Lutte contre la tuberculose en Guyane : une priorité de santé publique. Données de la surveillance 2005-2017

// Tuberculosis control in French Guyana: a public health priority. Monitoring data, 2005-2017

Tiphanie Succo1 (tiphanie.succo@santepubliquefrance.fr), Cyril Rousseau1, Jean-Paul Guthmann2
1 Santé publique France Guyane, Cayenne, France
2 Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 24.06.2019 // Date of submission : 06.24.2019
Mots-clés : Tuberculose | Guyane | Surveillance | Issues de traitement
Keywords: Tuberculosis | French Guyana | Monitoring | Tuberculosis treatment outcomes

Résumé

La surveillance de la tuberculose en France repose sur la déclaration obligatoire des cas de tuberculose maladie et des issues de traitement 12 mois après la mise sous traitement. La Guyane fait partie des trois régions françaises où le taux de déclaration des cas de tuberculose maladie est le plus élevé, avec Mayotte et l’Île-de-France. En 2017, il s’élevait à 32,5 cas pour 100 000 habitants et les cas se concentraient principalement sur Cayenne et ses alentours. Comme en métropole, la situation épidémiologique reflète en grande partie les migrations récentes et les incidences des pays d’origine. En Guyane, en 2016-2017, la majeure partie des cas étaient ainsi originaires d’Haïti où l’instabilité politique, les catastrophes naturelles et la pauvreté favorisent les migrations et la circulation du bacille ; le pays enregistre la plus forte incidence des Amériques. La grande majorité des diagnostics avaient été effectués via un recours direct au système de soins, ce qui plaide pour un renforcement des actions ciblées de dépistage dans ces populations à risque. Par ailleurs, la proportion de malades qui avait achevé leur traitement restait inférieure aux objectifs et n’a pas évolué entre 2012 et 2016, alors qu’un traitement rapide et complet constitue un élément majeur de la lutte antituberculeuse.

Abstract

Tuberculosis surveillance in France is based on mandatory reporting of tuberculosis disease cases and treatment outcomes 12 months after treatment initiation. French Guyana is one of the three French regions where the reporting rate of tuberculosis disease cases is highest, with Mayotte and the Ile de France region. In 2017, notification rate was 32.5 cases per 100,000 inhabitants and cases were mainly concentrated in the city of Cayenne and its surroundings. As in mainland France, epidemiological situation reflects recent migration and the incidences of countries from which the cases originate. In French Guyana in 2016-17, the majority of cases came from Haiti where political instability, natural disasters and poverty favor migration and circulation of bacilli; the country has the highest incidence of the Americas. Most diagnoses were made through a direct recourse to the health care system, which calls for a strengthening of the targeted screening actions in these at-risk populations. In addition, the proportion of patients who complete treatment remained below target and has not changed between 2012 and 2016, while a rapid and comprehensive treatment is a major component of tuberculosis control.

Introduction

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la tuberculose fait partie des dix premières causes de mortalité dans le monde (1,7 millions de décès en 2016) et 7 pays enregistrent 64% des cas (Inde, Indonésie, Chine, Philippines, Nigéria, Pakistan, Afrique du Sud) 1. La France est considérée comme un pays de faible incidence, avec cependant une persistance de disparités territoriales et populationnelles. La maladie touche principalement les populations en situation de précarité et les migrants en provenance de régions où les prévalences de tuberculose sont élevées. Avec l’Île-de-France et Mayotte, la Guyane fait partie des régions enregistrant les plus importants taux de déclaration et dans lesquelles la vaccination par le BCG est toujours recommandée pour tous les enfants 2,3. Sur la période qui précède celle de l’analyse actuelle, les données disponibles montrent des taux de déclaration élevés et très supérieurs à la moyenne nationale, de 68,8 cas pour 100 000 habitants en 1993 (contre 16,4 en métropole), 14,7 cas pour 100 000 en 1997 (contre 11,5 en métropole), 38,2 cas pour 100 000 en 2001 (contre 10,8 en métropole) et 26,4 cas pour 100 000 en 2004 (contre 9,0 en métropole) 4,5.

En France, la lutte contre la tuberculose repose principalement sur le dépistage précoce des cas et leur traitement rapide et complet ainsi que sur le BCG, qui prévient principalement la survenue de cas sévères 6. La mise en œuvre des politiques et de la stratégie de lutte contre la tuberculose est assurée par les Agences régionales de santé (ARS) qui s’appuient sur un réseau de centres de lutte antituberculeuse (Clat) chargés de sa mise en œuvre opérationnelle au niveau départemental.

