Une épidémie de tuberculose dans un lycée des Pyrénées-Atlantiques en 2016-2017

// Tuberculosis outbreak in a high school in the Pyrénées-Atlantiques (France) in 2016-2017

Sophie Pueyo1 (spueyo@ch-cotebasque.fr), Marie-Laure Andres1, Marie-Pierre Bellegarde2, Martine Vivier-Darrigol3, Martine Charron4, Cécilia Nocent1
1 Clat 64 Pays basque, Centre hospitalier de la Côte basque, Bayonne, France
2 Service départemental de l’Éducation nationale, Inspection académique, Pau, France
3 Agence régionale de santé Nouvelle Aquitaine, Bordeaux, France
4 Santé publique France, Cire Nouvelle Aquitaine, Bordeaux, France
Mots-clés : Tuberculose | Dépistage | Enquête autour d’un cas | Établissement scolaire
Keywords: Tuberculosis | Screening | Contact screening | High school

Résumé

Introduction –

Entre les mois de mai et septembre 2016, 4 cas de tuberculose ont été enregistrés dans différents Centres de lutte antituberculeuse (Clat) d’Aquitaine. Après interrogatoire des cas, il est apparu qu’ils étaient tous scolarisés dans un même lycée des Pyrénées-Atlantiques. Un dépistage du premier cercle, élargi ensuite au deuxième cercle, a été organisé, puis ce dépistage a été répété six mois plus tard devant le diagnostic de nouveaux cas dans la communauté. L’article rapporte l’organisation, les résultats et les difficultés de cette investigation à grande échelle autour de cas groupés de tuberculose dans un lycée en 2016-2017.

Méthodes –

Les dépistages ont été conduits selon les recommandations du Haut Conseil de la santé publique, soit au Clat soit sur site pour les dépistages élargis. Un deuxième dépistage élargi a été réalisé sur site six mois après.

Résultats –

Le dépistage de 2 804 personnes a permis de diagnostiquer 9 cas de tuberculose, presque tous porteurs d’une même souche du Mycobacterium tuberculosis. Un total de 13 tuberculoses sont survenues au lycée. De plus, 218 infections tuberculeuses latentes (ITL) ont été diagnostiquées. Les taux d’ITL les plus élevés ont été relevés chez les internes et dans certaines classes.

Discussion –

Cette épidémie a été favorisée par la fragilité de ces populations de jeunes adultes et leur mode de vie. La propagation de cette épidémie aurait continué si ces deux dépistages élargis à l’ensemble du lycée n’avaient pas été conduits. Ils ont permis de stopper cette épidémie, d’une part en diagnostiquant 6 tuberculoses silencieuses qui n’avaient déclenché aucun signe clinique et, d’autre part, en traitant les ITL. Cette investigation n’aurait pas été possible sans la mobilisation et la collaboration de tous les acteurs de terrain et des autorités de santé publique, dans une multidisciplinarité favorisant la réflexion. Le travail en réseau des Clat a permis de repérer rapidement ces cas groupés, et s’avère très important pour la surveillance du territoire.

Abstract

Introduction –

Between May and September 2016, four cases of tuberculosis were recorded in different Tuberculosis Control Centres (Clat) in Aquitaine region (France). After questioning the cases, it became apparent that they were all in the same high school in the Pyrénées-Atlantiques district. Screening of the first circle, then expanded to the second circle, was conducted and repeated six months later in response to the diagnosis of new cases in the community. The article reports on the organization, results and difficulties of this large-scale investigation into the grouping of tuberculosis cases at a high school in 2016-2017.

Methods –

The screenings were conducted according to the recommendations of the High Council for Public Health, either at the Clat or on site for extended screenings. A second expanded screening was carried out on site six months later.

Outcomes –

The screening of 2,804 people led to the diagnosis of 9 cases of tuberculosis, almost all of them carriers of the same strain of Mycobacterium tuberculosis. A total of 13 tuberculosis cases occurred in the high school. In addition, 218 latent tuberculosis infections (LTIs) were diagnosed. The highest rates of LIT were found among interns and in some classes.

