Mortalité et causes de décès dans la maladie de Parkinson : analyse des certificats de décès en France, 2000-2014

// Mortality and causes of death in people with Parkinson’s disease: Analysis of death certificates in France, 2000-2014

Catherine Ha1 (catherine.ha@santepubliquefrance.fr), Cécile Quintin1, Alexis Elbaz1,2, Laure Carcaillon-Bentata1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Université Paris-Saclay, Univ. Paris-Sud, UVSQ, CESP, Inserm, Villejuif, France
Soumis le 24.11.2017 // Date of submission: 11.24.2017
Mots-clés : Mortalité | Causes de décès | Maladie de Parkinson | France
Keywords: Mortality | Causes of death | Parkinson’s disease | France

Résumé

Introduction –

L’objectif de l’étude était de décrire la mortalité associée à la maladie de Parkinson (MP) en France.

Méthodes –

L’analyse porte sur les décès survenus en France en 2014, extraits de la base nationale du CépiDc-Inserm. Ont été sélectionnés les décès dont le certificat contenait, en cause initiale ou associée, un code de MP de la Classification internationale des maladies (CIM-10), soit G20 (MP) ou F023 (démence liée à la MP). L’évolution des taux de mortalité a été étudiée sur la période 2000-2014.

Résultats –

Parmi les 527 423 décès rapportés en 2014 chez les sujets âgés de 50 ans et plus, 1,8% mentionnaient une MP. Comparées aux personnes décédées sans mention de MP, les personnes décédées avec une MP étaient en moyenne plus âgées au moment du décès (84,2 vs 80,5 ans). Après ajustement sur l’âge, les personnes décédées avec une MP étaient significativement moins souvent des femmes (OR=0,62 [0,60-0,65]), plus souvent mariées (OR=1,37 [1,27-1,47]) et deux fois plus à risque de décéder en maison de retraite (OR=1,91 [1,80-2,03]. Le taux de mortalité standardisé sur l’âge était de 38,7/100 000 personnes-années (61,1 chez les hommes et 26,4 chez les femmes) en 2014. Entre 2000 et 2014, il a globalement baissé (-13,8%).

Comparée aux personnes décédées sans mention de MP, la distribution des causes initiales de décès dans les cas où la MP n’est mentionnée qu’en cause associée, montre, après ajustement sur l’âge et le sexe, que les malades parkinsoniens sont décédés plus souvent de maladie d’Alzheimer (ORa=2,66, IC95%: [2,39-2,97]), de démence vasculaire (ORa=1,87 [1,36-2,57]), d’une autre maladie du système nerveux (ORa=2,78 [2,37-3,26]), de cardiopathie ischémique (ORa=1,27 [1,13-1,42]), de maladie cérébrovasculaire (ORa=1,73 [1,56-1,91]) ou de chute (ORa=3,29 [2,81-3,84]). À l’inverse, le risque de décéder d’une tumeur invasive ou d’une insuffisance cardiaque est diminué (respectivement ORa=0,50 [0,46-0,55] et 0,61 [0,50-0,75]).

Conclusion –

Ce travail a permis de dénombrer et de caractériser les personnes décédées avec une MP en France en 2014, et de documenter les causes de leur décès. Néanmoins, en raison de la sous-déclaration de la MP dans les certificats de décès, qui a elle-même pu évoluer avec le temps, la prudence est de mise dans l’interprétation de ces résultats, en particulier de la baisse du taux de mortalité entre 2000 et 2014.

Abstract

Introduction –

The aim of this study was to describe the mortality in patients with Parkinson’s disease (PD) in France.

Methods –

The analyses are based on deaths that occurred in France in 2014, extracted from the national mortality database maintained by CépiDc-Inserm. Death certificates with an International Classification of Diseases code of PD (ICD-10, code G20 for PD or F023 for PD-related dementia) as underlying or associated causes were selected. Time trends in mortality rates were studied over the 2000-2014 period.

