
Résultats –
Les analyses réalisées sur un nombre constant de CDAG montrent une augmentation de l’activité de dépistage du VIH et du VHC entre les périodes 2001-2005 et 2006-2010, suivie d’une stabilisation, ainsi qu’une augmentation de l’activité de dépistage du VHB entre 2006-2010 et 2011-2015. On observe, à l’inverse, une diminution des taux de positivité pour le VIH (de 4,8‰, IC95%: [4,6-5,0] en 2001-2005 à 3,6‰ [3,5-3,8] en 2006-2010 et à 3,4‰ [3,3-3,4] en 2011-2015) et pour le VHC (de 11,1‰ [10,8-11,4] en 2001-2005 à 7,5‰ [7,2-7,8] en 2006-2010), suivie d’une stabilité des taux sur la dernière période. Le taux de positivité du VHB a diminué entre 2006-2010 et 2011-2015, de 8,9‰ [8,6-9,2] à 7,9‰ [7,7-8,1]. Quelle que soit l’infection, le taux de positivité était plus élevé chez les hommes que chez les femmes.
Le nombre de tests réalisés en 2015 par l’ensemble des CDAG a été estimé à 390 056, IC95%: [351 452-428 661] pour le VIH, à 200 132 [184 154-216 110] pour le VHC et à 236 005 [217 571-254 439] pour le VHB.
Conclusion –
L’augmentation importante du nombre de tests de dépistage VIH et VHC entre les deux premières périodes d’étude et la diminution concomitante des taux de positivité pourraient correspondre à un élargissement de l’activité de dépistage vers un public moins exposé à ces deux infections. Il pourrait en être de même pour le VHB entre les deux dernières périodes d’étude. Les données montrent la nécessité de mieux caractériser les consultants pour adapter les stratégies de dépistage ciblé et de renforcer les actions de dépistage en population générale.
Abstract
Introduction –
Free and anonymous counseling and facilities screening (CDAG) have been implemented since 1988, in order to complete the HIV control system. Over time, their missions have been extended for hepatitis C (HCV) and B (HBV) screening. This article presents the evolution of HIV and HCV screening activity in CDAGs over the period 2001-2015 and for HBV over the period 2006-2015.
Method –
Each year, CDAGs sent the aggregated assessment of their HIV, HCV and HBV screening activity to Santé publique France, the French national public health agency. The number of tests performed and the number of positive tests by sex and age group were collected. The analyses were conducted by taking into account the non-responding CDAGs during a given year.
Results –
The analysis performed on a constant number of CDAGs revealed an increase of HIV and HCV screening between 2001-2005 and 2006-2010 followed by a stabilization and an increase in HBV between 2006-2010 and 2011-2015. Conversely, the positivity rate for HIV decreased at 4.8‰, CI95%: [4.6-5.0] in 2001-2005 at 3.6‰ [3.5-3.8] in 2006-2010, and at 3.4‰ [3.3-3.4] in 2011-2015 and for HCV (11.1‰ [10.8-11.4] in 2001-2015 at 7.5‰ [7.2-7.8] in 2006-2010, followed by a stable rate over the last period. The positivity rate for HBV decreased between 2006-2010 and 2011-2015, from 8.9‰ [8.6-9.2] to 7.9‰ [7.7-8.1]. Regardless of the infection, the positivity rate was higher among men than among women. The number of tests performed in 2015 by all CDAGs was estimated at 390,056 [351,452-428,661] for HIV, 200,132 [184,154-216,110] for HCV and 236,005 [217,571-254,439] for HBV.
Conclusion –
The significant increase in the number of screening tests of HCV and HIV between the first two study periods, and the decrease in positivity rates could indicate either a scaling up of the screening activity towards a population less exposed to these two infections. It could be the same for HBV between the last two study periods. The data shows the need of a better consultants characteristics descript to adapt the targeted detection strategies and also the need to strengthen screening activities in the general population.
