Grandes causes de mortalité en France en 2021 et tendances récentes
// Leading causes of death in France in 2021 and recent trends
Résumé
Introduction –
Cette étude décrit la mortalité par cause en 2021, année où l’infection par le SARS-CoV-2 était toujours présente sur le territoire français, en comparant son évolution avec les tendances entre 2015 et 2019 et à 2020.
Méthodes –
À partir des certificats de décès des personnes résidentes et décédées en France en 2021, ainsi qu’entre 2015 et 2020, les causes médicales de décès ont été codées selon la Classification internationale des maladies 10e révision (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les causes initiales de décès ont été regroupées selon la liste européenne des causes de décès, à laquelle s’ajoute la Covid-19. Les effectifs et les taux de mortalité standardisés ont été analysés par cause, classe d’âge et sexe. Les taux de 2020 et 2021 sont comparés aux niveaux tendanciels de mortalité estimés par un modèle de régression de Poisson entre 2015 et 2019.
Résultats –
La Covid-19 reste la 3e cause de décès derrière les tumeurs et les maladies de l’appareil circulatoire, avec des victimes plus jeunes qu’en 2020. L’épidémie a fortement touché les départements et régions d’outre-mer (DROM). On note des hausses de la mortalité due aux maladies de l’appareil circulatoire en 2021, aux maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques et de l’appareil digestif dès 2020, par rapport aux tendances des années 2015-2019.
Discussion –
Les écarts par rapport à la tendance passée sont cohérents avec les résultats internationaux et contribuent à documenter des possibles effets directs et indirects de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité.
Abstract
Introduction –
This study describes cause-specific mortality in 2021, a year when SARS-CoV-2 infection was still present in France, compared to trends between 2015 and 2019 and in 2020.
Methods –
Based on the death certificates of French residents deceased in France between 2015 and 2021, causes of death (CoD) were coded according to the International Classification of Diseases (ICD-10) of the World Health Organization (WHO). Underlying CoD were grouped according to the CoD European Shortlist, supplemented by COVID-19. Death counts and standardized mortality rates (SMR) were analyzed by cause, age group, and sex. SMRs for 2020 and 2021 were compared to mortality trends between 2015 and 2019 estimated using a Poisson regression model.
Results –
COVID-19 remained the third leading CoD in France in 2021, after tumors and diseases of the circulatory system, with younger victims than in 2020. The pandemic hit hard in the overseas territories. SMRs increased significantly for diseases of the circulatory system in 2021, for endocrine, nutritional and metabolic diseases and diseases of the digestive system from 2020, compared to trends from 2015 to 2019.
Discussion –
Deviations from past trends are consistent with international findings and document possible direct and indirect effects of the COVID-19 epidemic on mortality.
Introduction
Après une année 2020 marquée par l’émergence de la Covid-19, l’épidémie s’est poursuivie en 2021 avec la succession de nouveaux variants, qui ont conduit à des périodes de forte intensité épidémique sur les premiers mois de l’année, durant l’été et en décembre 1. En complément des mesures exceptionnelles de gestion et de prévention mises en place dès 2020, la campagne vaccinale contre la Covid-19 est montée en charge progressivement en 2021 pour aboutir en décembre à un schéma vaccinal complet de 91% de la population adulte 2.
L’année 2021 se caractérise en France par un excès de 43 000 décès toutes causes confondues par rapport au nombre attendu en l’absence d’épidémies ou d’autres événements inhabituels, excès en légère baisse par rapport à 2020 (48 000 décès) 3.
À partir de la statistique nationale des causes de décès qui repose sur le recueil exhaustif et l’analyse des volets médicaux des certificats de décès, cette étude décrit les principaux indicateurs de mortalité par cause en 2021 et les compare aux tendances observées entre 2015 et 2019, et à 2020. Une étude complémentaire reposant sur les mêmes données analyse les aspects régionaux, infra-annuels et par lieux de décès de la mortalité par cause 4.
