Tentatives d’arrêt du tabac pendant l’opération Mois sans tabac (2016-2019) : résultats des Baromètres santé de Santé publique France

// Quit attempts during the Mois sans tabac campaigns (2016–2019): Results from the Santé publique France Health Barometers

Romain Guignard (romain.guignard@santepubliquefrance.fr), Arnaud Gautier, Raphaël Andler, Noémie Soullier, Viêt Nguyen-Thanh
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 29.06.2021 // Date of submission: 06.29.2021
Mots-clés : Tabagisme | Arrêt du tabac | Tentative d’arrêt | Marketing social | Évaluation d’effets
Keywords: Tobacco | Smoking cessation | Quit attempt | Social marketing | Effectiveness evaluation

Résumé

En octobre 2016, Santé publique France a lancé la première édition du dispositif Mois sans tabac, une campagne nationale basée sur les principes du marketing social. Inspirée de la campagne britannique Stoptober, elle est reconduite chaque année depuis. L’objectif principal de cette campagne est d’inciter les fumeurs à arrêter de fumer pendant 30 jours au mois de novembre. Elle s’appuie sur une campagne médiatique multimédia, des services d’aide à l’arrêt du tabac (site Internet, ligne téléphonique 3989, application, kit d’aide à l’arrêt…) et le déploiement d’actions de proximité pour augmenter la notoriété du dispositif et offrir des actions d’aide au sevrage en face-à-face.

L’évaluation des effets de cette intervention repose sur le Baromètre santé de Santé publique France, dispositif d’enquêtes répétées réalisées par téléphone auprès d’échantillons aléatoires de la population des personnes âgées de 18 à 75 ans et résidant en France. Au total, 12 477 fumeurs quotidiens au lancement d’une édition de Mois sans tabac sur la période 2016-2019 ont été inclus dans cette analyse. Le taux de tentatives d’arrêt au dernier trimestre chez ces fumeurs a augmenté de manière continue entre 2016 (15,9%) et 2019 (24,4%). Sur l’ensemble des fumeurs quotidiens au lancement de Mois sans tabac, le taux de tentatives d’arrêt directement attribuables à l’opération a augmenté de 2,9% en 2016 et 2017, à 4,8% en 2018, avant de se stabiliser en 2019 (4,3%). Sur l’ensemble de la période 2016-2019, environ 1,8 million de tentatives d’arrêt étaient attribuables à Mois sans tabac, soit plus du double du nombre d’inscriptions en ligne à l’opération (n=784 874). Cela signifie que l’impact de l’opération va au-delà des seuls inscrits en ligne et qu’il est utile de disposer d’un outil de suivi de ses effets sur les tentatives d’arrêt réalisées par les fumeurs en population générale. La hausse importante du nombre de tentatives d’arrêt observée entre 2017 et 2018 s’inscrit dans le cadre d’une large refonte des supports de communication, notamment la conception de nouveaux spots publicitaires diffusés à la télévision et une stratégie digitale renouvelée, associée à une hausse substantielle du budget d’achat d’espace publicitaire. Ces deux facteurs ont pu redonner de la visibilité et de l’intérêt à participer à l’opération pour les fumeurs.

Abstract

Launched in October 2016 by Santé publique France, the national public health agency, the Mois sans Tabac is an annual campaign based on social marketing principles. Inspired by the English equivalent Stoptober, this nationwide campaign sets smokers the objective of being smoke-free for the month of November. It is deployed using the mass-media, cessation help services (website, helpline, mobile app, quit kit, etc.) and local interventions to raise public awareness and offer face-to-face support.

The effectiveness evaluation for this intervention is based on the Health Barometer, an annual phone survey conducted by Santé publique France targeting a random sample 18–75 years old living in France. A total of 12,477 participants declaring themselves as daily smokers at the beginning of a Mois sans tabac held between 2016 and 2019 were included in this retrospective analysis. The rate of quit attempts during the last quarter of the year continuously increased between 2016 (15.9%) and 2019 (24.4%). The rate of quit attempts directly attributable to the Mois sans tabac increased from 2.9% of daily smokers in 2016 and 2017 to 4.8% in 2018, before stabilizing in 2019 (4.3%). During the overall period of 2016-2019, about 1.8 million quit attempts were attributable to the Mois sans tabac, i.e., more than twice the number of registrations recorded on the website (784,874). This means that the impact of the campaign reaches far beyond those who registered, showing the value of a monitoring tool based on general population surveys to evaluate effectiveness. The significant increase in quit attempts observed between 2017 and 2018 corresponds to major changes in communication content, including the design of new TV adverts and a renewed digital strategy, combined with a sharp increase in the budget for purchasing advertising space. These two factors may have encouraged participation through increased visibility and by stimulating new interest among smokers.