Discussion –

This epidemic was facilitated by the fragility of these young adult populations and their lifestyles. The spread of this epidemic would have continued if these two screening tests had not taken place. They made it possible to stop this epidemic, on the one hand by diagnosing 6 silent tuberculosis cases that had not triggered any clinical signs and on the other hand by treating ITL. This investigation would not have been possible without the mobilization and collaboration of all actors in the field and public health authorities, in a multidisciplinary way that encourages reflection. Clat networking has made it possible to quickly identify these grouped cases, and is proving to be very important for territorial surveillance.

Introduction

En mai 2016, le Centre de lutte antituberculeuse (Clat) 64 Pays basque enregistrait une déclaration obligatoire (DO) de tuberculose pulmonaire chez un jeune homme de 21 ans, résidant dans les Pyrénées-Atlantiques. Le diagnostic a été porté sur une symptomatologie clinique de pneumopathie traînante, par une tomodensitométrie pulmonaire et une bactériologie positive avec test d’amplification génique par PCR et culture positive pour Mycobacterium tuberculosis.

Une enquête de dépistage était immédiatement déclenchée auprès de ses proches et des élèves, enseignants et personnels éducatifs des classes qui avaient des cours communs avec cet élève au lycée où il était demi-pensionnaire au cours de l’année scolaire 2015-2016. Ces personnes ont été définies comme le premier cercle de dépistage autour de cet élève.

Au cours des mois d’août et septembre 2016, 3 nouveaux cas de tuberculose ont été déclarés, dans les départements voisins du Clat 64 Pays basque, situé au Centre hospitalier de la Côte basque (CHCB). Le travail en réseau des professionnels de ces différents Centres de lutte antituberculeuse a permis de mettre en évidence que ces 4 cas étaient tous scolarisés dans le même lycée, les 3 nouveaux cas ne faisant pas partie du premier cercle de dépistage du premier élève.

Dans le cas de tuberculoses groupées au sein d’une communauté d’adolescents, il convient d’être très prudent puisque leur âge leur confère une certaine fragilité et une augmentation du risque de progression vers la maladie tuberculeuse, ainsi qu’une contagiosité importante en raison de leur mode de vie (internat, activités scolaires et périscolaires, loisirs de groupe…). Des dépistages ont été organisés autour de ces 3 nouveaux cas de tuberculose, d’abord dans un premier cercle (élèves, enseignants et personnels éducatifs des classes avec cours communs, famille et proches), puis de manière plus élargie.

L’objectif de cet article est de rapporter les aspects logistiques et de communication, ainsi que les résultats du dépistage élargi autour de cas groupés de tuberculose dans un lycée dans les Pyrénées-Atlantiques, en France en 2016-2017.

Méthodes

Définitions1,2

Tuberculose maladie

Cas certain : maladie due à une mycobactérie du complexe tuberculosis prouvée par la culture.

Cas probable : vérifie les deux critères suivants :

appréciation d’un clinicien jugeant que les signes cliniques et/ou radiologiques et/ou les symptômes sont compatibles avec la tuberculose, et

décision d’un clinicien de traiter le patient avec un traitement antituberculeux complet.

Infection tuberculeuse latente (ITL)

Présence de bacilles du complexe tuberculosis dans l’organisme sans signe clinique ni radiologique de maladie. L’ITL se traduit par une réaction au test cutané à la tuberculine (IDR) ou par un résultat positif au test de libération de l’interféron gamma (TLIG ou IGRA).

Lorsque le virage a déjà été notifié antérieurement, le cas d’ITL est considéré comme ITL ancienne.

Contagiosité des cas

La contagiosité d’un cas de tuberculose est liée au patient source, à la vulnérabilité des sujets contacts et à la durée de leurs échanges/contacts, ainsi qu’à la nature du milieu (extérieur, confiné, ventilé…) 2. Elle est majorée si l’examen microscopique du cas source est positif, si sa radiographie thoracique montre la présence de caverne(s) et s’il présente une toux chronique. Toutes les formes pulmonaires sont à considérer comme contagieuses.