Matériel et méthodes
La statistique annuelle des causes médicales de décès est produite par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à partir des volets médicaux des certificats de décès renseignés par les médecins constatant le décès 5. Elle est alignée sur les décès des personnes résidentes et décédées en France enregistrés par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques).
Les causes médicales de décès ont été codées selon la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). À chaque entité nosologique (maladie, traumatisme, etc.) mentionnée sur le certificat est attribué un code CIM-10. La cause initiale de décès est définie, en appliquant les règles de la CIM-10, comme étant la maladie, le traumatisme ou les circonstances en cas de mort violente, à l’origine du processus morbide ayant entraîné le décès. Pour les décès de 2020, de 2017 et avant, les codes des causes de décès provenaient soit d’un codage automatique (système de règles Iris/Muse), soit d’un codage manuel assisté. Pour les années 2018, 2019 et 2021, une méthode d’intelligence artificielle (IA) a été utilisée en complément des modes de codage précédents 6. Ainsi, 63% des décès de 2021 ont été codés par le logiciel Iris/Muse, 14% par codage manuel, et 23% par la méthode d’IA.
Dans cette étude, les causes initiales de l’ensemble des décès ont été regroupées selon la liste européenne des causes de décès 7 à laquelle deux catégories spécifiques pour la Covid-19 ont été ajoutées (« Covid-19 » incluant U07.1 et U07.2, et « Autres Covid-19 », incluant U10.9 et U12.9) 8.
Afin de décrire les comorbidités et/ou complications des patients décédés de la Covid-19, les causes médicales associées (seules celles pouvant constituer une cause initiale) ont été analysées. En complément, lorsque la Covid-19 était mentionnée en cause associée, les causes initiales de décès ont également été analysées.
Le champ de l’étude concerne les personnes résidentes et décédées en France métropolitaine ou dans les cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) en 2021.
Les indicateurs présentés dans cette étude sont les effectifs de décès et les taux de mortalité standardisés selon l’âge (selon la population standardisée européenne de 2013 9), afin de permettre les comparaisons de la mortalité entre populations n’ayant pas la même structure par âge. Le calcul du taux repose sur les estimations de population au 1er janvier, par sexe et âge, produites et diffusées par l’Insee (provisoires pour 2021 et 2022). Les taux des années de 2015 à 2020 ont été réactualisés avec les nouvelles estimations de population, en prenant mieux en compte la mortalité des enfants de moins d’un an que dans les publications précédentes 10,11.
Les analyses sont déclinées pour trois classes d’âges (0-64 ans, 65-84 ans et 85 ans ou plus) et par sexe.
Les tendances annuelles des taux de mortalité par cause, par sexe et classe d’âge entre 2015 et 2019 ont été estimées à partir de modèles de log-Poisson indépendants surdispersés, intégrant une tendance linéaire. Ces tendances ont été projetées pour les années 2020 et 2021 afin d’apprécier les éventuelles sorties de l’intervalle de prédiction à 99% interprétables comme un test à 1% de sortie de tendance. Pour cette analyse des tendances, le recodage des causes initiales d’arrêt cardiaque mal défini (I46.0 et I46.9) en R99 à partir de 2019, conformément aux recommandations de l’OMS, a été généralisé sur l’ensemble de la période d’étude pour permettre une analyse sur une base homogène.
Résultats
Mortalité toutes causes en 2021
En 2021, 660 168 décès de personnes domiciliées et décédées en France ont été enregistrés. Il s’agit un peu plus souvent d’hommes (50,4%, tableau 1). Le taux standardisé de mortalité est de 885,5 pour 100 000 habitants. La standardisation, en ramenant les populations féminine et masculine à une même distribution par âge, met en évidence la surmortalité masculine : le taux masculin (1 113,9) est 1,7 fois plus élevé que le taux féminin (657,1). Cette surmortalité masculine est plus forte chez les moins de 65 ans (2,0). Moins d’un sixième de ces décès (15,2%) survient avant 65 ans : ces décès prématurés représentent 19,9% des décès masculins contre seulement 10,5% des décès féminins.
