Estimation de la prévalence du diabète et du prédiabète à Mayotte et caractéristiques des personnes diabétiques, Mayotte, 2019

// Diabetes and prediabetes in Mayotte: estimations of prevalence and population characteristics, 2019

Abdullah Azaz1, Delphine Jezewski-Serra1, Marc Ruello1, Hassani Youssouf2, Clara Piffaretti1, Sandrine Fosse-Edorh1 (sandrine.fosse@santepubliquefrance.fr) pour le groupe Unono Wa Maore*
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Santé publique France – Mayotte, Mamoudzou

* Groupe Unono Wa Maore : Marc Ruello, Marion Fleury, Jean-Baptiste Richard, Jean-Louis Solet, Laurent Filleul, Delphine Jezewski-Serra, Julie Chesneau, Hassani Youssouf (Santé publique France)

Soumis le 28.10.2021 // Date of submission: 10.28.2021
Mots-clés : Diabète | Prédiabète | Diabète non connu | Inégalités sociales de santé | Mayotte
Keywords: Diabetes | Prediabetes | Unknown diabetes | Health inequalities | Mayotte

Résumé

Introduction –

La première estimation de la prévalence du diabète à Mayotte, rapportée par l’étude Maydia en 2008, s’élevait à 10,5% des adultes âgés de 30 à 69 ans, avec plus d’une personne sur deux qui ignorait son statut diabétique. L’étude Unono Wa Maore 2019, vise à décrire l’état de santé de la population mahoraise, dont le diabète. Les objectifs de notre étude sont d’estimer la prévalence du diabète connu, non connu, du prédiabète, et de décrire les caractéristiques de la population diabétique à Mayotte.

Méthodes –

Un échantillonnage aléatoire, basé sur un plan de sondage à trois niveaux (adresse/logement/personne), a permis le recueil d’informations individuelles par questionnaire administré en face à face, couplé à un examen de santé au cours duquel des prélèvements veineux étaient réalisés, dont une mesure de l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Le statut diabétique a été défini par la déclaration d’un diabète ou la mesure d’une HbA1c≥6,5%. Le statut prédiabétique a été défini par l’absence de déclaration d’un diabète et une mesure de l’HbA1c comprise dans l’intervalle [6%-6,5%[. Les estimations ont été pondérées en tenant compte du plan de sondage et d’une correction du biais induit par la non réponse, liée notamment au niveau socioéconomique.

Résultats –

La prévalence du diabète dans la population âgée de 18 à 69 ans était de 12,1% avec intervalle de confiance à 95%(IC95%): [10,6-13,6], avec une prévalence du diabète non connu de 4,7% [3,8-5,7] ; 12,1% [10,6-13,6] avaient un prédiabète. La prévalence du diabète était plus élevée chez les femmes (13,3% [11,3-15,2], contre 10,6% [8,4-12,9] chez les hommes). On observe une proportion plus importante de femmes parmi les personnes diabétiques connues, non connues ou prédiabétiques, respectivement 61%, 59% et 55%. Quel que soit le stade d’hyperglycémie, ces personnes avaient très fréquemment une obésité associée (respectivement 50%, 70% et 46%), ainsi qu’une hypertension associée (69%, 42%, 51%).

Conclusion –

Plus de dix ans après le premier état des lieux en population mahoraise, notre étude rapporte de nouveau une très forte prévalence du diabète, notamment chez les femmes. Nos résultats soulignent l’urgence de mettre en place des mesures de prévention primaire et secondaire, afin de lutter contre ce fardeau.

Abstract

Introduction –

Diabetes prevalence estimation in Mayotte was first reported in 2008 by the Maydia study and was 10.5% among adults between 30 and 69 years, with more than one in two adults unaware of their diabetic status. The Unono Wa Maore study (2019) aims to describe the health status of Mayotte’s population, including the burden of diabetes. The objectives of our study are to estimate the prevalence of known diabetes, unknown diabetes and prediabetes, and to describe the characteristics of the diabetic population in Mayotte.