La surveillance épidémiologique de la tuberculose maladie est assurée par Santé publique France et repose sur la déclaration obligatoire (DO) mise en place en 1964. Depuis 2007, cette surveillance est complétée par la collecte de l’issue de traitement évaluée à 12 mois pour chaque cas de tuberculose maladie déclaré. La proportion de cas ayant complété leur traitement (« pourcentage de traitement achevé ») est donc un indicateur essentiel dans la surveillance de la tuberculose.

Cet article présente les données de la surveillance de la tuberculose maladie des cas déclarés de 2005 à 2017 en Guyane et l’analyse des issues de traitement des cas déclarés entre 2010 et 2016. Il compare les années récentes 2016 et 2017 à l’historique des données de 2005 à 2015 afin de décrire les évolutions récentes.

Matériel et méthodes

Déclaration obligatoire de tuberculose maladie

Source de données

Les données présentées correspondent aux cas de tuberculose maladie déclarés en Guyane en 2016, 2017 et sur la période historique de 2005 à 2015 via la DO.

Définitions d’un cas de tuberculose maladie (critères de notification)

Cas confirmé: maladie due à une mycobactérie du complexe tuberculosis prouvée par la culture. Les mycobactéries du complexe tuberculosis comprennent : Mycobacterium tuberculosis, M. bovis, M. africanum, M. microtti, M. canetti, M. caprae, M. pinnipedii.

Cas probable : signes cliniques et/ou radiologiques compatibles avec une tuberculose et décision de traiter le patient avec un traitement antituberculeux standard.

Les formes pulmonaires comprennent les atteintes du parenchyme pulmonaire, de l’arbre trachéo-bronchique et du larynx.

Données de population et taux de déclaration

Pour le calcul du taux de déclaration régional, les estimations localisées de population de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au 1er janvier de chaque année ont été utilisées. Les taux ont été calculés par sexe, âge et lieu de naissance. Pour le calcul des taux par lieu de naissance, les estimations des populations nées à l’étranger réalisées en 2012 par l’Insee ont été utilisées. La dénomination « taux de déclaration » est utilisée plutôt que « taux d’incidence » en raison de la sous-déclaration des cas. Des taux de déclaration annuel moyen ont été calculés pour la période 2005-2015.

Distribution géographique des cas de tuberculose

Les cas de tuberculose déclarés entre 2014 et 2017 ont été décrits à l’échelle infrarégionale à partir du code postal de résidence des cas. Afin de disposer d’effectifs suffisants, la description a été faite en choisissant comme unité géographique un regroupement de communes existant, l’Établissement public de coopération intercommunal (EPCI), qui est un regroupement administratif.

Données sur les issues de traitement de 2010 à 2016

Sources de données

La surveillance des issues de traitement repose sur les cas de tuberculose maladie sensibles au traitement antituberculeux. L’issue de traitement est collectée pour tout patient pour lequel une DO de tuberculose maladie a été réalisé, sauf pour les patients ayant eu un diagnostic post-mortem de tuberculose. L’information sur l’issue de traitement porte sur (i) la situation du patient 12 mois après la date de début de traitement si le patient a commencé un traitement, (ii) la date de diagnostic en cas de refus de traitement ou (iii) la date de déclaration, si la date de début de traitement et la date de diagnostic ne sont pas renseignées. Avant 2010, la qualité des données n’est pas suffisante pour être exploitable.

Données incluses dans l’analyse

La cohorte de cas inclus dans l’analyse des issues de traitement exclut les tuberculoses pour lesquelles la DO mentionne une multirésistance (MDR : résistance à la rifampicine et à l’isoniazide) ou une résistance exclusive à la rifampicine (RR). En effet, l’OMS recommande depuis mai 2016 que les tuberculoses RR soient traitées comme les tuberculoses MDR. Les cas ayant fait l’objet d’une déclaration initiale avec un diagnostic post-mortem ont également été exclus ainsi que ceux pour lesquels le diagnostic de tuberculose n’a finalement pas été retenu.

Définitions des catégories d’issue de traitement

Les cas sont classés dans sept catégories d’issues de traitement, qui ont été définies en adaptant les recommandations européennes au contexte français : (1) traitement achevé (le patient est considéré comme guéri par le médecin et a pris au moins 80% d’un traitement antituberculeux complet), qui est considéré comme l’issue favorable de traitement ; (2) décès pendant le traitement (avec ou sans lien avec la tuberculose, ou sans lien connu) ; (3) traitement arrêté et non repris (parce que le diagnostic de tuberculose n’a pas été retenu ou pour une autre raison) ; (4) patient toujours en traitement pour les raisons suivantes : traitement initialement prévu pour une durée supérieure à 12 mois (car la déclaration des issues de traitement ne s’intéresse qu’aux tuberculoses sensibles et non pas aux tuberculoses MDR évaluées à 24 et à 36 mois), traitement interrompu plus de deux mois, traitement modifié en raison d’une résistance initiale ou acquise aux antituberculeux, d’effets secondaires, d’une intolérance au traitement ou d’un échec du traitement initial ; (5) transfert vers un autre médecin ou établissement ; (6) patient perdu de vue ; (7) sans information.