La mortalité par cause en 2021
Tumeurs
En 2021, les tumeurs, première cause de décès, représentent 25,7% des décès (169 910 décès, taux de 243,3), dont 55,8% d’hommes (tableau 1). Plus de la moitié des personnes décédées d’une tumeur avaient entre 65 et 84 ans. Les tumeurs du poumon, des bronches et de la trachée représentent 17,9% des décès par tumeur (taux de 45,4) dont 67,4% d’hommes. Elles comptent pour près d’un quart des décès par tumeur des moins de 65 ans. La deuxième tumeur la plus fréquente est la tumeur colorectale (10,0%).
Les tumeurs malignes du sein sont responsables de 12 818 décès quasiment tous féminins, soit 16,8% des décès féminins par tumeur (taux de 30,4). Les tumeurs malignes du pancréas ont causé 12 732 décès (taux de 18,0), autant d’hommes que de femmes.
Le taux standardisé de décès chez les hommes est supérieur à celui des femmes pour une grande majorité des tumeurs (ratio de 1,7 pour l’ensemble des tumeurs).
Maladies de l’appareil circulatoire
Les maladies de l’appareil circulatoire, deuxième cause de mortalité, ont entraîné 137 716 décès, soit 20,9% de l’ensemble (taux de 177,7) dont 47,4% d’hommes (tableau 1). Ces pathologies sont responsables de 26,4% des décès des 85 ans et plus, contre 12,0% des décès des moins de 65 ans. Les cardiopathies ischémiques représentent 22,7% des décès dus aux maladies de l’appareil circulatoire, et les maladies cérébrovasculaires 22,6%. À âge égal, la surmortalité masculine atteint 2,8 (sex-ratio) pour les cardiopathies ischémiques et 1,3 pour les maladies cérébrovasculaires.
Covid-19
Comme en 2020, la Covid-19 constitue la troisième cause de décès en France en 2021. Elle a entraîné 60 895 décès en 2021, soit 9,2% des décès toutes causes confondues (tableau 1). Parmi eux, 45 décès sont comptabilisés dans la catégorie « autres Covid-19 » : 7 décès dus à un syndrome inflammatoire multi-systémique associé à la Covid-19 (U10.9) et 38 que le médecin certificateur indique comme dus à des effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 (U12.9).
Les victimes de la Covid-19 sont à 53,0% des hommes (50,7% en 2020) et sont un peu moins âgées qu’en 2020 : la moitié (49,6%) des décès dus à la Covid-19 concernent des personnes âgées de 85 ans ou plus (56,8% en 2020), et 8,4% des moins de 65 ans (6,2% en 2020). L’âge médian des personnes décédées de la Covid-19 est de 84 ans (86 ans en 2020).
Le taux standardisé tous sexes confondus est de 82,9 pour 100 000 habitants (93,4 en 2020). Le taux masculin (109,3) est 1,9 fois supérieur à celui des femmes (56,6). En métropole, le taux standardisé varie de 33,9 en Bretagne à 111,2 dans les Hauts-de-France, avec des taux plus élevés dans les régions de la moitié est du territoire, même si ceux-ci restent inférieurs à ceux de 2020 (figure 1, annexe). Dans les DROM, le taux standardisé de mortalité due à la Covid-19 en Guadeloupe (238,2), Martinique (220,1), Guyane (234,6) et Mayotte (362,3) est très élevé : il est supérieur aux taux atteints dans les régions métropolitaines les plus touchées en 2020 (annexe).