Sélection des personnes éligibles au dépistage

Selon les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 2, les dépistages ont été réalisés en deux temps, en commençant par le premier cercle : famille, proches, enseignants et élèves des classes des cas (7 classes en contact). Ce premier dépistage a permis la découverte de plusieurs cas de tuberculose et d’un taux élevé d’ITL, ce qui a incité les professionnels du terrain à déclencher la mise en place d’un dépistage élargi au deuxième cercle. Ce deuxième cercle comprenait tous les élèves et membres de la communauté scolaire et d’autres personnes ayant été en contact moins proche. Les anciens élèves de 2015-2016 ont été dépistés puisqu’on considère que les cas diagnostiqués entre mai et août 2016 étaient contaminants trois mois avant le diagnostic et même avant car ils toussaient depuis quelques mois.

Ainsi, la première période de dépistage de mai à novembre 2016 a concerné le premier, puis le deuxième cercle. Cette première phase de dépistage a permis la découverte de nombreux cas de tuberculose en novembre et décembre 2016 au lycée. Il s’est alors avéré nécessaire de réaliser un dépistage élargi une deuxième fois, au moins huit semaines après le diagnostic de ces cas secondaires.

Le second dépistage, de mai à juillet 2017, a concerné uniquement les personnes encore présentes au lycée en 2016-2017, excluant les anciens élèves, les familles et les proches.

Méthode de dépistage

Comme le recommande le HCSP 2, les personnes ont été dépistées par une consultation médicale, une radiographie thoracique (RT) sans délai après le dernier contact et une IDR ou un IGRA dans un délai de huit semaines après le dernier contact. Il a été choisi de réaliser un IGRA si l’IDR mesurait 15 mm ou plus (avec un antécédent de vaccination par BCG) afin d’augmenter la spécificité du test, ce qui ne figure pas dans les recommandations.

Pour le dépistage du premier cercle et des proches et familles, l’IDR a été retenu, tandis que pour les deux dépistages élargis, réalisés sur le site du lycée au moins huit semaines après le dernier contact, l’IGRA a été préféré à l’IDR et réalisé d’emblée en même temps que le dépistage clinique et radiologique afin de faciliter la logistique.

Toutes les RT ont été interprétées par des radiologues ou un pneumologue. En cas d’anomalie, un scanner a été réalisé systématiquement.

Le diagnostic d’ITL récente était posé sur la positivité du test IGRA après élimination d’une ITL antérieure. Un traitement par rifampicine et isoniazide (Rifinah®) pendant trois mois était proposé, dans l’objectif de diminuer le risque de passage au stade de tuberculose maladie. Ce traitement était encadré médicalement et biologiquement, par le Clat ou le médecin traitant selon les cas. Dans les rares cas de refus de traitement, une surveillance radiographique et médicale à un an et à deux ans était mise en place au Clat.

Le dépistage a été considéré comme complet lorsqu’il a comporté une consultation, un test tuberculinique et une RT. Les personnes étaient considérées comme indemnes d’ITL ou de tuberculose si elles avaient été dépistées au moins lors du second dépistage pour les personnes présentes au lycée en 2016-2017 ou, pour les personnes non présentes au lycée, si elles avaient bénéficié d’un dépistage.

Circuit et logistique du dépistage

La coordination des actions de terrain a été confiée au Clat 64 Pays basque.

Premier cercle : familles, proches, élèves, professeurs et personnels du lycée

Toutes les personnes étaient convoquées et dépistées au Clat, avec l’appui logistique du lycée pour les déplacements des élèves.

Dépistages élargis

Les dépistages élargis se sont déroulés entièrement au lycée. Les professionnels du lycée ont permis une organisation rapide, favorisé les consultations et ont permis d’obtenir les autorisations parentales pour les élèves mineurs (2/3 des élèves). L’Éducation nationale, les Clat de la région proche (Landes, Béarn) et le Centre hospitalier de la Côte basque ont détaché des médecins, infirmiers et secrétaires pour participer à ce travail pendant les 20 jours nécessaires à chaque dépistage.