Analyse des données

L’analyse des données a été réalisée sous Stata/SE (version 14,2, Statacorp®, College Station, Texas, États-Unis). Le test du Chi2 de Pearson a été utilisé pour comparer la distribution de certaines variables selon les périodes étudiées : comparaison des années récentes 2016 et 2017 à l’historique des données de 2005 à 2015. Un seuil de significativité de 5% a été retenu.

Résultats

Description des cas de tuberculose maladie déclarés en Guyane de 2005 à 2017

Entre 2005 et 2017, 773 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en Guyane, soit 59,5 cas par an en moyenne. Le taux de déclaration annuel moyen s’élevait à 25,2 cas pour 100 000 habitants sur cette période. En 2016 et 2017, 86 et 89 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en Guyane. Les taux de déclaration étaient respectivement de 32,2 et 32,5 cas pour 100 000 habitants (figure 1). Sur la période 2005-2015, 54 cas ont été déclarés en moyenne chaque année, soit un taux de déclaration annuel moyen de 23,9 cas pour 100 000 habitants (étendue : 15,7-34,6).

Figure 1 : Nombre de déclarations de tuberculose maladie et taux de déclaration pour 100 000 habitants en Guyane de 2005 à 2017
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La proportion d’homme variait en fonction des périodes de 56 à 72%, sans différence significative (tableau 1). En termes d’âge, la proportion de personnes âgées de 25 à 44 ans a augmenté au cours des périodes étudiées et celle des 45-64 ans et 65 ans et plus a diminué (p=0,05). Chez les 25-44 ans, les taux de déclaration annuels ont augmenté au cours des périodes étudiées.

Tableau 1 : Caractéristiques des cas de tuberculose maladie sur la période 2005-2015 et en 2016 et 2017, Guyane
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La proportion de personnes nées à l’étranger a augmenté de 61% en 2005-2015 à 81% en 2017 (p<0,001) et, parmi elles, la part de celles arrivées en France depuis moins de 2 ans a varié de 22% en 2005-2015 à 64% en 2017 (p<0,001). Le taux de déclaration annuel de personnes nées à l’étranger a varié de 39,7 cas pour 100 000 sur 2005-2015 à 83,6 et 87,4 cas pour 100 000 en 2016 et 2017.

Le recours spontané aux soins était le principal contexte de diagnostic (85% des cas sur 2005-2017) et sa proportion ne variait pas selon les années (p=0,77). Les proportions de personnes sans domicile fixe (10% sur 2005-2017), vivant en collectivité (9% sur 2005-2017) et de professionnel exerçant dans le secteur sanitaire et social (3% sur 2005-2017) ne variaient pas en 2016 et 2017 par rapport aux années précédentes.

La proportion de formes pulmonaires ne variait pas selon les années (84% sur 2005-2017). La proportion de cas avec un examen direct positif parmi les formes pulmonaires a significativement diminué (p<0,001) entre 2005-2015 (59%) et 2016 (49%) puis 2017 (39%).

En 2017, quatre formes pédiatriques ont été déclarées chez des enfants de moins de 15 ans dont une forme miliaire chez un enfant de moins de 1 an né en Guyane française et vacciné par le BCG, une forme extra-pulmonaire isolée chez un enfant de 3 ans né en Guyane et vacciné par le BCG et une forme pulmonaire chez un enfant de 5 ans né au Brésil et dont le statut vaccinal était inconnu. Une forme méningée a également été diagnostiquée chez un enfant de 1 an résidant en Guyane, originaire d’Haïti et n’ayant pas reçu le BCG. Sur 2005-2016, une forme méningée a été déclarée en 2006 chez un enfant de moins de 15 ans et aucune forme miliaire.

Entre 2008 et 2017, la France représentait 24% (n=150) des pays de naissance des cas, Haïti 22% (n=141), le Brésil 22% (n=137), le Guyana 10% (n=64) et le Suriname 8% (n=53). Ces quatre pays étaient les pays les plus fréquents parmi les pays de naissance des cas de tuberculose nés à l’étranger. Le nombre de cas de tuberculose nées à Haïti a été multiplié par 4 entre 2008-2015 (9,4 en moyenne par an) et 2017 (39 cas) et cette augmentation était significative (p<0,001) (figure 2). On observait également une augmentation non significative des cas entre 2008-2015 et 2017 pour le Brésil.