Pour 88% des décès dus à la Covid-19, au moins une comorbidité ou complication est mentionnée sur le certificat de décès (86,5% en 2020, tableau 2). Les comorbidités ou complications de la Covid-19 les plus fréquentes sont les maladies de l’appareil respiratoire (56,1% des certificats de décès dus à la Covid-19 ont au moins une mention de maladie respiratoire en cause associée, vs 50,5% en 2020). Parmi ces maladies respiratoires, la pneumonie (considérée généralement comme une complication aiguë de l’infection au SARS-CoV-2) est citée sur 32,9% des certificats (21,3% en 2020). Les maladies de l’appareil circulatoire (37,5%) constituent l’autre groupe le plus fréquent de comorbidités/complications (36,5% en 2020).
Chez les personnes de moins de 65 ans, la présence d’une comorbidité ou complication atteint 92,9%, un tout petit peu moins qu’en 2020 (tableau 2). À la suite des comorbidités et complications les plus fréquentes précédemment citées, s’ajoutent les maladies endocriniennes nutritionnelles et métaboliques (23,0% contre 18,4% tous âges) et les tumeurs (14,7% contre 11,7% tous âges). Enfin, l’obésité se retrouve dans 14,7% des certificats (contre 4,7% tous âges). La part pour cette cause est plus élevée que celle observée en 2020 (10,0%).
En 2021, pour 7 029 décès, la Covid-19 était une cause associée mais ne constituait pas la cause initiale du décès (tableau 3). La répartition des causes initiales de ces décès est proche de celle de la mortalité toutes causes confondues, notamment les décès de tumeurs.
On note toutefois des catégories de causes initiales pour lesquelles la part du nombre de décès avec la Covid-19 en cause associée est plus élevée que celle de l’ensemble des décès (1,1%) : les maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques (2% de l’ensemble des décès de cette catégorie) notamment le diabète sucré (de type 1, type 2 ou non spécifié, 2,3%), les maladies de l’appareil génito-urinaire (1,7%) et en particulier les maladies rénales chroniques (1,5%), les cardiopathies ischémiques (1,5%), les autres maladies de l’appareil circulatoire (1,5%) et chez les moins de 65 ans, les maladies cérébrovasculaires (1,4%), ainsi que, chez les personnes de plus de 85 ans, les troubles mentaux et du comportement (1,7%) et les maladies du système nerveux (1,6%) (tableau 3).
Ces proportions en 2021 sont en hausse par rapport à celles de 2020 pour les maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, les maladies de l’appareil circulatoire et pour les maladies génito-urinaires.
Causes externes
En 2021, 40 904 décès sont dus à des causes externes, soit 6,2% de l’ensemble (tableau 1). Les accidents représentent 70,7% de ces décès, avec 24,0% de chutes accidentelles et 5,8% d’accidents de transport. Les décès par chute accidentelle sont plus nombreux pour les femmes que pour les hommes (5 307 contre 4 495) mais le taux standardisé est supérieur pour les hommes. Ces décès se produisent majoritairement à un âge élevé (64,0% des décès par chute concernent des personnes âgées de 85 ans ou plus).
Les suicides représentent 21,9% des causes externes avec 8 951 décès en 2021 (13,9 pour 100 000). Les trois quarts des décès par suicide concernent les hommes et les deux tiers sont des personnes âgées de moins de 65 ans.
Évolution de la mortalité en 2021, comparativement à 2015-2019 et à 2020
Le taux standardisé de mortalité toutes causes en 2021 (885,5) diminue par rapport à 2020 (904,3), mais son niveau reste nettement plus élevé que celui auquel conduirait la prolongation de la tendance à la baisse des années passées (figure 2, tableau 4). Chez les personnes de moins de 65 ans, il dépasse (de peu) celui de 2020 (189,4 vs 188,3).
La majorité des tumeurs poursuivent leur tendance à la baisse observée depuis 2015 (figure 2, tableau 4). Les tumeurs du pancréas, quant à elles, progressent toujours. Avec un taux de 2,8 pour 100 000 en 2021, le mélanome malin de la peau semble également en légère hausse.
