Covid-19 : troisième cause de décès en France en 2020, quand les autres grandes causes baissent
// COVID-19 third cause of death in France in 2020 while other main causes decreased
Résumé
Introduction –
L’année 2020 a été marquée par la pandémie de Covid-19, qui a eu des effets directs et potentiellement indirects sur la mortalité. Cette étude décrit les principaux indicateurs de mortalité par cause en 2020 et les compare à ceux observés en 2015-2017.
Méthodes –
À partir des certificats de décès des personnes résidentes et décédées en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) en 2020, et 2015-2017 (période de référence), les causes médicales ont été codées selon la classification internationale des maladies (CIM10 version 19) et les règles de l’Organisation mondiale de la Santé. Les causes initiales de l’ensemble des décès ont été regroupées selon la liste européenne des causes de décès, à laquelle une catégorie spécifique pour la Covid-19 a été ajoutée. Les effectifs de décès et les taux de mortalité standardisés sur la population standard européenne d’Eurostat (European Standard Population) ont été analysés par cause, classe d’âge et sexe.
Résultats –
Avec environ 69 000 décès, la Covid-19 constitue la troisième cause de décès en France en 2020, derrière les tumeurs et les maladies de l’appareil circulatoire. Hors Covid-19, les mortalités selon les principales causes de décès sont majoritairement en baisse par rapport aux tendances des années 2015-2017.
Discussion –
Le nombre de décès dus à la Covid-19 dépasse l’excédent de décès toutes causes confondues estimé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (47 000) car la mortalité hors Covid-19 baisse. Ceci suggère une concurrence entre la Covid-19 et les autres grandes causes (tumeurs, maladies de l’appareil circulatoire), ainsi qu’un effet protecteur, notamment contre les maladies respiratoires et infectieuses et les accidents de transport, lié aux mesures de prévention qui ont accompagné la crise sanitaire.
Toutefois, d’autres impacts de cette épidémie et de son contexte ne peuvent être exclus, ce qui implique de répéter l’analyse quand un recul plus important sera disponible.
Abstract
Introduction –
The year 2020 was marked by the COVID-19 pandemic, which had direct and potentially indirect effects on mortality. This study documents the main indicators of mortality by medical cause in 2020 and compares them with those observed from 2015 to 2017.
Methods –
Based on death certificates of French residents deceased in France in 2020 and 2015-2017 (reference period), medical causes of death were coded according to the International Classification of Diseases (ICD10) and World Health Organization rules. The underlying causes of death were grouped according to the European list of causes of death, to which a specific category for COVID-19 was added. The number of deaths and standardized mortality rates (using the Eurostat European Standard Population) were analysed by cause, age group and sex.
Results –
With approximately 69,000 deaths, COVID-19 was the third leading cause of death in France in 2020, after tumours and diseases of the circulatory system. Mortality for the main causes of death showed a decrease compared with trends observed from 2015 to 2017.
Discussion –
The number of deaths due to COVID-19 was greater than the excess number of all-cause deaths estimated by National Institute
of Statistics and Economic Studies (INSEE) (47,000) because non-COVID-19 mortality decreased. This result suggests a competition
between COVID-19 and the other main causes of death (tumours, circulatory system diseases) as well as a protective effect,
particularly against respiratory and infectious diseases and transport accidents, associated with the preventive measures
that accompanied the health crisis.
However, other impacts of this epidemic and its context cannot be excluded, which means that a repeat analysis is required
when more data are available.
Introduction
La pandémie de la Covid-19 en 2020 constitue un épisode sanitaire sans précédent récent, tant sur le plan de son impact sanitaire et sociétal, que sur celui des mesures exceptionnelles de gestion et de prévention mises en place pour endiguer la diffusion du virus dans la population. Parmi ces mesures, deux périodes de confinement ont été instaurées (du 17 mars au 11 mai et du 29 octobre au 15 décembre 2020), en complément de l’obligation du port du masque dans les espaces publics et de la promotion des autres mesures barrières. La campagne de vaccination contre la Covid-19 démarrée le 27 décembre 2020 en France n’a, en revanche, pas concerné l’année 2020.