Results –

Of 527,423 deaths reported in 2014 in persons aged 50 years and older, 1.8% reported PD. Compared with those who died without PD, those with PD were on average older at the time of death (84.2 vs 80.5 years). After taking into account age, those who died with PD were significantly less likely to be women (OR=0.62 [0.60-0.65]), more likely to be married (OR=1.37 [1.27-1.47]) and to die in retirement homes (OR=1.91 [1.80-2.03]). The age-standardized mortality rate in 2014 was 38.7/100,000 person-years (61.1 in men and 26.4 in women). This rate decreased during the 2000-2014 period (overall, –13.8%).

Compared to persons who died without PD, the distribution of the underlying causes of death when PD was mentioned as an associated cause, showed, after adjustment for age and sex, that PD patients died more often with Alzheimer’s disease (ORa=2.66, 95%CI: [2.39-2.97]), vascular dementia (ORa=1.87 [1.36-2.57]), another nervous system disease (ORa=2.78 [2.37-3.26]), ischemic heart disease (ORa=1.27 [1.13-1.42]), cerebrovascular disease (ORa=1.73 [1.56-1.91]), and falls (ORa=3.29 [2.81-3.84]). Conversely, their risk of dying with an invasive tumor or heart failure was decreased (respectively ORa=0.50 [0.46-0.55] and 0.61 [0.50-0.75]).

Conclusion –

This study allowed to count and characterize people who died with PD in France in 2014, and to describe their causes of death. However, due to the under-reporting of PD in death certificates, which may have evolved over time, these results, in particular the decrease in death rates between 2000 and 2014, need to be interpreted with caution.

Introduction

La maladie de Parkinson (MP) est une maladie neurodégénérative lentement évolutive. Rare avant l’âge de 50 ans, sa fréquence augmente ensuite fortement avec l’avancée en âge, qui représente son principal facteur de risque. L’âge moyen au diagnostic se situe autour de 75 ans. Comme pour les autres maladies neurodégénératives (MND), l’étiologie de la MP est encore mal connue, même si de nombreux facteurs de risque, à la fois génétiques et environnementaux, ont été identifiés ou sont suspectés 1,2. Elle est environ 1,5 fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme 3.

La MP est la principale cause de syndrome parkinsonien (SP). Les autres SP peuvent être secondaires à la prise de certains médicaments tels que les neuroleptiques, dus à des accidents vasculaires cérébraux répétés ou relever de MND plus rares pour lesquelles le SP est associé à d’autres symptômes et n’est pas amélioré par les traitements antiparkinsoniens.

Il existe encore peu d’informations en France permettant d’apprécier le poids des MND en termes de fréquence, de recours aux soins ou de mortalité. Dans le cadre du programme MND mis en place en 2014 à l’Institut de veille sanitaire (1), il a paru intéressant d’explorer l’apport des certificats de décès dans la connaissance et le suivi de la mortalité associée à la MP.

De nombreuses études rapportent une mortalité plus élevée chez les personnes souffrant de MP par rapport à la population générale 4, en particulier un risque accru de décès par démence, chute et pneumopathie d’inhalation 5,6, et un risque plus faible de décéder par tumeur invasive, notamment par cancer lié au tabac 7.

En France, les données de mortalité sont issues à la fois du certificat médical de décès rempli par un médecin à l’occasion de chaque décès survenu sur le territoire et du bulletin de décès complété par l’officier d’état-civil de la mairie. Ces deux documents permettent de disposer d’un ensemble de caractéristiques de la personne décédée telles que le sexe, l’état matrimonial au moment du décès, les dates de naissance et de décès, le lieu de décès (domicile, hôpital, etc.), les communes et départements de naissance, de domicile et de décès.

Sur le certificat médical de décès, deux parties distinctes permettent au médecin d’en documenter les causes. La première partie rapporte la ou les maladie(s) ou affection(s) morbide(s) ayant directement provoqué le décès, dont la cause initiale (définie comme la maladie ou le traumatisme à l’origine du processus morbide ayant conduit au décès, ou les circonstances de l’accident ou de la violence qui ont entraîné le traumatisme mortel). La seconde partie permet de signaler les états morbides ayant pu contribuer au décès 8. À partir de l’année 2000, toutes les causes de décès ont été codées selon la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10), qui catégorise les maladies et définit les règles de sélection de la cause initiale de décès.

