Méthodologie générale de l’étude Quavi-REIN, Volet dialyse & greffe 2011, France
// General methodology of the Quavi-REIN Study, Dialysis and Transplantation components, 2011, France
Quavi-REIN, Volet dialyse & greffe 2011, est une enquête transversale menée auprès d’un échantillon de patients adultes en insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) depuis au moins un an, au moyen d’un questionnaire auto-administré utilisant des instruments standardisés. L’échantillon était représentatif des patients inclus, au moment de l’enquête, dans les systèmes REIN (1) (Réseau épidémiologie et information en néphrologie) pour les patients dialysés et Cristal (2) pour les patients greffés, dans les 21 régions participant aux systèmes en 2009 et pour lesquelles l’exhaustivité du recueil était assurée (figure 1).
L’enquête a été coordonnée par deux structures : le service Épidémiologie et évaluation cliniques du CHU de Nancy (EEC-Nancy) et le service de Santé publique et d’information médicale de l’Hôpital de la Conception au CHU de Marseille (Spim-Marseille). Elle associait l’Agence de la biomédecine (ABM) pour le tirage au sort des patients et le contrôle qualité des données dans les bases REIN et Cristal.
Échantillonnage
La population source était l’ensemble des patients résidant en France et répondant aux critères d’éligibilité suivants : être âgé de 18 ans et plus, dialysé ou porteur d’un greffon rénal fonctionnel depuis au moins un an et suivi dans l’une des 21 régions participantes à REIN au moment de l’enquête (figure 1). Au 31 décembre 2009, 26 820 personnes en dialyse et 19 950 porteurs de greffon rénal fonctionnel enregistrés dans les systèmes REIN et Cristal répondaient à ces critères d’éligibilité. Un échantillon de 6 061 personnes atteintes d’IRCT éligibles a été tiré au sort en stratifiant sur la région et sur l’âge. Chez toutes les personnes dialysées et chez les greffés dont le dernier suivi datait de plus de 18 mois, les critères d’éligibilité ont été vérifiés auprès des centres de suivi.
Données recueillies
Systèmes REIN et Cristal
Les systèmes REIN et Cristal recueillent en continu des données sur les caractéristiques sociodémographiques et médicales des patients 1,2. Cependant, pour les patients porteurs d'un greffon rénal fonctionnel (dans Cristal), le type de données recueillies est limité par rapport à celles qu’il est important d’obtenir dans une enquête de qualité de vie. Dans la base REIN, les données sont plus nombreuses, mais la précédente enquête 2005-2007 avait démontré la difficulté d’obtenir une bonne synchronisation entre les données recueillies dans l’enquête transversale et les données de suivi de REIN 3. Outre les données de qualité de vie, il a donc été nécessaire de recueillir dans l’enquête les données sociodémographiques et médicales telles que rapportées par les patients.
Auto-questionnaire patient
Présenté sous forme d’un cahier de 23 pages, il contenait les thématiques suivantes à renseigner :
- données sociodémographiques : mois et année de naissance, sexe, niveau d’études, formation initiale, situation familiale, impact éventuel de la maladie sur un projet d’enfant ;
- données médicales propres à l’état de santé : traitement de suppléance, dialyse avant la greffe le cas échéant ; si oui, durée, modalité et lieu de dialyse. Spécifiquement chez les porteurs de greffon rénal fonctionnel : année de la greffe, épisodes de rejet, évènements intercurrents, état de santé au moment de l’enquête, facteurs de risque (poids, taille, tabagisme), présence de comorbidités (et leur ancienneté par rapport à l’IRCT, pour le diabète et l’hypertension en particulier), traitements médicamenteux avec observance et effets secondaires ;
- qualité de vie : évaluée par plusieurs outils qui sont : 1/ un questionnaire générique, le Medical Outcomes Survey Short-Form à 36 items (MOS SF36) 4,5. Validé en langue française 6, il comprend 36 items pouvant être regroupés en 8 dimensions de qualité de vie et 2 scores résumés, l’un physique (PCS) et l’autre mental (MCS) ; 2/ un questionnaire spécifique aux personnes en dialyse, le Kidney Disease Quality of Life (KDQoL) 7,8, constitué de 24 items répartis en 3 dimensions ; 3/ un questionnaire spécifique aux porteurs de greffon rénal fonctionnel, le ReTransQoL 9, avec 49 items répartis en 5 dimensions ;
- activité physique : le niveau d’activité physique lors des différentes phases de la maladie a été évalué mais, en raison du nombre important de données manquantes pour cette partie, les résultats n’en sont pas présentés dans ce numéro du BEH ;
- activités professionnelles et ressources, divisée en trois sous-parties : évolution de l’activité professionnelle au cours de la maladie, situation vis-à-vis de l’emploi et ressources au moment de l’enquête ainsi que l’impact de la maladie sur ces ressources. Cette partie a été développée par l’association de patients Renaloo (résultats non présentés dans ce numéro du BEH) ;
- informations reçues et éducation thérapeutique, notamment avec le Health Education Impact Questionnaire (HeiQ) 10 constitué de 40 questions définissant 9 dimensions. Cette enquête a été en partie le support de l’étude de validation de la version française 11 (résultats non présentés dans ce numéro du BEH).