Parmi les causes externes, les décès dus à des accidents de transports ont progressé en 2021 par rapport à 2020, mais le niveau reste proche de celui atteint si la tendance à la baisse observée entre 2015 et 2019 s’était prolongée. La mortalité par chute accidentelle augmente de nouveau au même rythme qu’entre 2015 et 2019. La mortalité par suicide (taux de 13,9) est légèrement inférieure en 2021 à celle de 2020 (14,1), après des évolutions irrégulières entre 2017 et 2019.
Pour d’autres causes, la mortalité en 2021 sort de la tendance observée entre 2015 et 2019 (figure 2, tableau 4). Ainsi, la mortalité par maladies de l’appareil circulatoire augmente en 2021. Cette hausse est portée par celle des autres maladies du cœur (notamment les cardionéphropathies hypertensives) et des baisses moins fortes que celles observées en tendance entre 2015 et 2019 pour les cardiopathies ischémiques (hausse pour les infarctus aigus du myocarde). Elle est plus marquée entre 65 et 84 ans et chez les hommes.
La mortalité par maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques a légèrement augmenté en 2020 et s’est stabilisée à ce niveau en 2021 (figure 2). Elle augmente même en 2021 chez les 65-84 ans. Cette évolution est portée par un arrêt de la baisse du diabète sucré depuis 2020 et une hausse des autres maladies endocriniennes.
La mortalité des maladies de l’appareil digestif se stabilise en 2019 et 2020, puis augmente en 2021 pour toutes les classes d’âges, en particulier les cirrhoses, fibroses et hépatites chroniques chez les hommes de 65 ans ou plus, et pour les autres maladies de l’appareil digestif chez les femmes de 65 ans et plus.
Les maladies de l’appareil génito-urinaire ne montraient pas de tendance claire entre 2015 et 2018 et semblent augmenter depuis 2018. Ces hausses sont principalement portées par les maladies du rein et de l’uretère chez les femmes de 65-84 ans et par les autres maladies de l’appareil génito-urinaire tous sexes chez les personnes de 65 ans et plus. Chez les personnes de 65 ans ou plus, la mortalité liée à l’abus d’alcool croît, bien que restant dans la tendance entre 2015 et 2019.
Enfin, pour d’autres causes au contraire, la mortalité en 2021 accentue la tendance à la baisse observée entre 2015 et 2019. C’est le cas des maladies du système nerveux (figure 2), et plus spécifiquement de la maladie d’Alzheimer, et des démences (tableau 4). C’est aussi le cas pour la mortalité des maladies respiratoires qui, comme en 2020, diminue plus fortement que la tendance des années précédentes, notamment pour les pneumonies et les maladies chroniques des voies respiratoires.
et tous sexes, France métropolitaine et DROM
Discussion
L’impact de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité est encore majeur en 2021, causant directement 61 000 décès. La Covid-19 est, comme en 2020, la troisième cause de décès après les tumeurs et les maladies de l’appareil circulatoire. L’épidémie a été particulièrement virulente dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Les victimes de la Covid-19 sont plus jeunes qu’en 2020. L’Espagne, l’Italie et les États-Unis font également état d’une mortalité en hausse chez les moins de 65 ans par rapport à 2020 12,13,14, alors qu’elle est en diminution chez les plus âgés.
