Micro-épidémie de tuberculose dans une école primaire de Seine-Saint-Denis en 2016 : importance du périmètre de dépistage
// Micro-outbreak of tuberculosis in a primary school in Seine-Saint-Denis County, France, 2016: Investigation perimeter
Résumé
Contexte –
Si le taux d’incidence de la tuberculose est faible et en diminution au niveau national, le département de la Seine-Saint-Denis (SSD) présente un taux d’incidence de tuberculose plus élevé (26,4 pour 100 000 habitants en 2019 et 24,6/105 en 2015, année de référence de cette étude de cas) que le reste de la France métropolitaine (7,6/105 en 2019 et 7,0/105 en 2015), et que l’ensemble de la région Île-de-France (16,4/105 en 2019, 14,5/105 en 2015).
Méthode –
En 2016 une micro-épidémie est survenue dans une école primaire de SSD autour d’un cas index âgé de 11 ans. La tuberculose pédiatrique reste rare en France et les micro-épidémies autour d’enfants malades sont très peu décrites dans la littérature. À l’aide des données recueillies par le Centre de lutte anti-tuberculose (Clat) de SSD, nous avons étudié les facteurs liés au risque de contamination et les éléments à prendre en compte pour ajuster le périmètre de dépistage.
Résultats –
Au sein de l’école, 374 personnes ont été dépistées, 68 infections tuberculeuses latentes (ITL) retrouvées et 7 cas de tuberculose secondaire. Les cas de tuberculose se concentraient pour la plupart au même étage que le cas index (6/7), 3 cas secondaires dans l’école étaient porteurs d’une souche identique à celle du cas index.
Conclusions –
Même autour d’un cas index de moins de 15 ans, la proximité spatiale, les temps de contacts et les facteurs de risques immunitaires ont un rôle déterminant dans la transmission du bacille de Koch et sont à prendre en compte pour la sélection des sujets contacts à dépister.
Abstract
Background –
Although the incidence rate of tuberculosis in France is low and continues to diminish, the department of Seine-Saint-Denis, situated to the northeast of Paris, has a higher incidence rate (26.4/105 in 2019; 24.6/105 in 2015, base year of this case study) than the rest of metropolitan France (7.6/105 in 2019; 7.0/105 in 2015) and the Ile-de-France region (16.9/105 in 2019;, 14.5/105 in 2015).
Methods –
In 2016, a micro epidemic occurred in a primary school in Seine-Saint-Denis, originating from a child index case. Paediatric tuberculosis remains infrequent in France and micro epidemics related to sick children are seldom described in literature. Using data gathered by the Anti-Tuberculosis Committee (Centres de lutte anti-tuberculose, CLAT), we studied the factors linked to the risk of contamination how to adjust the screening perimeter around index cases.
Results –
We screened 374 subjects in the school: 68 latent tuberculosis infections (LTBI) and 7 cases of secondary tuberculosis were found. The secondary tuberculosis cases were mainly concentrated in classes on the same floor as the index case (6/7); 3 secondary cases had the same strain as the index case.
Conclusions –
Even in the event of a child index case in a micro epidemic, spatial proximity, contact duration and immunodeficiency are the main factors that should be taken into account when selecting the contact subjects to screen.
Contexte
La France est un pays de faible incidence pour la tuberculose 1. Il subsiste toutefois de fortes disparités territoriales, corrélées aux indicateurs de défavorisation sociale 2. Le département de la Seine-Saint-Denis présente un taux d’incidence de tuberculose plus élevé (26,4 pour 100 000 habitants) en 2019 et 24,6/105 en 2015 année de référence de cette étude de cas) que le reste de la France métropolitaine (7,6/105 en 2019 et 7,0/105 en 2015), et que l’ensemble de la région (16,4/105 en 2019, 14,5/105 en 2015) 3.
La tuberculose n’est pas seulement le fait d’une infection, mais d’une combinaison de facteurs 4 dont la pauvreté, les conditions de logements dégradées ou la malnutrition. On parle souvent de maladie sociale 5. Les inégalités sociales de santé favorables à la diffusion du bacille de Koch perdurent, y compris dans les pays développés comme la France 6. Le travail des Centres de lutte anti-tuberculose (Clat) est d’explorer les relations sociales du malade pour proposer un dépistage aux personnes susceptibles d’être infectées.