Mode de recueil des données
Le cahier de questionnaires, envoyé au domicile du patient entre octobre 2011 et septembre 2012, était accompagné d’une lettre d’information des investigateurs, cosignée par la Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (FNAIR) (3) et Renaloo, et d’une enveloppe T. Une relance courrier a été effectuée à tous les patients pour lesquels le cahier n’avait pas été retourné rempli dans un délai d’un mois.
La gestion des envois et des relances a été réalisée via une base Access® développée par l’EEC-Nancy, avec un accès restreint aux personnes travaillant sur l’étude. L’anonymat des questionnaires a été préservé par un numéro identifiant spécifique à l’étude, indépendant de l’identifiant national des registres Cristal et REIN. Les deux centres coordonnateurs ont géré les envois et les relances, chacun pour les régions qu’il avait en charge. Les patients ont retourné leur questionnaire, complété ou non, dans l’enveloppe T préalablement fournie, à l’EEC-Nancy, chargé de la saisie des données.
Analyse statistique
Les analyses statistiques effectuées sont détaillées dans chacun des articles de ce numéro 12,13,14.
Représentativité de l’échantillon – bilan du recueil
Sur les 8 450 patients tirés au sort, 72% étaient éligibles (n=6 061), parmi lesquels 1 251 personnes dialysées et 1 658 porteurs de greffon rénal fonctionnel ont répondu à l’enquête, soit un taux de participation global de 48% (figure 2).
Près de 65% des personnes en dialyse et plus de 80% des porteurs de greffon rénal fonctionnel ont été identifiés comme éligibles à partir des bases d’échantillonnage REIN et Cristal de l’ABM ; le cahier d’auto-questionnaires a pu leur être envoyé à domicile. La principale raison de non éligibilité pour les deux échantillons était une adresse postale erronée, voire inexistante dans les bases.
Les personnes dialysées non éligibles étaient plus jeunes que les éligibles (67,0 ± 17,5 vs. 69,7 ± 15,1 ; p<0,0001) et une répartition différente était observée entre les régions de suivi (p<0,0001). En particulier, la région Île-de-France a présenté plus de 73,4% de patients non éligibles, du fait qu’il y a été difficile d’obtenir et/ou de confirmer les adresses postales des patients. La Champagne-Ardenne a présenté également un taux élevé de patients non éligibles (64,8%) (patients décédés ou adresse postale erronée).
En ce qui concerne les porteurs de greffon rénal fonctionnel, 80,1% des 3 735 greffés tirés au sort dans la base Cristal étaient éligibles. Comme pour les patients en dialyse, les patients greffés éligibles étaient plus âgés que les non éligibles (51,4 ± 15,1 vs. 53,9 ± 14,8 ans ; p=0,0002). Le statut définissant l’éligibilité était également différent selon la région de suivi, avec des régions comportant moins de 10% de non éligibles (Picardie, Lorraine et Auvergne) et d’autres présentant des taux de non éligibles de plus de 25% (Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Au total, 2 909 patients en IRCT ont été inclus (taux de participation : 40,8% et 55,4% respectivement pour les sujets dialysés et greffés). Ces taux différaient significativement selon la région de résidence : ils allaient de 30,9% (Poitou-Charentes) à 50,7% (Auvergne) pour les patients dialysés (p<0,0001), et de 36,2% (La Réunion) à 69,8% (Alsace) pour les patients greffés (différence non statistiquement significative). Des disparités significatives ont également été observées selon l’âge du patient. De façon proportionnelle, ce sont les patients âgés de 75 ans et plus qui ont le plus participé, quel que soit le traitement de suppléance. Enfin, les patients ayant été dialysés avant leur greffe ont davantage répondu que les greffés préemptifs.
L’odds ratio (OR) des répondants (vs. non répondants) était plus élevé chez les greffés (OR=1,3 [1,1-1,4]), chez les personnes âgées de 45 à 75 ans (OR=1,2 [1,1-1,3]), p<0,0001), chez les hommes (OR=1,1 [1,1-1,2]) et chez les patients suivis dans les régions Auvergne (OR=1,6 [1,1-2,2]), Lorraine (OR=1,4 [1,1-1,8]) et Champagne-Ardenne (OR=1,4 [1,0-2,0]).