Figure 2 : Nombre de déclarations de tuberculose maladie selon le pays de naissance en Guyane de 2008 à 2017 (moyenne annuel sur 2008-2015 et nombre brut en 2016 et 2017)
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Sur la période 2014-2017, 283 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en Guyane. Le lieu de résidence n’était pas connu pour 39 cas (14%). Parmi les 244 cas pour lesquels l’information était connue, 62% (n=175) résidaient dans la communauté de commune (CC) du Centre Littoral, 17% (n=49) dans la CC de l’Ouest Guyanais, 6% (n=16) dans la CC des Savanes et 1% (n=4) dans la CC de l’Est Guyanais (figure 3). Les taux de déclaration s’élevaient respectivement à 32,3, 12,7, 12,2 et 12,8 cas pour 100 000 habitants.

Figure 3 : Distribution du nombre de cas moyen annuel de tuberculose maladie déclarés par EPCI
(Établissement public de coopération intercommunal), 2014-2017, Guyane
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Description des déclarations d’issues de traitement de 2010 à 2016, Guyane

Entre 2010 et 2016, 414 fiches de déclarations obligatoires ont été transmises dans le cadre du suivi des issues de traitement. Parmi elles, 17 ont été exclues. Sur les 397 fiches éligibles à l’analyse, l’information sur l’issue de traitement n’était pas renseignée pour 61 (19%).

Parmi les fiches dont l’information était renseignée, la distribution des issues de traitement n’était pas significativement différente selon les années (p=0,16). Sur la période 2010-2016, la part de traitement achevé était en moyenne de 72% et la part de perdus de vue de 9% (tableau 2).

Tableau 2 : Distribution par année des issues de traitement parmi les déclarations de tuberculose maladie renseignées, 2010-2016, Guyane
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Discussion

Avec un taux de déclaration de 32,5 cas pour 100 000 habitants en 2017, la Guyane enregistre un taux près de cinq fois supérieur à celui de la France entière (7,5 cas pour 100 000) 7. Malgré un fort taux de déclaration, le nombre de cas reste faible (moins de 100 par an) et ces cas se concentrent principalement dans la communauté de communes du Centre Littoral qui inclut l’agglomération de Cayenne.

L’analyse met par ailleurs en évidence une augmentation du nombre de cas à partir de 2016 qui se confirme en 2017 (respectivement +59% et +65% par rapport à la moyenne 2005-2015). Cette augmentation concerne majoritairement des hommes jeunes, âgés de 25 à 44 ans, principalement nés à Haïti et arrivés récemment : le nombre de cas originaires d’Haïti a été multiplié par trois en 2016-2017 par rapport à 2008-2015. Pour autant, il s’agit des populations habituellement touchées dans la région. Cette augmentation est donc principalement le reflet des migrations récentes en provenance de pays à forte endémicité pour la tuberculose, dont Haïti qui enregistre la plus forte incidence de tuberculose des Amériques selon l’OMS (139 cas pour 100 000 habitants en 2018) 8. L’instabilité politique, les catastrophes climatiques, la pauvreté, la désorganisation du système de soins sont souvent les causes de l’augmentation de l’incidence de la tuberculose et de la migration.

Les résultats suggèrent également une circulation plus importante du bacille tuberculeux en Guyane par rapport à la France métropolitaine, au-delà des populations originaires de pays d’endémie pour la tuberculose, mais qui reste toutefois relativement faible. En effet, le taux de déclaration parmi les personnes nées en France variait peu selon les années, mais était trois fois plus élevé en Guyane qu’en France métropolitaine (8,9 versus 2,6 cas pour 100 000 habitants en 2017) 7. Plusieurs phénomènes peuvent expliquer cette situation. Géographiquement, la Guyane est enclavée en Amérique latine où le taux de pauvreté a été estimé à 29,6% en 2018 (estimation faite à partir de 18 pays hors Guyane française) et le territoire est couvert à 90% par la forêt amazonienne, compliquant l’accès aux soins pour les populations vivant dans les territoires isolés 9. Sur le plan socioéconomique, les indicateurs sont bien moins favorables qu’en métropole avec un taux de chômage de 22,4% en 2017 contre 9,4% en France (hors Mayotte), une plus grande précarité avec 13,5% des logements sans eau courante en Guyane contre 0,06% en métropole et plus de 40% des logements en situation de surpeuplement contre 9% en métropole 10,11,12. Au-delà des migrations, la Guyane cumule ainsi de nombreuses spécificités susceptibles de faciliter la circulation du bacille tuberculeux dans la population.

