Consommation de tabac et usage de cigarette électronique à 17 ans en France, 2014
// Tobacco and e-cigarette use among 17 years-old adolescents in France, 2014
Résumé
Introduction –
Le dernier exercice de l’enquête Escapad, qui s’est déroulé en mars 2014, confirme la reprise du tabagisme déjà observée en 2011 avec, à 17 ans, un adolescent sur trois (32,4%) déclarant fumer quotidiennement. Par ailleurs, pour la première fois, il est possible de renseigner la part des adolescents qui utilisent la cigarette électronique : si la moitié (53,3%) a déjà eu l’occasion de l’essayer, ils ne sont que 2,5% à déclarer vapoter tous les jours.
Méthodes –
Le huitième exercice de l’enquête Escapad, menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) lors de la Journée défense et citoyenneté, s’est déroulé en mars 2014 auprès 22 023 adolescents français âgés de 17 ans.
Résultats –
En 2014, plus des deux tiers des adolescents de 17 ans (68,4%) ont déclaré avoir déjà fumé au moins une cigarette au cours de leur vie. Ce niveau d’expérimentation est resté stable par rapport à 2011 et toujours en deçà de celui mesuré au début des années 2000 (77,6%). Le tabagisme quotidien, qui est déclaré par 32,4% des adolescents de 17 ans en 2014, poursuit sa hausse amorcée en 2011. Avec 11,3% de ces adolescents déclarant fumer plus de 10 cigarettes par jour, la part des fumeurs intensifs est également stable depuis 2008. À l’opposé, la part des fumeurs occasionnels et celle des fumeurs quotidiens consommant moins de 10 cigarettes par jour augmentent sensiblement. Enfin, 1 adolescent sur 6 a déjà usé d’une chicha et 1 sur 2 déclare avoir essayé la cigarette électronique, alors que seuls 2,5% disent l’avoir utilisé quotidiennement au cours des 30 derniers jours.
Abstract
Background –
The last ESCAPAD survey carried out in March 2014 confirms the increase of smoking observed in 2011, with one out of three adolescents reporting (32.4%) smoking daily. Moreover, for the first time, the proportion of teenagers who use the electronic cigarette is known: although half of them (53.3%) have had the opportunity to try it, only 2.5% report using it every day.
Methods –
The ESCAPAD survey (Survey on Health and Behaviour) is carried out regularly by the French Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. Attendance at this ‘one-day session of civic and military information’ is compulsory for all French adolescents who have reached their 17th birthday. In 2014, the eighth round of the survey comprised 22,023 French teenagers aged 17 living in France.
Results –
In 2014, more than two thirds adolescents of 17 years old (68.4%) reported having already smoke at least one cigarette in their life. This level of lifetime use remains stable compared to 2011 and under the level reported in early 2000’s (77.6%). Daily smoking, declared by 32.4% of 17 year-old adolescents, follows the same trend. With 11.3% of high smokers (more than 10 cigarettes per day) the rate of intensive smokers also remains stable. Finally, 1 out of 6 teenagers has already used hookah and 50 percent have tried an e-cigarette at least once, whereas only 2.5% reported using it every day during the last thirty days.
Introduction
L’enquête Escapad (Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense), menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), interroge en France, depuis 2000, les adolescents âgés de 17 ans lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Son dernier exercice, en date de 2014, permet de faire le point sur les évolutions des consommations de tabac depuis 15 ans. Durant cette période, de nombreuses mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics pour lutter contre le tabagisme, au premier rang desquelles figurent les augmentations de prix des paquets de cigarettes (plus de 56% entre 2000 et 2004 1) et les campagnes d’information sur les méfaits du tabac. Certaines visent plus directement les adolescents, comme l’interdiction de vente aux mineurs de moins de 16 ans en 2004 puis à l’ensemble des mineurs en 2009, avec la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). Cependant, entre 2008 et 2011, une reprise des consommations a été observée en populations adolescente comme adulte. Par ailleurs, de nouveaux modes d’usages comme la chicha (1) ou plus récemment la cigarette électronique semblent séduire de plus en plus les populations les plus jeunes. Leur utilisation, en s’apparentant à celle de la cigarette, pourrait constituer une porte d’entrée vers le tabagisme 2.