Les causes mentionnées autrement qu’en cause initiale (que ce soit en première ou seconde partie) seront désignées ci-après « causes associées ».

Ce travail a pour objectif d’étudier la mortalité des personnes âgées de 50 ans et plus décédées avec mention de MP sur le certificat de décès en France (métropole et DOM), et plus particulièrement de décrire :

les caractéristiques des personnes décédées avec mention de MP en 2014 (âge, sexe, statut matrimonial et lieu de décès) ;

les taux de mortalité avec MP et leur distribution régionale en 2014, ainsi que leur évolution temporelle sur la période 2000-2014 ;

la distribution des principales causes initiales de décès des sujets dont le certificat mentionne une MP en cause associée en 2014, en comparaison de celle observée chez les personnes décédées sans mention de MP.

Population et méthodes

Certificats de décès

L’analyse porte à la fois sur les causes initiales et associées des décès survenus entre 2000 et 2014 en France (DOM inclus, excepté Mayotte), extraits de la base nationale du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (CépiDc-Inserm). Le département de Mayotte n’a pas été inclus dans ce travail, les décès n’y étant pas encore suffisamment bien dénombrés sur la période étudiée (https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281384#encadre1).

Les analyses ont tout d’abord porté sur les décès survenus en 2014 des personnes résidant en France et âgées de 50 ans et plus au moment du décès, puis sur les décès survenus de 2000 à 2014, afin d’étudier l’évolution des taux de mortalité.

Ont été sélectionnés les décès dont le certificat contenait, en cause initiale ou associée, un code CIM-10 de MP, soit les codes G20 (MP) et F023 (démence liée à la MP).

N’ont pas été pris en compte dans notre étude : les SP qui ne relèvent pas d’une MP, codés G21 (SP secondaire), G22 (SP au cours de maladies classées ailleurs) et G23 (autres maladies dégénératives des noyaux gris centraux).

Analyse statistique

Les résultats descriptifs sont présentés sous forme de moyennes (m) et écart-types (ET) pour les variables quantitatives et de pourcentages pour les variables qualitatives.

Les caractéristiques des personnes décédées avec une MP ont été étudiées selon le sexe à l’aide de régressions logistiques univariées dans un premier temps, puis en ajustant sur l’âge.

Les caractéristiques des personnes décédées avec une MP, ainsi que les causes initiales de décès pour celles chez lesquelles la MP était mentionnée en cause associée, ont été comparées à celles des personnes décédées sans mention de MP en calculant des odds ratios (OR) avec leur intervalle de confiance à 95% (IC95%) à l’aide de régressions logistiques multivariées ajustées sur l’âge et le sexe. Ont été étudiés plus particulièrement les groupes suivants de causes de décès : les tumeurs invasives et les maladies de l’appareil circulatoire, premières causes de décès en France, ainsi que les complications les plus fréquentes des MP que sont la démence et les chutes (voir encadré). En ce qui concerne les pneumopathies d’inhalation d’aliments, autre complication fréquente de la MP, l’application de la règle de codage de la CIM-10, selon laquelle ces dernières ne doivent être retenues comme cause initiale du décès que dans les (très rares) cas où aucune autre cause n’apparaît sur le certificat, a été formalisée en 2011 et son application systématique a été effective à partir de 2014. De ce fait, nous n’avons pas pu étudier ce motif de décès en cause initiale.

Pour l’année 2014, les taux de mortalité pour 100 000 personnes-années (PA) ont été calculés en rapportant le nombre de personnes décédées en 2014 avec une MP au nombre de PA de la même année en France (source Insee). Les rapports de mortalité avec MP entre les hommes et les femmes, ajustés sur l’âge, ont été calculés, ainsi que leur IC95%, à l’aide de régressions de Poisson.

