Dépassement des repères de consommation d’alcool à moindre risque en 2020 : résultats du Baromètre santé de Santé publique France
// Exceeding lower risk drinking guidelines in France: Results
from the Santé publique France 2020 Health Barometer
Résumé
Introduction –
En France, de nouveaux repères de consommation d’alcool pour limiter les risques pour la santé ont été proposés en 2017. L’objectif de cette étude était d’estimer la part d’adultes dépassant ces repères en 2020, de décrire cette population et d’étudier les disparités socioéconomiques de la consommation d’alcool à partir de cet indicateur, selon le genre.
Méthode –
Les données utilisées proviennent du Baromètre santé de Santé publique France 2020, enquête téléphonique sur échantillon aléatoire auprès de la population adulte résidant en France métropolitaine, menée entre janvier et mars, puis entre juin et juillet 2020, auprès de 14 873 individus.
Résultats –
En 2020, 23,7% de la population âgée de 18 à 75 ans dépassaient les repères de consommation d’alcool. Ces consommations à risque étaient davantage le fait des hommes (33,2% d’entre eux) que des femmes (14,7%). La proportion de personnes dépassant les repères n’a pas évolué significativement entre 2017 et 2020.
Parmi les personnes dépassant les repères, 47,7% n’avaient aucun diplôme ou un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Toutes choses égales par ailleurs, les femmes ayant un diplôme élevé, les hommes au chômage et les personnes (hommes et femmes) ayant des revenus élevés avaient une probabilité plus grande de dépasser les repères.
Conclusion –
Ces résultats permettent d’améliorer le ciblage des actions de prévention, en tenant compte des inégalités sociales de santé.
Abstract
Introduction –
In France, a set of low-risk drinking guidelines for alcohol consumption was put forward in 2017. The present study estimates the proportion of adults exceeding the recommended limits in 2020 and describes the population group, using this indicator to identify socioeconomic disparities in alcohol use by gender.
Method –
Data used for the study were obtained from the Santé publique France 2020 Health Barometer, a random telephone survey of the adult population residing in France, conducted between January and March 2020, then between June and July 2020, with a total sample of 14,873 individuals.
Results –
In 2020, 23.7% of the population aged 18-75 exceeded the guideline amount of alcohol consumption. Excessive consumption was more common among men (33.2%) than among women (14.7%). The proportion of people exceeding the guideline amount did not change significantly between 2017 and 2020.
The majority of those exceeding recommended levels were men (68.1%), 47.7% of whom had no diploma, or a diploma less than or equal to the baccalaureate. All other things being equal, women with a high academic degree, unemployed men and those (both men and women) with high incomes were more likely to exceed guideline amounts.
Conclusion –
These data can help improve targeting for prevention actions, taking into account social inequalities in health.
Introduction
La consommation d’alcool a des conséquences sanitaires et sociales très importantes, comme l’expertise collective Inserm 2021 le souligne à nouveau 1 : elle est responsable de plus de 40 000 décès en France chaque année 2 et coûterait 118 milliards d’euros par an 3. Dans de nombreux pays, les autorités sanitaires ont établi un niveau de consommation à ne pas dépasser pour limiter les risques pour la santé 4.
En France, en 2017, un groupe d’experts mandaté par Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa) a ainsi défini des repères de consommation d’alcool à moindre risque 5 : « Si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie : de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ; d’avoir des jours dans la semaine sans consommation. » L’analyse des données issues de l’enquête en population générale Baromètre santé 2017 de Santé publique France avait montré qu’en France métropolitaine, 23,6% des personnes âgées de 18 à 75 ans dépassaient ces repères de consommation 6. Une des recommandations du groupe d’experts mandaté par Santé publique France et l’INCa était : « […] que les stratégies de communication génèrent une notoriété importante des nouveaux repères de consommation ». Des campagnes de prévention ont été menées à plusieurs reprises pour faire connaître ces repères simplifiés en « Pour votre santé, l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours ».
Le pilotage des politiques publiques de réduction de la consommation d’alcool à risque nécessite une mise à jour régulière des données d’observation des comportements de consommation. Les données du Baromètre santé 2020 permettent ainsi de suivre la part des consommateurs dépassant les repères et les comportements de consommation d’alcool. L’objectif principal de cet article est d’estimer la part de personnes déclarant des consommations d’alcool au-delà des repères en 2020, de décrire cette population, et d’étudier les disparités socioéconomiques de la consommation d’alcool à partir de cet indicateur, selon le genre.