Sur l’ensemble de l’année 2020, un excès de 47 000 décès toutes causes a été estimé par rapport au nombre attendu à partir des statistiques d’état civil et des estimations de population par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) 1.
La statistique nationale des causes de décès qui repose sur le recueil exhaustif et l’analyse des volets médicaux des certificats de décès, renseigne, pour la première fois depuis le début de l’épidémie, sur des effets directs et indirects de l’épidémie sur la mortalité, en dressant un panorama complet de l’ensemble des causes de décès en 2020. La présente étude décrit les principaux indicateurs de mortalité par cause en 2020 et les compare à ceux observés sur la période 2015-2017 prise en référence.
Matériel et méthodes
La statistique nationale des causes de décès est produite par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à partir des volets médicaux des certificats de décès renseignés par les médecins constatant le décès et en collaboration avec l’Insee 2.
Les causes médicales de décès ont été codées par le CépiDc selon la Classification internationale des maladies (CIM-10 version 19) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). À chaque entité nosologique (maladie, traumatisme etc.) mentionnée sur le certificat est attribué un code CIM-10. La cause initiale de décès est ensuite définie comme étant la maladie, ou les circonstances en cas de mort violente, à l’origine du processus morbide ayant entraîné le décès 2,3. Les autres causes mentionnées dans le certificat constituent les causes « associées ».
Compte tenu de l’émergence de la Covid-19, l’OMS a produit dès avril 2020 des recommandations spécifiques pour le codage des causes de décès mentionnant une infection au SARS-CoV-2, ainsi que des règles pour l’identification de la Covid-19 en cause initiale 4,5.
Dans cette étude, les causes initiales de l’ensemble des décès ont été regroupées selon la liste européenne des causes de décès 6, à laquelle une catégorie spécifique pour la Covid-19 a été ajoutée. Cette liste est conçue pour permettre les comparaisons internationales et temporelles, pour de grands groupes de causes (ex : tumeurs, causes externes), ainsi que pour des pathologies spécifiques à surveiller. Dans cet article, sont présentés les résultats pour les catégories de causes les plus fréquentes (effectifs supérieurs à 10 000 décès), et celles ayant montré des évolutions notables en 2020.
Afin de décrire les comorbidités et/ou complications des patients décédés de la Covid-19, les causes médicales associées ont été mobilisées. Lorsqu’une même catégorie de causes apparaît plusieurs fois sur un même certificat, elle n’est comptabilisée qu’une seule fois.
Le champ de l’étude concerne les personnes résidentes et décédées en France métropolitaine et dans les DROM au cours de l’année 2020.
Les indicateurs présentés dans cette étude sont les effectifs de décès et le taux de mortalité standardisé selon l’âge. Les analyses sont déclinées pour trois classes d’âge (0-64 ans, 65-84 ans et 85 ans ou plus) et par sexe.
Les estimations de population au 1er janvier, par sexe et âge, produites et diffusées par l’Insee ont été utilisées. Elles sont provisoires pour 2020 et 2021. La population utilisée pour la standardisation est la population standardisée européenne d’Eurostat révisée en 2013 7.
Les taux standardisés de mortalité sont calculés pour l’ensemble de l’année 2020 ainsi qu’en infra-annuel sur janvier-février (considéré comme pré-Covid-19), mars-mai (première vague de Covid-19), juin-septembre (inter-vague), octobre-décembre (deuxième vague). Afin de les comparer, les taux par période utilisent les populations moyennes dans l’année et sont ramenés à des taux annuels pour 100 000 habitants/an.
Les taux standardisés par cause en 2020 sont comparés à ceux observés entre 2015 et 2017, dernières années entièrement codées disponibles à ce jour, en faisant l’hypothèse que les taux de 2018 et 2019 s’inscrivent dans la tendance des trois années précédentes.
