Santé globale et Guyane : étude descriptive et comparative de quelques grands indicateurs
// Global health and French Guiana: A descriptive and comparative study of some major indicators
Résumé
Introduction –
Il existe en Guyane un sentiment répandu de déclin et de négligence du système de santé par l’État. L’objectif de la présente étude était de décrire les grands indicateurs de santé et de les comparer avec la métropole et les Amériques, mais aussi d’en décrire les tendances temporelles.
Méthodes –
Les données des certificats de décès, de l’Insee et des Nations unies ont été utilisées pour éclairer la situation de la Guyane. Les comparaisons entre pays et temporelles ont été représentées graphiquement.
Résultats –
Bien qu’inférieure à la France métropolitaine, l’espérance de vie à la naissance augmente régulièrement et est la plus élevée d’Amérique latine. La mortalité prématurée (<65 ans) est plus importante qu’en métropole, mais elle diminue de façon plus rapide suggérant que d’ici 15 ans ce différentiel pourrait disparaître. Malgré un taux de prématurité qui reste très élevé (13%), la mortalité infantile et celle chez les moins de 5 ans diminuent et sont parmi les plus faibles au sein de l’Amérique latine. L’examen des principales causes de mortalité prématurée montrait des différences marquées avec la France métropolitaine : les accidents, les causes liées à la périnatalité, le sida et les pathologies cardio- et cérébrovasculaires étaient les principaux contributeurs en Guyane. Selon la définition utilisée, entre 30 et 52% des décès prématurés étaient évitables.
Conclusions –
Contrairement aux déclarations alarmistes, les indicateurs de santé de la Guyane s’améliorent et ne sont pas éloignés de ceux de la France. Alors que l’hôpital focalise l’attention, l’excès de mortalité prématurée est lié à des conditions sensibles aux soins primaires, ce qui souligne l’importance de les renforcer.
Abstract
Background –
In French Guiana, the health system is perceived to be in decline, and neglected by mainland France. The aim of the present study was to describe major health indicators and to compare them with those of mainland France and Latin America, and to describe temporal trends.
Methods –
The data from death certificates in all French territories from INSEE (National Institute of Statistics and Economic Studies) and United Nations data were used. For comparative purposes data was graphed.
Results –
Despite being lower than in mainland France, life expectancy at birth is gradually increasing and is the highest in Latin America. Premature deaths before 65 years of age are higher than in mainland France but they are declining faster suggesting that within 15 years the gap may disappear. Despite the very high and stable preterm birth rate (13%), infant mortality and under-five mortality are declining and are amongst the lowest in Latin America. When looking at the main causes of death under 65, there were marked differences with mainland France: accidents, causes linked to perinatality, AIDS, and cardio and cerebrovascular deaths where the largest contributors in French Guiana. Between 30 and 52% of these deaths were preventable, depending on the definition used.
Conclusions –
Contrarily to frequent warnings on the dangers of the health system, the health indicators of French Guiana are improving constantly and not far behind those of mainland France. Whereas the hospital system attracts much attention, much of the excess mortality is due to conditions sensitive to primary care, in a context of low health care professional density.