Introduction
En France, les Consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ont été mises en place en 1988, dans des établissements de santé ou dans des dispensaires antivénériens pour compléter le dispositif de lutte contre le VIH, en assurant des fonctions d’accueil et d’information, d’examen médical et biologique, et d’orientation 1. Au moins une consultation a été créée par département, de manière à offrir, sur l’ensemble du territoire, un dépistage de l’infection par le VIH anonyme et gratuit. En 1993, des antennes de CDAG ont également été mises en place en milieu pénitentiaire. La circulaire de 1998 a permis d’étendre les compétences des consultations au dépistage du VHC et a précisé les objectifs prioritaires des CDAG, dont la nécessité de « rendre le dispositif visible pour tous, de faciliter l’accès au dépistage des personnes précarisées et des personnes vulnérables aux risques, ainsi que de renforcer la prévention et le lien entre le dépistage et la prise en charge » 2. En 2000, les CDAG ont été officiellement habilitées à prendre en charge le dépistage de l’hépatite B 3. Au 1er janvier 2016, les CDAG ont fusionné avec les Ciddist (Centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles) pour donner naissance à de nouvelles entités, les CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic de l’infection par le VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles), qui proposent une approche globale de la santé sexuelle, dans les mêmes conditions de gratuité, de façon anonyme ou pas, selon le souhait du consultant.
Depuis leur création, le recueil de l’activité des CDAG a permis d’analyser le recours au dépistage anonyme du VIH, du VHC et du VHB 4. Notre article présente les résultats de cette surveillance sur les 15 dernières années, jusqu’en 2015, dernière année de fonctionnement des CDAG.
Méthode
Chaque année, les CDAG étaient sollicitées pour adresser à l’Institut de veille sanitaire (1) un bilan agrégé de leur activité de dépistage du VIH (anticorps Ac anti-VIH), du VHC (anticorps Ac anti-VHC) et du VHB (antigène Ag HBs). Le nombre de tests réalisés et de tests positifs, distribués par sexe et classe d’âge, ainsi que selon la région de la CDAG et le type de la structure (CDAG hors prison ou antenne au sein d’un établissement pénitentiaire) étaient recueillis.
Dans le cadre de cet article, il a été convenu d’utiliser les termes suivants :
–activité de dépistage : nombre total de tests réalisés, quel que soit le résultat ;
–taux de positivité : rapport du nombre de tests positifs sur le nombre de total de tests réalisés. Le taux de positivité est exprimé pour 1 000 tests réalisés (‰).
Évolution entre 2001 et 2015
L’absence d’information sur le nombre exact de CDAG ayant fonctionné chaque année au cours de la période 2001-2015 rend impossible l’estimation de l’activité annuelle de l’ensemble de ces structures. Les analyses ont donc été réalisées à partir d’une sélection de CDAG considérées comme ayant « régulièrement » participé à la surveillance au cours de la période d’étude, définies de la façon suivante : celles ayant participé 1) en début de période de surveillance (au moins une année sur les trois premières années), 2) en fin de période (au moins une année sur les trois dernières années) et 3) au moins pendant sept années pour le VIH et le VHC ou cinq années pour le VHB.
En considérant que les CDAG ayant transmis leur bilan constituaient, chaque année, un échantillon issu d’un sondage aléatoire stratifié par région et par type de CDAG (prison ou hors prison), il a été possible d’estimer l’activité annuelle de dépistage du VIH, du VHC et du VHB dans les CDAG sélectionnées, en tenant compte des non répondantes sur une partie de la période. Les poids de sondage correspondaient à l’inverse du taux de participation. Nous avons pu ainsi analyser les tendances à partir d’un nombre constant de CDAG sur la période, en utilisant la méthode des moindres carrés pondérés.
Concernant le VIH et le VHC, les données ont été analysées en trois périodes de cinq ans : 2001-2005, 2006-2010 et 2011-2015. Pour le VHB, en raison d’un nombre insuffisant de CDAG ayant renseigné leur activité en début de période, l’analyse a été réalisée pour 2006-2010 et 2011-2015.
Activité en 2015 dans les CDAG hors prison
Le nombre total de CDAG étant connu pour l’année 2015, il a été possible d’estimer l’activité de dépistage et les taux de positivité pour l’ensemble des CDAG (hors prison). Toutes n’ayant pas transmis leur bilan, l’activité a été estimée sur la base du taux de participation calculé par région, en considérant les CDAG répondantes comme un échantillon aléatoire stratifié par région. Les poids de sondage correspondaient à l’inverse du taux de participation.