Résultats
Mortalité toutes causes en 2020
En 2020, 667 496 décès de personnes domiciliées en France métropolitaine et DROM ont été enregistrés, avec une proportion identique d’hommes (50,0%, 334 034 décès) et de femmes (50,0%, 333 462 décès) (tableau 1). Moins d’un sixième de ces décès (99 506, 14,9%) survient avant 65 ans, avec un contraste important entre les sexes : ces décès avant 65 ans représentent 19,6% des décès masculins (65 317) contre seulement 10,3% des décès féminins (34 189).
Le taux standardisé de mortalité pour l’ensemble des deux sexes est de 898,9 pour 100 000 habitants. Le taux standardisé masculin (1 130,9) est presque deux fois plus élevé que le taux féminin (666,8). Cette surmortalité masculine est plus forte chez les moins de 65 ans que chez les plus âgés.
La mortalité par cause en 2020
Covid-19
La Covid-19 constitue la 3e cause de décès en France en 2020 derrière les tumeurs et les maladies de l’appareil circulatoire (tableau 1). La Covid-19 a entraîné 69 238 décès, soit 10,4% des décès, quasiment autant d’hommes (35 077) que de femmes (34 161). Cette maladie a causé des décès de personnes âgées : plus de la moitié des décès (56,8%, 39 354) concerne des personnes de 85 ans et plus, alors que 4 301 décès concernent des personnes âgées de moins de 65 ans (soit 6,2% des décès dus à la Covid-19). L’âge médian des victimes de la Covid-19 est de 86 ans (88 ans chez les femmes et 83 ans chez les hommes), et la moitié des personnes décédées de la Covid-19 avaient entre 78 et 91 ans.
Le taux standardisé de mortalité due à la Covid-19 est de 92,9 pour 100 000 habitants pour l’ensemble de l’année 2020, ce qui est supérieur au taux de l’ensemble des maladies de l’appareil respiratoire les années précédentes (entre 61,2 et 65,4 selon les années, tableau 2). Il atteint son maximum à 187,5 lors de la deuxième vague épidémique (octobre à décembre), après avoir atteint 165,5 lors de la première vague (mars à mai) (figure 1). Le taux standardisé masculin (121,6) est 1,9 fois supérieur à celui des femmes (64,1).
Les taux standardisés de mortalité par Covid-19 sont plus importants en Île-de-France, dans le Grand Est et en Auvergne-Rhône-Alpes (figure 2).
Pour 86,5% des décès dus à la Covid-19, au moins une comorbidité ou complication est mentionnée sur le certificat de décès, alors que cette proportion est de 78% pour les certificats de décès hors Covid-19, causes externes et causes inconnues (tableau 3). Les comorbidités ou complications de la Covid-19 les plus fréquentes sont les maladies de l’appareil respiratoire (50,5% des certificats de décès dus à la Covid-19 ont au moins une mention de maladie respiratoire en cause associée). Parmi ces maladies respiratoires, la pneumonie (considérée comme une complication aigüe de l’infection au SARS-CoV-2) est citée sur 21,3% des certificats. Les maladies chroniques des voies respiratoires inférieures, considérées, elles, comme des comorbidités, apparaissent dans 4,8% des certificats.
Les maladies de l’appareil circulatoire (36,5%) constituent l’autre groupe le plus fréquent de comorbidités/complications.
À noter la part élevée des autres causes classées comme des symptômes et états morbides mal définis (38,2%), qui constituent principalement des complications de la Covid-19.
Chez les moins de 65 ans, 93,4% des victimes de la Covid-19 présentent au moins une comorbidité ou complication. À la suite des comorbidités et complications les plus fréquentes précédemment citées, s’ajoutent les maladies endocriniennes (20,0% contre 16,5% tous âges confondus) et les tumeurs (19,2% contre 10,5% tous âges confondus), en particulier chez les femmes. Enfin, l’obésité et le diabète se retrouvent dans près de 10% des cas.