La tuberculose pédiatrique (moins de 15 ans) demeure rare en France (n=246 en 2015) et la plupart des cas sont diagnostiqués à l’occasion d’une enquête autour d’un cas 7. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il s’agit une épidémie négligée car la maladie est difficile à diagnostiquer chez les enfants, qui présentent souvent des symptômes plus discrets ou moins spécifiques et des formes non pulmonaires (ganglionnaires) ne permettant pas l’analyse microbiologique de prélèvements respiratoires 8. On trouve dans la littérature nombre de descriptions de micro-épidémies de tuberculose en milieu scolaire, mais seules de rares situations ont comme véritable cas index (CI) un enfant 9. En effet, les enfants atteints de tuberculose sont souvent considérés comme non contagieux 10.
L’objectif de cette étude rétrospective est de décrire une micro-épidémie survenue dans une école primaire de Seine-Saint-Denis lors de laquelle a été observé un pourcentage élevé de personnes infectées, voire malades de la tuberculose, autour d’un CI enfant. Cette micro-épidémie est survenue dans l’ouest du département, où les taux d’incidence de tuberculose sont supérieurs à la moyenne départementale 11. Nous avons cherché à mieux comprendre les facteurs liés au risque de contamination et identifier des facteurs à prendre en compte pour ajuster le périmètre de dépistage.
Méthode
Organisation du dépistage
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 10 recommande de dépister prioritairement, dans l’entourage des cas de tuberculose maladie, les sujets à haut risque, représentés dans deux cercles. Le premier cercle comprend les sujets ayant un contact proche avec le CI : personnes vivant sous le même toit, collègues, amis ou professionnels de santé ayant passé du temps avec le CI dans des environnements confinés. Le second cercle représente les sujets en contact régulier avec le CI (par exemple les amis ou camarades de classe...) et présentant un facteur de vulnérabilité pour la tuberculose. En plus de ces deux cercles, tous les sujets contacts ayant des symptômes compatibles avec la tuberculose doivent faire l’objet d’un dépistage.
Les sujets contacts avec un risque intermédiaire de tuberculose (comme les amis et camarades de classe sans facteur de vulnérabilité pour la tuberculose) ne devraient se voir proposer un dépistage que lorsque les résultats du premier cercle révèlent un important taux d’infection.
Dans cette étude, nous avons fait le choix de proposer directement le dépistage aux sujets à risque intermédiaire d’infection (camarades de classe et de cantine, professeurs et adultes encadrants), car les caractéristiques du cas étaient compatibles avec une forme très contagieuse de tuberculose (pulmonaire avec toux, examen direct positif, culture positive et caverne à la radio) et que les locaux de l’école pouvaient constituer un environnement confiné propice à la diffusion du bacille. Les résultats de la première phase de dépistage ont confirmé nos suspicions et nous ont conduits à élargir le dépistage à toute l’école.
Le dépistage consistait dans la réalisation d’une radiographie thoracique et la réalisation d’un test immunologique IGRA (Interferon-Gamma Release Assay). Pour le premier cercle de dépistage, les radiographies ont été réalisées 5 semaines après le diagnostic du cas index et les tests immunologiques 12 semaines après cette date. Ont été considérés comme infections tuberculeuses latentes (ITL) tous les cas avec une radiographie thoracique normale et un test IGRA positif. Le diagnostic de tuberculose maladie reposait sur l’identification du bacille de Koch, à l’examen microscopique direct ou à la culture, ou devant la présence de caractéristiques cliniques et radiologiques spécifiques de la tuberculose.
Par ailleurs, ce dépistage faisant partie du travail habituel du Clat, conformément aux recommandations du HCSP lors de la survenue de cas de tuberculose en milieu scolaire, il n’a pas nécessité l’accord d’un comité d’éthique.