Methods –

Random sampling, based on a three-level survey design (address/home/individual), allowed data collection via a questionnaire administered face-to-face then a follow-up health examination during which intravenous blood samples were taken to obtain glycated hemoglobin (HbA1c) measurements. Diabetic status was defined as declared diabetes or a measurement of HbA1c6.5%. Prediabetes status was defined as undeclared diabetes and 6%HbA1c<6.5%. Estimations were weighted taking into account the survey plan and a correction of the bias induced by the non-response, associated in particular to socio-economic level.

Results –

Diabetes prevalence in the population aged 18 to 69 years was 12.1% (CI95%: [10.6-13.6]), with an unknown diabetes prevalence of 4.7% [3.8-5.7]; 12.1% [10.6-13.6] had a prediabetes status. The diabetes prevalence was 13.3% [11.3-15.2] among women vs 10.6% [8.4-12.9] among men. Women represented the greater proportion of known diabetic, unknown diabetic and prediabetic populations, at 61%, 59% and 55%, respectively. Regardless of hyperglycemic status, these populations show high proportions of obesity (50%, 70% and 46%, respectively) and associated hypertension (69%, 42%, 51%).

Conclusion –

More than ten years after the first estimation, our study once again reports a very high prevalence of diabetes in Mayotte, especially in women. Our results underline the urgence to implement primary and secondary prevention measures in order to fight this burden.

Introduction

Le diabète est un problème majeur de santé publique qui touche plus de 463 millions de personnes dans le monde 1. Dès la fin du XXe siècle, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié l’évolution du diabète « d’épidémie mondiale ». L’OMS a souligné son impact dramatique dans les pays connaissant une transition économique rapide, dans lesquels la forte croissance économique et la modernisation ont favorisé la commercialisation d’aliments et de boissons néfastes pour la santé et la diminution de l’exercice physique au profit de la sédentarité 2. Le diabète de type 2, qui représente plus de 90% des cas de diabète, a pourtant un fort potentiel d’évitabilité. En effet, certains de ses facteurs de risque majeurs (surpoids, obésité, sédentarité) sont liés au mode de vie et sont largement modifiables. L’efficacité des mesures de prévention du diabète de type 2 a été montrée, mais leur déploiement reste un défi 3. Par ailleurs, lorsque le diabète est installé, un dépistage et une prise en charge précoces permettent de réduire l’exposition à une hyperglycémie délétère pour les organes, et ainsi de limiter le risque de complications graves.

Mayotte, département français d’outre-mer, situé dans l’archipel des Comores, est confronté à des défis socioéconomiques majeurs : une écrasante majorité de la population vit avec des revenus bas, le chômage concerne plus d’une personne sur quatre et est encore plus répandu chez les jeunes. Près des trois quarts des personnes de 15 ans et plus n’ont pas de diplôme qualifiant et près d’un tiers n’a jamais été scolarisé. Mayotte est aussi sujet à une immigration importante due à sa proximité avec les Comores. Une première étude menée en 2008, Maydia, a permis d’estimer pour la première fois la prévalence du diabète total, c’est-à-dire connu et non connu chez les 30-69 ans à 10,5%, et plus d’une personne sur deux qui ignorait son diabète 4.

Onze ans après ce premier état des lieux de la santé de la population mahoraise, l’enquête Unono Wa Maore 5 a été mise en place, afin d’étudier les comportements de santé et l’état de santé de la population mahoraise, dont le diabète. Les objectifs de cette étude sont d’estimer la prévalence du diabète connu, non connu, du prédiabète, et de décrire les caractéristiques de la population diabétique à Mayotte en 2018-2019.

Méthodes

Unono Wa Maore est une étude transversale menée chez les personnes résidant à Mayotte depuis au moins trois mois, et âgées de moins de 70 ans. L’enquête comporte un volet de recueil d’informations par questionnaire administré par un enquêteur, et un examen de santé réalisé par un infirmier. Ce dernier comprend un examen physique et des prélèvements biologiques. L’enquête s’est déroulée de novembre 2018 à juin 2019.