Un centre mobile de radiographie numérique a été installé au lycée pendant ces dépistages.

Les données recueillies comprenaient les caractéristiques de vie des personnes, en particulier vie à l’internat, fréquentation de la cantine du foyer du lycée, de clubs sportifs, d’activités au sein du lycée ou en dehors, de covoiturage, de transports en commun ; les antécédents médicaux (en particulier vaccination et facteurs de vulnérabilité vis-à-vis de la tuberculose, c’est à dire immunodépression ou autres) ; les notions de voyages dans des pays où la tuberculose est endémique, de contact antérieur avec la tuberculose, de signes de tuberculose active. L’ensemble était renseigné par les élèves avec leurs parents dans un questionnaire standardisé et complété par un médecin en consultation.

Les anciens élèves de l’année scolaire 2015-2016 ont reçu un courrier avec une proposition de dépistage par consultation médicale, RT et test tuberculinique par leur médecin ou par le Clat le plus proche de chez eux. Ainsi, 645 élèves ont reçu ce courrier avec un questionnaire standardisé pour communiquer leurs résultats à l’Agence régionale de santé (ARS).

Prise de décisions et communication au public

Les décisions des périmètres et de modalités de dépistage ont été prises lors de conférences téléphoniques associant les acteurs de terrain (le Clat, la direction du CHCB, les personnels de l’Éducation nationale, la direction du lycée) et les instances de santé publique (l’ARS, la Direction générale de la santé (DGS) et Santé publique France). La communication des résultats et de l’organisation des dépistages auprès de la communauté scolaire a été réalisée dans l’établissement par le Clat et l’Éducation nationale dans un premier temps, puis par l’ARS. Les médecins généralistes du territoire ont reçu un courrier d’information.

Résultats

Parmi les 2 804 personnes identifiées comme devant être dépistées, 77% l’ont été au moins une fois au cours des deux périodes de dépistage et 66% ont bénéficié d’un dépistage « correct ».

Premiers cas de tuberculose

Les 4 premiers cas étaient tous scolarisés au lycée en 2015-2016 dans quatre classes différentes ; ils ont été dépistés les 25 mai, 1er août, 31 août et 26 septembre 2016. Ils avaient entre 16 et 21 ans et étaient tous nés en France ; 2 d’entre eux présentaient une immunodépression et l’un d’eux était interne. Aucun n’était positif à l’examen direct, 2 avaient une PCR positive, mais la culture était positive pour les 4 élèves. Tous avaient présenté une toux durant plusieurs mois, deux d’entre eux une perte de poids, l’un d’eux une hémoptysie. L’un d’eux présentait des cavernes au scanner thoracique. Les dates des premiers signes cliniques n’ont pas permis de définir d’ordre chronologique entre ces 4 élèves.

Première période de dépistage (tableau 1)

Tableau 1 : Cas de tuberculose et d’infections tuberculeuses latentes (ITL) diagnostiqués lors des dépistages, selon le type de contact, Clat 64 Pays basque, mai 2016-mai 2017
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Premier cercle

Le premier cercle de dépistage a concerné, outre les familles et les proches, l’ensemble des élèves de sept classes ayant eu des cours communs avec les cas index et des professeurs et personnels (essentiellement des surveillants) en contact avec tous ces cas. Au cours de ce dépistage du premier cercle de 209 personnes, 3 nouvelles tuberculoses pulmonaires ont été diagnostiquées, négatives à l’examen direct, parmi les internes du lycée, en juillet et novembre 2016. Ces 3 cas secondaires sont survenus dans la classe de l’un des cas index, où un taux d’ITL de 64% a été relevé. Les trois autres classes des cas index avaient des taux d’ITL de 71%, 47% et 0%, respectivement. Parmi les trois autres classes ayant eu des cours en commun, on a noté des taux d’ITL de 33%, 29% et 13%, et un taux de 9% pour les enseignants et surveillants.

Au total, les taux d’ITL relevés étaient en moyenne de 38% chez les élèves, et de 45% chez les internes. Ces taux élevés ont incité à élargir le dépistage à tout le lycée.