Discussion
Le principe général adopté pour l’étude Quavi-REIN est celui d’une surveillance épidémiologique réalisée à partir d’études transversales répétées. Il ne s’agit pas d’une cohorte avec suivi longitudinal des sujets, qui est le type d’approche privilégié de la recherche car il permet notamment d’établir des relations causales entre les phénomènes étudiés. Les études transversales ne permettent pas d’apporter d’éléments de preuve de niveau élevé sur les principaux déterminants de la qualité de vie, même si elles peuvent dans une certaine mesure y contribuer, avec toutes les limites interprétatives bien connues. En revanche, la mesure transversale répétée permet d’identifier les évolutions, au cours du temps, des principales caractéristiques épidémiologiques et populationnelles des patients vivant avec une IRCT au moment de l’enquête.
Il est important de noter que notre population d’étude est exhaustive pour les régions intégrées dans le registre REIN au 31 décembre 2009.
Les étapes de vérification des critères d’éligibilité et d’inclusion des personnes ont demandé plus de travail et de temps que prévu, et le statut de l’ensemble des personnes n’a pas pu être vérifié avant le démarrage des envois des questionnaires. Les conséquences en ont été les suivantes :
- un nombre important de personnes non éligibles, variable selon les régions, la principale raison de non éligibilité étant l’impossibilité d’obtenir une adresse postale valide :
- avant l’envoi des cahiers : des problèmes liés à l’organisation des coordinations régionales ont fait qu’il a été difficile, voire impossible pour les attachés de recherche clinique (ARC) de recueillir le statut sur l’éligibilité des patients en dialyse. Ainsi, lors de la vérification des critères d’éligibilité, la personne était perdue de vue, ou son adresse postale non disponible ou non transmise par les centres (46% et 41,5%, respectivement). En Île-de-France, notamment, la population des greffés est effectivement un peu particulière, puisqu’une grande partie des patients suivis dans cette région ne vit pas en France métropolitaine. Leur suivi post-greffe demande à ce qu’ils reviennent au moins une fois par an dans le centre. Or, du fait de l’éloignement géographique, ils ne reviennent pas aussi souvent que prévu. La raison principale de non éligibilité des patients greffés était d’ailleurs qu’ils étaient perdus de vue par le centre (32%), suivis par une adresse postale incomplète (24,6%). Un taux important de non éligibilité en Champagne-Ardenne a également été observé, sans explication. Une analyse plus fine et poussée permettrait d’en comprendre les tenants et les aboutissants.
- après envoi des cahiers : courrier revenu à l’expéditeur avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée (NPAI) ». Critère également variable selon la région de résidence (3,5% et 12,7%) pour les personnes en dialyse ou porteuses de greffon rénal fonctionnel respectivement. L’actualisation des données de la base Cristal est variable selon les régions (notamment pour ce qui concerne l’adresse postale) ; la mise à jour du statut vital des personnes était décalée : près de 75 appels téléphoniques ou renvois de questionnaire ont été adressés par la poste ou la famille des destinataires pour en déclarer le décès. Ayant une base d’échantillonnage au 31 décembre 2009 et un envoi des questionnaires réalisé en 2011, il était attendu d’observer de tels décalages.
- parmi les questionnaires non retournés, il n’a pas été possible de distinguer s’il s’agissait d’un refus délibéré de la personne, qui ne souhaitait pas répondre à l’enquête, ou si elle était non joignable (non distribution du courrier, déménagement, décès). Le taux de retour a été beaucoup plus faible qu’espéré : il n’a été que de 43% (porteurs de greffon rénal fonctionnel) et 57% (personnes en dialyse). Une des hypothèses avancée est la longueur du questionnaire (23 pages, dont certaines très chargées).
- les données médicales recueillies dans le questionnaire ont été déclarées par les patients et n’ont pu être contrôlées.
Éthique
Tous les supports individuels de recueil étaient anonymisés. L’enquête a reçu un avis favorable du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) et l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL, 905263v1 et 906248v1).
Remerciements
Cette étude a été financée par la Direction générale de la santé et l’Agence de la biomédecine. Elle a bénéficié des moyens du Centre hospitalier universitaire de Nancy, au titre du Service épidémiologie et évaluation cliniques (EEC), et du Centre hospitalier universitaire de Marseille, au titre du Service de santé publique et d’information médicale (Spim). Cette étude a été menée avec le partenariat de la Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (FNAIR).
Tous nos remerciements vont à l’ensemble des patients qui ont participé à cette enquête ainsi qu’aux personnes impliquées dans chaque région participante : aux néphrologues, attaché(e)s de recherche clinique REIN et technicien(ne)s de recherche clinique Cristal qui ont aidé à la mise à jour des données.