L’estimation du nombre de tests réalisés dans chaque région a ensuite été rapportée à la population vivant en France (estimations provisoires de l’Insee, arrêtées fin 2015). Concernant Mayotte, en l’absence de données disponibles pour l’hépatite C en 2015, les données présentées sont celles de l’année 2014.
Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® 14.2 (Stata Corporation, College Station, Texas, États-Unis).
Résultats
Évolution entre 2001 et 2015
De 2001 à 2015, 268 et 264 CDAG ont été retenues pour les analyses concernant respectivement le VIH et le VHC, parmi lesquelles 15% et 14% respectivement étaient des antennes implantées dans des établissements pénitentiaires. Entre 2006 et 2015, 271 CDAG ont été retenues pour l’analyse du VHB, dont 12% étaient dans des établissements pénitentiaires.
Évolution 2001-2015 du dépistage du VIH
Activité de dépistage des Ac anti-VIH hors prison
L’activité de dépistage du VIH estimée dans les 228 CDAG hors prison a augmenté de 16% entre les périodes 2001-2005 et 2006-2010. Entre 2006-2010 et 2011-2015, aucune tendance significative n’est observée (figure 1). L’activité de dépistage a concerné une majorité d’hommes (55%). Près de la moitié des consultants dépistés pour le VIH se situait dans la classe d’âge des 20-29 ans ; 25% des femmes et 13% des hommes avaient moins de 20 ans (figure 2a).
Entre les deux périodes 2001-2005 et 2011-2015, l’activité de dépistage a principalement augmenté chez les 50 ans et plus des deux sexes (+47% chez les hommes et +36% chez les femmes, figure 2a). Chez les moins de 30 ans, elle a augmenté entre 2001-2005 et 2006-2010, puis a diminué au cours de la période 2011-2015, aussi bien chez les femmes (-8%) que chez les hommes (-6%).
Taux de positivité
Le taux de positivité du VIH a diminué sur l’ensemble de la période, passant de 4,8‰ (indice de confiance à 95%, IC95%: [4,6-5,0]) à 3,6‰ [3,5-3,8] entre 2001-2005 et 2006-2010, puis à 3,4‰ [3,3-3,4] en 2011-2015 (figure 1 et tableau 1). La diminution a été observée aussi bien chez les femmes (de 3,8‰ en 2001-2005 à 2,2‰ en 2011-2015) que chez les hommes (de 5,6‰ en 2001-2005 à 4,2‰ en 2011-2015).
Les taux de positivité les plus élevés ont été observés dans les classes d’âge 30-39 ans et 40-49 ans dans les deux sexes (tableau 1). Chez les personnes de 50 ans et plus, les taux de positivité ont augmenté entre 2001-2005 et 2011-2015, pour les deux sexes. En 2011-2015, les taux de positivité les plus élevés ont été observés chez les 40 ans et plus, quel que soit le sexe.
Antennes de CDAG en milieu pénitentiaire
Aucune tendance significative n’a été observée concernant l’activité de dépistage du VIH réalisée par les 40 antennes des CDAG en prison entre 2001-2005 et 2006-2010, puis l’activité a diminué de 21% sur la dernière période d’étude. Le taux de positivité a diminué entre 2001-2005 (2,4‰ [IC95%: 2,1-2,8]) et 2011-2015 (1,9‰ [1,7-2,1]).
Évolution 2001-2015 du dépistage du VHC
Activité de dépistage des Ac anti-VHC hors prison
L’activité de dépistage du VHC estimée dans les 227 CDAG hors prison a augmenté de 34% entre les périodes 2001-2005 et 2006-2010. Entre 2006-2010 et 2011-2015, aucune tendance significative n’a été observée (figure 1). L’activité de dépistage a concerné une majorité d’hommes (54%). La moitié des personnes testées pour le VHC (51% des femmes et 48% des hommes) se situait dans la classe d’âge des 20-29 ans, 25% des femmes et 12% des hommes avaient moins de 20 ans.
Entre les périodes 2001-2005 et 2011-2015, l’activité de dépistage chez les femmes a augmenté de manière plus importante chez celles âgées de 50 ans et plus (+65%) (figure 2b). Chez les hommes, cette activité a principalement augmenté chez les plus âgés (+89% chez les 50 ans et plus, +65% chez les 40-49 ans).