La taille d’échantillon nécessaire a été calculée en tenant compte des taux de prévalence attendus de certaines pathologies, dont le diabète 5. La sélection aléatoire des participants reposait sur un plan de sondage à trois niveaux : tirage au sort des adresses, des logements (quand il y en avait plusieurs) au sein des adresses, et des personnes au sein des logements sélectionnés 5. Deux types de questionnaires ont été administrés : un plus détaillé notamment sur la description des facteurs sociodémographiques, et l’autre plus court 5. L’administration du questionnaire était faite en face-à-face par l’enquêteur au domicile de la personne, puis, lors d’un autre rendez-vous toujours au domicile, un infirmier effectuait les mesures de paramètres anthropométriques (dont l’indice de masse corporelle (IMC)), de pression artérielle et un prélèvement veineux. Les prélèvements biologiques étaient centralisés et analysés dans un même laboratoire sur l’île 5, où une mesure de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) était effectuée.

Notre population d’étude concerne la population âgée de 15 à 69 ans ayant bénéficié d’un dosage biologique. Les estimations de taux de prévalence ont été effectuées sur cette population, ainsi que sur la sous-population des personnes âgées de 18 ans et plus, population adulte sur laquelle portent classiquement les études de référence. Les femmes enceintes diabétiques ont été exclues de cette analyse devant l’impossibilité de différencier le diabète gestationnel des autres types de diabète. De plus, les taux d’HbA1c sont impactés par la grossesse, avec des taux plus faibles chez les patientes enceintes, et qui peuvent varier en fonction des trimestres de la grossesse. Parmi les individus ayant bénéficié d’un examen biologique, ceux n’ayant pas de valeur d’HbA1c et n’ayant pas répondu à la question sur le diabète ont été exclus.

Le diabète total est défini par une déclaration de diabète par la personne ou un taux d’HbA1c supérieur ou égal à 6,5% 6,7. Le prédiabète est défini par l’absence de déclaration d’un diabète par la personne et un taux d’HbA1c supérieur ou égal à 6%, mais inférieur à 6,5% 8. Le statut normoglycémique est défini comme l’absence de diabète et de prédiabète.

Le taux de prévalence du diabète total, du diabète connu, non connu et du prédiabète, ainsi que la description de ces populations ont été estimés, en tenant compte de la pondération liée au plan de sondage et d’une correction du biais induit par la non réponse, liée notamment au niveau socioéconomique 5.

Résultats

Le nombre total de participants âgés de 15 à 69 ans s’élevait à 4 643, parmi lesquels 2 993 avaient renseigné un questionnaire et bénéficié d’un prélèvement biologique et 2 866 ont été inclus dans notre étude. Parmi eux, 1 476 avaient renseigné un questionnaire long (figure 1).

Figure 1 : Diagramme de flux de sélection de la population, Unono Wa Maore, Mayotte, 2019
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Dans cette population d’étude, on note une moyenne d’âge de 34 ans (IC95%: [33,4-34,6]), avec une majorité de femmes 54,3% [52,0-56,5]). La majorité des personnes (59,3% [57,1-61,6]) était sans diplôme et plus de 65% avaient au moins un enfant. Concernant le profil métabolique, même si la part des personnes avec une corpulence normale (IMC entre 18 et 25 kg/m2) s’élevait à 39,9% [37,6-42,1], l’IMC moyen restait élevé, 26,9 kg/m2 [26,6-27,2]. Par ailleurs, 38,5% [36,1‑40,8] étaient hypertendus.

Taux de prévalence

Parmi les personnes âgées de 15 à 69 ans, le taux de prévalence du prédiabète était de 11,3% [9,9-12,7], tandis que le diabète connu s’élevait à 6,5% [5,4-7,5] et le diabète non connu à 4,1% [3,3-5,0], soit un taux de prévalence du diabète total de 10,6%.

Chez les personnes âgées de 18 à 69 ans (tableau 1), ces taux s’élevaient à 7,3% [6,1-8,5] pour le diabète connu, et 4,7% [3,8-5,7] pour le diabète non connu. Dans cette même tranche d’âge, on observait une prévalence plus élevée chez les femmes que chez les hommes, sans que cet écart ne soit statistiquement significatif, avec pour le diabète connu 8,2% [6,6-9,7] contre 6,3% [4,5-8,2], et pour le diabète non connu 5,1% [3,8-6,4] contre 4,3% [2,9-5,7]. Enfin, la prévalence augmentait aussi avec l’âge, avec une prévalence du diabète total de 37,6% [29,6-45,6] chez les individus de plus de 60 ans. Ce taux était de 17,7% [15,5-19,9] dans la classe d’âge 30-69 ans.

