Évolution de la certification électronique des décès en France de 2011 à 2018

// Evolution of electronic death certification in France from 2011 to 2018

Anne Fouillet (anne.fouillet@santepubliquefrance.fr)1, Dominique Pigeon2, Isabelle Carton3, Aude Robert4, Isabelle Pontais1, Céline Caserio-Schönemann1, Grégoire Rey4
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Inserm-DSI, Paris, France
3 Ministère des Solidarités et de la Santé, Direction générale de la santé, Paris, France
4 Inserm-CépiDc, Le Kremlin-Bicêtre, France
Soumis le 27.06.2019 // Date of submission: 06.27.2019
Mots clés : Mortalité | Certification électronique | Déploiement
Keywords: Mortality | electronic registration | deployment

Résumé

Introduction –

La certification électronique mise en place à la suite de la canicule de 2003 permet aux médecins de certifier les décès à travers une application Web sécurisée. Cet article décrit l’état d’avancement du déploiement de la certification électronique des décès en 2018 et sa progression depuis 2011.

Méthodes –

Le taux de déploiement estimé en 2018 est décrit à l’échelle nationale, régionale et départementale. La répartition des certificats électroniques en 2018 par classe d’âge et type de lieu de décès est comparée à celle de la mortalité totale. L’évolution temporelle du déploiement est présentée au niveau national et par région.

Résultats –

En 2018, 15,6% des décès ont été certifiés électroniquement. Cette proportion variait de 0,6% à 24% selon les régions. La majeure partie des certificats électroniques concernaient des personnes âgées de 65 ans ou plus (81,6% vs 84% sur l’ensemble des décès) et étaient enregistrés à l’hôpital (90,1% vs 55,7% sur l’ensemble des décès).

Après avoir stagné entre 2011 et 2013, le taux de décès certifiés électroniquement en France a augmenté entre 2014 et 2016, a stagné en 2017, avant de connaître une nette progression en 2018.

Discussion –

Le déploiement de la certification électronique reste encore limité et hétérogène sur le territoire malgré la mise en place d’actions régionales, encouragées par deux instructions ministérielles, et la mise en œuvre d’évolutions techniques de l’application Web CertDc visant à lever les freins au déploiement. La certification électronique des décès apporte pourtant des bénéfices pour les médecins certificateurs et les Agences régionales de santé (ARS), ainsi que pour la surveillance réactive de la mortalité.

Abstract

Introduction –

The electronic death registration system (EDRS) set up after the 2003 heat wave, allows physicians to certify death using a secured web-tool. This article presents the status of the deployment of the E-death certification in 2018 in France and its evolution since 2011.

Methods –

The deployment rate estimated in 2018 is described at national, regional and local levels. The distribution of E-death certificates by age group and type of location of death in 2018 was compared to the distribution of total mortality. The temporal evolution of the deployment of E-death certificates was also analyzed at national and regional levels.

Results –

In 2018, 15.6% of all-cause mortality were certified using the EDRS. This proportion varied from 0.6% to 24% depending of the regions. E-death certificates concerned mainly people aged over 65 years old (81.6% vs 84% out of total mortality) and were mainly registered by hospitals (90.1% vs 55.7% out of total mortality).

The rate of E-death certificates in France increased from 2014 and 2016, remained stable in 2017, and then increased significantly in 2018.

Discussion –

The deployment of E-death certification is still limited and heterogeneous across the country, despite the implementation of regional actions encouraged by two ministerial instructions and the implementation of technical developments of the web tool aimed at removing obstacles to deployment. However, electronic certification of deaths brings benefits for certifying physicians and the regional health authorities, as well as for reactive mortality surveillance.

