D’abord les faits

// The facts first

Gérard BREART (gerard.breart@inserm.fr)
Professeur émérite de santé publique, Inserm U1153

Les mouvements sociaux qui ont récemment agité la Guyane avaient en particulier comme sujet de revendication les soins et la santé. Régulièrement, la presse, les élus et de nombreux professionnels de santé relatent des conditions préoccupantes du système de santé guyanais. Ils en attribuent la responsabilité à la négligence hexagonale et au déclin accéléré de la santé en Guyane. Or, ces affirmations sont généralement subjectives. Dans ce contexte, l’objectif du premier article de ce BEH thématique consacré à la Guyane (1), rédigé par des équipes guyanaises, était de rassembler des éléments factuels sur la santé en Guyane et d’effectuer des comparaisons avec la France métropolitaine et l’Amérique latine, dans laquelle la Guyane est géographiquement incluse. En outre, ces données ont été analysées longitudinalement pour rechercher des tendances temporelles.

Ce premier article montre que l’espérance de vie à la naissance en Guyane augmente de façon régulière. Elle reste inférieure à la France, mais elle est néanmoins la plus élevée au sein de l’Amérique latine. En ce qui concerne la mortalité prématurée (personnes de moins de 65 ans), elle diminue rapidement, et d’ici 15 ans, le différentiel avec la métropole pourrait disparaître. De plus, entre 30 et 52% de ces décès étaient évitables. Enfin, cet article montre également que, malgré un taux de prématurité élevé (13%), la mortalité infantile diminue et est la plus faible au sein de l’Amérique latine. Un autre article passe en revue l’infection par le VIH en Guyane. Des progrès ont été réalisés, mais le nombre de nouveaux diagnostics augmente encore, la part des infections diagnostiquées à un stade très avancé reste stable et le nombre de perdus de vue non négligeable.

Que nous disent ces résultats ? Ils montrent que si on se réfère aux données objectives et statistiques, l’état de santé en Guyane est en constante amélioration mais, bien sûr, des progrès restent à faire. Il faut continuer à améliorer les soins, mais si l’on veut vraiment améliorer la santé de la population il est indispensable de recourir à la prévention car les inégalités de santé sont plus liées à l’accès à la prévention qu’à l’accès aux soins. En particulier pour les populations les plus vulnérables, il conviendrait de développer la médiation en santé.

Les résultats de ce travail méritent d’être largement diffusés et discutés avec les différents acteurs afin d’être pris en compte. Et cette approche quantitative devrait être complétée par une approche qualitative, afin de mieux comprendre la discordance entre les données objectives et le ressenti de la population locale.

Citer cet article

Bréart G. Éditorial. D’abord les faits. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(2-3):32. http://beh.santepubliquefrance.fr/
beh/2020/2-3/2020_2-3_0.html

(1) Un deuxième volet consacré
aux maladies non infectieuses
en Guyane est à paraître
dans le BEH, courant 2020.