Méthode
Source de données
Cette étude a été réalisée à partir des données du Baromètre santé 2020 de Santé publique France, enquête téléphonique réalisée par l’institut Ipsos parmi la population adulte résidant en France métropolitaine. Initiée suivant une méthode identique aux éditions précédentes récentes, la constitution des échantillons reposant notamment sur une génération aléatoire de numéros de téléphone 7, l’édition 2020 du Baromètre santé de Santé publique France a été perturbée par la crise sanitaire liée à la Covid-19. La collecte des données, démarrée le 8 janvier, a ainsi été interrompue le 16 mars avec la mise en place du 1er confinement puis reprise, avec un questionnaire allégé, entre le 4 juin et le 28 juillet. Ces deux phases de terrain ont permis d’interroger 14 873 personnes de 18 à 85 ans (9 178 personnes avant le 1er confinement et 5 695 après), dont 13 725 âgées de 18 à 75 ans. Une publication dédiée détaille les caractéristiques de l’échantillon interrogé 8.
Variables d’intérêt
Introduit dans l’édition 2017 et intégré à nouveau en 2020, un module de questions portant sur la consommation d’alcool au cours de la semaine passée permet de situer la consommation des personnes par rapport aux repères de consommation d’alcool à moindre risque 9.
La variable binaire indiquant le dépassement des repères au cours des sept derniers jours est construite selon trois dimensions de la façon suivante : la consommation d’alcool dépasse les repères si la personne déclare avoir bu plus de deux verres d’alcool en une journée et/ou déclare avoir bu plus de dix verres d’alcool sur l’ensemble de la semaine et/ou déclare ne pas avoir eu au moins deux jours sans consommation d’alcool au cours de la semaine. Les personnes ne dépassant le seuil sur aucune des trois dimensions ainsi que celles n’ayant pas consommé d’alcool au cours des sept derniers jours (ce qui inclut les abstinents) sont considérées comme n’ayant pas dépassé les repères.
De plus, pour les données recueillies avant le confinement, au sein d’un sous-échantillon constitué aléatoirement en début d’entretien, 1 735 personnes de 18-75 ans ont également été interrogées sur leur perception des seuils de consommation d’alcool à risque et leur connaissance du risque de cancer : « À votre avis, sur une journée, quel est le nombre maximum de verres d’alcool à ne pas dépasser, pour limiter les risques pour sa santé ? », puis « À votre avis, combien de jours par semaine peut-on boire de l’alcool sans prendre trop de risques pour sa santé ? », et enfin « Dites-moi si vous êtes d’accord avec la proposition : la consommation de boissons alcoolisées peut augmenter le risque de cancer » (une réponse parmi : tout à fait, plutôt, plutôt pas, pas du tout d’accord). Au sein de ce sous-échantillon, les 1 025 personnes ayant déclaré une consommation d’alcool au cours des sept derniers jours de 18-75 ans ont également répondu à la question « Avez-vous envie de réduire votre consommation d’alcool ? ».
Analyses
Les estimations des prévalences ont été pondérées, afin de tenir compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique), puis redressées sur la structure de la population par sexe croisé avec l’âge, la région, la taille d’unité urbaine, la taille du foyer et le niveau de diplôme (source : Insee, Enquête emploi 2018). Une pondération a été calculée pour les interviews réalisées avant le confinement, une autre pour celles réalisées après le confinement, et une pour l’ensemble des interviews réalisées en 2020.
Les comparaisons de pourcentages ont été testées au moyen du Chi2 d’indépendance de Pearson, avec correction du second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage 10 ; seules les différences significatives au seuil de 5% sont mentionnées. Des analyses multivariées (régressions logistiques) ont été réalisées, afin d’étudier le lien entre dépassement des repères de consommation et caractéristiques sociodémographiques : âge, niveau de diplôme (en trois catégories : sans diplôme ou inférieur au baccalauréat, égal au baccalauréat, supérieur au baccalauréat), niveau de revenu mensuel dans le foyer par unité de consommation (partition en terciles) et situation d’emploi (en emploi, étudiant, au chômage, à la retraite ou dans une autre situation d’inactivité). Ces analyses ont été réalisées séparément pour les femmes et les hommes, la littérature ayant mis en évidence des facteurs associés à la consommation d’alcool différents selon ces deux groupes 11. Les odds ratios ajustés (ORa) des modèles multivariés, les intervalles de confiance à 95% (IC95%) et les niveaux de significativité sont présentés.