En questionnant les adolescents sur leur consommation tabac et, désormais, de chicha et de cigarette électronique, l’enquête Escapad propose une photographie régulière et fiable des usages de produits psychoactifs à 17 ans, au niveau national comme régional 3,4.
Matériel et méthode
Huitième exercice de l’enquête menée au niveau national, le terrain d’Escapad a eu lieu du 17 au 21 mars 2014 en partenariat avec la Direction du service national lors de la JDC 5. L’enquête s’est déroulée dans tous les centres actifs sur la période en France (y compris ceux des DOM) et concernait tous les appelés présents. Ainsi, 26 351 adolescents de nationalité française ont répondu à un questionnaire auto-administré anonyme à propos de leur santé et de leurs consommations de substances psychoactives dont le tabac, l’alcool et le cannabis. Le taux de participation a été de 90%. Les données ont été pondérées afin de donner aux départements leur poids démographique réel tout en respectant le sex-ratio départemental. L’enquête Escapad a reçu l’avis d’opportunité du Conseil national de l’information statistique (Cnis), le label d’intérêt général de la statistique publique du Comité du label ainsi que l’avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). L’échantillon analysé ici, après élimination des questionnaires non renseignés sur le sexe, l’âge ou ceux dont le taux de réponse était inférieur à 50%, concerne les 22 023 métropolitains âgés de 17 ans et leur consommation de tabac ainsi que, pour la première fois, leur éventuel usage de chicha ou d’e-cigarette. Les questions concernant le tabac permettent de caractériser plusieurs types de consommation selon différents seuils. Ces derniers résultent d’un choix raisonné et ne peuvent pas rendre compte de la diversité des rythmes de consommations. S’ils distinguent mal des réalités parfois très contrastées, ils permettent cependant une description simple des pratiques des consommations à l’adolescence : l’expérimentation désigne le fait d’avoir déjà consommé (une cigarette) au moins une fois au cours de sa vie ; le tabagisme occasionnel qualifie les consommations dans le mois inférieures à une cigarette par jour ; l’usage ou le tabagisme quotidien correspond à au moins une consommation par jour ; le tabagisme intensif correspond à la consommation de plus de 10 cigarettes par jour. Il est parfois fait référence à la notion « d’ancien fumeur » qui, en population adolescente, désigne un jeune qui a déjà fumé des cigarettes mais pas au cours du dernier mois précédant l’enquête.
Résultats
Évolution des usages de cigarettes à 17 ans depuis 2000
Après une décennie de diminution, l’expérimentation de tabac chez les jeunes de 17 ans semble s’être stabilisée depuis 2011. Elle concerne aujourd’hui 68,4% des adolescents. L’usage quotidien pour sa part continue de progresser très légèrement, de 31,5% à 32,4% entre 2011 et 2014. Toutefois, cette dernière augmentation résulte principalement d’une progression du niveau d’usage quotidien parmi les filles (+1,7 point), celui des garçons n’ayant pas évolué. À l’instar de ce qui était observé au début des années 2000, le tabagisme quotidien ne présente plus, à nouveau, de différentiel de genre à l’adolescence (figure 1).
Pour autant, le tabagisme féminin reste moins intensif : à 17 ans, 6,1% des filles déclarent fumer plus de 10 cigarettes par jour, contre 9,3% des garçons.
En 2014, l’expérimentation du tabac intervient en moyenne à 14,0 ans et l’entrée dans le tabagisme quotidien se fait 11 mois plus tard (14,9 ans en moyenne). Après une baisse de l’âge moyen d’initiation jusqu’en 2005, traduisant une plus grande précocité, la tendance s’est inversée avec globalement, entre 2000 et 2014, un entrée dans le tabagisme plus tardive (13,7 à 14,0 ans). Si l’âge de passage au tabagisme quotidien a régulièrement augmenté pendant la décennie 2000, il a légèrement diminué pour la première fois en 2014 (14,9 contre 15,0 en 2011). Au final, le délai de passage au tabagisme quotidien s’est réduit fortement depuis 2011. Actuellement, moins d’un an s’écoule en moyenne entre la première cigarette et un éventuel comportement de tabagisme quotidien (en 2003, le délai moyen était d’un an et demi).