Deuxième cercle

Parmi les 1 950 personnes (dont 1 553 élèves de 98 classes) présentes au lycée et dépistées par le Clat, 89% ont pu être réellement dépistées. Parmi les 645 anciens élèves qui ont reçu un courrier, seuls 23% ont répondu à la demande de dépistage.

Au cours de ce dépistage du deuxième cercle, 6 nouvelles tuberculoses (5 pulmonaires et 1 pleurale) ont été diagnostiquées, dont une seule était positive à l’examen direct. Aucun des cas ne présentait de facteur de vulnérabilité. Parmi eux, 5 étaient internes. Les taux d’ITL étaient là-aussi élevés, en particulier chez les élèves (8,4%) et les internes (12,1%).

À la fin de cette période de dépistage, 9 nouvelles tuberculoses ont été diagnostiquées, soit un total de 13 tuberculoses parmi les élèves du lycée.

Dès lors, il est apparu nécessaire de réaliser un deuxième dépistage auprès de l’ensemble des personnes présentes au lycée et ayant été au contact de ces tuberculoses récentes.

Deuxième période de dépistage (tableau 1)

Ce dépistage a concerné l’ensemble des élèves, enseignants et personnels du lycée présents au lycée pendant l’année scolaire 2016-2017. Les anciens élèves et les proches des premières tuberculoses n’ont bien sûr pas été dépistés une deuxième fois car ils n’ont pas été en contact avec les tuberculoses récentes.

Au total, 1 817 personnes ont été identifiées comme devant être dépistées. Parmi elles, 76% ont pu être réellement dépistées dans le cadre du Clat. Aucune nouvelle tuberculose n’a été diagnostiquée, mais 24 ITL (21 élèves et 3 enseignants) ont été relevées, soit un taux d’ITL de 1,7%. Ces 24 personnes avaient présenté un test IDR ou IGRA négatif lors du premier dépistage. Au cours de ce second dépistage, aucune radiographie n’a présenté d’anomalies susceptibles de nécessiter un scanner de contrôle.

Ensemble des dépistages (tableau 2)

Tableau 2 : Cas de tuberculose et d’infections tuberculeuses latentes (ITL) diagnostiqués lors des dépistages selon le type de contact, Clat 64 Pays basque, mai 2016-mai 2017
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Au total, sur les 2 804 personnes identifiées, les élèves avaient 18,0 ans en moyenne (IC95%: [17,8-18,1], avec 20% de filles et 1 018 mineurs soit 62% des élèves. Les autres personnes avaient 39,1 ans en moyenne [38,4-39,9], avec 49% de femmes. Le pays de naissance était hors de France pour 5% des élèves (65/1 356), dont 25 en Europe. Seuls 28 élèves ont déclaré ne pas avoir été vaccinés par le BCG (dont 14 nés en France, 11 dans un autre pays européen, 3 nés au Maroc, Nouvelle-Calédonie ou États-Unis).

La moitié des élèves (46%) fréquentaient le foyer du lycée ou de l’internat.

La figure schématise la participation aux dépistages, avec deux dépistages nécessaires pour 2 003 personnes présentes au lycée et un seul dépistage pour 801 personnes (anciens élèves, familles et autres). Sur les 2 003 personnes présentes au lycée, 186 avaient une tuberculose ou une ITL lors du premier dépistage, 133 (7%) n’ont bénéficié d’aucun dépistage, 300 (15%) n’ont pas eu de deuxième dépistage, 1 384 ont été dépistées correctement (au moins un deuxième dépistage). Une participation correcte à ces deux dépistages a été constatée pour 1 570 personnes (78%). Parmi les 645 anciens élèves, 146 ont réalisé le dépistage proposé (23%) et, parmi les 156 personnes de la famille et des proches, 133 ont participé, soit 85%.

Figure : Parcours des personnes lors du dépistage de la tuberculose dans un lycée des Pyrénées-Atlantiques, 2016-2017
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Au total, 79 % des personnes dépistées par le Clat et 23% des personnes jointes par courrier ont réalisé correctement les dépistages proposés (tableau 2).