Les taux régionaux de mortalité, standardisés sur l’âge, ont été calculés, ainsi que leur IC95%. Pour la période 2000-2014, les taux de mortalité annuels des personnes décédées avec une MP ont été standardisés (standardisation directe) sur l’âge, en prenant comme population de référence les estimations de population pour l’année 2014 (source Insee).

Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Enterprise guide®, version 7.4.

Encadré :
Regroupements des pathologies étudiées et codes CIM-10 correspondants

Résultats

Caractéristiques des sujets décédés avec une MP

Parmi les 527 423 décès rapportés en 2014 chez les sujets âgés de 50 ans et plus, 1,8% (n=9 638) portaient mention d’une MP.

Le tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques de ces personnes décédées avec une MP : l’âge moyen au décès était de 84,2 ans, significativement plus élevé de 2 ans chez les femmes (85,2 ans) par rapport aux hommes (83,3 ans) ; 56,2% étaient de sexe masculin. Au moment du décès, les hommes étaient en majorité mariés (64,9% vs 24,2% chez les femmes), alors que les femmes étaient majoritairement veuves (61,6% vs 22,4% chez les hommes). Les décès masculins sont survenus plus souvent en établissement hospitalier (49,9% vs 34,4% pour les femmes) et moins souvent en maison de retraite (27,2% vs 45,2%). Ces différences de statut matrimonial et de lieu de décès entre les hommes et les femmes persistaient après ajustement sur l’âge.

Tableau 1 : Caractéristiques, selon le sexe, des personnes âgées d’au moins 50 ans et décédées avec une maladie de Parkinson, France, 2014
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Comparaison des caractéristiques au décès des sujets avec et sans MP

Comparées aux personnes décédées sans mention de MP, les personnes décédées avec une MP étaient en moyenne plus âgées au moment du décès (84,2 vs 80,5 ans) (tableau 2). Après ajustement sur l’âge, les personnes décédées avec une MP étaient significativement moins souvent des femmes (OR=0,62 [0,60-0,65]), plus souvent mariées (OR=1,37 [1,27-1,47]), moins souvent décédées à l’hôpital (OR=0,81 [0,77-0,86]) ou en clinique privée (OR=0,48 [0,43-0,54]) et deux fois plus à risque de décéder en maison de retraite (OR=1,91 [1,80-2,03]). Ces résultats restent inchangés lorsque l’on prend en compte l’ensemble des variables dans le modèle.

Tableau 2 : Caractéristiques des personnes âgées d’au moins 50 ans et décédées avec et sans maladie de Parkinson (MP). France, 2014
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Taux de mortalité et évolution sur la période 2000-2014

En 2014, le taux brut de mortalité avec MP, exprimé pour 100 000 PA, était de 38,1 dans l’ensemble, et de 47,0 chez les hommes et 30,7 chez les femmes ; les taux standardisés sur l’âge étaient de 61,1 chez les hommes et 26,4 chez les femmes.

Le taux brut de mortalité augmentait fortement avec l’âge, passant de 0,7 chez les hommes de 50-60 ans à 399,3 chez les 85 ans et plus, et de 0,2 chez les femmes à 169,8 (figure 1). Après ajustement sur l’âge, le rapport de mortalité hommes/femmes est globalement de 2,30 [2,21-2,40] (figure 2). Entre 2000 et 2014, les taux standardisés de mortalité ont baissé globalement (-13,8% sur l’ensemble de la période étudiée), de façon plus marquée chez les femmes (-17,7%) que chez les hommes (-12,7%), avec toutefois un léger pic de mortalité en 2003 pour les deux sexes, suivi d’une diminution en 2004 (figure 3).