Tumeurs
En 2020, les tumeurs, première cause de décès, représentent 25,6% des décès (170 806 décès, taux de 247,5 pour 100 000), dont 95 562 décès masculins et 75 244 décès féminins (taux de 315,8 et 179,3 pour 100 000 respectivement). Plus de la moitié des personnes décédées d’une tumeur avaient entre 65 et 84 ans. Les tumeurs du poumon, des bronches et de la trachée représentent 18,1% des décès par tumeur et ont entraîné le décès de 30 935 personnes (taux de 46,9) dont 68,0% d’hommes. Ils comptent pour près d’un quart des décès par tumeur des moins de 65 ans (9 288 décès). La 2e tumeur la plus fréquente est la tumeur colorectale (10,1%), responsable de 17 197 décès (taux de 30,4 pour 100 000 hommes et 18,3 pour 100 000 femmes respectivement).
Les tumeurs malignes du sein sont responsables de 13 008 décès quasiment tous féminins et représentent 17,0% des décès féminins par tumeur. En revanche, le taux standardisé de décès chez les hommes est supérieur à celui des femmes pour une grande majorité des tumeurs (ratio de 1,8 pour l’ensemble des tumeurs).
Maladies de l’appareil circulatoire
En 2020, les maladies de l’appareil circulatoire sont la 2e cause de décès avec 134 763 personnes décédées (175,2 pour 100 000), soit 20,2% des décès. Ces pathologies sont responsables d’un quart des décès des 85 ans et plus, contre 11,9% pour les moins de 65 ans. Les cardiopathies ischémiques représentent 23,1% des décès dus aux maladies de l’appareil circulatoire et les maladies cérébro-vasculaires 23,1%. L’écart de taux standardisé entre hommes et femmes est peu marqué pour les maladies cérébrovasculaires (sex-ratio 1,3) contrairement aux cardiopathies ischémiques (sex-ratio 2,8).
Causes externes
En 2020, on décompte 40 033 décès dus à des causes externes, soit 6,0% des décès en 2020 : 23 302 hommes (taux de 77,6 pour 100 000 hommes) et 16 731 femmes (34,8 pour 100 000 femmes). Les accidents représentent 69,1% de ces décès, notamment les chutes accidentelles (22,7%) et les accidents de transport (5,4%). Les décès par chutes accidentelles sont plus nombreux pour les femmes que pour les hommes (4 836 contre 4 237) mais le taux standardisé reste supérieur pour les hommes. Ces décès se produisent majoritairement à un âge élevé (62,8% des décès par chute concernent des personnes âgées de 85 ans et plus).
Les suicides représentent 22,4% des causes externes avec 8 986 décès en 2020 (14,1 pour 100 000). Les trois-quarts des décès par suicide (6 737) concernent les hommes (21,8 pour 100 000 hommes contre 6,4 pour les femmes) et les deux-tiers concernent des personnes âgées de moins de 65 ans. Les suicides sont moins fréquents pendant les deux vagues épidémiques, qu’au cours des deux autres périodes de l’année 2020 (voir annexes : tableau A1).
Évolution de la mortalité en 2020, comparativement à 2015-2017
Par rapport à 2015-2017, le niveau de mortalité toutes causes en 2020 (898,9 pour 100 000 habitants) rompt avec la tendance à la baisse : le taux standardisé de mortalité progresse de 4% par rapport à celui de 2017 (861,4) (tableau 2). Pour autant, pour chacune des grandes catégories de causes à l’exception de la Covid-19 et des maladies endocriniennes, la mortalité est plus faible en 2020 qu’en 2017.
Ainsi, à l’exception des tumeurs du pancréas, en hausse, la diminution des tumeurs observée chez les hommes entre 2015 et 2017 se poursuit en 2020. Chez les femmes, alors que les décès par tumeur restaient stables entre 2015 et 2017, ils diminuent en 2020, en particulier pour les tumeurs de l’œsophage et du sein. La baisse observée de la mortalité par tumeur en 2020 par rapport aux années 2015-2017 est plus importante sur les mois de mars à mai (première vague) que pendant le reste de l’année (voir annexes : tableau A1). Les baisses parmi les plus importantes sont observées en Île-de-France et dans le Grand Est (voir annexes : tableau A2).