Taux de positivité
Le taux de positivité du VHC a diminué entre 2001-2005 et 2006-2010 passant de 11,1‰ [IC95%: 10,8-11,4] à 7,5‰ [7,2-7,8], puis est resté stable en 2011-2015 (figure 1 et tableau 1). La diminution a été observée aussi bien chez les femmes (de 7,7‰ en 2001-2005 à 4,9‰ en 2011-2015) que chez les hommes (de 14,1‰ en 2001-2005 à 9,5‰ en 2011-2015). Les taux de positivité les plus élevés ont été observés dans les classes d’âge des 40-49 ans et des 50 ans et plus, dans les deux sexes. Entre les deux périodes 2001-2005 et 2011-2015, une diminution du taux de positivité a été observée dans toutes les classes d’âge, excepté chez les 50 ans et plus, pour lesquels les taux ont augmenté, chez les hommes comme chez les femmes.
Antennes de CDAG en milieu pénitentiaire
L’activité de dépistage du VHC réalisée par les 37 antennes des CDAG en prison a augmenté de 22% entre 2001-2005 et 2006-2010, puis diminué de 14% sur la dernière période d’étude. Le taux de positivité a fortement diminué, passant de 49,0‰ [IC95%: 46,1-52,8] en 2001-2005 à 26,8‰ [25,6-28,1] en 2011-2015.
Évolution 2001-2015 du dépistage du VHB
Activité de dépistage de l’Ag HBs hors prison
L’activité de dépistage du VHB estimée dans les 238 CDAG hors prison a augmenté (+26%) entre 2006-2010 et 2011-2015 (figure 1). Elle a concerné une majorité d’hommes (56%). La moitié des personnes dépistées pour le VHB avait entre 20 et 29 ans (49% des femmes et 48% des hommes) ; 27% des femmes et 15% des hommes avaient moins de 20 ans.
Entre les deux périodes, l’activité de dépistage a augmenté dans toutes les classes d’âge, mais de manière plus importante chez les 50 ans et plus (+32% chez les femmes et +38% chez les hommes) et chez les 20-29 ans, aussi bien chez les femmes (+34%) que chez les hommes (+32%) (figure 2c).
Taux de positivité
Le taux de positivité du VHB a diminué entre 2006-2010 et 2011-2015, passant de 8,9‰ [IC95%: 8,6-9,2] à 7,9‰ [7,7-8,1] (figure 1 et tableau 1). Il a été plus élevé chez les hommes que chez les femmes, ainsi que dans les classes d’âge des 30-39 ans et des 40-49 ans. Comme pour le VIH et le VHC, les taux de positivité VHB ont augmenté chez les femmes de 50 ans et plus, mais pas chez les hommes de cette classe d’âge.
Antennes de CDAG en milieu pénitentiaire
L’activité de dépistage du VHB réalisée dans les 33 antennes en prison a diminué de 13% entre 2006-2010 et 2011-2015. Le taux de positivité est en revanche resté stable entre ces deux périodes, passant de 10,9‰ [IC95%: 10,1-11,6] à 11,4‰ [10,6-12,1] (p=0,25).
Activité en 2015 dans les CDAG hors prison
En 2015, parmi les 351 CDAG hors prison sollicitées, 283 ont transmis leurs données d’activité, soit une participation de 80,6%. Dans neuf régions (Alsace, Auvergne, Bourgogne, Corse, Franche-Comté, Limousin, Nord-Pas-De-Calais, Haute-Normandie et Mayotte), la participation a été exhaustive. Le nombre de tests réalisés dans l’ensemble des CDAG a été estimé à 390 056 [IC95%: 351 452-428 661] pour le VIH, à 200 132 [184 154-216 110] pour le VHC et à 236 005 [217 571-254 439] pour le VHB (tableau 2). Quel que soit le virus, l’activité de dépistage rapportée à la population a été particulièrement importante en Guyane et en Guadeloupe.