Introduction
La Guyane est un département français d’outre-mer situé sur le continent sud-américain, entre le Brésil et le Surinam. La Guyane a le produit national brut (PNB) par habitant le plus élevé d’Amérique latine et attire de nombreux immigrants à la recherche d’une vie meilleure. Ainsi, 29% de la population et près de la moitié des adultes sont d’origine étrangère 1. Malgré ce contexte sud-américain, les données de santé globale publiées laissent le plus souvent de côté la Guyane, car celle-ci n’étant pas un pays, les données sont rattachées à celles de la France 2. Pourtant, la Guyane est singulière. Malgré des efforts de rattrapage, il y a un déficit marqué entre la France et la Guyane en termes d’infrastructures 3,4. Les communes de l’intérieur sont inaccessibles par voie routière. Les populations qui y résident sont essentiellement amérindiennes ou noires marronnes. Les représentations, l’environnement, l’offre de soins sont différentes de celles du littoral Guyanais. L’offre de prévention et de soins est desservie par des centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS). Même s’il existe une forte hétérogénéité, la densité globale des professionnels de santé en Guyane est bien inférieure à celle de la métropole, un fait préoccupant dans un contexte de forte croissance de la population. Ainsi, avec le taux de fécondité le plus élevé d’Amérique latine et une immigration soutenue, la population devrait doubler dans une quinzaine d’années 5. En 2017, les mouvements sociaux qui ont agité la Guyane avaient notamment comme revendication la santé 6. Régulièrement, la presse, les élus et de nombreux professionnels de santé relatent des conditions préoccupantes du système de santé, avec notamment une impression globale de déclin. Ces affirmations sont généralement subjectives. Tout ceci s’est cristallisé dans un narratif de négligence hexagonale et de déclin accéléré de la santé en Guyane, un prisme régulièrement utilisé pour y décrypter la santé. Dans ce contexte subjectif volatile, le but de la présente étude était de rassembler des éléments factuels sur la santé en Guyane et de faire des comparaisons avec la France métropolitaine et l’Amérique latine. En outre, ces données ont été analysées longitudinalement pour rechercher des tendances temporelles.
Méthodes
Pour la mortalité prématurée, les données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont été utilisées. Pour les comparaisons internationales, des données en accès libre des Nations unies (Division Population) ont été utilisées 7. Les comparaisons internationales ont porté sur l’espérance de vie à la naissance, la mortalité infantile (nombre de décès avant un an rapporté aux naissances vivantes), la mortalité des moins de 5 ans, la prématurité et les taux de fécondité 8.
Par souci de lisibilité, la description graphique des tendances temporelles ne pouvait inclure tous les pays (entre 1950 et 2015 pour l’espérance de vie, entre 1995 et 2015 pour la mortalité infantile et entre 1980 et 2015 pour la mortalité des moins de 5 ans). Les données d’une sélection de pays et territoires ont été comparées avec la Guyane : France, Guadeloupe, Martinique, Surinam, Guyana, Brésil, proches de la Guyane, Haïti, dont un nombre important de ressortissants vit en Guyane, Cuba, dont le système de santé est plébiscité par certains élus guyanais, les pays d’Amérique du Sud, les États-Unis d’Amérique, la plus puissante économie au monde et le système de santé représentant la part du PNB la plus élevée.
Les dépenses de santé par habitant de ces pays ont été comparées avec les données fournies par l’Agence régionale de santé (ARS) de Guyane rapportées à la population de 2014 1. Les dépenses de santé augmentant de manière importante avec l’âge, il peut être délicat de comparer de manière brute les résultats de différents pays. Pour tenir des différences de structures d’âge d’un pays à l’autre, les dépenses de santé par habitant ont été divisées par l’âge médian de la population de chaque pays. En Guyane l’âge médian était de 23 ans et en France 41,4 ans.
L’évolution temporelle du taux standardisé de mortalité prématurée (décès avant 65 ans/population de moins de 65 ans) en France et en Guyane entre 2000 et 2015, (taux standardisés sur l’âge fournis par le CépiDc) et les causes initiales de décès principales pour 2015 ont été recueillies. Étant donné que l’intérieur de la Guyane est inaccessible par la route et qu’il n’est desservi que par des centres délocalisés de prévention et de soins, pas tous médicalisés, la question d’inégalités de santé intérieur/littoral peut se poser. Une sous-analyse a donc comparé le taux de mortalité prématurée entre les communes de l’intérieur et celles du littoral guyanais, ainsi que les causes de décès prématurés. Les causes de décès évitables ont été étudiées grâce à un indicateur qui regarde les causes de décès de moins de 65 ans liées à des facteurs comportementaux à risque, en s’alignant sur les critères utilisés en France (Sida, Cancers des voies aérodigestives supérieures, Cancers de la trachée, des bronches et du poumon, Psychoses alcooliques, Cirrhoses, Accidents de la circulation, Chutes accidentelles, Suicides) 9. Cependant, les morts évitables peuvent être comptées de façon différente. Une définition supplémentaire a donc été utilisée, celle en cours au Royaume-Uni, qui est plus large et semble pertinente en Guyane (à la liste ci-dessus se rajoutent : Tuberculose, certaines Infections bactériennes et protozoaires, Hépatite C, Cancers de l’estomac, colorectal, foie, mélanome, sein, col de l’utérus, Diabète avant 50 ans, Pathologie cardiovasculaire, Embolie pulmonaire, Grippe, BPCO, Homicides, Toxicomanie, Problèmes iatrogènes) 10.