Introduction

Les données sur les causes médicales de décès constituent une source essentielle d’informations épidémiologiques permettant de caractériser l’ampleur des problèmes de santé publique au niveau national et international (fréquence des pathologies ou des morts violentes, évolutions dans le temps, disparités spatiales et sociodémographiques) 1,2. Elles permettent également d’évaluer l’impact des actions mises en place par les pouvoirs publics et contribuent au système de veille sanitaire. L’efficacité de la veille sanitaire nécessite, outre une bonne fiabilité des statistiques, une remontée rapide, systématique et centralisée de l’information.

Le projet de mise en place d’un circuit de certification électronique des décès a été lancé suite à la crise sanitaire de la canicule d’août 2003. Le système de certification électronique, opérationnel depuis 2007, permet à l’ensemble des médecins de certifier directement le décès sur un poste informatique relié à Internet à travers l’application Web sécurisée « CertDc » (https://sic.certdc.inserm.fr) 3. L’application gère à la fois les connexions par carte CPS (carte de professionnel de santé) et celles par identifiant et mot de passe lorsque ces cartes ne sont pas disponibles. Dès la validation électronique du certificat par le médecin, les informations du volet médical sont immédiatement transmises sur un serveur et disponibles dans les minutes qui suivent au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc-Inserm) et à Santé publique France. En revanche, le volet administratif du certificat doit encore être imprimé après validation du certificat par le médecin. Les médecins peuvent par ailleurs modifier ou compléter le contenu du certificat de décès dans les 96 heures qui suivent sa validation.

Les premières évaluations sur l’utilisation fonctionnelle du système ont montré :

une très forte diminution des délais de production des statistiques de mortalité ;

une amélioration de la qualité et de la fiabilité des données 4 ;

un renforcement de la confidentialité des données par des procédures de chiffrement ;

un allègement du circuit du certificat entraînant une réduction importante des coûts découlant de la manipulation des documents papier, en particulier pour le CépiDc-Inserm et pour les Agences régionales de santé (ARS) ;

un apport pour la surveillance réactive à visée d’alerte sanitaire 5.

Une première description de l’évolution du déploiement de la certification électronique entre 2007 et 2011 avait été réalisée, montrant un déploiement limité (5% en 2011) et hétérogène sur le territoire 6. Afin d’inciter au déploiement de ce mode de certification, différentes évolutions techniques et actions d’incitation ont été menées au niveau national, ou plus localement à des niveaux régionaux ou infrarégionaux.

Le présent travail vise à décrire l’état du déploiement de la certification électronique en 2018 et sa progression depuis 2011. Cette progression sera mise en regard des évolutions techniques et actions d’incitation à la certification électronique sur cette période.

Matériel et méthodes

Le nombre de décès certifiés par voie électronique a été calculé à partir des certificats reçus en routine par Santé publique France et intégrés dans le système de surveillance SurSaUD® (Surveillance sanitaire des urgences et des décès). Ces certificats contiennent à la fois des informations démographiques (date de décès, date de naissance, sexe), administratives (commune de décès, type de lieu de décès, commune de résidence) et médicales (causes médicales de décès exprimées par le médecin sous forme de texte libre).

Le nombre total de décès survenus en France, quel que soit le mode de certification (papier ou électronique), est disponible à travers les bases exhaustives du CépiDc-Inserm. Ces données de référence étaient disponibles jusqu’en 2015 au moment de l’étude.

Pour estimer le nombre total de décès survenus en France de janvier 2016 à décembre 2018, les données administratives de décès enregistrées de façon réactive par les bureaux d’état civil et transmises quotidiennement à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont été utilisées. Les informations démographiques et administratives (date de décès, sexe, année de naissance, commune de décès) de ces décès sont retransmises chaque jour à Santé publique France. Elles sont issues d’un échantillon de 3 000 communes et couvrent 77,5% de la mortalité nationale, variant de 67% à 96% selon les régions 7. Le nombre total de décès survenus en France entre janvier 2016 et décembre 2018 a alors été estimé en divisant le nombre de décès enregistrés dans l’échantillon de 3 000 communes sur cette période par le taux de couverture de cet échantillon.

