Perception des maladies cardiovasculaires et connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires en France : Baromètre de Santé publique France 2019

// Perception of cardiovascular diseases and knowledge of cardiovascular risk factors in 2019 in the French adult population: Santé publique France Health Barometer 2019

Clémence Grave (clemence.grave@santepubliquefrance.fr), Marie Houot, Arnaud Gautier, Noémie Soullier,
Jean-Baptiste Richard, Valérie Olié, Amélie Gabet
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 04.06.2020 // Date of submission: 06.04.2020
Mots-clés : Maladie cardiovasculaire | Facteur de risque cardiovasculaire | Connaissance | Baromètre santé
Keywords: Cardiovascular disease | Cardiovascular risk factor | Knowledge | Health Barometer

Résumé

Introduction –

Les maladies cardiovasculaires (MCV) et l’accident vasculaire cérébral (AVC) sont responsables de plus de 140 000 décès chaque année en France. Peu d’études ont récemment décrit la perception de la population française vis-à-vis de ces pathologies et la connaissance de leurs facteurs de risque. L’objectif de cette étude était de décrire la perception des maladies cardiovasculaires et la connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires (FDRCV) par la population française, et d’étudier les déterminants associés à la méconnaissance des principaux FDRCV en France.

Méthodes –

Les données du Baromètre de Santé publique France 2019 ont été utilisées. Dans cet article, les analyses ont porté sur les 5 074 personnes, âgées de 18 à 85 ans, résidant en France métropolitaine, qui ont répondu aux questions sur les MCV et l’AVC. Les analyses ont été pondérées afin de prendre en compte le poids de sondage et la structure de la population française.

Résultats –

Dans notre étude, 53% des personnes ont déclaré craindre l’AVC, 45% l’infarctus du myocarde et 40% pensaient être à risque de MCV ou d’AVC. Parmi ces personnes se pensant à risque cardiovasculaire, 57% en ont parlé à un professionnel de santé. Ce sentiment d’être soi-même à risque était rapporté plus fréquemment par les personnes ayant une hypertension artérielle (HTA) connue, les fumeurs et ex-fumeurs, et donc à risque de MCV ou d’AVC. L’hypertension, le tabac et l’obésité étaient cités comme FDRCV par plus de 90% des personnes. Le diabète n’était pointé que par 70% des personnes interrogées. La connaissance simultanée des quatre principaux FDRCV (HTA, tabac, diabète, hypercholestérolémie) était rapportée par 61% de la population. Être âgé de moins de 45 ans, être célibataire, résider en ville, ne pas avoir le baccalauréat, ne pas avoir suivi de formation aux gestes de premiers secours et ne pas se sentir à risque de MCV ou d’AVC étaient indépendamment associés à la méconnaissance des quatre principaux FDRCV.

Conclusion –

En 2019, près de la moitié des Français déclaraient craindre une MCV ou un AVC. La connaissance des facteurs de risque de ces pathologies dans la population s’est largement améliorée en 20 ans et atteint aujourd’hui des niveaux élevés, bien que cela reste variable selon le facteur de risque d’intérêt et selon certaines caractéristiques sociodémographiques. Ces résultats sont à intégrer dans une approche globale de prévention des facteurs de risque cardiovasculaires dans la perspective d’une modification des comportements.

Abstract

Introduction –

Cardiovascular diseases (CVD) and stroke are the leading causes of more than 140,000 deaths each year in France. Few studies have recently described the French population’s perception of these diseases and knowledge of their risk factors. The aim of this study was to describe the perception of cardiovascular disease and knowledge of cardiovascular risk factors, and to evaluate the determinants associated with the lack of knowledge of the main cardiovascular risk factors in France.

Methods –

This study used data from the 2019 Health Barometer of Santé publique France. In this article, the analyses focused on the 5,074 individuals, aged 18 to 85, living in metropolitan France, who answered the questions on cardiovascular diseases and strokes. Analyses were weighted to represent the French population.

