Présentation et bilan de l’expérimentation de dématérialisation totale des certificats de décès
dans six communes en France en 2017-2018

// Presentation and assessment of the experiment of the dematerialization of death certificates in six French cities in 2017-2018

Isabelle Carton (isabelle.carton@sante.gouv.fr), Ysaline Cuzin
Ministère des Solidarités et de la Santé, Direction générale de la santé, Paris, France
Soumis le 18.06.2019 // Date of submission: 06.18.2019
Mots-clés : Décès | Certification électronique | Dématérialisation | Alerte sanitaire
Keywords: Death | electronic registration | dematerialization | health alert

Résumé

Introduction –

La saisie électronique du certificat de décès instaurée en 2007 permet d’envisager l’analyse réactive de la mortalité à visée d’alerte. Le déploiement de la certification électronique des décès est toutefois lent du fait de l’obligation d’imprimer le volet administratif (VA) du certificat. Une expérimentation a été lancée en 2017 pour tester la dématérialisation complète du certificat de décès et évaluer l’adhésion de l’ensemble des acteurs à ce nouveau dispositif. Cet article présente le bilan de cette expérimentation.

Méthodes –

L’expérimentation a été réalisée dans 6 communes (Antibes, Aurillac, Créteil, La Rochelle, Montluçon et Villejuif) et évaluée sur une durée de 5 à 8 mois entre juin 2017 et janvier 2018. Son évaluation repose sur des indicateurs quantitatifs et qualitatifs construits à partir des données enregistrées lors de la validation ou l’utilisation des certificats par chaque acteur et à partir de questionnaires transmis aux préfectures, opérateurs funéraires (OF) et mairies en janvier 2018.

Résultats –

Près de la moitié des décès survenus dans les 6 communes ont été certifiés électroniquement. L’ensemble des VA des certificats électroniques ont été reçus par les mairies et 68% ont été téléchargés par un OF. Les différents acteurs ont estimé obtenir un gain de temps pour la rédaction ou le traitement du certificat électronique de décès.

Discussion –

Cette expérimentation a montré une amélioration du taux de décès certifiés électroniquement et a validé le dispositif avec une bonne adhésion de tous les acteurs impliqués. La généralisation du dispositif sur l’ensemble du territoire a été actée en avril 2018 par les parties prenantes.

Abstract

Introduction –

The electronic death registration system (EDRS) introduced in 2007 enables to consider the reactive analysis of mortality surveillance for alert purposes. However, the deployment of EDRS is slow due to the requirement to print the administrative part (AP) of the certificate. An experiment was launched in 2017 to test the complete dematerialization of the death certificate and assess the adherence of all stakeholders to this new system. This article presents the results of this experiment.

Methods –

The experiment was carried out in 6 municipalities (Antibes, Aurillac, Créteil, La Rochelle, Montluçon et Villejuif) and evaluated over a period of 5 to 8 months between June 2017 and January 2018. Its evaluation is based on quantitative and qualitative indicators built using data recorded during the or use of the electronic certificates by each actor, and data collected through questionnaires sent to prefectures, funeral operators (FO) and town halls in January 2018.

Results –

Almost half of the deaths recorded in the 6 municipalities were certified electronically. All the APs of the electronic certificates were received by the town halls and 68% were downloaded by a FO. The various stakeholders felt that they had saved time in drafting or processing the electronic death certificate.

Discussion –

This experiment showed an improvement in the death rate certified electronically and validated the system with the support of all the actors involved. The generalization of the system at a national level was approved in April 2018 by the stakeholders.

Introduction

La crise sanitaire de la canicule d’août 2003 a mis en évidence la difficulté de disposer en France de données de mortalité pour permettre une surveillance sanitaire réactive à visée d’alerte. Pour faciliter la transmission et l’analyse réactive des données de mortalité à Santé publique France dans un objectif d’alerte sanitaire, le décret n°2006-938 du 27 juillet 2006 1 a posé le principe de la saisie dématérialisée du certificat de décès et de la transmission du volet médical au format électronique, tout en conservant à titre provisoire la rédaction sur support papier. La transmission du volet administratif (VA) n’avait toutefois pas été dématérialisée à cette étape, bien que ce volet soit utilisé par différents acteurs pour la mise à jour de l’état-civil et pour les opérations funéraires 2. Ce choix était lié au faible taux d’informatisation des mairies et des opérateurs funéraires (OF) en 2004.