Introduction

En octobre 2016, Santé publique France a lancé la première édition du dispositif Mois sans tabac 1, opération qui, depuis, est reconduite chaque année. L’objectif de cette intervention est d’inciter les fumeurs à arrêter de fumer pendant 30 jours au mois de novembre. Le seuil de 30 jours correspond à une durée après laquelle les symptômes de sevrage tabagique sont considérablement réduits, multipliant par cinq les chances de succès définitif 2. Mois sans tabac associe une campagne nationale de communication dans les médias traditionnels (télévision, radio, presse, affiches…) et digitaux (Internet, réseaux sociaux), qui commence dès le mois d’octobre pour « recruter » des participants, et des actions de proximité. Ces dernières reposent sur la mise en place de partenariats nationaux et régionaux avec des établissements de santé, des organismes publics, des entreprises, des municipalités, des associations… 1 Il s’agit principalement d’actions de sensibilisation dans les lieux de vie ou de travail des personnes résidant en France (stands d’information, réunions, défis sportifs…), mais également d’actions visant à faciliter le sevrage tabagique comme la mise en place de consultations individuelles ou en groupe (1). Pour aider au déploiement de l’opération, des ambassadeurs régionaux, placés sous l’égide des Agences régionales de santé, sont mobilisés. Ils sont en charge de promouvoir l’intervention au niveau régional, de former et de soutenir méthodologiquement les porteurs de projet locaux et d’assurer un reporting de ces actions aux niveaux régional et national. Le dispositif d’aide à distance Tabac info service (ligne téléphonique 3989, site Internet et application mobile) est intégré à l’opération, avec la possibilité de s’inscrire en ligne. Une communication est adressée spécifiquement à l’ensemble des professionnels de santé qui peuvent ainsi saisir l’opportunité de la campagne pour inciter à l’arrêt du tabac et accompagner le sevrage tabagique de leurs patients fumeurs.

L’intervention s’inspire de la campagne britannique Stoptober, qui avait permis de déclencher 350 000 tentatives d’arrêt supplémentaires en octobre 2012 comparativement à la moyenne des mois d’octobre des années précédentes 3,4. Elle repose sur les principes du marketing social, la théorie de la contagion sociale 5 et la théorie de la motivation PRIME (planifications, réponses, impulsions, motivations et évaluations) 6. D’après Gallopel-Morvan et coll. 7, « le marketing social consiste à utiliser les techniques du marketing commercial dans l’objectif d’encourager les comportements favorables au bien-être et/ou à la santé des individus. Ces techniques reposent sur la connaissance des publics, la segmentation, le ciblage, la mise en place d’actions sur le terrain en lien avec des partenaires (services, accès, réduction des freins, communication) et l’évaluation du programme de prévention. »

En outre, d’après la théorie PRIME, le comportement adopté à un moment donné est le résultat de plusieurs types de motivations, allant des impulsions régies par des désirs, des émotions, jusqu’à des plans personnels fondés sur des évaluations profondément réfléchies. Ce système motivationnel est en instabilité permanente : il est le résultat de tensions entre ce qui peut conduire à reprendre une cigarette et ce qui peut aider à maintenir la tentative d’arrêt. Une campagne comme Mois sans tabac est donc destinée à multiplier par le plus grand nombre de canaux possibles (médias, actions de proximité, kits d’aide à l’arrêt, professionnels de santé, etc.) les incitations à l’arrêt du tabac. En agissant sur l’ensemble du système motivationnel, les chances d’adopter un nouveau comportement sont plus importantes.

L’opération Mois sans tabac fait l’objet d’évaluations de processus et d’effets 8,9. La variable principale définie a priori pour mesurer les effets de Mois sans tabac est la réalisation d’une tentative d’arrêt d’au moins 24 heures au dernier trimestre, parmi les fumeurs au moment du lancement de l’opération. Les résultats de l’évaluation des effets de l’édition 2016 ont déjà été publiés 10,11,12. L’objectif de cet article est de présenter l’évolution des tentatives d’arrêt au fil des éditions de Mois sans tabac 2016 à 2019.