La structure des consommations de tabac s’est aussi sensiblement modifiée (figure 2). Parmi les expérimentateurs, la part des non-fumeurs dans le mois a diminué entre 2005 (42,0%) et 2014 (35,8%), celle des usagers occasionnels, après avoir progressé, s'est stabilisée en 2008, et celle des usagers quotidiens a progressé de 45,1% à 47,4%.
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Chicha et cigarette électronique
L’enquête European School Survey on Alcohol and Others Drugs (Espad), dont le volet français est mené par l’OFDT, avait montré une augmentation de l’usage de chicha entre 2007 et 2011 parmi les adolescents âgés de 16 ans 6, confirmant par là-même la diffusion de la chicha en population française 7. Désormais, plusieurs enquêtes, tant en population adulte 8 qu’adolescente, intègrent des questions sur l’usage de la chicha. Il en est de même avec la cigarette électronique (ou e-cigarette).
Dans l’enquête Escapad, plus de la moitié des jeunes âgés de 17 ans déclarent avoir déjà fait usage d’une cigarette électronique au cours de leur vie (tableau 1). Ils sont 64,7% en ce qui concerne la chicha (tableau 2). Dans les deux cas, les garçons se révèlent un peu plus nombreux. La simple expérimentation reste limitée (15,7% pour la cigarette électronique et 9,3% pour la chicha), une grande partie des adolescents ayant renouvelé l’expérience plusieurs fois. Comme pour le tabac, et plus généralement pour l’ensemble des substances psychoactives, dès que l’usage s’intensifie, les écarts entre les filles et les garçons s’accentuent. Finalement, les filles se révèlent plus souvent de simples expérimentatrices, qu’il s’agisse de l’usage de la chicha ou de la cigarette électronique (respectivement 11,0% et 17,7% contre 7,8% et 13,8% pour les garçons).
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L’usage de cigarette électronique au cours du mois précédant l’enquête est déclaré par plus de 1 adolescent sur 5 (22,1%) alors que 2,5% disent l’utiliser tous les jours, les garçons plus souvent que les filles (3,1% vs. 1,8%). L’association entre les différents comportements ou modes de consommation s’avère importante (figure 3). Il y a peu d’utilisateurs exclusifs d’e-cigarette, notamment parmi les vapoteurs quotidiens chez lesquels seulement 1,5% ont déclaré n’avoir jamais fumé de cigarettes. Pour la chicha, les utilisateurs exclusifs sont relativement plus nombreux, avec 12,5% des expérimentateurs dans ce cas.
Une très large majorité des vapoteurs quotidiens sont des fumeurs quotidiens (83,6% contre 54,2% parmi les vapoteurs non quotidiens), dont près d'un tiers (30,6%) sont des fumeurs intensifs (figure 4). En outre, les usagers quotidiens d’e-cigarette ont tendance à déclarer un nombre de cigarettes fumées quotidiennement plus important que les autres fumeurs quotidiens de tabac.
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Dangerosité perçue de la cigarette
Pour une majorité des adolescents (53,6%), fumer n’est dangereux qu’à partir du moment où l’on fume tous les jours (tableau 3). Un jeune sur 5 pense cependant qu’il est dangereux de fumer dès la première cigarette et 1 sur 4 à partir du moment où l’on fume de temps en temps, tandis que seulement 1,8% déclarent que fumer n’est jamais dangereux. Il y a peu d’écart d’appréciation de la dangerosité selon le sexe, les jeunes filles étant un peu plus nombreuses à considérer que fumer est dangereux « dès que l’on essaye » (22,4% vs. 18,3% parmi les garçons). La proximité avec le produit façonne la perception de la dangerosité de manière importante, chacun adoptant des seuils de dangerosité plus ou moins compatibles avec sa propre consommation et réciproquement. Ainsi, les fumeurs occasionnels considèrent très majoritairement qu’il n’est dangereux de fumer qu’à partir du moment où l’on fume tous les jours. Les fumeurs quotidiens, même s’ils reconnaissent pour la plupart d’entre eux que la consommation quotidienne est dangereuse, sont proportionnellement 3 à 4 fois plus nombreux que ceux qui n’ont jamais fumé à déclarer que fumer n’est jamais dangereux. Signalons que la formulation de la question « Selon vous, à partir de quand devient-il dangereux pour la santé de fumer du tabac ? » ne permet pas de savoir si les adolescents connaissent vraiment les risques pour la santé liés au tabagisme.