Figure 1 : Taux de mortalité chez les personnes âgées d’au moins 50 ans et décédées avec une maladie de Parkinson (pour 100 000 personnes-années) par sexe et classe d’âge, France, 2014
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Figure 2 : Rapports de mortalité hommes/femmes par classe d’âge, France, 2014
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Figure 3 : Taux de mortalité standardisés sur l’âge chez les personnes âgées d’au moins 50 ans (pour 100 000 personnes-années), France, 2000-2014
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Distribution régionale

Les taux standardisés de mortalité variaient selon les régions (tableau 3). En 2014, chez les hommes, quatre régions ou DOM présentaient des taux de mortalité supérieurs de plus de 10% au taux national (Guadeloupe, Martinique, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes) et quatre des taux inférieurs de plus de 10% (Corse, La Réunion, Bretagne, Centre-Val-de-Loire). Chez les femmes, cinq régions ou DOM présentaient des taux standardisés de mortalité supérieurs de plus de 10% au taux national (Guadeloupe, Corse, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté) et cinq des taux inférieurs de plus de 10% (Centre, Martinique, La Réunion, Bretagne, Île-de-France).

Tableau 3 : Taux de mortalité chez les personnes âgées d’au moins 50 ans (pour 100 000 personnes-années) et intervalles de confiance à 95%, standardisés sur l’âge, par région, France, 2014
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Distribution des causes initiales de décès

Chez les personnes décédées avec une MP

La MP figurait comme cause initiale du décès pour 57,5% des cas avec mention de MP sur le certificat de décès (n=5 541), de façon comparable entre hommes et femmes. Les autres causes initiales de décès se répartissaient ainsi : maladies de l’appareil circulatoire (14,2%), tumeurs invasives (6,1%), maladie d’Alzheimer et autres démences (MAAD, 4,3%), causes externes (3,5%) constituées pour l’essentiel des chutes, maladies de l’appareil respiratoire (2,8%), maladies du système nerveux autres que MAAD et MP (1,6%), autres causes (9,9%).

Chez les personnes décédées avec une MP en cause associée, comparées aux personnes décédées sans mention de MP

Lorsque l’on s’intéresse à la distribution des causes initiales de décès dans les cas où la MP n’est mentionnée qu’en cause associée (soit dans 42,5% des cas, n=4 097), pour les comparer à celle des personnes décédées sans mention de MP, on observe, après ajustement sur l’âge et le sexe, que les premières sont décédées significativement plus souvent avec une mention de maladie d’Alzheimer (OR=2,66 [2,39-2,97]), de démence vasculaire (OR=1,87 [1,36-2,57]), d’une autre maladie du système nerveux (OR=2,78 [2,37-3,26]), de cardiopathie ischémique (OR=1,27 [1,13-1,42]) et de maladie cérébrovasculaire (OR=1,73 [1,56-1,91]) (tableau 4). Le décès à la suite d’une chute est particulièrement plus fréquent (OR=3,29 [2,81-3,84]). À l’inverse, le décès par tumeur invasive ou insuffisance cardiaque est significativement moins fréquent chez les sujets présentant une MP (respectivement OR=0,50 [0,46-0,55] et 0,61 [0,50-0,75]).

Tableau 4 : Distribution des causes initiales de décès en fonction de la mention d’une maladie de Parkinson (MP) en cause associée, chez les personnes âgées d’au moins 50 ans, France, 2014
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Discussion

En 2014, chez les sujets âgés de 50 ans et plus, 9 638 décès avec mention de MP ont été dénombrés, soit 1,8% des décès de cette tranche d’âge. La MP figurait comme cause initiale du décès dans plus de la moitié des cas (57,5%). Cette proportion est proche de celle observée par Désesquelles et coll. sur les décès à 65 ans ou plus survenus en France en 2008 (52%), ou par Goldacre et coll. en Angleterre sur la période 2001-2006 (56%) 6,9.

Les personnes décédées avec une MP étaient majoritairement des hommes (56%), reflet en partie d’une incidence plus élevée de cette maladie chez les hommes. L’âge moyen au décès était de 84,2 ans, significativement plus élevé de 3,7 années par rapport aux personnes décédées sans mention de MP et de presque 2 années chez les femmes par rapport aux hommes (85,2 ans vs 83,3 ans). Même si le risque de mortalité est plus élevé chez les malades parkinsoniens qu’en population générale (voir l’article de L. Carcaillon-Bentata et coll. dans ce numéro), cet écart d’âge traduit le fait que la MP est une maladie qui touche des personnes ayant atteint un âge suffisamment avancé pour être « à risque » de la développer.