Ces deux périodes de dépistage ont permis de diagnostiquer 9 tuberculoses et 218 ITL, soit 11,8%. Les taux d’ITL les plus élevés concernaient les élèves (12,9%) et surtout les internes (18,1%). Au total, 1 618 personnes n’ont pas déclaré d’ITL (87%).

Sur les 6 tuberculoses qui ont bénéficié d’un test immunologique, 3 avaient un IGRA négatif.

Les caractéristiques des cas secondaires, les taux d’ITL selon les classes des cas index et les classes ayant eu des cours communs identifiées comme premier cercle étaient :

Cas 1 : 21 ans, examen direct (ED)-, PCR+, Culture+. Classe 16 élèves : 1 tuberculose, 0 ITL (taux ITL 0%).

Cas 2 : 16 ans, ED-, PCR+, culture+. Classe 15 élèves : 1 tuberculose, 7 ITL (taux ITL/14 élèves : 50%).

Cas 3 : 17 ans, ED-, PCR-, culture+. Classe 15 élèves : 3 tuberculoses, 8 ITL (taux ITL/12 élèves : 67%).

Cas 4 : 17 ans, ED-, PCR-, culture+, cavernes. Classe 15 élèves : 1 tuberculose, 10 ITL (taux ITL/14 élèves, 71%).

Classe 5 cours communs : 15 élèves, 0 tuberculose, 5 ITL (taux ITL/15 élèves : 33%).

Classe 6 cours communs : 14 élèves, 0 tuberculose, 4 ITL (taux ITL/15 élèves : 29%).

Classe 5 cours communs : 15 élèves, 0 tuberculose, 2 ITL (taux ITL/15 élèves : 13%).

Toutes les personnes ayant contracté la tuberculose étaient vaccinées par le BCG et une seule était née hors de France. Sur la totalité des élèves non vaccinés par le BCG, un seul a contracté une ITL. Les élèves ayant contracté une ITL n’ont pas fréquenté plus souvent l’internat (47%) que les autres.

Presque toutes les personnes ayant une ITL ont accepté de prendre le traitement (89%) et sont suivies par le Clat ou leur médecin traitant. Ceux qui n’ont pas voulu prendre le traitement bénéficieront d’une consultation et d’une radiographie thoracique à 1 an et à 2 ans du diagnostic d’ITL par le Clat.

Les souches des mycobactéries cultivées chez presque toutes les personnes qui ont contracté la tuberculose au lycée ont été analysées au cours du dépistage par le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA), dans le but de caractériser et décrire la propagation de l’épidémie. Leur génotypage par la technique MIRU-VNTR 24 loci du complexe Mycobacterium tuberculosis a montré qu’elles sont bactériologiquement non distinguables, ce qui signifie que la source paraît unique pour tous ces élèves.

Discussion

Résultats obtenus et importance en termes de santé publique

On peut trouver étonnant qu’une épidémie de cette nature survienne dans une région de faible endémie (4,5 pour 100 000 en Aquitaine en 2015) 3. L’épidémie s’est propagée sans aucun doute dans un environnement propice à son développement : communauté de jeunes adultes avec un mode de vie favorisant la promiscuité (chambres communes, regroupement dans des foyers au lycée, loisirs de groupe…), ce qui tend à prouver qu’une telle épidémie peut se développer dans n’importe quel milieu et région.

Il se peut que certains cas de tuberculose aient été diagnostiqués tardivement et soient restés longtemps contagieux, ce qui est classique, surtout dans des populations où l’incidence de la tuberculose est faible, les médecins n’envisageant pas ce diagnostic. Ailleurs, le délai médian entre premiers symptômes et début de traitement a été évalué à près de 3 mois 4.

Au cours du dépistage, 9 tuberculoses ont été découvertes sur des critères radiologiques, les élèves ne présentant aucun signe clinique pour 6 d’entre eux. À l’heure où certains plaident pour une surveillance sans radiographie thoracique, on ne saurait trop souligner les tuberculoses silencieuses cliniquement et néanmoins contagieuses, que l’on ne détecterait probablement pas assez tôt 5.