L’émergence de la Covid-19 a touché en premier lieu les personnes les plus âgées et/ou fragiles dès 2020. La vaccination a été proposée en priorité aux personnes âgées en institution dès le 27 décembre 2020 2 et aux personnes âgées de plus de 75 ans en population générale à partir du 18 janvier 2021. La réduction des mesures de confinement et la reprise des activités en 2021 ont pu favoriser une plus grande circulation du virus chez les personnes plus jeunes, renforcée par une plus forte contagiosité des variants Alpha, Beta et Delta 15. Les mesures de prévention et les comportements de la population par rapport aux personnes fragiles ont pu aussi contenir la mortalité chez les plus âgés. Par ailleurs, la couverture vaccinale était nettement plus faible dans les DROM, ce qui peut avoir contribué à l’impact majeur de la Covid-19 en 2021 dans ces régions 15. Outre le rôle potentiel des facteurs socio-économiques et celui des maladies chroniques, comme le diabète, plus fréquentes qu’en métropole et rendant les personnes plus vulnérables à la Covid-19, les DROM sont aussi dans des régions du globe touchées plus fortement en 2021 qu’en 2020 par l’épidémie 4,16,17.
Le nombre de décès dus à un effet indésirable des vaccins contre la Covid-19 est celui rapporté par le médecin dans les certificats de décès. Afin de détecter les effets indésirables d’un vaccin ou d’un produit de santé, un protocole spécifique de suivi est nécessaire dans le cadre d’une enquête menée par le réseau de pharmacovigilance et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), et ce afin d’en établir le profil de sécurité. L’analyse des effets indésirables des vaccins anti-Covid-19 est réalisée de façon systématique par l’ANSM.
Les tumeurs poursuivent leur tendance à la baisse observée depuis 2015, à l’exception des tumeurs du pancréas et des mélanomes toujours en hausse tendancielle. Cette diminution se retrouve au niveau international 13,14. La hausse des décès par chute accidentelle se poursuit aussi et concerne les personnes les plus âgées. Cette hausse a conduit le gouvernement à lancer en février 2022 un plan national antichute des personnes âgées, dont l’objectif est la réduction de 20% des chutes mortelles à l’horizon 2024 18. Les années de pandémie ne semblent pas avoir influencé les évolutions tendancielles de ces causes en France.
En revanche, des hausses notables de mortalité en 2021, en rupture avec les tendances observées entre 2015 et 2019, concernent les maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, fait notable depuis 2020, ainsi que les maladies de l’appareil circulatoire et les maladies de l’appareil digestif, ruptures qui ne s’observaient pas en 2020. Elles pourraient être liées à des effets indirects de l’épidémie de Covid-19 (retard de prise en charge, isolement social plus important jouant sur les comportements, hausse de la consommation nocive d’alcool, difficultés d’accès aux soins, séquelle pour ceux dont la Covid-19 est en cause associée, etc.). Une toute première analyse des décès par cause de 2022, fondée sur un premier traitement complètement automatique des certificats de décès, suggère que ces hausses se poursuivraient en 2022 4.
Une hausse des maladies chroniques du foie, d’origine alcoolique comme non alcoolique s’observe aussi aux États-Unis et en Italie 19,20. Les excès de mortalité par maladies endocriniennes (diabète) et maladies circulatoires se retrouvent dans de nombreux pays dès 2020 14,21,22,23,24,25. En Italie, l’excès de mortalité par maladies circulatoires s’observe également en 2021 uniquement chez les 25-79 ans 14. Les auteurs relient cet excès aux séquelles post-Covid-19, susceptibles de provoquer dès l’année suivante des pathologies circulatoires (cérébrovasculaires, dysrythmies, cardiopathie ischémiques ou non ischémiques, péricardite, myocardite, insuffisance cardiaque, maladies thromboemboliques...) 14,26.