Méthodes

Sources de données

Cette étude repose sur les données des Baromètres santé 2017 à 2020. Il s’agit d’enquêtes aléatoires sur les comportements et attitudes de santé, représentatives de la population des 18-75 ans (2017 et 2018) ou 18-85 ans (2019 et 2020) vivant en France métropolitaine, parlant le français et disposant d’une ligne téléphonique fixe ou mobile 13,14,15,16,17. Le recueil de données a été réalisé pour chaque édition par l’institut Ipsos entre janvier et juillet. En 2020, le terrain d’enquête a été interrompu pendant le premier confinement de la population lié à l’épidémie de Covid-19 16, et les questions relatives à Mois sans tabac n’ont été posées que dans la phase pré-confinement, soit entre janvier et mi-mars. Les taux de participation à l’enquête varient de 40,0% (2020 pré-confinement) à 55,6% (2018). Le nombre de personnes ayant participé aux enquêtes est de 25 319 en 2017, 9 074 en 2018, 10 532 en 2019 et 9 178 en 2020 pré-confinement. Pour cette étude, pour des raisons de comparabilité, seules les personnes âgées de 18 à 75 ans, tranche d’âge commune aux quatre enquêtes, ont été sélectionnées lors des analyses.

Les totaux de population ont été estimés à partir des données des bilans démographiques de l’Institut national de la statistique et des études économiques-Insee (populations au 1er janvier des années 2017 à 2020) 18. Le nombre d’inscriptions à chaque édition de Mois sans tabac correspond au nombre d’inscriptions sur le site officiel du dispositif (https://mois-sans-tabac.tabac-info-service.fr/).

Variables d’intérêt

La principale variable d’intérêt est la réalisation, par un fumeur quotidien au 1er octobre de l’année précédant l’enquête, d’une tentative d’arrêt d’au moins 24 heures au cours du dernier trimestre, recueillie de manière rétrospective. L’objectif premier de Mois sans tabac étant de déclencher une démarche d’arrêt, le seuil de 24 heures a été considéré, comme c’est le cas pour d’autres campagnes promouvant l’arrêt du tabac 19,20,21. Cette variable est calculée sur la base des fumeurs quotidiens au moment de l’enquête et des ex-fumeurs quotidiens ayant arrêté de fumer après le 1er octobre précédent (n=6 341 en 2017, n=2 170 en 2018, n=2 120 en 2019 et n=1 846 en 2020, soit un total de 12 477 individus interrogés). Elle correspond au fait d’avoir initié une tentative d’arrêt au cours du dernier trimestre de l’année précédente (pour les fumeurs quotidiens et les ex-fumeurs quotidiens ayant arrêté de fumer après cette période) ou d’avoir arrêté de fumer depuis cette période. À ceux qui déclaraient une tentative d’arrêt ou un arrêt du tabac au dernier trimestre de l’année précédente, il était demandé s’ils l’attribuaient à Mois sans tabac ou non.

Analyses statistiques

La proportion de fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt au dernier trimestre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 et la part des tentatives attribuées à Mois sans tabac ont été estimées avec leurs intervalles de confiance à 95% (IC95%), puis rapportées à la population de France métropolitaine.

Les estimations (proportions et totaux) ont été pondérées par l’inverse de la probabilité d’inclusion, qui prend en compte le nombre de lignes téléphoniques du répondant et le nombre de personnes éligibles dans le ménage (pour les entretiens sur ligne fixe), puis redressées sur la structure par sexe croisé avec âge, région, taille d’unité urbaine, taille du foyer et niveau de diplôme de la population résidant en France métropolitaine, issue de l’enquête emploi de l’Insee la plus récente au moment de la mise à disposition des bases de données.

Les comparaisons de pourcentages d’une année sur l’autre ont été testées au moyen du Chi2 d’indépendance de Pearson, avec correction du second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage 22.

Résultats

L’échantillon de fumeurs quotidiens au lancement de Mois sans tabac inclus dans l’étude comprend une légère majorité d’hommes (53,8% à 55,9% selon l’année). Leur âge moyen se situe entre 41,2 et 42,1 ans, et le nombre moyen de cigarettes fumées quotidiennement est compris entre 11,7 et 12,8 (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques des fumeurs quotidiens au lancement de Mois sans tabac inclus dans l’étude, selon l’année de l’opération
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Parmi les fumeurs au lancement de Mois sans tabac, le taux de tentatives d’arrêt au dernier trimestre a significativement augmenté entre 2016 et 2018, passant de 15,9%, IC95%: [14,8%-17,0%] à 22,5% [20,2%-24,7%], avant de se stabiliser en 2019 (24,4% [21,9%-26,8%]) (tableau 2). Cela correspond à un nombre de fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt au dernier trimestre compris entre 2 et 3 millions selon les années, chiffre en hausse sur la période d’étude (figure).