En 2020, les questions sur la consommation d’alcool au cours des sept derniers jours ont été posées à l’ensemble des 18 à 85 ans répondant à l’enquête. Néanmoins, seuls les 18-75 ans ont été interrogés en 2017, c’est pourquoi une partie des analyses a été effectuée uniquement parmi les 18-75 ans.
Résultats
Dépassement des repères en 2020 et évolutions depuis 2017
En 2020, 23,7% des 18-75 ans ont déclaré consommer de l’alcool au-delà des repères à moindre risque sur au moins une dimension, davantage les hommes (33,2%) que les femmes (14,7%). Aucune de ces trois proportions n’a évolué significativement par rapport à 2017 (respectivement 23,6%, 33,4% et 14,3%) (1).
Quel que soit l’âge, les hommes dépassaient davantage les repères que les femmes (figure 1).
Comme cela s’observait déjà en 2017, les comportements de consommation sont très différenciés selon l’âge (figure 2a et 2b). Ainsi, les plus jeunes dépassent plus fréquemment le seuil des deux verres par jour tandis que leurs aînés dépassent davantage les cinq jours de consommation dans la semaine. Ce constat s’observe parmi les hommes comme parmi les femmes.
Caractéristiques des personnes buvant au-delà des repères
Parmi les personnes de 18-75 ans dépassant les repères de consommation, 68,1% étaient des hommes.
Parmi les hommes dépassant les repères, 47,7% n’avaient aucun diplôme ou un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, 25,6% avaient un revenu mensuel parmi le revenu de tercile le plus bas, 57,6% étaient en emploi et 9,4% au chômage (tableau 1). Parmi les femmes dépassant les repères, 33,4% n’avaient aucun diplôme ou un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, 26,2% avaient un revenu mensuel parmi le revenu de tercile le plus bas, 59,2% étaient en emploi et 7,2% au chômage (tableau 1).
Comparativement aux personnes âgées de 18 à 75 ans ne dépassant pas les repères (buveurs ou non), nous observons une forte surreprésentation des hommes (68,1% contre 42,5%), ainsi qu’une surreprésentation des hommes et femmes aux revenus les plus élevés (respectivement 37,6% contre 29,9% et 34,2% contre 24,0%), une surreprésentation des femmes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur (43,0% contre 32,2%), ainsi qu’une surreprésentation des femmes en emploi (59,2% contre 51,6%) (tableau 1).
Facteurs associés au dépassement des repères
La part de personnes ayant une consommation au-delà des repères variait selon le niveau de diplôme et le niveau de revenu (tableau 2). Parmi les hommes et les femmes, un écart significatif de la part de personnes dépassant les repères s’observait entre le tercile des plus hauts revenus et celui des plus bas revenus : les personnes aux plus hauts revenus étant plus fréquemment consommatrices au-delà des repères.
Parmi les femmes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat, la part dépassant les repères était significativement inférieure à celle observée parmi les femmes ayant un diplôme plus élevé. De plus, parmi les femmes inactives (études, retraite ou autres), la part dépassant les repères était significativement inférieure à celle observée parmi les actives.
Les différences selon le diplôme (femmes) et le revenu (hommes et femmes) se maintiennent donc dans les régressions multivariées (tableau 2). Ces régressions font également ressortir une probabilité plus grande de consommer au-delà des repères pour les hommes au chômage par rapport aux hommes en emploi, « toutes choses égales par ailleurs » (2).
Par ailleurs, entre 2017 et 2020, la part de buveurs dépassant les repères n’a évolué significativement au sein d’aucun groupe défini par les niveaux de revenu, le niveau de diplôme ou la situation professionnelle (tableau 3).
par niveau de diplôme, niveau de revenu et situation professionnelle, en 2017 et 2020 en France métropolitaine
Perceptions des risques et envie de réduire sa consommation d’alcool
Parmi les 18-75 ans interrogés avant le confinement, la majorité (77%) situait à deux verres ou moins la limite à ne pas dépasser sur une journée pour limiter les risques pour la santé (figure 3). La répartition des réponses n’était pas significativement différente entre les personnes dépassant les repères de consommation et les autres. Par ailleurs, la majorité (56%) plaçait à cinq jours ou moins le nombre de jours de consommation par semaine à ne pas dépasser (figure 4). Néanmoins, 8% des personnes ne dépassant pas les repères et 17% des personnes les dépassant (p-value<0,001), estimaient qu’il n’y a pas de risque pour sa propre santé à consommer de manière quotidienne.