Parmi les malades parkinsoniens, les hommes aussi bien que les femmes décédaient à domicile dans environ 20% des cas. Le décès en établissement hospitalier concernait, quant à lui, davantage les hommes (49,9% vs 34,4% pour les femmes), et celui en maison de retraite davantage les femmes (45,2% vs 27,2% pour les hommes). Ceci est à rapprocher de la plus grande longévité des femmes et d’un statut de veuvage beaucoup plus fréquent chez elles (61,6% vs 22,4% chez hommes) au moment du décès.

Avec ou sans MP, le décès survenait à domicile dans environ 20% des cas. En revanche, les personnes avec une MP décédaient deux fois plus souvent en maison de retraite (35,1% vs 17,6%) et moins souvent en établissement hospitalier (43,1% vs 58,4%).

Le taux brut de mortalité était de 38,1 pour 100 000 personnes-années, et le taux standardisé sur l’âge de 61,1 chez les hommes et 26,4 chez les femmes (rapport de mortalité H/F=2,3). Il augmentait rapidement avec l’âge après 65 ans. Une tendance à la baisse de la mortalité avec mention de MP a été observée sur la période étudiée, plus marquée chez les femmes. Un résultat similaire a également été décrit en Angleterre 9,10. Quant au léger pic de mortalité retrouvé en 2003, il est probablement lié à l’épisode caniculaire du mois d’août pendant lequel les personnes peu autonomes, les personnes âgées et celles souffrant d’un handicap physique ou d’une maladie mentale ont été les plus vulnérables 11.

Comparés aux décès sans mention de MP, les décès avec mention de MP en cause associée avaient plus souvent pour cause initiale une démence, notamment une maladie d’Alzheimer, une autre maladie du système nerveux, une maladie cérébrovasculaire, une cardiopathie ischémique, une chute. À l’inverse, ils avaient significativement moins souvent pour cause initiale une tumeur invasive.

La distribution observée ici est cohérente avec celle que l’on retrouve dans d’autres études basées sur les données nationales de mortalité ainsi qu’avec celle des études de cohorte ayant inclus des cas incidents de MP. En effet, à l’exception du mélanome cutané dont le risque semble augmenté chez les malades parkinsoniens (un nombre trop faible de cas de mélanome cutané, cinq masculins et un féminin, n’a pas permis d’étudier cette association), un risque moindre de cancer est retrouvé classiquement dans la littérature 7,12. De même, la MP est plus souvent associée aux chutes, aux maladies cérébrovasculaires et cardiovasculaires, ainsi qu’à la maladie d’Alzheimer 4,5,6,13,14,15. Cette dernière association témoigne probablement du risque augmenté de démence dans la MP ; à noter que les démences parkinsoniennes ayant servi dans ce travail à identifier les cas, elles n’ont pas été étudiées dans l’analyse des causes initiales. Quant au risque plus élevé de maladies cérébrovasculaires observé chez les malades parkinsoniens, il est possible qu’il soit en partie expliqué par un certain nombre de SP vasculaires mentionnés à tort en MP sur le certificat de décès.

Les troubles de déglutition responsables de fausses routes sont une complication fréquente de la MP. Il a paru important de mesurer leur poids dans la mortalité : une analyse en causes multiples, prenant en compte toutes les causes figurant sur le certificat de décès, a permis de montrer qu’une pneumopathie d’inhalation d’aliments figurait sur 15% des certificats de décès avec MP vs 4% parmi les décès sans MP, traduisant un risque presque 4 fois plus important chez les malades parkinsoniens de décéder avec une telle pneumopathie (OR=3,68 [3,48-3,90]). Cet exemple illustre l’intérêt de l’analyse en causes multiples, qui permet de repérer l’ensemble des causes ayant contribué au décès, et par là de mieux appréhender leur poids dans la mortalité 16. Elle peut participer également à mieux définir les stratégies de prise en charge des patients 17. Prendre en compte la seule cause initiale de décès peut donc sous-estimer de façon importante le poids de certaines maladies ou états morbides dans la mortalité. La seule prise en compte des causes initiales peut, de plus, rendre difficile l’interprétation des évolutions temporelles de la mortalité liée à une maladie, notamment lorsqu’interviennent des changements de règles de codage des causes de décès, en particulier des règles de sélection de la cause initiale. Cet effet a été décrit pour la MP 9. Pour éviter cet écueil, notre analyse de l’évolution temporelle portait sur l’ensemble des causes.