Les données ont été analysées avec Excel® et STATA® 13. L’étude utilisant des données agrégées libres d’accès, leur analyse ne requiert pas d’autorisation particulière.
Résultats
Indicateurs de santé globale
La figure 1 montre que l’espérance de vie à la naissance a progressivement augmenté dans tous les pays, que l’espérance de vie à la naissance en Guyane est la plus élevée d’Amérique latine et même légèrement supérieure à celle des États-Unis. Le Surinam et le Guyana, anciennement Guyane hollandaise et Guyane anglaise, avaient une espérance de vie supérieure à la Guyane en 1950, mais ils ont depuis été dépassés par la Guyane. L’écart s’accroit toujours fortement. Le taux de prématurité est le 2e plus élevé d’Amérique latine après Haïti (figure 2) et le taux de fécondité est le plus haut. Malgré ceci, la mortalité des moins de 5 ans (figure 3) et la mortalité infantile ont décliné (figure 4), avec des niveaux généralement inférieurs à ceux qui sont observés en Amérique latine, excepté le Chili et Cuba. Lorsque l’on regarde les dépenses de santé par habitant, les dépenses brutes par habitant en Guyane sont les plus importantes d’Amérique latine (plus du double de celles du Chili, qui occupe le deuxième rang en Amérique latine) mais inférieures à celles de la France (figure 5). Néanmoins, lorsque l’on prend en compte l’âge médian (23 ans en Guyane, 41,3 ans en France), on n’observe plus de différence entre la France métropolitaine et la Guyane.
Mortalité prématurée (<65 ans) : comparaisons entre la France et la Guyane
Les taux standardisés de mortalité prématurée sont plus élevés en Guyane qu’en France métropolitaine, mais on observe que cette différence se réduit assez rapidement, une interpolation linéaire suggérant que la différence pourrait disparaitre dans une quinzaine d’années (figure 6). En termes de causes de décès prématurés, les causes non spécifiées étaient les plus fréquentes. Parmi les causes identifiées, les accidents, les affections dont l’origine se situe dans la période périnatale, les cardiopathies et pathologies cérébrovasculaires et les décès liés au VIH constituaient les causes principales de décès (figure 7), contrastant ainsi avec la France métropolitaine, où les cancers, les suicides, les pathologies hépatiques chroniques étaient les causes les plus fréquentes. Les 10 causes principales de décès avant 65 ans en Guyane (figure 7) représentaient 54% de tous les décès avant 65 ans.
Lorsque l’on utilise la définition des causes liées au comportement, un tiers (33,9%) de la mortalité de Guyane serait évitable. Lorsque l’on utilise la définition plus large du Royaume-Uni, plus de la moitié de la mortalité prématurée serait évitable (52%).
Les accidents, les cardiopathies ischémiques et le sida étaient les causes évitables les plus fréquentes. Cependant, ni les accidents vasculaires cérébraux (AVC), ni la mortalité en lien avec la prématurité ne figurent parmi la liste de causes initiales de décès évitables.