Après plusieurs phases de déploiement de la certification électronique des décès au sein d’établissements pilotes (2007/2008) et d’un échantillon élargi de 100 établissements en 2009, l’application web de certification électronique « CertDc » a été ouverte en 2010 à l’ensemble des médecins (https://sic.certdc.inserm.fr). Un état des lieux du déploiement, réalisé fin 2012, avait mis en exergue une progression lente du taux de décès certifiés par voie électronique, atteignant 5% des décès totaux en 2011 3. Malgré la mise en œuvre d’actions de communication et d’incitations auprès des établissements de santé, ce taux a atteint 15,6% en 2018 4, encore insuffisant pour permettre la veille et l’alerte sanitaire.

Des premières études ont montré que la certification électronique des décès permettait une amélioration de la qualité des données enregistrées 5 et un apport pour l’interprétation réactive des évolutions de la mortalité à visée d’alerte sanitaire 6,7.

L’obligation pour les médecins d’imprimer le VA pour sa transmission aux mairies et aux OF constitue toutefois un frein majeur au déploiement de ce dispositif. Face à ce constat, le ministère chargé de la santé a initié, en 2013, les travaux pour transmettre ce VA par voie électronique.

Identification de la solution

Après une phase de recueil des besoins et de concertation avec l’ensemble des acteurs impliqués dans le dispositif, la Direction générale de la santé (DGS, du ministère chargé de la santé) a identifié la solution de dématérialisation du VA permettant:

de supprimer l’obligation faite aux proches d’un défunt de transmettre le certificat de décès à la mairie du lieu de décès ;

de simplifier les processus entre administrations ;

de pouvoir certifier électroniquement en tous lieux ;

d’apporter une plus-value à tous les acteurs, qu’ils soient médecins, agents administratifs et agents des chambres mortuaires en établissement de santé, agents préfectoraux en charge des habilitations des OF, agents d’états civil en mairie, OF ou officiers de police judicaire.

L’architecture de la solution a été définie (figure 1), avec pour pivot central la plateforme d’échanges de confiance (PEC) de la Direction de l’information légale administrative (DILA) pour la transmission du VA à la mairie du lieu de décès et aux OF. Ces derniers n’étant pas connus au moment de la certification du décès, il s’est avéré nécessaire de verser l’ensemble des VA dans un Portail des opérations funéraires (POF), et d’en sécuriser l’accès par la création du Référentiel des opérateurs funéraires habilités (ROF).

En complément, une application mobile a été développée pour permettre aux médecins de certifier les décès en dehors des établissements de santé.

Avant de déployer cette solution à l’échelon national, une phase d’expérimentation a été mise en œuvre entre juin 2017 et janvier 2018. Elle avait pour objectifs de tester l’architecture technique et l’adhésion des utilisateurs aux nouveaux usages, d’identifier les impacts sur le processus de dématérialisation et de s’assurer de la levée des freins à la dématérialisation des certificats de décès.

L’objectif de cet article est de présenter le bilan de cette expérimentation.

Figure 1 : Schéma de l’architecture de la transmission électronique des certificats de décès, 2017, France
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Matériel et méthodes

Identification du périmètre de l’expérimentation

Le VA est distribué à la mairie du lieu de décès. C’est donc l’échelle de la commune qui a été retenue pour définir le périmètre. Il convenait toutefois que ces communes :

disposent d’un établissement de santé d’une capacité minimum de 300 lits de type « soins aigus » et enregistrant entre 300 et 600 décès par an, pour qu’un nombre suffisant de décès soit enregistré sur la période d’expérimentation ;

disposent d’un ou plusieurs établissements d’hébergement pour personnes âgées et/ou une association SOS Médecins pour valider l’usage de l’application mobile ;

soient dans un département dont la préfecture habilite les OF pour la constitution du ROF, et permette ainsi l’accès des OF au POF pour le téléchargement du VA.