La majorité des 18-75 ans était également tout à fait d’accord ou plutôt d’accord avec la proposition « la consommation de boissons alcoolisées peut augmenter le risque de cancer » : 84% de ceux ne dépassant pas les repères de consommation et 80% de ceux les dépassant (différence non significative).
Enfin, parmi les 18-75 ans ayant consommé de l’alcool au cours des sept derniers jours (55% des 18-75 ans), 19% déclaraient vouloir réduire leur consommation d’alcool : 17% de ceux ne dépassant pas les repères de consommation et 23% de ceux les dépassant (différence non significative).
Discussion
Forces et limites
Les données utilisées dans cette étude proviennent du Baromètre santé de Santé publique France, étude de grande ampleur, reposant sur une méthodologie de sondage aléatoire et suivant un protocole d’appels destiné à maximiser les chances de chaque individu d’être joint et interrogé (insistance, argumentation). Ces éléments assurent la participation d’une population constituant un large spectre de profils dans l’enquête, afin de représenter au mieux l’ensemble des comportements des personnes résidant en France métropolitaine.
Une limite notable est le caractère déclaratif de ces données. En effet, les réponses sont possiblement soumises à plusieurs biais dont le biais de mémorisation (se souvenir précisément de sa consommation d’alcool par exemple) et le biais de désirabilité sociale (se présenter sous un jour plus favorable à l’enquêteur). Le premier peut s’avérer particulièrement marqué lorsque les questions portent sur des évènements lointains mais, dans le cas de notre étude, les indicateurs portent sur les consommations ayant eu lieu au cours des sept jours précédant l’interrogation, ce qui limite fortement ce biais. Quant au second, dépendant des représentations de la population sur l’alcool, il a possiblement peu varié entre 2017 et 2020 et permet ainsi des comparaisons temporelles à biais constant. Ces biais entraînant une sous-estimation des consommations d’alcool sont régulièrement soulignés dans la littérature et une des solutions proposées est l’utilisation des données de mise à disposition d’alcool (ventes d’alcool) dans un pays pour y mesurer la consommation à risque 12,13. Ces données ont l’avantage de ne pas souffrir d’un biais de sous-déclaration ; en revanche, étant par nature agrégées, elles ne permettent pas l’analyse détaillée des comportements ou celle des inégalités sociales, éléments clefs dans la construction des politiques de santé publique. Ces données ne s’opposent pas, mais sont complémentaires car n’apportant pas la même information.
Un autre biais affectant les enquêtes en population générale est la non-couverture de certaines populations vulnérables, telles que les personnes vivant dans une grande précarité, les sans-domicile... Or, ces populations pourraient avoir des comportements plus à risque, notamment concernant les consommations de substances psychoactives dont l’alcool. Des enquêtes spécifiques sont nécessaires pour atteindre ces populations et, dans l’idéal, il faudrait combiner différentes enquêtes ou sources de données afin d’obtenir des estimations portant sur l’ensemble de la population 14. L’avantage de la méthodologie adoptée pour les Baromètres santé de Santé publique France est la génération aléatoire de numéros de téléphone et notamment de téléphones portables, aujourd’hui très largement répandus en France (95% des plus de 12 ans en étaient équipés en 2019 15), permettant ainsi de toucher une très large part de la population adulte de France métropolitaine parlant le français.
Enfin, la majeure partie de nos analyses s’appuient sur l’indicateur binaire indiquant le dépassement des repères de consommations sans précision sur l’ampleur du dépassement. Par conséquent, parmi les personnes dépassant les repères, nous n’identifions pas ceux présentant des troubles de l’usage de l’alcool ou une forte dépendance.