Tableau 2 : Évolution des tentatives d’arrêt (TA) au dernier trimestre des années 2016 à 2019, parmi les fumeurs quotidiens au lancement de Mois sans tabac, et nombre d’inscrits à Mois sans tabac
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Figure : Nombre de tentatives d’arrêt au dernier trimestre et nombre d’inscrits à Mois sans tabac sur la période 2016-2019
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Sur l’ensemble des fumeurs au lancement de Mois sans tabac, le taux de tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac a significativement augmenté entre 2017 (2,9% [2,0%-3,8%]) et 2018 (4,8% [3,4%-6,1%]), avant de se stabiliser en 2019 (4,3% [3,1%-5,4%]). En 2018 et 2019, cela correspond à plus de 500 000 tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac chaque année. Au sein des tentatives d’arrêt, la part attribuable à Mois sans tabac est relativement stable sur la période d’étude (minimum : 15,4% [11,0%-19,8%] en 2017 ; maximum : 21,2% [16,0%-26,3%] en 2018).

Notons que la hausse du nombre de tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac observée entre 2017 et 2018 se retrouve dans le nombre d’inscrits en ligne à l’opération (158 290 inscrits en 2017 et 242 579 en 2018), et que globalement les tendances des inscriptions suivent celles des tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac observées grâce au Baromètre santé.

Discussion

Les résultats présentés dans cet article décrivent l’évolution des tentatives d’arrêt réalisées par les fumeurs au dernier trimestre des années 2016 à 2019, à partir des données du Baromètre santé. Cette évolution est caractérisée par : 1) une hausse continue du nombre de tentatives d’arrêt réalisées pendant et autour de Mois sans tabac sur cette période ; 2) une hausse du nombre de tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac entre 2017 et 2018 ; 3) des tendances qui suivent celles observées à partir du nombre d’inscrits en ligne à l’opération. Ainsi, chaque année, le nombre de tentatives d’arrêt attribuables à Mois sans tabac correspond à plus du double du nombre d’inscrits. Cela signifie que l’impact de l’opération va au-delà des seuls inscrits en ligne et qu’il est utile de disposer d’un outil de suivi de ses effets sur les tentatives d’arrêt réalisées par les fumeurs en population générale.

La hausse importante du nombre de tentatives d’arrêt observée entre 2017 et 2018 s’inscrit dans le cadre d’une large refonte des supports de communication produits pour l’opération, et notamment la conception de nouveaux spots publicitaires diffusés à la télévision et une stratégie digitale renouvelée. Cette refonte a pu redonner de la visibilité et de l’intérêt à participer à l’opération pour les fumeurs. Une nouvelle refonte a eu lieu en 2020 : les résultats des prochains Baromètres santé permettront de documenter d’éventuelles variations des indicateurs d’effets, même si le contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19 a pu vraisemblablement pénaliser l’opération (seules 126 568 inscriptions ont été enregistrées en 2020). Le nombre de personnes exposées à la campagne et le nombre d’expositions pour chacune d’entre elles, proportionnels au budget d’achat d’espace publicitaire investi, peuvent aussi expliquer ces évolutions ; en effet, le montant d’achat d’espace dédié à l’opération Mois sans tabac a augmenté de façon importante entre 2017 et 2018. L’évaluation de la campagne Stoptober sur la période 2012 à 2017 a également montré que l’efficacité de la campagne était étroitement liée au budget investi 23.

Le nombre de fumeurs interrogés dans les Baromètres santé 2018 à 2020 ne permet pas de caractériser précisément ceux ayant fait une tentative d’arrêt liée à Mois sans tabac pour les campagnes 2017 à 2019. Néanmoins, l’analyse réalisée à partir du Baromètre santé 2017 montre peu de différences selon le niveau socioéconomique, l’intervention parvenant donc à toucher les différentes catégories sociales de façon relativement homogène 10.