Les taux de positivité au niveau national en 2015 ont été estimés à 3,7‰ [3,3-4,1] pour le VIH, 6,4‰ [5,6-7,2] pour le VHC et 9,3‰ [8,3-10,3] pour le VHB (tableau 2). Les taux de positivité VIH les plus élevés ont été observés en Guyane (12,8‰), en Guadeloupe (6,2‰) et en Martinique (5,0‰), ainsi qu’en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais, avec un taux de positivité estimé à 4,8‰ pour ces deux régions. Concernant le VHC, les taux de positivité les plus élevés ont été relevés en Basse-Normandie (11,6‰) et dans le Centre (11,4‰), avec toutefois des intervalles de confiance assez larges, ainsi que dans le Nord-Pas-de-Calais (10,3‰). Concernant le VHB, les taux de positivité les plus élevés ont été observés en Guyane (20,0‰), à Mayotte (18,6‰), en Poitou-Charentes (17,0‰), ainsi qu’en Île-de-France (11,9‰), Rhône-Alpes (10,6‰) et Bourgogne (10,5‰).
Discussion
Notre analyse a permis de suivre l’activité de dépistage des CDAG sur une période de 15 ans et sur un nombre constant de structures, en s’affranchissant des variations de leur participation. L’interprétation de nos résultats doit prendre en compte le fait que les données de dépistage présentées sont celles d’un nombre de tests réalisés et non de personnes dépistées. L’activité de dépistage du VIH et du VHC dans les CDAG a principalement augmenté entre les périodes 2001-2005 et 2006-2010, l’élargissement du dépistage aux hépatites ayant possiblement attiré une population plus nombreuse. Antérieurement, l’activité de dépistage du VIH avait augmenté dans les premières années de la mise en place des CDAG (1988-1995) pour se stabiliser ensuite 5,6. Les campagnes nationales d’incitation au dépistage réalisées au début des années 2000 ont certainement joué un rôle dans cette augmentation du nombre de personnes dépistées pour le VIH et le VHC, sachant que les enquêtes réalisées auprès des laboratoires de biologie médicale, de ville et hospitaliers, montrent également une progression de l’activité de dépistage sur cette période 7,8. En revanche, entre les deux dernières périodes d’étude, l’activité de dépistage a stagné dans les CDAG, alors qu’elle a augmenté dans les laboratoires pour le VIH, le VHB et le VHC 9,10. Même si les tendances observées en CDAG n’ont pas été analysées pour l’ensemble des structures, elles reposent néanmoins sur les trois quarts d’entre elles, soit une proportion importante.
L’analyse de l’activité de dépistage a montré que le nombre de sérologies réalisées en CDAG représentait environ 6% de l’ensemble de celles réalisées en laboratoires, que ce soit pour le VIH, le VHB ou le VHC 9,10. Les personnes dépistées pour le VIH, le VHB et le VHC en CDAG étaient majoritairement des hommes et pour moitié de jeunes adultes (moins de 30 ans). La population jeune semble particulièrement attirée par la gratuité et la confidentialité du dépistage 11. Bien que les taux de positivité dans cette population soient faibles, ces consultations sont une opportunité pour inclure le dépistage dans une stratégie de prévention et pour sensibiliser cette population aux risques de transmission des infections sexuellement transmissibles (IST), dans un contexte de recrudescence 12.
Les taux de positivité du VIH, du VHB et du VHC en CDAG étaient moins élevés en 2011-2015 que ceux observés sur les périodes précédentes et tendaient à se rapprocher de ceux retrouvés dans les laboratoires, notamment pour les hépatites. Ainsi, l’enquête LaboHep, réalisée en 2013 sur l’activité de dépistage des hépatites dans les laboratoires de ville et hospitaliers, avait permis d’estimer à 9,0‰ [8-10‰] le taux de positivité des Ac anti-VHC et à 8,0‰ [7-9‰] celui de l’Ag HBs 10. Ces estimations sont proches de celles retrouvées dans les CDAG en 2013 (respectivement 8,4‰ et 7,8‰). La proportion de sérologies confirmées positives pour le VIH dans l’ensemble des laboratoires de biologie médicale en France était de 2,0‰ en 2015 9, près de deux fois moins élevée que celle retrouvée dans l’ensemble des CDAG en 2015 (3,7‰). La concomitance de l’augmentation du nombre de tests et la diminution du taux de positivité de 2001 à 2015 pourrait s’expliquer par un élargissement du public vers des personnes moins exposées au VIH, au VHB et au VHC.