Analyses
Le Clat a réalisé l’enquête d’entourage pour identifier les sujets contacts et pour le dépistage. Les données ont été saisies dans le logiciel métier Damoc® (Epiconcept) hébergeur de données de santé inscrit au registre du délégué à la protection des données. Les données analysées dans cet article sont issues des informations recueillies lors de la déclaration obligatoire (DO), complétées des éléments collectés au cours des enquêtes et des dépistages puis exportées pour les analyses.
Les analyses de souches ont été réalisées par le Centre national de référence des mycobactéries (CNR) à la demande du Clat. Les cas ont été géolocalisés à l’aide de la Base Adresse Nationale 12 pour permettre les calculs d’incidence par commune et quartier.
Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS® version 9.2, les analyses cartographiques avec le logiciel QGIS® version 2.14.9 et le logiciel Philcarto® version 5.76.
Les comparaisons de données ont été faites par des tests du Chi2 de Wald, test exact de Fisher ; le seuil de significativité retenu était de 5%. L’étude d’effet de facteur par régression logistique multivariée a été faite en mesurant les odds ratios (OR) avec un intervalle de confiance de 95% (IC95%) et avec la procédure Logistic du logiciel SAS®.
Les données de population 2013, de source Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ont été utilisées pour le calcul des taux d’incidence à l’échelle des communes et quartiers : îlots regroupés pour l’information statistique (IRIS), et quartiers prioritaires politique de la ville (QPV) 13. Nous avons ainsi estimé un « bruit de fond » en calculant le nombre de cas attendus par commune et par quartier.
Les tests d’autocorrélation spatiale locale ont été réalisés avec la mesure de l’indice de Geary variant de 0 à l’infini, 1 signifiant une indépendance spatiale. Cet indice est le rapport entre la variance des entités spatiales contiguës et la variance totale, il permet de déterminer si l’effet de voisinage observé est dû au hasard ou non.
La date de référence retenue pour le calcul des âges des sujets contacts et des périodes de dépistage est celle du début de traitement du cas index.
Enfin, une revue de littérature et un recensement des dépistages en milieu scolaire dans le département ont été réalisés.
Résultats
Au sein de l’école, 374 personnes ont été dépistées, 68 infections tuberculeuses latentes (ITL) retrouvées (59 enfants, 9 adultes) et 7 cas de tuberculose secondaire diagnostiqués (6 enfants, 1 adulte).
Les cas de tuberculose se concentraient pour la plupart au même étage que le CI (6/7), 3 cas secondaires dans l’école étaient porteurs d’une souche identique à celle du CI, les autres cas n’ayant pas pu être comparés (cultures restées négatives ou souche non parvenue au CNR).
Au total 61 personnes ont bénéficié d’un traitement contre l’infection latente (7 refus ou contre-indication) ; parmi les cas d’ITL de moins de 15 ans, 94,7% des enfants étaient nés en France.
Description du cas index
Le dépistage a été mené autour d’une élève de 11 ans, née en France de parents originaires du Cap-Vert, scolarisée dans une école du département de Seine-Saint-Denis. Cette enfant était considérée comme cas secondaire (ITL connue au départ, découverte en juin 2015) probablement contaminée par sa sœur (figure 1). En effet, en juin 2015, cette dernière, lycéenne de 17 ans atteinte d’une tuberculose pulmonaire, avait conduit à un dépistage du cercle familial et de sa classe au lycée qui avait retrouvé 57% d’ITL chez les élèves et 1 cas de tuberculose secondaire chez un professeur.
À la suite de son dépistage d’ITL, le CI avait fait tous les examens complémentaires nécessaires et était venu à toutes les consultations, laissant croire à une bonne prise de son traitement. Il a été constaté tardivement qu’elle ne le prenait pas correctement. Les signes cliniques de ce CI sont apparus au dernier trimestre 2015 et la tuberculose maladie a été diagnostiquée mi-janvier 2016 (toux persistante d’abord prise pour une autre infection, puis radio de thorax anormale orientant vers une tuberculose). L’enfant souffrait d’une forme pulmonaire avec cavernes. L’examen microscopique des expectorations était positif au direct, la culture était également positive à Mycobacterium tuberculosis. La souche retrouvée était sensible aux antibiotiques de première ligne.