Au-delà de ces règles, l’expérimentation devait :

inclure des communes déjà raccordées à la PEC de la DILA pour une autre démarche administrative, et des communes ne disposant d’aucun raccordement à la PEC, pour identifier l’impact spécifique de ce raccordement ;

inclure des établissements de santé non engagés dans la certification électronique et des établissements déjà engagés, pour valider la levée du frein imposé par l’impression des VA et mesurer l’accroissement de la certification électronique ;

avoir une taille n’excédant pas 500 décès au cours de la période pour permettre à l’équipe projet d’accompagner l’expérimentation et de disposer des moyens suffisants au recueil des indicateurs ;

se situer dans les régions où les agences régionales de santé étaient les plus fortement impliquées pour disposer d’un appui local pour le suivi opérationnel de l’expérimentation.

Sur la base de ces principes, six communes ont été retenues : Antibes, Aurillac, Créteil, La Rochelle, Montluçon et Villejuif.

Déroulement de l’expérimentation

Une fois l’adhésion à l’expérimentation recueillie auprès des différentes parties prenantes, une réunion de présentation du projet a été organisée au sein de chacune des communes (janvier à avril 2017), avec les « futurs » utilisateurs de la solution.

En complément, ont été réalisés :

des actions d’information et formation en web conférence pour l’ensemble des agents en préfecture et en mairie ;

un accompagnement aux référents des établissements de santé initiant la certification électronique ;

un accompagnement aux médecins de l’association SOS Médecins de La Rochelle et du Val-de-Marne ;

des documentations destinées aux OF pour l’usage du POF ;

une formation au ROF et au POF aux personnes en charge de l’assistance téléphonique de l’application CertDc au sein de l’Inserm et un renforcement des équipes pour la période d’expérimentation.

Au final, l’expérimentation a été lancée en :

juin 2017 : à Antibes, Montluçon et La Rochelle ;

juillet 2017 : à Aurillac ;

septembre 2017 : à Créteil et Villejuif.

Le bilan de d’expérimentation a été réalisé fin janvier 2018 pour les 6 communes, soit une durée de suivi de 8 mois pour Antibes, Montluçon et La Rochelle, 7 mois pour Aurillac et 5 mois pour Créteil et Villejuif.

Indicateurs d’évaluation

Les données utilisées pour construire les indicateurs d’évaluation ont été recueillies à partir de trois sources :

des informations enregistrées automatiquement, lors de la validation des certificats électroniques, par les médecins et, lors des téléchargements des VA, par les OF ou par les mairies. Ces informations incluaient en particulier la commune sur laquelle le décès est survenu, si le certificat a été rédigé à partir de l’application web ou l’application mobile, si le certificat a été téléchargé par un opérateur funéraire et/ou par la mairie ;

des informations qualitatives recueillies lors de points téléphoniques mensuels auprès d’un représentant de chaque préfecture, chaque ville et chaque association SOS Médecins des villes d’expérimentation, et lors de points téléphoniques hebdomadaires auprès d’un représentant de chaque mairie ;

des informations quantitatives et qualitatives recueillies à partir de trois questionnaires (pour les mairies, les OF et les préfectures, voir annexes 1 à 3), envoyés à la fin de la période de l’expérimentation à un représentant de chaque mairie, de chaque préfecture et de chacun des 450 opérateurs funéraires localisés dans les cinq départements. Il n’a pas été possible, d’un point de vue logistique, d’interroger les médecins en établissement de santé ayant rédigé les certificats de décès.

Par ailleurs, le nombre de décès total survenu sur les six communes sur les périodes de l’expérimentation a été recueilli a posteriori à partir des données transmises par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

L’utilisation de la certification électronique, par les médecins, et du VA dématérialisé, par les mairies et les opérateurs funéraires, a été mesurée à partir des indicateurs suivants :

proportion de décès certifiés par voie électronique parmi l’ensemble des décès survenus dans les communes sur la période ;

proportion de décès certifiés électroniquement à partir de l’application mobile, parmi l’ensemble des décès certifiés électroniquement ;

proportion de VA reçus électroniquement dans les mairies parmi l’ensemble des décès certifiés électroniquement ;

proportion de VA téléchargés par les OF parmi l’ensemble des décès certifiés électroniquement.