Nos données montrent que, quelle que soit l’infection virale, le taux de positivité était plus élevé chez les hommes que chez les femmes, en lien sans doute avec des comportements plus souvent à risque (rapports sexuels entre hommes, multipartenariat, usage de drogues). Les taux de positivité pour le VIH et le VHC ont diminué dans toutes les classes d’âge, excepté chez les personnes de 50 ans et plus, où les taux augmentent malgré un accroissement des dépistages dans cette classe d’âge. Concernant le VIH, cette tendance pourrait s’expliquer par une augmentation des prises de risque chez les « seniors », qui représentent une proportion croissante des personnes découvrant leur séropositivité VIH 13. Concernant le VHC, il pourrait s’agir plutôt d’un vieillissement de la population porteuse d’une infection chronique 14. Les nouvelles recommandations de dépistage de l’infection par le VHC (associé à celui du VHB et du VIH) chez tous les adultes au moins une fois dans leur vie 15 pourraient permettre de toucher cette population « senior ». Cette stratégie de dépistage généralisé devrait permettre de dépister des personnes qui méconnaissent leur statut, afin de leur proposer une prise en charge adaptée, notamment dans un contexte d’avancée thérapeutique majeure pour l’hépatite C.
Les taux de positivité les plus élevés ont été observés aux Antilles et en Guyane, en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais pour le VIH, et en Guyane, à Mayotte et en Poitou-Charentes pour l’hépatite B. Concernant l’hépatite C, les régions ayant les taux de positivité les plus élevés (Basse-Normandie et Centre) ne sont pas connues comme étant celles particulièrement touchées par le VHC. Ces taux élevés, notamment pour le VIH et le VHB dans les départements et régions d’outremer et en Île-de-France, sont le reflet d’une situation déjà observée dans d’autres études 9,10. Pour les autres régions, ils pourraient être liés à un recrutement spécifique en CDAG.
Concernant le dépistage en milieu pénitentiaire, le taux de positivité VIH observé sur la dernière période d’étude 2011-2015 était plus faible dans les antennes de CDAG en prison que celui hors prison (1,9‰ vs 3,4‰). Inversement, les taux de positivité en prison étaient supérieurs à ceux hors prison pour le VHC (26,8‰ vs 7,5‰) et pour le VHB (11,4‰ vs 7,9‰). Ces disparités pourraient s’expliquer par le fait que le suivi de l’activité des antennes de CDAG en prison ne permet pas d’appréhender la totalité de l’offre de dépistage en milieu carcéral. En effet, les pratiques de dépistage sont hétérogènes selon les établissements et le dépistage peut également être réalisé par les unités sanitaires (nouvelle dénomination des UCSA) 16,17.
Les données de surveillance du VIH et des hépatites sur une période de 15 ans montrent que l’activité de dépistage des CDAG, qui augmentait régulièrement au cours du temps, semble stagner dans les dernières années de la surveillance, notamment pour le VIH et l’hépatite C. Les programmes d’incitation au dépistage, les stratégies de dépistage hors les murs qui permettent d’aller au contact des populations, l’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) doivent être poursuivis et intensifiés. Par rapport aux CDAG et aux Ciddist, les missions des CeGIDD ont été élargies 18. Outre le dépistage du VIH, des hépatites virales et des IST, elles doivent offrir une approche globale de santé sexuelle, avec notamment la possibilité de prescrire une contraception, ce qui devrait permettre d’attirer, de manière plus large, la population jeune. Les CeGIDD ont également pour mission de mieux cibler les publics les plus éloignés du dispositif de santé, en garantissant la simplification et la continuité de leur parcours de soins.
Les données montrent également la nécessité de mieux décrire les particularités épidémiologiques des personnes fréquentant ces structures. En effet, l’information succincte (âge et sexe), transmise sous forme de données agrégées, et l’absence d’indication sur les expositions à risque récentes ou passées des consultants limitent leur interprétation. Les caractéristiques épidémiologiques recueillies sur les consultants des CeGIDD, si elles peuvent être transmises sous forme de données individuelles, permettront de mieux décrire leur profil. La surveillance de l’activité épidémiologique va donc être poursuivie et enrichie. Les éléments recueillis dans ces nouvelles structures contribueront à adapter les stratégies de dépistage, ainsi qu’à définir et évaluer les actions de prévention en santé sexuelle.
Remerciements
Nous remercions l’ensemble des équipes des CDAG pour leur contribution au recueil des données ainsi qu’Hélène Haguy-Boulai pour sa collaboration.