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Situation familiale et scolaire associée au tabagisme quotidien
À l’exception du sexe, les variables sociodémographiques étudiées apparaissent fortement liées à la consommation quotidienne de tabac (tableau 4). En particulier, les élèves en apprentissage et ceux sortis du système scolaire présentent un tabagisme plus élevé. Il en est de même pour les adolescents dont les parents sont séparés, qu’ils vivent dans une famille recomposée ou monoparentale. Un niveau social élevé (mesuré par la profession des parents), comme le fait d’être en activité professionnelle, sont également associés à des consommations légèrement plus importantes. Toutefois, ces résultats ne tiennent pas compte de l’ensemble des caractéristiques des individus prises simultanément. Pour contrôler conjointement les effets de toutes les variables, une régression logistique multivariée a été conduite. Dans celle-ci, la plupart des liens observés précédemment sont confirmés « toutes choses égales par ailleurs ». À 17 ans, l’inscription en apprentissage, ou encore se trouver en situation de déscolarisation, demeurent des facteurs fortement liés à l’usage quotidien de tabac. En revanche, la situation familiale ou le milieu socioéconomique ne semble finalement jouer qu'un rôle marginal une fois l'ensemble des variables contrôlé.
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Discussion
Ce huitième exercice de l’enquête Escapad confirme que le tabagisme des adolescents reste important, d’autant qu’il semble se stabiliser après une décennie de baisse. Il montre aussi une progression du tabagisme féminin. Enfin, l’analyse tend à montrer que la part du tabagisme intensif est restée stable dans le temps. Ce dernier point souligne la difficulté de modifier les comportements tabagiques des adolescents et notamment ceux des plus dépendants, et rappelle la nécessité de mener des politiques de prévention durables, en particulier en amont des premiers usages.
L’enquête indique également que la chicha est devenue aujourd’hui un mode courant de consommation du tabac des adolescents. Toutefois, son expérimentation, en dehors de toute autre forme de tabagisme, est encore très faible aujourd’hui en France (sans qu’il soit possible d’évaluer sa vitesse de diffusion).
En outre, à l’instar de ce qui est observé en population adulte, elle montre que l’usage exclusif de la cigarette électronique reste un comportement très rare, 0,1% des 15-75 ans vapotant actuellement sans avoir jamais fumé de tabac et 0,9% étant des vapoteurs anciens fumeurs 8. Cependant, au regard du nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les adolescents qui utilisent également l’e-cigarette, l’usage de la cigarette électronique parmi les plus jeunes ne semble pas lié à une intention d’arrêter ou de limiter son tabagisme. Ces résultats tendraient à corroborer des travaux menés auprès des jeunes américains montrant que, parmi ces derniers, le vapotage n’était pas lié à une intention d’arrêter le tabagisme 9 et que ceux les plus enclins à vapoter étaient ceux percevant une graduation dans la dangerosité du tabac en fonction de l’intensité de son usage en termes de fréquence et de quantité 10. Ce dernier résultat suggère que la cigarette électronique pourrait se révéler davantage un complément pour les « fumeurs intensifs » qu’un substitut ; elle serait utilisée dans une perspective de réduction des risques. D’autres enquêtes, avec des questions rétrospectives notamment, pourraient permettre de mieux comprendre l’articulation de ces deux consommations.
Sur la question de la porte d’entrée, de nombreuses études internationales récentes montrent que c’est surtout parmi les adolescents que l’on rencontre des vapoteurs n’ayant jamais fumé de tabac, tandis que parmi les adultes, il s’agit presque toujours de fumeurs ou d’anciens fumeurs 11. L’enquête Escapad 2014 ne permet pas malheureusement de répondre à la question de la chronologie des modes d’entrée dans le tabagisme, que ce soit pour la chicha ou l’e-cigarette. L’enquête Espad qui s’est déroulée au premier trimestre 2015 permettra en revanche d’avancer sur cette question, puisque les âges d’expérimentation de ces trois modes y ont été interrogés.
Ces analyses seront prochainement, déclinées à l’échelle régionale. En effet, depuis 2003, l’enquête propose les différents indicateurs d’usage de tabac à l’échelle locale avec une précision satisfaisante, permettant ainsi de dresser le profil des évolutions des consommations de tabac à l’adolescence tant au niveau national que régional.