Ces quatre indicateurs seront comparés à des proportions attendues, fixées en amont de l’expérimentation (figure 2).

L’adhésion et la satisfaction des acteurs ont été évaluées à partir de :

la proportion de répondants aux questionnaires ayant noté une amélioration de la lisibilité et de la complétude des données transmises des VA électroniques par rapport aux informations habituelles reçues dans les VA papier (modalités « tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord ») ;

la proportion de répondants n’ayant pas noté d’indisponibilité du VA sur le portail des OF ou sur la PEC ;

la moyenne du gain de temps estimé par les répondants pour remplir ou traiter le certificat électronique par rapport à un certificat papier,

la proportion de répondants qui recommanderaient à leurs confrères le passage à la certification électronique.

Ce taux de satisfaction a été comparé à un taux attendu de 70%, fixé en amont de l’expérimentation.

Figure 2 : Synthèse des indicateurs d’évaluation de l’expérimentation*, selon les types d’acteurs (mairies, médecins, opérateurs funéraires, préfectures) – juin 2017 à janvier 2018 – 6 communes, France
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Résultats

Avant le lancement de l’expérimentation, plus de 50% des certificats de décès étaient enregistrés par voie électronique dans les communes d’Aurillac (55%), Montluçon (68%) et Villejuif (50%) (figure 3), essentiellement par trois établissements de santé ayant démarré la certification électronique en 2009 (Hôpital Paul Brousse à Villejuif), en 2010 (CH d’Aurillac) et en 2014 (CH de Montluçon). Dans les trois autres communes, la certification électronique n’était pas utilisée avant l’expérimentation.

L’expérimentation a permis le démarrage de la certification électronique dans des établissements de santé situés sur les communes de La Rochelle (clinique du Mail et groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis), Antibes (CH Antibes Juan-Les-Pins), Aurillac (Centre Médico-Chirurgical de Tronquières) et Créteil (CHU Henri Mondor).

Dans toutes les communes de l’expérimentation, le taux de certification électronique de décès a progressé, y compris dans celles déjà engagées dans la démarche (+17% à Aurillac, +4% à Montluçon et +22% à Villejuif) (figure 3). La plus forte progression est observée à Antibes qui a enregistré 63,2% de la mortalité totale par voie électronique. Les deux communes de Créteil et La Rochelle ont des progressions plus faibles à l’issue de la période de suivi (respectivement +7% et +28,6%).

Au total, sur l’ensemble des six communes, près de la moitié (48%) des certificats de décès ont été certifiés de manière dématérialisée. Tous ces certificats ont été transmis dans les deux heures aux mairies et aux opérateurs funéraires (tableau 1). Ce taux de dématérialisation dépasse l’objectif de 30% des décès certifiés électroniquement, qui avait été fixé en amont du projet (figure 2). Sur la totalité des VA transmis sur le POF dès la validation du certificat de décès électronique, 64% ont été téléchargés par un OF ce qui dépasse l’objectif attendu de 30% (figure 2). Cependant il a été constaté une hétérogénéité entre les communes pour ce taux de téléchargement (tableau 1).

Concernant l’application mobile : 9% des certificats électroniques de décès enregistrés sur la période de suivi de l’expérimentation ont été rédigés et validés à partir de l’application mobile. Ce résultat est proche de l’objectif de 10% qui avait été ciblé pour l’expérimentation (figure 2). L’application mobile a été essentiellement utilisée dans les communes de La Rochelle (SOS Médecins) et d’Aurillac (Permanence des soins ambulatoires).