Le taux de déploiement de la certification électronique entre 2011 et 2018 a été mesuré en rapportant le nombre de décès certifiés électroniquement au nombre total de décès 1/ calculé à partir des bases exhaustives du CépiDc de 2011 à 2015 et 2/ estimé à partir de l’échantillon des 3 000 communes transmis par l’Insee entre 2016 et 2018.

Afin de dresser un état des lieux actuel du déploiement de la certification électronique des décès, le taux de déploiement estimé pour l’année 2018 est présenté à l’échelle nationale, régionale et départementale. La répartition des décès certifiés par voie électronique en 2018 par classe d’âge (<15 ans, 15-64 ans, 65-84 ans et 85 ans ou plus) et par type de lieu de décès (domicile, établissement public, établissement privé, Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)/maison de retraite, voie publique, autre lieu/indéterminé) est également décrite au niveau national et régional. La répartition des décès certifiés électroniquement par classe d’âge est comparée à celle de la mortalité totale estimée en 2018 à partir de l’échantillon des 3 000 communes. Le type de lieu de décès n’étant pas disponible dans les données transmises par l’Insee à Santé publique France, la répartition des décès certifiés électroniquement par type de lieu de décès est comparée à celle de la mortalité totale observée en 2015 à partir des données exhaustives du CépiDc.

Enfin, l’évolution temporelle du déploiement de la certification électronique depuis 2011 est présentée au niveau national et par région.

Résultats

État du déploiement de la certification électronique en France en 2018

En 2018, près de 94 000 décès ont été certifiés par voie électronique, représentant 15,6% des décès survenus en France. Cette proportion de décès certifiés par voie électronique était hétérogène sur le territoire (figure 1), variant en métropole de 0,6% en Corse à plus de 20% en Auvergne-Rhône-Alpes (20,6%), Nouvelle-Aquitaine (20,8%), Grand Est (21,2%), Centre-Val de Loire (22,3%) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) (24%). En Outre-mer, La Réunion/ Mayotte enregistraient 23,9% de leurs décès par voie électronique, suivie de la Martinique (16,1%). En revanche, la Guyane n’a utilisé ce mode de certification que très exceptionnellement en 2018 (2 décès).

Le taux de décès certifiés électroniquement dépassait 40% dans cinq départements (figure 1) : les Hauts-de-Seine (52%), le Cher (47%), la Haute-Savoie (45%), l’Allier (43%) et les Alpes-Maritimes (43%). Un tiers des départements avait toutefois un taux de déploiement inférieur à 5%.

En 2018, 770 établissements de santé avaient certifié au moins un décès par voie électronique. La majeure partie des certificats électroniques étaient rédigés à l’hôpital (90,1% : 76% en établissement public et 14,1% en établissement privé). Seuls 1,9% des décès survenant à domicile avaient également fait l’objet d’une certification électronique, ainsi que 7,7% des décès survenant en Ehpad/maison de retraite (figure 2). Cette répartition différait nettement de celle de la mortalité totale mesurée en 2015. En effet, tous certificats confondus, la mortalité survenait en établissement de santé pour 55,7% des décès (47,2% en établissement public et 8,5% en établissement privé), 21,1% à domicile et 17,9% en Ehpad/maison de retraite.

En 2018, la distribution très majoritaire en établissement public ou privé des décès certifiés électroniquement s’observait dans toutes les régions. Dans les Ehpad/maison de retraite leur part dépassait 10% en Bretagne (18,4%), Normandie (13,2%), Auvergne-Rhône-Alpes (11,9%) et Bourgogne-Franche-Comté (11,8%).

La très grande majorité des décès certifiés par voie électronique en 2018 concernait des personnes âgées de 65 ans ou plus : 42,8% étaient âgées de 65-84 ans et 38,8% avaient 85 ans ou plus (figure 3) ; 17,3% des certificats électroniques concernaient des personnes de 15-64 ans et 1,1% des enfants de moins de 15 ans. Cette répartition était similaire dans les différentes régions.