Parmi les limites de cette étude, un biais de mémoire est possible, lié au caractère rétrospectif de l’étude. Par ailleurs, l’estimation du nombre de tentatives d’arrêt liées à Mois sans tabac présentée dans cet article est basée sur les déclarations des répondants et renvoie donc à leur subjectivité. Néanmoins, la taille d’effet observée dans l’analyse exposés/non-exposés pour l’édition 2016 de l’opération (odds-ratio ajusté=1,3 [1,1-1,6] pour le lien entre exposition déclarée à la campagne et tentative d’arrêt au dernier trimestre 2016) était cohérente avec l’estimation faite à partir des déclarations des répondants 11. Les effets indirects des campagnes, liés par exemple aux changements de normes vis-à-vis du tabagisme ou aux changements de pratiques des professionnels de santé, sont plus délicats à mesurer.

L’opération Mois sans tabac s’inscrit dans le cadre plus large de programmes nationaux de lutte contre le tabagisme 24,25, comprenant également des mesures réglementaires qui ont pu concourir, de manière plus ou moins intense, au changement de comportement : élargissement de la liste des prescripteurs et changements dans les modalités de remboursement des substituts nicotiniques à partir de 2016, obligation de vente de paquets neutres (standardisés) à partir de janvier 2017, hausse progressive de la taxation des produits du tabac à partir de 2017 (février 2017 pour le tabac à rouler, novembre 2017 pour les cigarettes manufacturées)… Notons néanmoins qu’au moment de la première édition de l’opération en 2016, parmi ces mesures, seuls l’élargissement de la liste des prescripteurs de substituts nicotiniques autorisés (en janvier 2016) et le passage de 50 euros à 150 euros du forfait annuel de remboursement de ces traitements (en novembre 2016) étaient effectifs (depuis le 1er janvier 2019, ces traitements sont remboursés à 65% par l’Assurance maladie et le forfait n’existe plus). Ainsi, les résultats observés pour 2016 au moins sont vraisemblablement liés à l’opération elle-même 12.

Cette analyse présente plusieurs forces. Elle est basée sur de larges échantillons représentatifs de la population résidant en France, avec des taux de participation du même ordre que celui observé dans les enquêtes de référence comme l’enquête américaine Behavioral Risk Factor Surveillance System Survey (BRFSS) 26. Par ailleurs, le fait de considérer les tentatives d’arrêt sur l’ensemble du dernier trimestre atténue certains biais liés au calendrier de l’opération.

L’opération Mois sans tabac, menée au dernier trimestre de chaque année depuis 2016, a pour objectif d’entraîner les fumeurs dans une démarche d’arrêt, en les incitant à réaliser une tentative d’arrêt en novembre. Les données des enquêtes Baromètres santé montrent que le nombre de fumeurs ayant été motivés à arrêter par ce biais est en augmentation depuis la première édition ; les éditions 2018 et 2019 auraient suscité environ 500 000 tentatives d’arrêt chacune. Ces résultats suggèrent également l’impact du budget d’achat d’espace publicitaire investi sur la performance du dispositif, évalué ici par le nombre d’inscriptions et le nombre de tentatives d’arrêt du tabac générées par l’opération. Les données des prochaines éditions du Baromètre santé permettront de compléter le suivi des indicateurs d’évaluation de cette importante opération de santé publique, qui mobilise chaque année depuis 2016 de très nombreux acteurs institutionnels, associatifs, scientifiques ainsi que de nombreux professionnels de santé.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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24 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019. Paris: ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes; 2015. 55 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNRT2014-2019.pdf
25 Ministère des Solidarités et de la Santé, ministère de l’Action et des Comptes publics. Programme national de lutte contre le tabac 2018-2022 PNLT). Paris: 2018. 39 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/lutte-contre-le-tabagisme
26 Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Behavioral risk factor surveillance system. 2019 Summary Data Quality Report. 2020. 26 p. https://www.cdc.gov/brfss/annual_data/2019/pdf/2019-sdqr-508.pdf

Citer cet article

Guignard R, Gautier A, Andler R, Soullier N, Nguyen-Thanh V. Tentatives d’arrêt du tabac pendant l’opération Mois sans tabac (2016-2019) : résultats des Baromètres santé de Santé publique France. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(16):284-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/16/2021_16_1.html

(1) Pour une description et des exemples concrets d’actions mises en œuvre au niveau régional, voir l’article « Bilan des actions régionales autour de Mois sans tabac 2018 » dans les Bulletins de santé publique régionaux publiés en février 2021 : https://www.santepubliquefrance.fr/
les-actualites/2021/tabac-en-france-premieres-estimations-regionales-de-mortalite-attribuable-au-tabagisme-en-2015