Deux phases de dépistage
Une première phase du dépistage autour de l’enfant de 11 ans a été réalisée entre février et mars 2016 (classe, cantine, club de judo extérieur à l’établissement). Deux cas de tuberculose maladie ont été identifiés chez des enfants de la classe du CI et des pourcentages élevés d’ITL dans les cercles les plus proches ont été mis en évidence. Les taux d’ITL diminuaient à mesure que les contacts avec le CI étaient moins importants (90,5% d’ITL dans la classe, 28,0% à la cantine et 8,3% au judo), ce qui semble en faveur d’une contamination par le CI (figure 2).
Le taux d’ITL parmi les personnes dépistées à l’école était de 37,3%, plaidant en faveur d’un dépistage étendu dans une deuxième phase (toutes les autres classes dont l’autre service de cantine), réalisé entre avril et juin 2016. Si la deuxième phase du dépistage a permis de retrouver un taux d’ITL bien inférieur, 10% parmi les enfants et 12,5% parmi les adultes dépistés, 5 cas de tuberculose maladie ont été identifiés.
Caractéristiques des cas secondaires
Au total, 7 tuberculoses maladies ont été diagnostiquées chez des enfants et 1 chez un adulte de l’école (tableau 1) : 2 tuberculoses maladie ont été découvertes lors du premier dépistage (cultures positives) et 5 durant le second (dont 2 avec cultures positives). Tous les cas secondaires présentaient au moins une atteinte respiratoire, aucun n’était positif à l’examen direct, les cultures sont revenues positives pour 4 d’entre eux, 6 cas fréquentaient le même étage que le CI (figure 3).
Parmi les 5 personnes diagnostiquées durant le second dépistage, 2 enfants et un adulte fréquentaient une même classe, située au même étage que celle du CI. Un enfant était atteint d’une drépanocytose, trouble hématologique affaiblissant le système immunitaire. Il est probable que l’adulte ait pu participer à l’infection des élèves de cette classe (tableau 1). Le 5e cas (cas K7 sur la figure 1), un enfant plus jeune, fréquentait la cantine dans un autre service que celui du CI et sa classe était à un autre étage.
Un cas secondaire hors de l’école (cas K9 sur la figure 1) a aussi été trouvé à la suite du dépistage dans l’entourage personnel du cas index. Il s’agissait d’une enfant de 4 ans présentant elle aussi une atteinte respiratoire (figure 1).
L’enquête autour des cas secondaires a retrouvé 1 tuberculose (cas K10 sur la figure 1) et 3 ITL dans leurs entourages. Ce dernier cas de tuberculose a été identifié en avril 2017 autour d’un cas secondaire issu de la classe du CI. Il s’agissait d’un enfant de 5 ans, petit frère d’un cas secondaire et non scolarisé dans l’école au moment du premier épisode (figure 1). Les enquêtes réalisées autour des ITL de moins de 15 ans n’ont pas permis d’identifier un autre contaminateur potentiel (figure 1).
Le génotypage des souches réalisé par le CNR des mycobactéries n’a été possible que pour 4 patients dont les cultures étaient positives. Cette analyse a mis en évidence des souches aux codes MIRU-24 bactériologiquement non distinguables pour 3 cas dans l’école plus le dernier cas survenu en avril 2017 autour d’un cas secondaire, ce qui indique qu’il a pu y avoir transmission entre ces patients 14 (figure 1).
Analyses statistiques
Le test de Geary d’autocorrélation spatiale était positivement significatif pour les classes voisines d’ordre 1 à 3, c’est-à-dire que les classes les plus proches de celle du CI lui ressemblaient le plus en termes de taux d’infections, et cet effet de voisinage n’était pas dû au hasard (figure 3). En revanche, les taux retrouvés au rez-de-chaussée parmi les élèves de cours moyen (CM) semblaient confirmer le rôle prédominant du temps passé entre élèves de même niveau. L’exemple de la classe de double niveau CP/CM illustre bien cette distinction : 21,1% d’ITL parmi les élèves de CM contre 11,8% pour les élèves du cours préparatoire (CP).
Une forte majorité des personnes infectées fréquentait le deuxième étage (64%) ou était scolarisée en cours moyen (57,3%).