L’ensemble des acteurs a estimé que la dématérialisation du certificat de décès leur apportait un gain de temps pour le traitement des certificats. Ce gain est déclaré en moyenne de :

10 minutes par certificat pour les médecins utilisateurs de l’application mobile (aides en ligne, pré remplissage de l’identité sur l’application mobile...) ;

20 minutes par certificat pour les mairies ;

30 minutes par certificat pour les OF (suppression de l’obligation faite aux OF d’aller chercher le certificat dans l’établissement).

S’agissant des indicateurs de mesure de l’adhésion et de satisfaction des acteurs, les objectifs ont tous été atteints, voire dépassés pour les mairies et les OF (figure 2), et ont mis en lumière des bénéfices additionnels. Les mairies se sont déclarées satisfaites et ont indiqué avoir obtenu une nette amélioration de la complétude des certificats de décès ainsi qu’une amélioration très significative de la lisibilité des données. Parmi les OF, 270 sur les 450 implantés dans les départements d’expérimentation ont répondu au questionnaire et 92% se sont déclarés satisfaits, 97% ont noté une amélioration de la complétude des données et une meilleure lisibilité. De plus, 92% ont déclaré qu’ils recommanderaient l’utilisation du VA dématérialisé à leurs confrères et aux mairies, plutôt que de rester sur un VA au format papier. Pour les préfectures, 70% étaient satisfaites, notamment en raison de l’harmonisation des pratiques entre les départements pour les opérations relatives à l’habilitation des OF et de la simplification des échanges avec ceux-ci.

L’expérimentation a mis en lumière deux points négatifs :

au sein des établissements, des acteurs autres que les professionnels de santé (agents des chambres mortuaires et agents des admissions) sont impliqués dans le circuit du certificat de décès, mais leur rôle n’avait pas été prévu dans la solution déployée pour l’expérimentation ;

une difficulté initiale de compréhension et d’adhésion des OF à l’utilisation de leur identifiant personnel pour la connexion sécurisée au portail des opérations funéraires au lieu d’un accès professionnel, l’outil FranceConnect étant l’outil de connexion sécurisé utilisé par tous les français pour accéder aux services de l’État et non un outil de connexion sécurisé à usage professionnel.

En revanche, les médecins n’ont pas fait état de difficultés ni demandé des évolutions au cours de la période de suivi de l’expérimentation.

Figure 3 : Proportion de décès certifiés par voie électronique parmi l’ensemble des décès survenus
dans chacune des 6 communes pendant la période de suivi de l’expérimentation* (juin 2017 à janvier 2018), comparativement à la même période de l’année précédente (juin 2016 à janvier 2017)
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Tableau 1 : Suivi de la dématérialisation des certificats et du téléchargement des volets administratifs par un opérateur funéraire entre juin 2017 et janvier 2018 dans chacune des six communes participant à l’expérimentation, France
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Discussion

Sur la période de l’expérimentation, le taux de décès certifiés électroniquement a progressé dans toutes les communes, y compris dans celles déjà engagées dans la certification électronique. L’ensemble des VA des certificats électroniques rédigés pendant la période d’expérimentation ont bien été reçus par les mairies. Les opérateurs funéraires ont téléchargé le VA dans 64% des cas. L’ensemble des acteurs se sont déclarés satisfaits du nouveau dispositif. L’expérimentation a permis de tester le dispositif dans sa globalité et d’identifier des manques dans la solution mise en œuvre.

Au niveau international, la certification électronique a également été mise en œuvre dans différents
pays 8,9,10,11, avec des solutions techniques et des stratégies de déploiement variables selon la complexité du circuit du certificat de décès existant dans le pays. La littérature sur les solutions mises en place et l’évaluation de ces dispositifs reste toutefois rare. Le déploiement de la certification électronique n’a pas systématiquement fait l’objet d’une expérimentation préalable. Ainsi, au Portugal, à la mise en place du dispositif, une obligation de certifier électroniquement les décès a été décidée, permettant d’atteindre en quelques mois un taux de déploiement de 100% 9.

Enseignements de l’expérimentation pour la généralisation

En France, comme en Slovénie 10, la démarche d’impliquer les acteurs tout au long des phases de construction du projet a été privilégiée pour disposer d’une solution conforme à leurs attentes. La satisfaction des différents acteurs et le faible nombre de points négatifs identifiés lors de notre expérimentation confirme l’importance de cette démarche.