Le profil clinico-biologique des cas n’a par ailleurs pas évolué : la majorité des cas sont des formes pulmonaires et le pourcentage de formes bacillifères est resté sensiblement le même. On observe néanmoins une baisse de la part des examens directs positifs, vraisemblablement attribuable à l’introduction récente de la PCR dans les laboratoires hospitaliers, et à une baisse de la transmission des résultats de l’examen direct. Toutefois, une analyse plus fine auprès des acteurs serait nécessaire afin de comprendre les résultats observés.

Comme à l’échelle nationale (5% en 2017), le dépistage ciblé reste l’une des circonstances de diagnostic les moins fréquentes (5% en Guyane en 2017) 7. La grande majorité des cas sont en effet diagnostiqués suite à un recours spontané aux soins et ce malgré la hausse du nombre de cas parmi les personnes originaires de pays endémiques pour la tuberculose. Or, pour ces personnes, le risque de développer une tuberculose maladie dans les premières années suivant l’arrivée en France est proche de celui du pays d’origine 13. Les actions de dépistage ciblé dans cette population devraient être renforcées dans la perspective d’identifier précocement des tuberculoses maladies ainsi que les infections tuberculeuses latentes susceptibles d’être traitées (notamment chez les enfants) ou au moins surveillées lorsque cela reste possible. Cela devrait permettre de limiter l’accroissement du nombre de cas dans les populations connues comme étant à risque de développer une tuberculose maladie.

Les données permettent également de souligner l’inégalité de répartition des cas sur le territoire, avec une concentration des cas sur les zones à plus forte densité humaine situées dans le littoral où vit la très grande majorité des personnes en Guyane. Ces résultats indiquent une plus forte incidence de la tuberculose dans les zones urbanisées par rapport aux zones non-urbaines telles que les territoires reculés en Amazonie où la population vit plus dispersée et a probablement moins d’accès au diagnostic. Toutefois, des analyses complémentaires seraient nécessaires pour mieux caractériser ces inégalités, qui pourraient notamment être en partie expliquées par une variation du taux d’exhaustivité selon les territoires infra-régionaux.

L’analyse des issues de traitement n’a pas mis en évidence d’augmentation de la proportion de « traitement achevé » des cas de tuberculose déclarés entre 2010 et 2016. Dans le cadre de la stratégie d’élimination de la tuberculose, l’OMS préconise d’obtenir plus de 90% des patients traités et plus de 90% de succès thérapeutique 14. En Guyane, sur la période 2010-2016, les traitements achevés représentent 72% des déclarations dont l’information est renseignée. Cette proportion, déjà inférieure aux recommandations de l’OMS, est probablement surestimée du fait d’un pourcentage de traitements achevés probablement inférieur dans la population des « perdus de vue » (10%) et dans celle dont l’information sur l’issue de traitement n’était pas renseignée (19%). Les efforts devraient donc être poursuivis pour mieux documenter l’issue de traitement des patients tuberculeux.

L’analyse des données historiques de la DO montre ainsi que la tuberculose constitue toujours une problématique de santé publique importante en Guyane, où le nombre de cas s’est accru ces dernières années avec l’arrivée plus massive de personnes en provenance de pays de forte endémie de la région. Des éléments contextuels doivent être analysés afin de mieux comprendre et mieux interpréter ces variations, tels que les effectifs des arrivants récents, l’accès au dépistage de ces personnes et leur situation sanitaire globale. Un renforcement et une adaptation du dispositif de dépistage, de prise en charge et de suivi des patients est à envisager.

Remerciements

Aux médecins et biologistes déclarants, aux personnels des Centres de lutte antituberculeuse et de l’Agence régionale de santé de Guyane.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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3 Avis du comité technique des vaccinations et du conseil supérieur d’hygiène publique de France relatif à la suspension de l’obligation de vaccination par le vaccin BCG chez les enfants et les adolescents. 2007. [Internet]. https://pro.mesvaccins.net/textes/a_mt_090307_vaccinbcg.pdf
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14 World Health Organization. Implementing the end TB strategy: the essentials. Geneva: WHO; 2015. 130 p. https://www.who.int/tb/publications/2015/end_tb_essential.pdf?ua=1

Citer cet article

Succo T, Rousseau C, Guthmann JP. Lutte contre la tuberculose en Guyane : une priorité de santé publique. Données de la surveillance 2005-2017. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(2-3):61-7. http://beh.santepubliquefrance.
fr/beh/2020/2-3/2020_2-3_4.html