Les analyses par régression logistique (tableau 2) ont montré un lien significatif entre le fait d’être infecté et le fait de fréquenter le même étage que le CI (p<0,0001) ou le fait d’être scolarisé en cours moyen (p<0,0001). Le fait d’être dans la même classe que le CI était très significatif (p<0,0001).
Le lien entre le niveau scolaire et le risque d’être infecté peut s’expliquer par le regroupement des élèves par âge pour les activités de l’école (même service de cantine, mêmes sorties, accueil dans une salle confinée après le déjeuner, accueil commun en cas d’absence du professeur…).
Comparaisons
Sur la période 2013-2015, pour l’ensemble du département de la Seine-Saint-Denis, 57% des cas âgés de moins de 15 ans ont été identifiés par une enquête 11. La commune et le quartier de survenue de la micro-épidémie étudiée ici se distinguaient par des taux d’incidence de la tuberculose élevés (respectivement 58,16 et 67,9 cas pour 105 habitants sur la période). L’indice de développement humain (IDH2) de la commune (1) était de 0,30 et le taux de pauvreté (2) dans le quartier s’élevait à 47,2% 13.
De 2010 à 2016, le Clat a réalisé 24 autres enquêtes en milieu scolaire (de 3 à 15 ans) autour de CI mineurs. Une revue de la littérature a permis de comparer ces enquêtes à trois autres situations similaires à l’étranger 9,15,16. En Seine-Saint-Denis, il n’a été trouvé de cas de tuberculose maladie secondaire que dans la situation décrite dans cet article.
Les taux d’incidences de ces 27 enquêtes en milieu scolaire autour d’un CI mineur n’étaient pas significativement différents de ceux de leurs villes respectives. En revanche, les enquêtes similaires ayant retrouvé des cas secondaires comme dans la situation étudiée ici avaient des taux supérieurs (p<0,0001) à ceux attendus par rapport à l’incidence communale 9,15.
Discussion
Les taux d’ITL et de tuberculoses secondaires retrouvés lors de cette micro-épidémie étaient exceptionnellement élevés.
Plusieurs hypothèses existaient pour expliquer les taux d’ITL retrouvés : celle d’une contamination par ce CI et par les cas secondaires et celle d’une circulation importante du bacille de Koch dans la population (la ville ayant un taux d’incidence parmi les plus élevés du département 11).
Les micro-épidémies de tuberculose ayant pour CI un enfant sont rarement décrites dans la littérature 17. Dans notre bibliographie, la situation la plus semblable (enfant du même âge) est celle décrite dans une école du Sud-Est de l’Angleterre en 2007, où 17 tuberculoses maladies avaient été retrouvées 9. En France, des épidémies de tuberculose ont surtout été observées dans des lycées mais restent rares 18. Même en Seine-Saint-Denis, département le plus touché par la tuberculose en métropole, une telle diffusion de la maladie autour d’un cas index enfant était inédite.
Après analyse des taux d’incidences dans les villes où sont survenus les cas, il apparaît que le « bruit de fond » supposé dans la population ne puisse pas expliquer les différences aussi notables parmi les proportions d’infectés, bien que certains cas d’ITL pourraient être dus à une contamination extérieure.
Même si le CNR ne disposait pas encore du séquençage génomique, le fait qu’un seul code MIRU ait été identifié parmi les génotypages qui ont pu être réalisés plaide en faveur d’une transmission entre les patients. Ces éléments nous font privilégier l’hypothèse que la micro-épidémie observée ne résultait pas uniquement de l’incidence de la tuberculose dans la ville.
Une étude espagnole avait ainsi trouvé une différence significative de taux d’ITL au premier temps de dépistage entre les élèves nés en Espagne et ceux nés à l’étranger 19. Nous ne disposions pas de l’information sur le pays de naissance de l’ensemble des personnes dépistées, cette comparaison n’a donc pas été réalisée pour notre étude.