À l’inverse, les mortalités dues aux maladies respiratoires, aux maladies du système nerveux dont la maladie d’Alzheimer et aux démences baissent en France en 2021 de façon plus accentuée que la tendance 2015-19. C’était déjà le cas en 2020. Ces baisses se retrouvent aussi en Angleterre et au Pays de Galles 25 pour les démences et la maladie d’Alzheimer et aux États-Unis, où les seules grandes causes de mortalité en baisse en 2021 sont la maladie d’Alzheimer et les maladies chroniques des voies respiratoires inférieures 24. Ces baisses pourraient être liées, comme en 2020, à une concurrence entre la Covid-19 et ces autres causes. Il est possible qu’une partie des personnes décédées de la Covid-19 seraient décédées d’une autre cause la même année en l’absence de pandémie 11,12. Cet effet de concurrence peut aussi se retrouver sur d’autres causes et pourrait conduire à des niveaux de décès pour ces causes plus bas en présence d’épidémie. Pour les maladies respiratoires, les mesures de prévention et de réduction des contacts instaurés lors de l’épidémie ont probablement eu des effets bénéfiques avec une très faible circulation active des virus grippaux avant décembre 2021 27.
Limites
Cette étude présente plusieurs limites. L’analyse des évolutions et les tendances des causes incluent les décès survenus en 2018 et 2019, dont 34% ont été codés par une méthode d’intelligence artificielle 6. Ce changement de mode de codage peut introduire des ruptures de tendance artefactuelles que nous avons choisi de contenir en utilisant une tendance linéaire moins sensible aux variations. Les écarts de codage estimés entre l’IA et les autres modes de codage sont faibles et concernent principalement les démences, les autres maladies du système génito-urinaire et les chutes accidentelles. Ils ne remettent pas en cause les conclusions de cette étude.
Une analyse de la sensibilité de nos résultats au choix de la période de données prise en référence pour l’estimation de la tendance a également été effectuée. Les écarts significatifs des taux de mortalité standardisés par rapport à la tendance 2015-2019 demeurent lorsqu’une période de référence plus longue est prise en compte (2012-2019).
De plus, les évolutions concernant notamment les causes externes doivent être interprétées avec précaution, du fait de la diffusion progressive d’un nouveau format de certificat depuis 2018 conduisant à mieux les recenser qu’auparavant (grâce à la collecte des circonstances apparentes de décès) et à la fourniture de données par l’Institut médico-légal de Paris depuis 2018 28.
Cette étude ne permet pas d’estimer quantitativement la part respective de chaque cause de décès dans l’excès de mortalité toutes causes confondues. Elle ne permet pas non plus d’estimer la part de la baisse par cause en 2021 due à l’épidémie (concurrence entre la Covid-19 et les autres causes). Cela nécessiterait une modélisation statistique fine du contrefactuel, c’est-à-dire du nombre de décès par cause qui se seraient produits en l’absence de la pandémie.
Perspectives
Les écarts par rapport à la tendance passée relevés dans cette étude sont cohérents avec les résultats internationaux et contribuent à documenter de possibles effets directs et indirects de l’épidémie de Covid-19 sur la mortalité. Cette étude incite à approfondir l’analyse pour les évolutions en hausse en prenant en compte les comorbidités via les causes associées et en documentant les disparités entre les populations.
Plus généralement, la surveillance de la mortalité par cause est utile à la santé publique car elle améliore la connaissance de l’état de santé de la population, les impacts des épidémies et les met en regard notamment de l’évolution des comportements, de l’environnement et de l’offre de soin. Elle aide alors à la décision et à l’orientation des politiques publiques. Cette surveillance doit être continue et régulière pour objectiver des effets qui peuvent apparaître plusieurs années après un événement. La mise à disposition régulière et rapide de la statistique nationale sur les causes de décès permet d’y contribuer au mieux.
Remerciements
Les auteurs remercient chaleureusement le Pôle Production au sein du CépiDc, en particulier Diane Martin, Aude Robert, Zina Hebbache, Cécile Billand et toute l’équipe, ainsi que les personnels de l’Insee impliqués dans la constitution de la base des causes médicales de décès. Les auteurs remercient également Grégoire Rey, Rémy Slama, Sohanjit Halder, Diane Naouri, Céline Caserio-Schönemann et Jérôme Guillevic pour leur relecture critique du manuscrit.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
registrationsummarytables/2021