Tableau 1 : Taux de prévalence du prédiabète, diabète connu et non connu selon l’âge, personnes âgées de 18 à 69 ans*, Unono Wa Maore, Mayotte, 2019
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Description des personnes ayant un diabète connu (tableau 2)

Les personnes ayant un diabète connu étaient plus âgées que celles ayant un statut normoglycémique, avec une moyenne de 49,1 ans [47,3-50,9] contre 34 ans [33,4-34,6], avec un déséquilibre dans la représentation des sexes, 60,9% [52,4-69,5] étaient des femmes. Leur profil métabolique était également dégradé, avec un IMC moyen à 30,2 kg.m-2 [29,2-31,3], une hypertension chez 68,7% [60,4-77,0] et elles présentaient une moyenne d’HbA1c de 8,1% [7,6-8,6]. Ces personnes avaient, par ailleurs, un profil socialement défavorisé, avec 81,1% [74,3-87,9] de la population sans aucun diplôme et percevant sa situation financière comme difficile dans 44,5% [32,4-56,6] des cas.

Tableau 2 : Description de la population selon le stade glycémique, Unono Wa Maore, Mayotte, 2019
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Description des personnes ayant un diabète non connu (tableau 2)

La population diabétique non connue était plus âgée que la population normoglycémique (moyenne de 48,1 ans [46,1-50,2] contre 34 ans [33,4-34,6]). Elle présentait un ratio hommes/femmes déséquilibré, avec une proportion de femmes de 59% [48,8-69,2].

Cette population présentait globalement un profil métabolique dégradé : 89% [84-95] des personnes ayant un diabète non connu était en surpoids ou obèse, 61,6% [51,5-71,7] avait une hypertension, et la moyenne d’HbA1c était de 8,0% [7,6-8,4]. On retrouve un profil socioéconomique socialement défavorisé, avec 84,4% [77,1-91,7] de personnes sans diplôme, une majorité née à l’étranger avec 56,6% [41,9-71,3] de la population née au Comores, sans différence marquée entre les hommes et les femmes. La population percevait sa situation financière comme difficile dans 61% [47,3-74,7] des cas. Par ailleurs, près d’un tiers des personnes restait sans couverture d’assurance maladie (32,6% [18,1-47,1]).

Description de la population prédiabétique (tableau 2)

La population prédiabétique était aussi plus âgée que la population ayant un statut normoglycémique avec un âge moyen à 41 ans [39,3-42,8]. La proportion de femmes était similaire à celle observable dans la population normoglycémique (54,9% [48,2‑61,5] contre 53,4% [50,8-56,0]). On retrouve une moyenne de l’HbA1c de 6,13% [6,12-6,15] dans cette population.

Discussion

L’étude Unono Wa Maore a permis d’estimer la prévalence du diabète à Mayotte en 2018-2019. Plus de 12% des personnes résidant à Mayotte, âgées de 18 à 69 ans, avaient un diabète et pour près de 40% d’entre elles, ce diabète était méconnu. Il s’agit majoritairement de femmes, jeunes, en surpoids, dans une situation socioéconomique défavorable.

Cette étude apporte un éclairage sur la situation du diabète à Mayotte, qu’il faut mettre en contexte avec les estimations disponibles dans la région de l’océan Indien et en métropole. Ainsi, en se concentrant sur la tranche d’âge 18-69 ans, on retrouve une prévalence du diabète connu à Mayotte s’élevant à 7,3%, contre 5,7% chez les 18-74 ans dans l’Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban) 2014-2016 en métropole 9. Toutefois, outre la différence dans les limites supérieures d’âge, la définition du diabète (basée sur de l’autodéclaration par questionnaire, le remboursement de traitement antidiabétique et une glycémie à jeun dans Esteban) diffère entre ces deux études, limitant ainsi leur comparabilité. Par ailleurs, l’étude Redia menée à La Réunion en 1999-2001 dans une population âgée de 30 à 69 ans rapportait une prévalence du diabète total de 17,5% [16,2‑18,7] 10 proche de celle de notre étude dans cette tranche d’âge (17,7% [15,5‑19,9]). Néanmoins, la comparaison avec les résultats de notre étude est là encore limitée par une méthodologie différente. Dans Redia, le diagnostic de diabète reposait, dans un premier temps sur un dépistage à partir de dosages de glycémie et d’HbA1c capillaires, puis dans un second temps, le diagnostic était confirmé par une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) ou un dosage d’HbA1c veineux.