Results –

In our study, 53% of individuals reported fearing stroke, 45% fearing myocardial infarction, and 40% thought they were at risk of CVD or stroke. Of these people who thought they were at risk of CVD, 57% discussed it with a health care professional. This feeling of being at risk was reported more frequently by individuals who were aware of their hypertension, smokers and ex-smokers, and therefore at risk of CVD or stroke. Hypertension, smoking and obesity were cited as cardiovascular risk factors by more than 90% of people. Diabetes was cited by only 70% of people. Simultaneous knowledge of the four main cardiovascular risk factors (hypertension, tobacco, diabetes, cholesterol) was reported by 61% of the population. A young age (<45 years), being single, living in the city, with a low education level, without first aid training, and not feeling at personal risk of CVD or stroke were independently associated with lack of knowledge of the 4 major cardiovascular risk factors.

Conclusion –

In 2019, nearly half of French people reported fearing CVD or stroke. Knowledge of the risk factors for these diseases in the population has greatly improved in 20 years and now reaches high levels, although it remains not equal, depending on the risk factor and on sociodemographic characteristics. These results should be integrated into a comprehensive approach to the prevention of cardiovascular risk factors in order to enable behavioral changes.

Introduction

Les maladies cardiovasculaires (MCV) et l’accident vasculaire cérébral (AVC) représentent un enjeu de santé publique important en France puisqu’ils sont responsables de plus d’1 million hospitalisations et de plus de 140 000 décès chaque année (1). Ils représentent ainsi la deuxième cause de mortalité derrière les cancers. En dehors de l’âge, du sexe et des antécédents familiaux, les principaux facteurs de risque cardiovasculaires, parmi lesquels le tabac, l’hypertension artérielle (HTA), le diabète, l’hypercholestérolémie, l’obésité, la mauvaise alimentation l’inactivité physique 1,2,3, sont tous considérés comme modifiables. Ainsi, une partie significative des évènements cardiovasculaires pourrait être évitée par une meilleure prévention et par la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires dans la population. Si de nombreuses études et enquêtes épidémiologiques permettent d’estimer le fardeau de ces maladies et de leurs facteurs de risque dans la population française, peu d’études ont récemment décrit la perception de la population française vis-à-vis de ces pathologies et la connaissance de leurs facteurs de risque.

Le Baromètre santé est une enquête réalisée périodiquement par Santé publique France, dont l’objectif est de mieux connaître et comprendre les attitudes et comportements de santé des Français pour orienter les politiques de prévention et d’information de la population. En 2019, cette enquête a intégré un module spécifique sur les maladies cardiovasculaires. Ainsi, à partir de ces données, cet article a pour objectif de décrire la perception des Français vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, d’évaluer la connaissance des facteurs de risque de ces maladies et d’étudier les déterminants de cette connaissance.

Méthodes

Cette étude a été réalisée à partir des données du Baromètre santé de Santé publique France 2019. La méthode d’enquête repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Sur téléphone fixe, une personne par foyer a été sélectionnée pour participer à l’enquête (sondage à deux degrés) ; sur téléphone mobile, la personne qui décroche a été sélectionnée pour participer à l’enquête. L’enquête a été menée par l’Institut Ipsos, entre le 9 janvier et le 29 juin 2019, auprès de 10 352 personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français. Le taux de participation révisé était de 50,8%. Une partie des participants sélectionnés de façon aléatoire (n=5 074) a été interrogée, pour la première fois dans les baromètres santé, sur les maladies cardiovasculaires.

La perception des maladies cardiovasculaires a été abordée par les questions suivantes : « Je vais vous citer différents risques et maladies, dites-moi si vous les craignez, pour vous-même… ». Étaient alors cités dans un ordre aléatoire : le cancer, le diabète, l’AVC, l’infarctus du myocarde (IDM), la maladie d’Alzheimer, les nouvelles épidémies (SRAS, Ebola…). La question suivante était ensuite formulée : « Vous personnellement, pensez-vous être à risque d’avoir une maladie cardiovasculaire ou un accident vasculaire cérébral ? ».

La connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires a été estimée à partir de la question suivante : « Je vais vous citer plusieurs facteurs. Dites-moi si d’après vous ils sont associés au risque d’avoir une maladie cardiovasculaire ou un AVC. ». Les facteurs suivants étaient ensuite listés dans un ordre aléatoire : « Le stress », « Le tabac », « L’hypertension artérielle », « Le cholestérol », « L’inactivité physique », « Le diabète », « La pollution », « La consommation d’alcool », et « L’obésité ». La prévalence de la connaissance de chaque facteur de risque cardiovasculaire a été estimée dans la population générale, puis selon l’âge et le sexe. La connaissance des principaux facteurs de risque cardiovasculaires a été définie par la connaissance simultanée des quatre facteurs suivants : l’hypertension, le diabète, le tabac, l’hypercholestérolémie, ces facteurs ayant la plus grande part de risque attribuable dans la survenue des maladies cardiovasculaires et de l’AVC 1,2,3.

Les caractéristiques sociodémographiques et médicales, renseignées dans le questionnaire et décrites dans cette étude sont : le sexe, l’âge, le niveau d’étude, la situation du ménage (en couple, célibataire, autre), la taille de l’agglomération (le milieu rural étant composé par les communes n’appartenant à aucune unité urbaine, tel que défini par l’Insee), la formation aux premiers secours, le statut tabagique, les antécédents d’AVC ou d’hypertension artérielle, la crainte de la maladie et la perception du risque personnel cardiovasculaire.

Les données ont été pondérées par le poids de sondage puis redressées grâce à l’Enquête emploi 2018 de l’Insee, par calage sur marges des variables suivantes : sexe croisé avec âge en tranches décennales, région, taille d’unité urbaine, fait de vivre seul. La comparaison des variables qualitatives a été faite par le test du Chi2 ou Fisher quand cela était nécessaire, et par le test t de Student pour les variables quantitatives. Une régression logistique multivariée a été effectuée pour identifier les facteurs associés à la non-connaissance des quatre principaux facteurs de risque cardiovasculaires. Les interactions ont été testées. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® version 14.

Résultats

En 2019, 5 074 personnes ont répondu aux questions concernant les maladies cardiovasculaires du Baromètre de Santé publique France. On observait que 53,0% de la population déclarait craindre l’AVC et 45,5% l’IDM ; contre 64,4% pour le cancer, 49,5% pour la maladie d’Alzheimer et 24,5% pour les nouvelles épidémies émergentes (tableau 1). La crainte de l’IDM ou de l’AVC était plus fréquemment rapportée par les femmes, par les personnes de plus de 45 ans et par les personnes de faible niveau de diplôme. Concernant le risque personnel de développer une maladie, 40,2% de la population pensait être à risque de maladie cardiovasculaire ou d’AVC. Ce sentiment était plus fréquent chez les femmes (41,2%), avec l’avancée en âge (44,2% des 45-64 ans, et 48,1% des plus de 65 ans contre 32,7% des moins de 45 ans) et chez les personnes les moins diplômées (43% des hommes et 46% des femmes ayant un niveau de diplôme inférieur au bac). Parmi les personnes ayant déclaré se sentir à risque, seulement 57,2% en ont parlé à un professionnel de santé. L’interlocuteur privilégié pour évoquer ce risque est le médecin traitant (71,6% des personnes ayant évoqué le risque avec un professionnel de santé). Le cardiologue était également un interlocuteur privilégié pour les personnes de 65 ans et plus (tableau 1).