Mortalité prématurée : comparaisons entre la Guyane et l’intérieur
Les taux standardisés de mortalité prématurée étaient inférieurs à l’intérieur de la Guyane (entre 58 et 108 pour 100 000), par rapport au reste de la Guyane (245 pour 100 000) hormis à Camopi-Trois Sauts, une commune amérindienne affectée par une vague de suicides de jeunes hommes et femmes (353 pour 100 000). En termes de causes de mortalité prématurée, les décès violents étaient les plus fréquents (chutes d’arbres, accidents de pirogue, suicides). Parmi les autres causes, les malformations congénitales et chromosomiques étaient retrouvées.
Discussion
Un excès de mortalité prématurée qui s’estompe
Il existe en Guyane un excès de mortalité prématurée par rapport à la France métropolitaine. Cependant, la mortalité prématurée décline plus rapidement en Guyane qu’en métropole, suggérant que si la tendance se poursuivait, il pourrait ne plus y avoir de différence d’ici une quinzaine d’années. Parmi ces décès précoces, selon la définition utilisée, entre 33,9% et 52,0% étaient évitables. Ceci suggère que des interventions préventives intensives pourraient aboutir à des progrès significatifs rapides. En effet, l’espérance de vie à la naissance reste inférieure à celle observée en France et les causes de décès prématurées sont assez différentes de celles de la métropole. Le tabagisme et la consommation d’alcool sont bien moins fréquentes en Guyane qu’en France métropolitaine (12% vs 28% et 4,8% vs 9,7%, respectivement) 11, ce qui constitue un point positif influençant les différences des causes principales de mortalité prématurée. D’autres déterminants de santé importants sont cependant moins favorables. Ainsi, l’obésité et la sédentarité sont plus fréquents en Guyane Française qu’en France métropolitaine, 18% vs 12% et 25% vs 22%, respectivement 11. Le diabète (prévalence standardisée 7,7%) et l’hypertension artérielle (4 habitants sur 10) y sont également des déterminants importants 12. Une analyse comparative Guyane-France de ces causes ayant contribué au décès serait sans doute utile.
Parmi les plus grands contributeurs à la mortalité prématurée, certaines grandes causes pourraient faire l’objet d’améliorations rapides 13. Les accidents sont une cause majeure de réduction de l’espérance de vie avec 159,5 morts par million d’habitants en Guyane versus 63,9 par million en France et les moins de 25 ans étaient les plus concernés 11. Les infrastructures routières, l’éclairage public insuffisant, une plus grande proportion de personnes utilisant des 2 roues et une plus faible proportion de personnes portant le casque sont des déterminants qui doivent faire l’objet d’efforts renouvelés 14. Les maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires sont aussi des contributeurs majeurs avec des déficits en termes de prévention et de prise en charge qui devraient être corrigés. L’hypertension artérielle et le diabète sont souvent diagnostiqués et pris en charge trop tard, notamment chez les plus socialement précaires 15. Pourtant, des interventions proactives ciblant ces populations ont depuis longtemps montré leur potentiel d’impact rapide sur la mortalité cardiovasculaire 16. Concernant la prise en charge des AVC et des syndromes coronariens aigus avec sus décalage du segment ST, l’absence de radiologie interventionnelle (liée au manque de spécialistes) est une perte de chance pour les Guyanais. Ceci devrait être corrigé en 2019. La moitié des infarctus n’avait pas appelé le 15 pour atteindre l’hôpital, il faut donc communiquer sur ce sujet 17. Concernant le VIH, malgré des progrès très importants dans la prise en charge, la prévalence reste élevée avec, en dépit des efforts, toujours une forte proportion de patients arrivant avec une infection très avancée 18,19. Là encore, des interventions dans les communautés les plus vulnérables pourraient permettre d’atténuer le réservoir d’infections non diagnostiquées où se concentrent tous les enjeux. Enfin, la prématurité 20 et les décès périnataux 12,21 restent des problèmes tenaces. Bien que la mortalité infantile ait diminué au cours du temps, la prématurité reste très élevée et ne diminue pas. Là encore, les déterminants sociaux sont très importants et des interventions dans les communautés les plus vulnérables pourraient permettre d’améliorer le suivi de grossesse et de réduire la prématurité.