Enfin, les informations apportées par notre étude doivent aussi être mises en perspective avec les données historiques de Maydia, étude évaluant pour la première fois le diabète à Mayotte en 2008 4. On note une progression nette des taux de prévalence du diabète, connu ou non connu. Ainsi, la prévalence observée du diabète connu était de 4,6% [3,2-6,4] en 2008 et 10,8% [9,0-12,5] en 2019 chez les 30-69 ans. Pour le diabète non connu, la proportion s’élevait à 7,0% [5,6-8,5] dans notre étude chez les 30-69 ans en 2019, tandis que Maydia rapportait 6,0% [4,2-8,4] en 2008 dans la même classe d’âge. Toutefois, une différence méthodologique importante existe entre ces 2 études, rendant la comparaison directe entre Maydia et Unono wa Maore délicate. En effet, dans Maydia, les dosages de l’HbA1c n’étaient effectués qu’après un dépistage capillaire. Un prélèvement veineux devait être effectué dans un centre dans un second temps. Dans Unono Wa Maore, le prélèvement veineux était proposé à l’ensemble des participants.

Parmi les limites de l’étude, il semble nécessaire de préciser aussi que le dosage de l’HbA1c peut être perturbé par les anomalies de l’hémoglobine. Compte tenu de la prévalence importante des anomalies de l’hémoglobine dans les populations africaines, notamment dues à la drépanocytose, il est impossible d’écarter la possibilité d’un impact sur le résultat de l’HbA1c pour certaines personnes souffrant de ces pathologies dans notre étude 7. De plus, le diabète est défini ici comme un critère composite, dont un des composants est déclaratif, ce qui le rend sujet à d’éventuels biais de mémoire, de déni ou éventuellement de désirabilité sociale.

Malgré cette limite, le recours au dosage de l’HbA1c, pour tous, reste la principale force de notre étude. Classiquement, les études de prévalence en population générale reposent sur un dosage de la glycémie à jeun. Cela est peu envisageable dans des enquêtes dont le terrain est réalisé dans des conditions difficiles telles que l’étude Unono Wa Maore. En effet, il est difficile de faire déplacer les personnes dans un centre pour effectuer un prélèvement à jeun au risque d’avoir un biais d’attrition (perdus de vue) important. Réaliser le prélèvement au domicile aurait limité le nombre de prélèvements pouvant être effectués dans une journée. De plus, le risque de glycolyse aurait pu être élevé si les conditions de prélèvement ne permettaient pas de respecter un délai de prise en charge suffisamment court. Le recours alternatif à des prélèvements capillaires utilisé dans Maydia ou Redia, est sujet à limites. Tout d’abord, les prélèvements capillaires ne sont pas reconnus comme critère diagnostic. Ensuite, une correction a été appliquée pour estimer le taux de prévalence. Cette correction est estimée à partir de prélèvements veineux effectués sur une sous-population. Cette méthode ne peut conduire qu’à une estimation plus biaisée que celle obtenue à partir de prélèvements veineux effectués sur la population totale. Par ailleurs, les deux organisations internationales, l’OMS et l’American Diabetes Association (ADA) s’accordent sur le recours à l’HbA1c veineux comme critère diagnostic du diabète 6,7. L’HbA1c, qui correspond à des valeurs moyennes de la glycémie sur les trois derniers mois, a également l’avantage de ne nécessiter qu’un seul dosage contrairement à la glycémie à jeun qui, en pratique clinique, doit être confirmée par un second dosage pour établir un diagnostic de diabète. Concernant le prédiabète, le recours à l’HbA1c est plus discutable, l’OMS ne reconnaissant comme critère diagnostic que celui basé sur la glycémie à jeun ou l’HGPO.

Cette étude descriptive a d’autres forces, notamment l’effectif de l’échantillon : plus de 4 600 personnes incluses ayant répondu à un questionnaire administré par un enquêteur. Le recueil d’informations était vaste et couvrait de larges caractéristiques sociodémographiques, ainsi que des informations sur la consommation de soins et l’état de santé de la population.