Tableau 1 : Description de la perception du risque cardiovasculaire en population générale. Baromètre de Santé publique France 2019, France métropolitaine
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Concernant l’exposition au risque cardiovasculaire, on retrouvait une prévalence de l’HTA déclarée de 17,6% et un antécédent personnel d’AVC de 2,2%. De plus, 37% de la population avait un proche ayant eu un AVC. Dans cette population plus exposée aux maladies cardiovasculaires, la proportion de personnes se pensant à risque de maladies cardiovasculaires ou d’AVC était significativement plus élevée (64,8% chez les hypertendus, 85,8% chez ceux ayant un antécédent d’AVC, 48,7% chez ceux qui ont un proche ayant eu un AVC). La proportion de personnes se sentant à risque de maladies cardiovasculaires ou d’AVC était plus élevée chez les fumeurs (48,7%) et chez les ex-fumeurs (41,2%) que chez les non-fumeurs (32,9%).

Le facteur de risque cardiovasculaire le mieux identifié par la population adulte française était le tabagisme avec 92,6% identifiant ce comportement comme associé à une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire ou d’AVC. La connaissance des autres facteurs de risque cardiovasculaires était élevée avec l’HTA et l’obésité, connus par plus de 90% de la population, l’hypercholestérolémie par 83,3%, l’inactivité physique par 80,2%. Le diabète était cité par 71,8% comme un facteur de risque cardiovasculaire (figure).

Figure : Connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires dans la population française. Baromètre de Santé publique France 2019 (n=5 074)
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La connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires était plus faible chez les hommes, chez les personnes de moins de 45 ans et chez les personnes ayant un faible niveau de diplôme (excepté pour la pollution). La proportion de personnes identifiant le tabac, l’HTA et l’hypercholestérolémie comme des facteurs de risque cardiovasculaires était plus élevée chez les personnes âgées de 45-64 ans que chez les moins de 45 ans et les plus de 65 ans, alors que la connaissance du diabète augmentait avec l’âge (figure).

La proportion de la population ne connaissant pas les quatre principaux facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, HTA, hypercholestérolémie et diabète) était de 39,0% (43,2% chez les moins de 45 ans, 34,9% chez les 45-64 ans, 37,3% chez les plus de 65 ans). Les déterminants associés significativement et indépendamment à la méconnaissance des quatre principaux facteurs de risque cardiovasculaires était l’âge jeune (<45 ans), un niveau d’étude inférieur au bac, être célibataire, résider en zone urbaine, l’absence de formation aux gestes de premiers secours et déclarer ne pas se sentir à risque de maladies cardiovasculaires ou d’AVC (tableau 2).

Tableau 2 : Déterminants de la connaissance des 4 principaux FDRCV. Baromètre de Santé publique France 2019, France métropolitaine
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Discussion

Cette étude a permis d’objectiver la perception et les connaissances de la population française vis-à-vis des maladies cardiovasculaires et de leurs facteurs de risque. Ainsi, en 2019, près de la moitié de la population française craignait l’AVC ou l’IDM et près de 40% des personnes interrogées se pensaient personnellement à risque pour ces pathologies. Les quatre principaux facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, HTA, diabète, hypercholestérolémie) n’étaient pas simultanément identifiés chez 39% de la population. Cependant, pris isolément, l’HTA, l’hypercholestérolémie et le tabac étaient repérés comme facteurs de risque cardiovasculaires par plus de 80% des personnes de l’étude et par 72% pour le diabète. L’âge inférieur à 45 ans, un faible niveau de diplôme, être célibataire, vivre dans un milieu urbain, ou l’absence de formation aux gestes de premiers secours étaient associés à une moins bonne connaissance de ces quatre facteurs de risque cardiovasculaires.

Bien qu’elle régresse, la mortalité cardiovasculaire reste la seconde cause de mortalité en France. La crainte des Français vis-à-vis des maladies cardiovasculaires et de l’AVC est en légère augmentation depuis 2010, où elle avoisinait les 40% chez les 55-85 ans 4,5. Cette augmentation pourrait s’expliquer, en partie, par une meilleure connaissance des pathologies cardiovasculaires et de leur poids en France.