Contrastes France-Guyane, littoral-intérieur
Les accidents sont des causes majeures de décès prématurés, les décès liés à la prématurité et aux pathologies de la grossesse, le sida et les homicides restent des causes qui sont bien plus importantes en Guyane qu’en France métropolitaine. Il est notable qu’à l’intérieur de la Guyane, la mortalité prématurée semblait moindre que dans le reste de la Guyane. Ce taux inférieur pourrait d’abord refléter un biais dû à une moindre exhaustivité des certificats de décès dans les zones isolées que sur le littoral. Cependant, il y a une autre explication possible. Les communes de l’intérieur sont desservies par un réseau de centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS). Certains de ces centres sont médicalisés et tous sont très accessibles à la population et s’appuient sur des médiateurs. Une étude récente à Camopi a ainsi montré que les enfants de moins de 5 ans avaient en moyenne 9 visites annuelles chez le médecin, une fréquentation sans doute bien supérieure au reste de la Guyane ou à la métropole 22. Une explication alternative à celle d’un biais pour expliquer la moindre mortalité prématurée, serait donc que la facilité de l’accès aux soins primaires apporte des bénéfices sanitaires significatifs à la population des communes isolées. Ainsi, de façon contre-intuitive, ces CDPS constitueraient un exemple pour la ville, où l’accès aux soins primaires est plus compliqué 23,24. Cette hypothèse reste à vérifier. Ces centres sont gérés par le Centre hospitalier (CH) de Cayenne et peuvent évacuer les patients les plus graves par hélicoptère vers ce CH. Dans ces communes de l’intérieur, bien que les causes non renseignées soient les plus fréquentes, les causes principales de mortalité prématurée sont les morts violentes (souvent des chutes d’arbre, accidents de pirogues, noyades et suicides) ; les affections périnatales et les malformations congénitales sont également très représentées, sans doute en partie du fait de la fréquence de la prématurité. Ce chiffre reflète peut être aussi un moindre recours aux interruptions médicales de grossesses, souvent pour des raisons culturelles, ce qui aboutirait à un excès de décès de nouveau-nés et de nourrissons.
Alarmisme et progrès silencieux
Malgré une perception publique catastrophique d’un système de santé en déclin, les indicateurs de santé de Guyane s’améliorent régulièrement. Bien que le problème de la prématurité et de la mortalité périnatale soit prégnant, l’espérance de vie est la plus haute en Amérique latine, et même supérieure à celle des États-Unis, dont le PNB par habitant est le triple de celui de la Guyane (PNB par habitant 57 500$ versus 18 000$, respectivement) 8.
Étant donné le développement rapide de la Guyane, les progrès médicaux sont renforcés par l’amélioration des déterminants généraux de la santé et de la promotion de la santé 25. Le système hospitalier est bien équipé, mais il souffre de l’absence de diverses spécialités et structures (neurochirurgie, radiologie interventionnelle, radiothérapie…) et s’appuie donc sur des transferts sanitaires vers la France ou la Martinique.