Contexte 2020
Le terrain du Baromètre santé 2020 a été interrompu lors du premier confinement de mars, modifiant ainsi la période usuelle de recueil des données. Alors que ce dernier se déroule habituellement, et notamment en 2017, tout au long du premier semestre de l’année, aucune interview n’a été réalisée entre mi-mars et juin 2020. Les habitudes de consommation d’alcool sont susceptibles de fluctuer selon la période de l’année, notamment si on compare janvier-mars à juin-juillet, l’été étant une période propice aux consommations 16,17. Les indicateurs utilisés dans notre étude portant sur les sept derniers jours, ils sont donc potentiellement sujets à une saisonnalité et notamment un pic estival. Avec une part plus importante d’interviews réalisées pendant l’été, les estimations des indicateurs sur les sept derniers jours issus du Baromètre santé 2020 pourraient donc être « surestimées » par rapport à celles de 2017.
Les données distinguant le pré-confinement et le post-confinement de mars 2020 n’ont pas été présentées ici. Cela vient du fait qu’il aurait été impossible de distinguer l’impact potentiel du confinement de la saisonnalité propre aux indicateurs portant sur la consommation d’alcool au cours des sept derniers jours.
Les prochaines estimations hors contexte sanitaire et social exceptionnel seront ainsi nécessaires pour statuer sur le caractère très particulier des estimations réalisées en 2020.
Conclusion
Notre étude montre une stabilité des indicateurs de consommation d’alcool par rapport aux repères de consommation à moindre risque entre 2017 et 2020, avec environ le quart de la population qui déclare les dépasser (23,7%). Ces consommations excessives sont davantage le fait des hommes (33,2% d’entre eux) que des femmes (14,7%). Si le dépassement des repères est assez homogène en fonction de l’âge, les comportements en eux-mêmes sont différents avec les plus jeunes ayant une consommation moins fréquente mais en plus grande quantité que leurs aînés. En dehors de l’écart hommes-femmes, la consommation d’alcool au-delà des repères n’est pas très marquée socio-démographiquement. Certaines populations sont cependant plus à risque de dépasser les repères : les femmes ayant un diplôme élevé, les hommes au chômage et les personnes (hommes et femmes) ayant des revenus élevés. Ces résultats ont déjà été observés à partir des données de précédentes éditions du Baromètre Santé 18,19. Notons que certains de ces résultats suggèrent un gradient social inverse à ce que l’on observe pour le tabagisme notamment 20. Néanmoins, si ces populations sont plus à risque, elles ne représentent pas la majorité des consommateurs dépassant les repères. L’ensemble de ces données doit donc être pris en compte pour améliorer le ciblage des actions de prévention, tout en portant une attention particulière aux inégalités sociales de santé.
Les seuils perçus au-delà desquels la consommation d’alcool engendre des risques pour la santé correspondent globalement aux repères de consommation promus concernant le nombre de verres par jour, mais est inférieure pour le nombre de jours de consommation hebdomadaire. Par ailleurs, le lien entre alcool et risque de cancer semble bien identifié. Néanmoins, l’envie de réduire sa consommation concerne seulement 23% des consommateurs au-dessus des repères, suggérant des comportements très ancrés et une certaine mise à distance des risques vis-à-vis de leur propre consommation. Cette mise à distance du risque a par ailleurs été décrite dans d’autres études françaises 21,22.
Dans l’objectif de réduire les niveaux de consommation d’alcool, ces résultats soulignent le besoin de renforcer les actions de prévention notoirement efficaces, en particulier en ce qui concerne l’accessibilité (fiscalité, disponibilité) et la publicité en faveur de l’alcool 1,23,24. Il s’agit aussi de poursuivre le travail d’amélioration des connaissances des risques liés à sa propre consommation pour modifier les attitudes et motiver à la diminution des consommations d’alcool. Le travail de débanalisation de la consommation d’alcool est rendu à la fois indispensable et très difficile du fait de la puissance du marketing déployé par les industriels de l’alcool en France 1.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
publiquefrance.fr/les-actualites/2017/avis-d-experts-relatif-a-l-evolution-du-discours-public-en-matiere-de-consommation-d-alcool-en-france-organise-par-sante-publique-france-et-l-insti
publiquefrance.fr/etudes-et-enquetes/barometres-de-sante-publique-france
www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/barometres-de-sante-publique-france/barometre-sante-2020.
2016/7-8/2016_7-8_4.html
beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/8/2021_8_1.html
santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/enquetes-etudes/barometre-cancer-2015-alcool-et-cancer.-comportements-opinions-et-perceptions-des-risques
259232