En 2019, les Français craignaient davantage l’AVC que l’IDM, probablement en raison de séquelles importantes, plus visibles et handicapantes pour l’AVC. Une crainte supérieure est déclarée par les femmes, les personnes de plus de 65 ans et les personnes de plus faible niveau économique. Alors que le lien entre sexe et crainte des maladies cardiovasculaires n’avait pas été retrouvé de manière significative en 2010, les liens avec l’âge ainsi que le faible niveau de diplôme avaient été mis en évidence 4. Cette crainte plus importante chez les personnes de faible niveau d’éducation pourrait être liée à une moindre connaissance des facteurs de risque de ces maladies, des traitements existants et des conséquences possibles de ces maladies.

La perception d’un risque personnel de maladies cardiovasculaires ou d’AVC était supérieure chez les femmes, les personnes les plus âgées et les moins diplômées. De plus, chez les personnes présentant une HTA ou étant fumeur ou ex-fumeur, la perception de son propre risque était également plus importante 6. Ce résultat est à mettre en regard de la bonne connaissance globale des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires retrouvée dans la population.

L’évaluation de la connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires dans cette étude montrait un bon niveau de connaissance de la population. Une part importante de la population interrogée (61%) a su reconnaître les quatre principaux facteurs de risque cardiovasculaires. Une étude européenne avec un échantillon de données françaises menée dans les années 2000 rapportait que le tabac, l’HTA, l’hypercholestérolémie et le diabète étaient rapportés comme facteurs de risque cardiovasculaires par respectivement, 73%, 55%, 50% et 16% de l’échantillon 7. Ainsi, en vingt ans, la connaissance des facteurs de risque s’est largement accrue dans la population française, notamment pour le diabète, même s’il persiste une marge de progression pour ce facteur. De même, ces améliorations ont également été observées dans des études américaines, où, en 2009, la population connaissait, en moyenne, cinq facteurs de risque cardiovasculaires 8,9,10.

La bonne connaissance des facteurs de risque est nécessaire pour permettre aux personnes d’avoir une meilleure perception de leur risque réel. Plusieurs études ont montré que la connaissance de son propre risque cardiovasculaire est insuffisante 11,12,13. Cela est d’autant plus marqué que la plupart des facteurs de risque cardiovasculaires sont asymptomatiques, parfois non connus et rendent ainsi plus difficile la perception d’un danger vis-à-vis de sa propre santé. Pour l’hypertension artérielle, l’étude Esteban a, par exemple, montré qu’une personne hypertendue sur deux ignore son HTA 14. De même, une proportion importante de patients ignorent leur hypercholestérolémie 5,15. Néanmoins, la connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires peut permettre d’améliorer la compréhension de ces maladies et inciter les personnes à se questionner sur leur propre risque, même si elle ne paraît pas suffisante pour modifier les comportements à risque 8,16,17. Le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaires (hypercholestérolémie, diabète, hypertension artérielle) ainsi que l’explication par les professionnels de santé du risque cardiovasculaire associé à ces maladies silencieuses sont essentiels. Cela peut passer par les médecins généralistes ou spécialistes (cardiologue, endocrinologue, etc.) mais le manque de temps de consultation est une limite à ces démarches de promotion de la santé 18. Du temps dédié en consultation ainsi que des collaborations avec d’autres professionnels de santé (pharmaciens, infirmiers, diététiciens…) peuvent être utiles dans ce but afin d’accroître l’adhésion au dépistage de ces facteurs de risque et de leur prise en charge et ainsi augmenter l’efficacité des mesures de prévention des maladies cardiovasculaires et de l’AVC 18,19,20.