Si les parties prenantes impliquées dans l’utilisation du VA et de la certification via l’application mobile ont été satisfaites lors de l’expérimentation, il a été ardu, du fait de la difficulté à joindre les médecins en établissement, d’évaluer leur adhésion. De plus, le déploiement de la certification électronique au sein des établissements de santé est parfois compliqué, en raison des priorisations locales des projets et d’une conduite du changement interne variable d’un établissement à l’autre. Un accompagnement du déploiement au sein des établissements par les Agences régionales de santé (ARS) sera nécessaire lors de la généralisation.

La faible utilisation de l’application mobile par les médecins, bien que proche de l’objectif attendu, s’explique en grande partie par des actions de communication limitées auprès des médecins libéraux. Toutefois, pour les médecins ayant pu prendre connaissance de l’application mobile, ce nouveau service a été adopté rapidement et la fédération des associations SOS Médecins France s’est déclarée vouloir être dans les premières cibles pour la généralisation.

Concernant les OF, la disparité entre les départements des taux de VA téléchargés sur le portail des OF est liée 1/ pour le département du Val-de-Marne, au recours par les familles à des OF situés en dehors du département, et donc sans habilitation pour le téléchargement ; 2/ pour les villes d’Aurillac et Montluçon, à l’adhésion aux outils informatiques qui a nécessité un plus grand nombre d’actions de communication et de mobilisation, par des appels répétés de l’équipe projet. Cela sera à prendre en compte dans les supports de formation et d’appui au déploiement pour la généralisation.

D’un point de vue technique, la mise en lumière lors de l’expérimentation d’acteurs autres que les professionnels de santé au sein des établissements impliqués dans le circuit du certificat de décès a permis d’adapter l’application web « CertDc » pour prendre en compte leurs besoins. De même, les besoins des officiers de police judiciaire en cas d’obstacle médico-légal ont été identifiés et pris en compte au cours de l’expérimentation. La solution est ainsi généralisable en l’état, sans adaptation technique ni fonctionnelle complémentaire.

La principale limite de cette expérimentation réside dans l’importance de la préparation en amont qu’elle a nécessité : la réalisation de réunions, de supports et d’actions de formation préalables, ainsi qu’un accompagnement ciblé sur différents acteurs. Ces efforts conséquents et le niveau d’implication élevé de tous les acteurs au cours de cette période ne pourra pas être reproduit à l’identique au niveau national lors de la généralisation. L’accompagnement au changement devra être prioritairement centré sur : l’information des médecins, l’accompagnement à l’usage de la carte CPS, la simplification de l’authentification, la formation des agents en préfecture, l’information et l’assistance téléphonique de proximité pour les OF.

Au-delà, l’expérimentation a mis en exergue la construction d’un cercle vertueux entre les mairies, les établissements de santé et les OF, avec un effet d’entraînement par les mairies qui sont très sensibilisées et mobilisés dans la dématérialisation des procédures. Il sera le meilleur gage pour la réussite de la généralisation.

Apports de la dématérialisation complète pour la population et la santé publique

Bien que réalisée dans une zone géographique limitée à 6 communes, sur une période de 5 à 8 mois, l’expérimentation a permis de tester l’ensemble des aspects de la dématérialisation du certificat de décès, ce qui est central dans la réalisation des démarches qui font suite à un décès et permet à l’usager de ne plus avoir à se rendre en mairie dans les 24 heures.

La certification électronique des décès constitue un apport majeur pour la surveillance réactive de la mortalité. Elle est le moyen le plus rapide de remontée de l’information sur la mortalité, avec 90% des certificats disponibles dans les 24h qui suivent le décès 6. Elle offre de plus la disponibilité immédiate des causes médicales de décès, permettant une compréhension plus rapide de l’impact de phénomènes sanitaires, notamment en situation d’émergence ou de survenue d’événements inhabituels. La réactivité constitue également un point fort de la certification électronique souligné par le système américain 8.