Les décès pour maladies de l’appareil circulatoire en 2020 s’inscrivent dans une tendance à la baisse aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Une baisse encore plus marquée est notée pour les autres maladies du cœur, qui recouvrent notamment l’insuffisance cardiaque et l’arrêt cardiaque. Ces baisses sont aussi plus importantes parmi les 85 ans et plus, pendant la première vague, dans le Grand Est et en Bretagne.
Les taux standardisés de décès dus à des maladies du système nerveux sont en baisse en 2020 après une relative stabilité pendant la période 2015-2017, en particulier pour les décès à la suite d’une maladie d’Alzheimer. De même, la mortalité due à des troubles mentaux et du comportement et notamment aux démences recule en 2020 après une baisse déjà observée entre 2015 et 2017. La baisse est la plus importante parmi les 85 ans et plus. Elle est également plus marquée pendant la première vague, pour les décès liés aux démences ainsi que pendant la deuxième vague, pour les décès liés à la maladie d’Alzheimer.
Dans le cas des décès de maladies respiratoires, la diminution de la mortalité, plus marquée en 2020 par rapport à la période 2015-2017, concerne plus particulièrement les décès par grippe, pneumopathies et infections des voies respiratoires inférieures chroniques. Cette diminution est la plus importante parmi les personnes de 65-84 ans et celles de 85 ans et plus, ainsi que pendant la deuxième vague où les décès par grippe ont quasiment disparu.
Dans le cas des décès de maladies infectieuses, la diminution concerne les décès par tuberculose, sida et hépatite virale. Comme pour les causes respiratoires, la diminution de la mortalité est plus importante pendant la deuxième vague.
On observe une baisse des décès par accident de transport et noyade. Les baisses observées sont plus importantes pendant la première et la deuxième vague.
Enfin, la mortalité par diabète en France en 2020 baisse légèrement par rapport aux années 2015-2017.
Les quelques rares autres causes présentant à l’inverse une légère tendance à la hausse qui se poursuit en 2020 sont les maladies de l’appareil génito-urinaire (notamment chez les hommes) et les chutes accidentelles chez les 85 ans et plus.
Discussion
Un impact majeur confirmé de la Covid-19 sur la mortalité
Les contaminations à SARS-CoV-2 en 2020 se sont traduites par un impact majeur direct sur la mortalité, la Covid-19 devenant la troisième cause de décès en France avec plus de 69 000 décès (encadré). À âge comparable, les hommes ont une mortalité par Covid-19 près de deux fois supérieure à celle des femmes.
La hiérarchie des causes médicales associées aux décès de Covid-19 en France est en grande partie cohérente avec celle observée lors de la première vague épidémique de 2020 en Italie 8. Ainsi, les maladies respiratoires constituaient également les complications les plus fréquemment retrouvées et les maladies de l’appareil circulatoire et les tumeurs étaient les comorbidités les plus fréquentes. Les tumeurs et les maladies endocriniennes (obésité et diabète) étaient également plus souvent retrouvées en tant que comorbidités chez les personnes âgées de moins de 65 ans.
La statistique nationale des causes de décès dénombre 69 238 décès directement dus à la Covid-19 en 2020.
Au cours de l’épidémie de Covid-19, plusieurs sources de données ont permis d’approcher ce nombre de décès de façon plus réactive dans un objectif d’aide à la gestion de la crise sanitaire 3.
–Ainsi, grâce à un algorithme appliqué aux textes libres des volets médicaux des certificats de décès, 77 535 décès contenant une mention de Covid-19 ont ainsi été identifiés en 2020. À l’issue de l’étape de codage des causes en CIM10 et de l’identification de la cause initiale de l’ensemble des décès, 89% des décès contenant une mention de Covid-19 dans le certificat ont été considérés comme des décès dus à la Covid-19 en cause initiale.