Néanmoins, ces bons résultats sur la connaissance ne doivent pas faire oublier que, même si celle-ci constitue une première étape importante dans une démarche de modification des comportements 21,22,23, elle n’est pas suffisante 5. En témoigne la prévalence dans la population de ces facteurs de risque qui reste à un niveau très élevé malgré la baisse récente du tabagisme dans la population 24 et malgré l’amélioration de la connaissance de ces facteurs de risque.

L’étude des caractéristiques des personnes connaissant les facteurs de risque cardiovasculaires a mis en évidence que les personnes ayant été victimes de maladies cardiovasculaires, celles qui se sentent à risque ou celles qui présentent des facteurs de risque cardiovasculaires, ainsi que les personnes formées aux premiers secours, sont plus sensibilisées à la connaissance de ces facteurs, en cohérence avec d’autres études plus anciennes sur le sujet 6,9. La meilleure connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires chez les ex-fumeurs pourrait s’expliquer par le fait que la sensibilisation aux facteurs de risque cardiovasculaires peut avoir été un des éléments incitatifs à l’arrêt du tabac. Ainsi, l’aide au sevrage tabagique et à la sensibilisation des risques liés au tabagisme doit être maintenue et renforcée puisqu’elle pourrait profiter à la connaissance de l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires.

Dans notre étude, nous n’avons pas retrouvé de différence de connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires en fonction du sexe. Cependant, nous avons relevé une plus grande proportion de femmes qui se pensaient être à risque de maladies cardiovasculaires que d’hommes, mais moins de femmes qui en avaient parlé à un professionnel de santé. Ce point mérite une attention particulière puisque l’incidence de certaines maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde) augmente chez les femmes jeunes 25.

Enfin, les personnes de moins de 45 ans et celles avec un faible niveau de diplôme ont une moins bonne connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires. L’association entre un niveau d’éducation faible et la non-connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires a été bien décrite dans la littérature 10,26,27,28. Cette moins bonne connaissance des facteurs de risque cardiovasculaires des populations les plus précaires demeure un enjeu essentiel de santé publique, d’autant que ces populations sont souvent plus exposées à ces facteurs de risque. En revanche, l’association entre un jeune âge et une moins bonne connaissance est variable selon les études 27. Ces résultats soulignent la nécessité de message de prévention adaptée à ces populations jeunes ou moins diplômées.

Forces et limites

Le design du Baromètre de Santé publique France 2019 permet d’avoir un échantillon représentatif de la population française et de taille relativement importante. Bien que le taux de participation à l’étude ait été en 2019 de 50,8%, l’échantillonnage aléatoire et le redressement pour tenir compte de la non-réponse sur certaines variables sociodémographiques (sexe, âge, région, taille d’unité urbaine, taille du foyer et niveau de diplôme) ont permis d’être comparable à la population en France métropolitaine. Il peut néanmoins persister un biais de sélection dû à l’impossibilité de redresser les données sur l’état de santé de la population. Enfin, on ne peut exclure un biais de réponse lié au caractère déclaratif de l’enquête.

Néanmoins, pour la première fois, un module sur la connaissance des maladies cardiovasculaires et de l’AVC et de leurs facteurs de risque a été intégré dans cette enquête nationale, ce qui en fait un outil unique en France.

Conclusion

En 2019, près de la moitié des Français déclaraient craindre une maladie cardiovasculaire ou un AVC. La connaissance des facteurs de risque de ces pathologies dans la population s’est largement améliorée depuis les années 2000 et atteint aujourd’hui des niveaux élevés. Cette bonne connaissance de la population des facteurs de risque doit être mise à profit pour le développement d’une approche globale de prévention des facteurs de risque cardiovasculaires dans la perspective d’une modification des comportements à risque et d’une diminution du fardeau de ces pathologies dans la population française.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

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Citer cet article

Grave C, Houot M, Gautier A, Soullier N, Richard JB, Gabet A, et al. Perception des maladies cardiovasculaires
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