La certification électronique des décès apporte par ailleurs une amélioration de la qualité de l’information sur les causes médicales de décès renseignées par les médecins 5, ce qui facilite le codage et l’analyse de la mortalité pour la santé publique.

Conclusion

L’extension du développement de dématérialisation complète du certificat de décès au-delà du seul volet médical et son expérimentation dans six communes constitue une phase majeure pour lever les principaux freins au déploiement de la certification électronique des décès au niveau national.

Grâce au bilan positif de l’expérimentation, la généralisation de la solution sur l’ensemble du territoire a été actée au cours du comité de pilotage du 12 avril 2018 par les parties prenantes. Celle-ci sera menée par phases successives, pour coordonner et maîtriser la montée en charge du dispositif et assurer l’accompagnement de l’ensemble des utilisateurs (voir le focus d’I. Carton et coll. dans ce numéro). À terme, cette généralisation permettra d’améliorer la réactivité de la remontée de données fiables de mortalité pour la santé publique.

Remerciements

L’équipe projet remercie chaleureusement tous les acteurs ayant participé à cette expérimentation, en particulier le SGMAP pour la phase de conception, et les ARS, les communes, les préfectures et les opérateurs funéraires pour la phase de réalisation. Les auteurs remercient également Grégoire Rey (Inserm-CépiDc) et Anne Fouillet (Santé publique France) pour leur soutien dans la rédaction du manuscrit.

Liens d’intérêt

Le développement et l’expérimentation ont fait l’objet d’un financement dans le cadre du PIA (projet d’investissements d’avenir). Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Ministère de la Santé et des Solidarités. Décret n°2006-938 du 27 juillet 2006 relatif au certificat de décès et modifiant le code général des collectivités territoriales aux articles R. 2213-1-1 et suivants (partie réglementaire). 2006. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000423809
2 Van Maris F, Jardé O, Manaouil C. Certificat de décès : modifications récentes et mode d’emploi. Rev Prat. 2018 ;68(9): 995-1005.
3 Fouillet A, Pavillon G, Vicente P, Caillère N, Aouba A, Jougla E, et al. La certification électronique des décès, France, 2007-2011 Bull Epidémiol Hebd. 2012;(1):7-10. https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-certification-electronique-des-deces-france-2007-2011
4 Fouillet A, Pigeon D, Carton I, Robert A, Pontais I, Caserio-Schönemann C, et al. Évolution de la certification électronique des décès en France de 2011 à 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(29-30):585-93. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/29-30/2019_29-30_2.html (ce numéro)
5 Lefeuvre D, Pavillon G, Aouba A, Lamarche-Vadel A, Fouillet A, Jougla E, et al. Quality comparison of electronic versus paper death certificates in France, 2010. Popul Health Metr. 2014;12(1):3.
6 Lassalle M, Caserio-Schönemann C, Gallay A, Rey G, Fouillet A. Pertinence of electronic death certificates for real-time surveillance and alert, France, 2012-2014. Public Health. 2017;143:85-93.
7 Baghdadi Y, Gallay A, Caserio-Schönemann C, Fouillet A. Evaluation of the French reactive mortality surveillance system supporting decision making. Eur J Public Health. 2019;29(4):601-7.
8 Office of the Inspector General of the Social Security Administration. State use of electronic death registration reporting. OIG. 2017. 25 p.
9 Marques C, Monteiro A, Rebuge Á, Martins H. Mobile SICO – Mobile E-death certification. Procedia Computer Science. 2015;64:911-6.
10 Stanimirovic D. Electronic certification of death in Slovenia – System considerations and development opportunities. Stud Health Technol Inform. 2016;223:174-81.
11 Korpisaari P. Electronic death certificate. Report series of European commission grant agreement. Helsinki: National Institute for Health and Welfare. Discussion paper 36/2016. 91 p.

Citer cet article

Carton I, Cuzin Y. Présentation et bilan de l’expérimentation de dématérialisation totale des certificats de décès dans six communes en France en 2017-2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(29-30):594-601. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/29-30/2019_29-30_3.html