Cette répartition différait de celles des décès totaux (quel que soit le mode de certification) : la part des décès chez les enfants et adultes de 15-64 ans y était légèrement supérieure, plus marquée chez les 65-84 ans. La part des décès de 85 ans ou plus dans l’ensemble des décès certifiés électroniquement (38,8%) était en revanche inférieure à celle des 85 ans ou plus dans la mortalité totale (47%).

Figure 1 : Estimation de la part (%) de décès certifiés par voie électronique en France, en 2018, parmi l’ensemble des décès (tous modes de certification confondus), par région (a) et par département (b)
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Figure 2 : Répartition des décès certifiés électroniquement en 2018 et de l’ensemble des décès en 2015 par type de lieu de décès en France
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Figure 3 : Répartition des décès certifiés électroniquement et de l’ensemble des décès (estimation) par classe d’âge en France en 2018
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Après avoir, de 2011 à 2013, stagné entre 4 et 6% de la mortalité totale, le taux de décès certifiés électroniquement en France a augmenté entre 2014 et 2016, passant de 6,3% à 11,3% (figure 4). Le déploiement s’est ralentit en 2017 (12,1%), avant de connaître une nette progression en 2018, atteignant un taux de 15,6%.

La progression du déploiement de la certification électronique observée au niveau national depuis 2014 était très hétérogène selon les régions (figure 5). Ainsi, six régions ont connu une progression majeure aussi bien en 2015 qu’en 2016 (PACA, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Centre-Val de Loire et Grand Est.).

On a noté par ailleurs une hausse modérée du taux de décès certifiés électroniquement en 2016 dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Normandie, Bretagne et Pays de la Loire.

Seule la région PACA a poursuivi la progression de son déploiement en 2017, alors que celui-ci a ralenti, voire stagné dans toutes les autres régions. En 2018, le déploiement est reparti en nette hausse dans les régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et PACA, et de façon plus modérée en Nouvelle-Aquitaine, Grand Est, Centre-Val de Loire, Normandie, Pays de la Loire et Île-de-France.

Figure 4 : Évolution mensuelle du nombre et de la proportion de décès certifiés par voie électronique
parmi l’ensemble des décès entre 2010 et 2018 en France
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Figure 5 : Évolution annuelle de la proportion de décès certifiés par voie électronique entre 2014 et 2018 en France et par région (par ordre décroissant de proportion de décès observée en 2014)
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Discussion

Le déploiement de la certification électronique reste encore limité (15,6% de la mortalité nationale en 2018), avec une représentativité sociodémographique imparfaite de la mortalité totale et une répartition géographique hétérogène sur le territoire. La certification électronique est utilisée dans un décès sur cinq dans cinq régions (PACA, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Centre-Val de Loire).

Au niveau international, le taux de décès certifiés par voie électronique est rarement disponible dans la littérature. Engagée depuis 2004 aux États-Unis, la certification électronique enregistrait 76,6% des décès en 2014 8. Au Portugal, la totalité des décès sont certifiés électroniquement 9. D’autres pays tels que la Slovénie 10 ou la Finlande 11, ont engagé le processus de dématérialisation du certificat de décès plus récemment.

Des actions et évolutions pour encourager le déploiement

En France, la participation des établissements de santé à la certification électronique repose sur le volontariat. Le premier frein au déploiement reste la méconnaissance de l’existence de ce mode de certification des décès. L’organisation de réunions d’informations régionales ou locales dès 2013 dans une dizaine de régions (ex-régions), ainsi que des courriers d’information individuels ont permis de communiquer largement auprès des établissements de santé, mais cet effort de communication n’a pas pu être maintenu dans le temps (tableau).

Pour aller plus loin dans l’incitation au déploiement, deux instructions ministérielles ont demandé aux ARS de s’organiser pour atteindre un taux de 20% de décès certifiés par voie électronique en 2015, puis de 40% en 2018 dans toutes les régions 12,13. Bien qu’aucune région n’ait atteint cet objectif aujourd’hui, certaines ARS, en particulier Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie ou encore plus récemment Bretagne, ont engagé des actions qui ont été suivies d’une réelle progression de la certification électronique dans leur région (tableau).