La principale limite de ces données réside dans la sous-déclaration de la MP (sous-déclaration vraie du fait que la MP a contribué au décès mais le certificat de décès n’en fait pas mention, ou non-déclaration du fait que le médecin certificateur a considéré que la MP n’a pas contribué au décès) qui rend difficile l’interprétation de certaines de ces observations. Des études de concordance conduites dans différents pays européens entre les données issues des bases nationales de mortalité similaires à celle du CépiDc et des données issues de cohortes, montrent qu’entre 53 et 76% des cas de MP figurent dans les bases de mortalité 18,19,20,21. Le rapport de mortalité hommes/femmes de 2,3 est, dans notre étude, supérieur à ce qui est attendu, la MP étant environ 1,5 plus fréquente chez les hommes. Cet écart pourrait traduire une sous-déclaration encore plus fréquente pour les femmes. L’âge plus avancé de ces dernières au moment du décès et, de ce fait, des comorbidités vraisemblablement plus nombreuses, ainsi qu’un décès survenant plus souvent ailleurs qu’en établissement hospitalier, pourraient expliquer cette sous-déclaration plus importante. De même, les disparités régionales pourraient être dues, au moins partiellement, à des différences de déclaration de la MP dans les certificats de décès et doivent donc être interprétées avec précaution. Les taux observés pour les DOM et la Corse doivent, en raison de la faiblesse des effectifs, être également considérés avec prudence. La diminution de la mortalité entre 2000 et 2014 est difficile à interpréter ; il ne semble pas y avoir eu d’évolution notable de l’incidence de la MP en France entre 2010 et 2015 (voir l’article de F. Moisan et coll. dans ce numéro). Cette diminution pourrait refléter à la fois une augmentation de la mortalité par d’autres pathologies en population générale ou une augmentation de l’espérance de vie chez les malades parkinsoniens.

Conclusion

Ce travail, réalisé à partir des bases de données du CépiDc-Inserm, a permis de dénombrer et de caractériser les personnes de 50 ans et plus décédées avec une MP en France en 2014, et de documenter les causes de leur décès. Il a également permis d’observer un léger déclin de cette mortalité sur la période 2000-2014 et de mettre en évidence des disparités régionales. Néanmoins, en raison de la sous-déclaration de la MP, qui a elle-même pu évoluer avec le temps (des études complémentaires sur les variations de cette sous-déclaration, en fonction de l’âge au décès et du temps, seraient nécessaires), la prudence est de mise dans l’interprétation de ces résultats.

Pour pallier cette limite, la constitution d’une cohorte de cas incidents de malades parkinsoniens appariés à des témoins, permettra, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), l’étude longitudinale de la mortalité liée à cette maladie (voir l’article de L. Carcaillon-Bentata et coll. dans ce numéro). Cette approche permettra d’identifier tous les décès des malades parkinsoniens. La prise en compte non seulement de l’âge, du sexe, du lieu de résidence, mais aussi des morbidités associées permettra, quant à elle, une meilleure caractérisation du risque de mortalité chez ces malades.

Remerciements

Les auteurs remercient tout particulièrement Grégoire Rey et Claire Rondet du CépiDc-Inserm, ainsi que Marjorie Boussac-Zarebska de Santé publique France pour leurs conseils avisés et leurs éclaircissements.

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Citer cet article

Ha C, Quintin C, Elbaz A, Carcaillon-Bentata L. Mortalité et causes de décès dans la maladie de Parkinson : analyse des certificats de décès en France, 2000-2014. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(8-9):141-50. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/8-9/2018_8-9_2.html

(1) Devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016.