–À partir des systèmes de surveillance reposant sur les déclarations de décès par les services hospitaliers (systèmes SI-VIC) et par les établissements médicaux sociaux (SurvESMS), 64 632 décès dus ou avec la Covid-19 ont été enregistrés dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux en 2020. Les effectifs de décès collectés par ces deux systèmes sont cohérents avec le nombre de décès contenant une mention de Covid-19 dans les causes médicales de décès.
Une diminution de la mortalité hors Covid-19
En dehors des décès dus à la Covid-19, on ne note pas d’excès de décès en 2020 sur les autres causes. Au contraire, la mortalité par tumeur et pour les maladies de l’appareil circulatoire, qui constituent les deux premières grandes catégories de causes de décès, diminuent en 2020 de façon légèrement plus marquée que la tendance à la baisse observée entre 2015 et 2017 (dernières années disponibles) et extrapolée jusqu’en 2020.
La réduction tendancielle des décès pour ces deux catégories a pu être renforcée par l’impact direct de l’épidémie sur les personnes âgées et les personnes fragiles présentant des comorbidités, dont le décès aurait pu survenir pour une autre cause dans les quelques jours ou mois suivant l’infection au SARS-CoV-2. Les antécédents de tumeurs sont en effet connus pour être des facteurs de risque de décès en cas d’infection au Sars-Cov2 9. L’impact direct de l’épidémie sur les personnes âgées et fragiles pourrait expliquer aussi en partie la réduction des décès dus à des maladies du système nerveux et à des troubles mentaux, notamment Alzheimer et démences.
Au-delà de la concurrence de la Covid-19, la diminution plus marquée de l’ensemble des maladies de l’appareil circulatoire lors de la première vague épidémique pourrait aussi s’expliquer en partie par le contexte du confinement strict de la population, lequel a pu entraîner une réduction de l’activité et du stress du quotidien. Il en est de même pour les accidents de transport 10, une diminution des décès étant d’ailleurs largement rapportée au niveau international 11. À l’inverse, la poursuite de la tendance à la hausse de la mortalité pour des chutes accidentelles chez les personnes âgées a pu être favorisée par l’isolement lié aux confinements et à la réduction des contacts pour limiter la contamination des personnes fragiles.
L’analyse de la mortalité par cause de décès en 2020 reste encore limitée dans la littérature internationale et les observations sont contrastées entre les pays 11,12,13. Ainsi, la plupart des pays rapportent une hausse de la mortalité pour les maladies de l’appareil circulatoire et pour diabète, ce qui n’est pas le cas en France en 2020, comparativement à la période 2015-2017. Par ailleurs, alors que le Royaume-Uni rapporte une hausse des tumeurs au cours des 30 premières semaines de l’épidémie de Covid-19 14, d’autres pays, comme l’Italie, les États-Unis ou le Mexique, font état d’une réduction modérée de la mortalité par tumeur en 2020 15,16,17. Les tumeurs étant considérées comme des pathologies chroniques, la crise de la Covid-19 en 2020 peut avoir un impact différé qu’il faudra évaluer lorsque les données des décès par cause en 2021 et 2022 seront disponibles.
L’Italie et les États-Unis rapportent également une hausse des décès pour pathologies respiratoires, et en particulier pour grippe et pneumopathie, au cours de la première vague de Covid-19, alors que le Royaume-Uni, l’Australie, la Norvège et les États-Unis notent une diminution. La hausse rapportée en Italie et aux États-Unis au cours de la première vague de l’épidémie peut être attribuée à une mauvaise déclaration des causes de décès au démarrage de l’épidémie, du fait de diagnostics cliniques proches entre grippe et Covid-19 15,16. En France, une faible mortalité pour les maladies respiratoires est observée a contrario en 2020, en particulier liée à la grippe et aux pneumopathies, ce qui pourrait être la conséquence d’un double phénomène : une épidémie grippale 2019-2020 courte et d’ampleur modérée 18 et l’absence de la circulation des virus grippaux au cours de la période hivernale 2020-2021, liée aux mesures de prévention dans les différents pays et à la réduction des échanges internationaux. Ces résultats sont concordants avec l’analyse des données de morbidité, qui montre en 2020 une baisse du nombre de séjours hospitaliers pour causes respiratoires et infectieuses 19.