Différentes stratégies d’incitation au déploiement de la certification électronique ont été mises en œuvre :

certaines ont ciblé spécifiquement des établissements de santé, dont le nombre de décès annuellement enregistrés permettait d’atteindre le seuil fixé par les instructions ministérielles. Ce fut notamment la stratégie visée par la région Nouvelle-Aquitaine, l’ex-région Midi-Pyrénées, les régions PACA ou Pays de la Loire. Ce ciblage pouvait s’accompagner de l’inscription dans les CPOM (contrat de performance, d’objectif et de moyen) d’un objectif quantifié de déploiement fixé par les ARS aux établissements.

d’autres ARS ont choisi d’inciter à l’utilisation de la certification électronique via des actions s’adressant à l’ensemble des établissements de santé volontaires. Ce fut notamment le cas en Auvergne-Rhône-Alpes.

Le ralentissement du déploiement de la certification électronique en 2017 s’explique essentiellement par la fusion des régions, qui a entrainé un bouleversement de l’organisation des ARS et de la répartition des activités entre anciennes et nouvelles entités. Les actions de sensibilisation auprès des établissements de santé menées par les ARS déjà engagées avant la fusion des régions ont repris dès 2018, ce qui explique la hausse observée sur cette dernière année. Cette progression semble se poursuivre sur le 1er trimestre 2019, même si les chiffres sont encore provisoires. La progression du déploiement en 2018 peut également être associée à la publication du nouveau décret 14 qui a institué la saisie sur support électronique du certificat et à défaut sa rédaction sur support papier. Concomitamment, le changement des modèles de certificats de décès en janvier 2018 a parfois engendré la pénurie de certificats vierges de décès, entrainant un report de la certification par voie électronique.

D’autres freins au déploiement du système ont été relevés, concernant l’outil de certification. Des évolutions et améliorations du service ont sans cesse été apportées sur les dernières années (tableau). Certaines visaient en particulier à faciliter le remplissage du certificat de décès à travers : 1/ l’extension du délai de validation d’un certificat de décès (passant de 48h à 96 heures) en 2012, 2/ l’organisation en équipe au sein des établissements (2013), ou encore 3/ l’alimentation de certains champs du certificat de décès à partir des traits d’identité des patients contenus dans le dossier patient informatisé de l’établissement (2019). D’autres évolutions viennent également faciliter la gestion des accès à l’application de certification des décès dans les établissements (choix d’un identifiant/ mot de passe personnalisé par exemple).

Toutefois, la nécessité d’imprimer le volet administratif du certificat de décès lorsque le certificat est rédigé par voie électronique constitue le principal frein à un déploiement large de ce mode de certification. La dématérialisation complète du certificat de décès, incluant le volet administratif, a été développée et testée dans six communes (Antibes, Aurillac, Créteil, La Rochelle, Montluçon et Villejuif) dans le cadre d’une expérimentation réalisée en 2017 15. Le bilan de cette expérimentation a permis de noter une hausse du taux de décès certifiés électroniquement dans ces communes, ainsi qu’une satisfaction de l’ensemble des acteurs impliqués (médecins, mairies, préfectures, opérateurs funéraires). En particulier, les différents acteurs ont estimé que la dématérialisation du certificat de décès leur apportait un gain de temps par rapport au temps global nécessaire pour la rédaction ou le traitement (mairie, opérateurs funéraires) d’un certificat papier pour leur activité 15.

La généralisation progressive de cette expérimentation dans un plus grand nombre de communes dans les prochaines années devrait permettre d’accroitre nettement le taux de décès certifiés électroniquement 16. Le développement d’une application mobile réalisée en 2017 facilitera cette généralisation pour les médecins certifiant un décès en dehors d’un établissement et permettra ainsi de mieux couvrir les décès survenant à domicile ou sur la voie publique.