Performances comparées pour quelques pathologies phares
Les publications disponibles sur les soins hospitaliers montrent généralement des résultats peu différents de ceux observés en France métropolitaine. La survie brute du cancer du sein à 5 ans est inférieure à celle de la métropole, mais lorsque l’on regarde les femmes nées en Guyane ou en France, la survie ne diffère pas, alors que celle des femmes nées à l’étranger était significativement inférieure 26. À l’avenir, le vieillissement de la population et la poursuite de la transition épidémiologique verra sans doute l’augmentation du poids des cancers dans les causes de mortalité prématurée. Le délai médian des équipes Smur pour aller sur les lieux d’accidents était de 20 minutes, avec 46,6% des patients arrivant aux urgences avant 1 heure (16% en France), 39,8% entre 1 et 3 heures (72% en France) et 13,6% en plus de 3 heures (France 12%) 27,28. Le taux de suppression de la réplication du VIH est comparable à celui observé en métropole 19. Pour les AVC ischémiques, les délais et la proportion de patients thrombolysés étaient comparables à la métropole. Cependant, ces résultats découlaient d’une étude où les critères d’inclusion et d’exclusion ne permettaient pas toujours d’inclure tous les patients, notamment dans l’Ouest guyanais, où les patients viennent parfois de très loin et très tardivement (Rochemont, thèse d’université de Guyane soutenue le 16 décembre 2019). Pour les syndromes coronariens avec sus décalage du segment ST, alors que la radiologie interventionnelle n’était pas encore disponible en Guyane, à Cayenne, le taux de revascularisation en urgence n’était pas significativement différent de ceux affichés sur un échantillon représentatif d’hôpitaux en France, et la survie hospitalière n’était pas différente 17. En revanche, lorsque l’on comparait avec les résultats plus récents, il existait une survie significativement inférieure à Cayenne pour les syndromes coronariens aigus avec sus décalage du segment ST.
Derrière la suspicion et l’impression globale de déclin
La perception persistante d’une négligence de l’État vis-à-vis de la Guyane est basée sur un retard structurel réel et sur la croyance que la Guyane reçoit moins de financements que les autres territoires. Pourtant, si l’on prend en compte la structure d’âge, il n’existe pas de différence entre la Guyane et la France métropolitaine en termes de dépenses de santé par habitant rapportées à l’âge 29. Toutefois, ceci ne prend pas en compte le poids financier du rattrapage du retard structurel et de la très grande précarité à laquelle le système de santé doit faire face. En Guyane, les inégalités sociales de santé sont fréquentes, touchent souvent les migrants qui arrivent avec des pathologies avancées, meurent plus vite, plus jeunes, de causes évitables 16,19,21,24,30.
Une part importante de la suspicion de la population envers son système de santé est alimentée par les réseaux sociaux, la presse et certains élus qui utilisent – parfois cyniquement – chaque tragédie comme une démonstration de l’agonie du système hospitalier et de la négligence de l’État. Cependant, comme ailleurs 31, et peut être plus encore, il existe une méconnaissance réelle des mesures objectives de la santé en Guyane qui laisse le champ libre aux rumeurs. Il existe aussi naturellement un biais de sur-perception des informations négatives et une cécité vis-à-vis des progrès graduels 31,32.
Conclusion
Contrairement aux idées reçues, les grands indicateurs de santé de la Guyane sont généralement en progrès, pas loin derrière ceux de la France, et bien meilleurs que ceux d’Amérique latine. Les données factuelles semblent bien plus encourageantes qu’on ne le perçoit généralement, et elles offrent des objectifs atteignables qui pourraient fédérer les énergies et améliorer les indicateurs de santé rapidement. Parmi les causes de décès prématurés, on retrouve de façon prépondérante des conditions sensibles aux soins primaires. Ceci montre, alors que la situation de l’hôpital monopolise l’attention, que c’est souvent avant l’hôpital que tout se joue et qu’il faut trouver des solutions pour remédier à la faible densité médicale 24. D’une façon générale, des approches de médiation en santé dans les communautés défavorisées, ciblant ces causes de décès prématurés et leurs déterminants devraient être amplifiées. Il y a un beau défi à relever, une aventure en santé qui pourrait attirer des talents en Guyane pour poursuivre les progrès et progressivement réduire l’écart avec la France métropolitaine.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
publications/world_health_statistics/en/
wiki/Liste_des_pays_et_territoires_par_taux_de_croissance_d%C3%A9mographique
development/desa/population/publications/database/index.asp
ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/causesofdeath/bulletins/avoidablemortalityinengland
andwales/previousReleases
pdf/1675.pdf
Citer cet article
Bull Epidémiol Hebd. 2020;(2-3):33-42. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/2-3/2020_2-3_1.html