Il apparaît que les enfants peuvent être aussi contagieux que les adultes en fonction de leurs caractéristiques clinico-biologiques (atteinte pulmonaire, caverne, toux persistante). Enfin, la description des cas secondaires nous rappelle la nécessaire vigilance sur les facteurs de risque des sujets contacts qui ne feraient pas partie du premier cercle. En effet, un cas identifié au second temps présentait une drépanocytose, trouble hématologique affectant son système immunitaire. Par ailleurs, deux autres cas du second temps présentaient une neutropénie chronique, considérée comme neutropénie ethnique. Cette particularité n’est cependant pas associée à une plus grande vulnérabilité aux infections.
Le choix de dépister d’emblée les personnes fréquentant les mêmes locaux que le CI au même moment (classe et service de cantine), et pas seulement la classe, s’est avéré pertinent. En revanche, compte tenu des expériences précédentes de dépistage en milieu scolaire, les autres personnes du même groupe d’âge et/ou fréquentant l’étage du CI n’ont pas été concernées par la première phase de dépistage.
Les cas découverts à la suite de la seconde phase de dépistage ne participaient pas tous au même service de cantine mais quatre d’entre eux étaient dans une classe située au même étage que le CI, dans le même couloir. La visite des locaux et des entretiens avec le personnel de l’école ont permis d’identifier des modes de fonctionnement à prendre en compte pour le dépistage : pas de système d’aération dans les classes, fenêtres fermées l’hiver, portes laissées ouvertes sur le couloir, activités communes des élèves de cours moyen, partage de la salle informatique ou du gymnase, et le caractère très sociable du CI. Au moment de l’élargissement, tous ces éléments ont plaidé en faveur d’un dépistage de l’ensemble des personnes fréquentant l’établissement.
Cette étude montre l’importance de prendre en compte les temps de contacts, le taux d’infection pouvant atteindre 100% dans l’entourage étroit 20, ainsi que l’intérêt de considérer la configuration des locaux et les usages au sein de l’école 9.
Au-delà du confinement de l’habitat, la prise en compte des locaux n’est pas précisée dans les recommandations françaises mais existe dans celles du Center of Disease Control (CDC) aux États-Unis 21. Or, dans notre étude, on observe un lien significatif entre l’étage fréquenté et le taux d’infection. Cet aspect pourrait être développé dans les recommandations françaises. En effet, nous avons retrouvé de nombreux cas d’ITL et de tuberculoses secondaires parmi des personnes qui n’avaient a priori pas eu de contact rapproché avec le CI. Les recommandations en vigueur au Royaume-Uni 22 recommandent ainsi de proposer d’emblée le dépistage à tous les enfants de la classe ainsi qu’à ceux d’âges proches partageant des locaux. Nous aurions pu dépister dès la première phase les personnes fréquentant le deuxième étage et les enfants de même niveau scolaire, ce qui aurait permis de détecter l’infection des cinq patients ayant développé une tuberculose maladie et ne faisant pas partie de du premier cercle identifié. Par ailleurs, le CDC américain mentionne le seuil de 10 ans pour considérer un enfant comme potentiellement contagieux 21.
En conclusion, les résultats de cette enquête en milieu scolaire autour d’un CI mineur montrent que l’application stricte des recommandations françaises concernant les enquêtes autour d’un cas n’aurait pas permis de dépister toutes les tuberculoses et les infections latentes secondaires. Les pratiques anglo-saxonnes, plus larges, auraient fait preuve dans ce même scénario d’une plus grande efficacité. Aussi semble-t-il intéressant de surveiller les situations similaires à l’avenir pour évaluer leurs résultats et le cas échéant adapter les pratiques.
Remerciements
Aux personnels du centre de lutte anti-tuberculose de Seine-Saint-Denis qui mènent les enquêtes et dépistages, qui contribuent au recueil et à l’amélioration de la qualité des données de surveillance de la tuberculose, aux médecins et biologistes déclarants, au Centre national de référence des mycobactéries.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/tuberculose/donnees/#tabs
publications/abstracts/how-health-systems-can-address-inequities-in-priority-public-health-conditions-the-example-of-tuberculosis
public-health-guidance-investigation-and-control-tuberculosis-incidents-affecting
Epidemiologie-enfant-D-Antoine.pdf
Citer cet article
indice-de-developpement-humain-idh2-des-communes-dile-de-france/