Renforcer les liens entre collectivités et recherche pour améliorer la qualité de l’air et fédérer les habitants
// Strengthen the links between communities and research to improve air quality and bring residents together
En 2021, Santé publique France annonçait que la pollution de l’air extérieur était responsable de 40 000 décès prématurés par an (1), en faisant ainsi la deuxième cause de mortalité prématurée évitable en France, plus que la consommation d’alcool, bien plus que les accidents de la route. Des pollutions spécifiques liées aux matériaux, aux meubles, aux produits détergents s’y ajoutent, responsables d’une mauvaise qualité de l’air intérieur. Cette pollution génère des décès certes, mais elle contribue également au développement de multiples maladies chroniques, cardiovasculaires, broncho-respiratoires (2) ou neurodégénératives et a des effets sanitaires pendant la grossesse et dès le plus jeune âge comme la prématurité, l’hypotrophie ou les troubles du développement de l’enfant.
L’impact sanitaire de la pollution de l’air est de plus en plus connu de nos concitoyens, notamment à la suite de la condamnation de la France en 2019 par la Cour de Justice de l’Union européenne pour dépassements réguliers des seuils réglementaires de différents polluants ou sa condamnation par le Conseil d’État à une astreinte de 10 millions d’euros, à cause de son manque de mise en œuvre de mesures suffisamment efficaces. Celles-ci ne permettent pas en effet de faire face actuellement à ce désastre sanitaire, mais également économique et environnemental (3), pour garantir aux habitants un cadre de vie sain, tant dans leur environnement extérieur que sur leur lieu de travail ou dans leur habitation.
La question est en effet complexe. Les sources de pollutions sont diverses (trafic routier, chauffage au bois, agriculture…), générant notamment du dioxyde d’azote et des particules fines délétères pour la santé humaine tant par leur dimension que par leur composition. Les acteurs impliqués sont multiples : autorités nationales ou locales, acteurs économiques de l’industrie ou de l’agriculture, comportements de chacun d’entre nous en matière d’alimentation ou de déplacement…
Ce numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) sort à l’occasion de la Journée nationale de la qualité de l’air du 14 octobre 2022 organisée par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, et appelant à la mobilisation de tous pour pouvoir respirer un air de bonne qualité.
Rappelons que nombre de collectivités locales se sont emparées du sujet en développant depuis plusieurs années des politiques publiques locales plus vertueuses, afin de réduire les émissions de polluants et protéger leurs habitants d’une exposition néfaste pour leur santé.
L’un des leviers les plus puissants mobilisé, de façon obligatoire (4) ou volontariste, est d’agir pour une mobilité plus collective et plus active, en soutenant le développement d’infrastructures de transports en commun, de pistes cyclables ou de cheminements piétonniers, en aidant à l’acquisition de véhicules moins polluants, en facilitant toutes les modalités de substitution aux voitures telles que covoiturage, transport à la demande, aide à l’achat de vélos, etc.
La santé des enfants est aussi un de leurs sujets de préoccupation majeurs (rappelons qu’en France, trois enfants sur quatre respirent un air toxique (5). C’est dans ce sens que sont aménagés les abords des écoles, la végétalisation des cours, la commande publique avec l’intégration de critères favorables à la qualité de l’air intérieur dans les commandes pour le matériel des écoles et des crèches par exemple.
Les collectivités agissent dans d’autres secteurs également :
–dans l’énergie, en soutenant le remplacement d’appareils de chauffage au bois anciens par des poêles moins polluants, ou en développant des réseaux de chaleurs urbains limitant les chauffages individuels ;
–en intégrant la qualité de l’air dans l’aménagement du territoire, dans le choix de la zone d’implantation d’établissements sensibles à la forme architecturale des bâtiments.
–elles agissent également avec de nombreux partenaires comme les chambres d’agriculture pour impulser de nouvelles pratiques agricoles.
Conscientes de l’enjeu de santé publique, de la complexité du sujet et de la multiplicité des mesures à mettre en place pour améliorer la santé des habitants, de nombreuses collectivités se sont regroupées en une association, l’Alliance des collectivités françaises pour la qualité de l’air (6), leur permettant d’échanger entre élus et agents sur les initiatives intéressantes, de confronter leurs pratiques, de se soutenir mutuellement et de monter en compétence.
Pour ce faire, elles ont besoin de données territorialisées sur la qualité de l’air et son impact sanitaire. C’est ce que donnent à voir les différentes thématiques abordées dans ce numéro.
Les collectivités ont en effet besoin de connaissances fines leur permettant de suivre l’évolution de la mortalité attribuable à l’exposition à la pollution ou d’évaluer les bénéfices sur la santé qui seraient induits par une baisse de concentrations dans leur territoire. Des études ciblées comme celles faites en région parisienne (7), à Bordeaux (8) ou en Auvergne-Rhône-Alpes (9) leur sont indispensables pour guider leur action et leur donner de nombreuses clés d’action.
Les collectivités ont également besoin d’avoir des retours objectivés et rigoureux de l’évaluation des projets qu’elles ont mis en place, tant en termes d’efficacité de l’action publique, mais également en tant que plaidoyer auprès de leurs habitants pour faciliter l’acceptabilité sociale de mesures jugées contraignantes, faciliter le débat et mettre autour de la table toutes les parties prenantes, depuis les acteurs économiques et agriculteurs jusqu’aux usagers de la voiture.
C’est dans ce cadre qu’elles sont friandes des travaux scientifiques telles que les études s’intéressant aux espaces recevant des enfants dont l’air est renouvelé trop peu fréquemment, enjeu essentiel comme le rappelle l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (10), et encore mis en avant à l’occasion de la crise de la Covid-19. Le fait que les rues scolaires soient plébiscitées par les parents d’élèves, comme le révèle le sondage réalisé par la Ligue nationale contre le cancer (11), est une information qui leur est particulièrement utile.
C’est aussi dans ce sens que les études s’intéressant aux impacts sanitaires liés aux modes de déplacement comme ce qui est mis en place à Paris (12) permettent d’argumenter le fait que les ZFE-m et plus largement les politiques de réduction de l’usage de la voiture ne sont pas des mesures coercitives, mais de véritables leviers d’actions en faveur de la santé publique.
Pour l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air, la pollution ne peut plus rester l’angle mort d’une politique de santé publique nationale ou locale, le partenariat avec la recherche est indispensable à l’action publique, tant pour connaître les spécificités de son territoire et adapter des dispositifs, que pour évaluer lesdits dispositifs et s’assurer de l’efficacité des mesures mises en place ainsi que de leur acceptabilité. L’amélioration de la qualité de l’air ne pourra se faire qu’avec l’assentiment des habitants : il est alors indispensable d’ancrer la communication et la sensibilisation de cet enjeu sanitaire, pour que les gains sur la santé soient admis comme bien supérieurs aux difficultés rencontrées, par des changements de pratiques nécessaires.
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