Unono Wa Maore apporte une mise à jour des données de santé de la population mahoraise onze ans après Maydia. La caractérisation des personnes ayant un diabète non connu suggère que les efforts de dépistage devraient être orientés vers la population de femmes jeunes et socialement défavorisées, puisqu’elles composent la majorité de la population ignorant son diabète. Le dépistage pourrait être renforcé lors du suivi des grossesses. Il pourrait également être effectué, pour l’ensemble de la population adulte, lors des consultations dans les dispensaires, dans les centres médicaux de référence, par les médecins libéraux ou lors de campagnes publiques dans des lieux très fréquentés.

Cette étude confirme que le diabète est un problème de santé publique majeur à Mayotte. Elle fournit des données qui seront utiles pour la mise en place de campagnes de prévention ciblées sur les populations à risque, notamment les personnes qui ignorent leur diabète et la population prédiabétique. Ces campagnes auraient un fort impact sur la santé de la population mahoraise au vu des proportions importantes concernées par le diabète dans la population générale. Enfin, la vulnérabilité de la population diabétique face à la Covid-19 rappelle l’urgence de la mise en place de ces mesures de prévention primaire et secondaire du diabète à Mayotte.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Saeedi P, Petersohn I, Salpea P, Malanda B, Karuranga S, Unwin N, et al. Global and regional diabetes prevalence estimates for 2019 and projections for 2030 and 2045: Results from the International Diabetes Federation Diabetes Atlas, 9th edition. Diabetes Res Clin Pract. 2019;157:107843.
2 Organisation mondiale de la santé. Rapport mondial sur le diabète. Genève: OMS; 2016. 86 p. https://apps.
who.int/iris/handle/10665/254648
3 Cefalu WT, Buse JB, Tuomilehto J, Fleming GA, Ferrannini E, Gerstein HC, et al. Update and next steps for real-world translation of interventions for type 2 diabetes prevention: Reflections from a diabetes care editors’ expert forum. Diabetes Care. 2016;39(7):1186-201.
4 Solet JL, Baroux N, Pochet M, Benoit-Cattin T, De Montera AM, Sissoko D, et al. Prevalence of type 2 diabetes and other cardiovascular risk factors in Mayotte in 2008: The MAYDIA study. Diabetes & metabolism. 2011;37(3):201-7.
5 Ruello M, Richard JB. Enquête de santé à Mayotte en 2019 – Unono Wa Maore. Méthode. Saint-Maurice: Santé publique France. 2022. 170 p.
6 World Health Organization. Use of Glycated Haemoglobin (HbA1c) in the diagnosis of diabetes mellitus (WHO/NMH/CHP/CPM/11.1). Geneva: WHO; 2011. 25 p.
7 American Diabetes Association. Classification and diagnosis of diabetes: Standards of medical care in diabetes – 2021. Diabetes Care. 2021;44(Suppl 1):S15-S33.
8 International Expert Committee Recommendations for Using the A1c to Diagnosis Diabetes and Prediabetes. Aug 29, 2009. https://www.diabetesincontrol.com/international-expert-committee-recommendations-for-using-the-a1c-to-diagnosis-diabetes-and-prediabetes/
9 Lailler G, Piffaretti C, Fuentes S, Nabe HD, Oleko A, Cosson E, et al. Prevalence of prediabetes and undiagnosed type 2 diabetes in France: Results from the national survey ESTEBAN, 2014-2016. Diabetes Res Clin Pract. 2020;165:108252.
10 Favier F, Jaussent I, Moullec NL, Debussche X, Boyer MC, Schwager JC, et al. Prevalence of type 2 diabetes and central adiposity in La Reunion Island, the REDIA Study. Diabetes Res Clin Pract. 2005;67(3):234-42.

Citer cet article

Azaz A, Jezewski-Serra D, Ruello M, Youssouf H, Piffaretti C, Fosse-Edorh S. Estimation de la prévalence du diabète et du prédiabète à Mayotte et caractéristiques des personnes diabétiques, Mayotte, 2019. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(9-10):164-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/9-10/2022_9-10_1.html