D’autres hypothèses indépendantes de l’épidémie et son contexte comme l’amélioration des traitements thérapeutiques et la prise en charge de certaines pathologies peuvent aussi contribuer à l’évolution de la mortalité en 2020.
Au total, les évolutions documentées dans cette étude ne suggèrent pas, à l’échelle de la population du moins, d’effet aggravant à court-terme sur la mortalité, lié à de possibles retard de prise en charge médicale du fait de la saturation du système de soins ou de l’inquiétude des patients à venir consulter par exemple. Néanmoins, la hausse des décès par chute accidentelle chez les personnes de plus de 85 ans pourrait refléter des freins à la prise en charge de ces personnes.
Limites
Cette étude présente plusieurs limites. Les causes médicales des certificats de décès survenus en 2018 et 2019 n’ont pas encore été codées selon la CIM-10. En l’absence de ces données, les tendances de la mortalité par cause doivent s’interpréter avec précaution.
De plus, cette étude propose des hypothèses sur les effets respectifs à la hausse et à la baisse de l’épidémie et de son contexte. Toutefois, elle ne permet pas d’estimer quantitativement la part respective de chaque cause de décès dans l’excès de mortalité toutes causes confondues. Une analyse statistique complémentaire incluant les années 2018 et 2019 sera nécessaire, afin de comparer de façon plus précise les évolutions en 2020 pour chaque cause par rapport à la tendance des années précédentes.
Par ailleurs, les interprétations des évolutions concernant les causes externes sont sujettes à caution, en raison de la diffusion d’un nouveau format de certificat depuis 2018, conduisant à mieux les recenser qu’auparavant, et à la fourniture de données par l’Institut médico-légal de Paris en 2020 (2 300 morts suspectes), contrairement à la période 2015-2017.
Enfin, les comparaisons internationales reposent sur la stricte comparabilité du recueil et du codage des décès en France et dans le monde. L’introduction des nouvelles règles de l’OMS concernant le codage de la Covid-19 en cours d’année, l’information sur l’épidémie à disposition des médecins certificateurs, des pratiques de codage un temps différenciées entre pays ont pu conduire à des écarts de processus de production entre les pays qui nuisent aux comparaisons internationales.
Conclusion
L’année 2020 se distingue par une forte mortalité due à la Covid-19 (69 000 décès dans un contexte de 47 000 décès en excès par rapport à l’attendu), touchant principalement des personnes âgées, alors que les autres grandes causes de décès sont plutôt en baisse par rapport aux tendances des années 2015-2017. Ceci suggère une concurrence entre la Covid-19 et les autres grandes causes (tumeurs, maladies de l’appareil circulatoire), ainsi qu’un effet protecteur notamment contre les maladies respiratoires et infectieuses et les accidents de transport, lié aux mesures de prévention qui ont accompagné la crise sanitaire. Toutefois, d’autres impacts sur la mortalité de cette épidémie et de son contexte à plus long terme ne peuvent être exclus, ce qui implique de poursuivre une surveillance régulière sur l’ensemble des causes de décès.
Remerciements
Les auteurs remercient chaleureusement le Pôle Production au sein du CépiDc, en particulier Diane Martin, Aude Robert, Zina Hebbache, Cécile Billand et toute l’équipe, ainsi que les personnels de l’Insee impliqués dans la constitution de la base des causes médicales de décès. Les auteurs remercient également Francois Clanché pour sa contribution, ainsi que Grégoire Rey, Rémy Slama, Céline Caserio-Schönemann et Jérôme Guillevic pour leur relecture critique du manuscrit.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
nomenclatures/index.cfm?TargetUrl=LST_NOM_DTL&StrNom=COD_2012&StrLanguageCode=FR&IntPcKey=
documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-grippe.-bilan-de-la-surveillance-saison-2019-2020
Citer cet article
fr/beh/2022/Cov_16/2022_Cov_16_1.html