Tableau : Principales évolutions techniques de l’application web CertDc et principales actions d’incitation à la certification électronique des décès au niveau national, régional et infrarégional en fonction de l’année de mise en œuvre entre 2013 et mars 2019, France
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Bénéfices de la certification électronique des décès

La certification électronique des décès apporte en premier lieu des bénéfices pour les médecins certificateurs. En particulier, elle permet :

une amélioration de la qualité de l’information grâce à une aide en ligne pour le remplissage des champs administratifs, des circonstances de décès et des causes de décès ;

le remplissage automatique de documents complémentaires ;

un remplissage partagé du certificat, lorsque le certificateur a choisi une organisation en équipe au sein de son établissement ;

depuis mars 2019, un pré-remplissage des informations administratives contenues dans le dossier patient informatisé de l’établissement.

Pour les ARS, cette dématérialisation du certificat de décès permet la suppression de la charge financière et logistique liée à l’achat et à la distribution des certificats papier vierges et à la transmission mensuelle des volets médicaux au CépiDc-Inserm.

Enfin, la certification électronique des décès constitue un apport majeur pour la surveillance réactive de la mortalité. Celle-ci est actuellement fondée sur les seules informations administratives des décès enregistrées dans les services d’état civil des communes informatisées et transmises par l’Insee au système de surveillance syndromique SurSaUD®7.

La certification électronique constitue le moyen le plus rapide de remontée de l’information sur la mortalité, avec 90% des certificats disponibles dans les 24 heures qui suivent le décès 6. Elle offre de plus la disponibilité immédiate des causes médicales de décès, permettant une compréhension plus rapide de l’impact de phénomènes sanitaires. La réactivité constitue également un point fort de la certification électronique souligné par le système américain 8.

L’interprétation des fluctuations de la mortalité via la certification électronique reste cependant difficile, du fait de l’insuffisance et l’hétérogénéité du déploiement sur le territoire et de la difficulté à distinguer les variations attribuables à des situations sanitaires de celles liées à l’utilisation de ce mode de certification. Enfin, la répartition actuelle des décès certifiés électroniquement selon l’âge ou le type de lieu de décès n’est pas représentative des tendances nationales de la mortalité.

Conclusion

L’analyse des décès collectés à partir de la certification électronique constitue une avancée majeure pour la surveillance en temps réel de la mortalité. Bien qu’encore insuffisante, la progression du déploiement de ce mode de certification sur les cinq dernières années laisse espérer l’utilisation prochaine de ces données pour la surveillance réactive de la mortalité. Seule une forte participation des établissements de santé au système permettra l’utilisation des données pour l’évaluation et la compréhension d’une surmortalité en cas de survenue d’un nouvel événement sanitaire.

Remerciements

Les auteurs remercient l’ensemble des référents des ARS et des cellules régionales de Santé publique France qui ont contribué au déploiement de la certification électronique, les médecins certifiant les décès par voie électronique, ainsi que tous les acteurs au sein des établissements qui contribuent à la mise en place de ce mode de certification. Ils remercient également Fabrice Mouthe pour sa contribution majeure dans le développement et le déploiement des évolutions techniques de l’application web CertDc.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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15 Carton I, Cuzin Y. Présentation et bilan de l’expérimentation de dématérialisation totale des certificats de décès dans six communes en France en 2017-2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(29-30):594-601. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/29-30/2019_29-30_3.html
16 Carton I, Cuzin Y. Focus. La fin de la certification papier est pour demain. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(29-30):601-2. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/29-30/2019_29-30_4.html

Citer cet article

Fouillet A, Pigeon D, Carton I, Robert A, Pontais I, Caserio-Schönemann C, et al. Évolution de la certification électronique des décès en France de 2011 à 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(29-30):585-93. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/29-30/2019_29-30_2.html