Les cas index ne présentaient pas d’examen direct positif, seulement une culture positive, mais une contamination a tout de même eu lieu, ce qui a été observé dans d’autres études 6. D’autres enquêtes ne trouvent pas plus de cas secondaires selon que le cas présente un examen direct positif ou négatif, mais d’autres facteurs peuvent intervenir 7,8.

Il faut souligner ici l’importance d’avoir réalisé ces deux dépistages élargis, puisque les tuberculoses diagnostiquées ont pu être traitées très précocement, évitant ainsi une contamination de leur entourage. Le dernier dépistage élargi a permis de constater la fin de l’épidémie, ce qui est très rassurant pour le public et les soignants du territoire, et qui valide cette méthode de dépistage. Les taux d’ITL dans les groupes très exposés sont proches de ceux retrouvés dans des circonstances similaires 9.

Des taux de participation très importants ont été enregistrés, liés au fait que le Clat s’est déplacé sur le site du lycée pour réaliser la totalité du dépistage. Ainsi, 91% des élèves ont été dépistés lors de la première phase. Comme attendu, les taux sont beaucoup moins bons lorsque les élèves sont contactés par simple courrier. La couverture d’un dépistage dépend essentiellement des aménagements proposés par les Clat pour en faciliter l’accès.

Seules 133 personnes du lycée ne se sont pas fait dépister du tout, mais cela a été le cas pour 537 anciens élèves. Parmi les personnes non dépistées, très peu, une dizaine, ont exprimé leur refus. Pour certaines, elles n’étaient plus présentes au lycée au moment du dépistage, mais toutes ont reçu une convocation au Clat, ou une proposition de dépistage par le Clat de leur domicile ou par leur médecin traitant.

Au total 300 personnes ont bénéficié d’un premier dépistage négatif, puis n’ont pas eu de 2e dépistage. Il faut préciser que le 2e dépistage a été fait tardivement dans l’année, lorsque beaucoup d’élèves étaient partis en stage.

Difficultés rencontrées

Si le dépistage du premier cercle pouvait être absorbé par le Clat dans ses travaux habituels, l’activité a été décuplée par les deux dépistages élargis qui ont suivi. Cette crise sanitaire a nécessité de faire appel aux ressources de l’ARS, de la DGS et de Santé publique France pour la prise de décisions stratégiques, l’appui logistique et l’aide financière et matérielle. Sur le terrain, la mobilisation de la direction et des personnels du lycée, des personnels médicaux et paramédicaux des Clat des environs, de l’Éducation nationale, du CHCB et d’autres volontaires, ont permis le déploiement de quatre secrétaires, quatre médecins, quatre infirmiers sur site pendant six semaines. Un centre mobile de radiographie numérique est resté en permanence sur le site, avec des radiologues ou pneumologues pour l’interprétation des radiographies.

La collaboration entre toutes ces équipes a nécessité un grand nombre de réunions téléphoniques, et un travail important de coordination a été assuré par l’équipe du Clat.

La saisie informatique, l’évaluation des données recueillies et l’analyse des résultats de cette enquête ont demandé également un travail supplémentaire à toute l’équipe.

Cette augmentation de la charge de travail a pu être dommageable pour les travaux courants du service qui en ont été retardés.

Même si la communication vers le public et les familles a été l’une des préoccupations du Clat et de l’ARS depuis le début du dépistage, la pression médiatique a été très importante et a nécessité des ajustements et des réunions publiques avant, pendant et après le dépistage, orchestrées par l’ARS. Les inquiétudes des familles ont été entendues et des réponses apportées à leurs questions. Des enquêtes similaires ont, elles aussi, entraîné une médiatisation importante.

Quelques leçons à tirer de cette investigation

Malgré les coûts et la surcharge de travail, les dépistages élargis sont parfois indispensables pour arrêter la propagation de l’épidémie, comme cela est montré dans cette investigation. Les dépistages sur site permettent une très large observance du public et sont à privilégier lorsqu’ils sont possibles. L’invitation au dépistage envoyée par courrier a permis de diagnostiquer deux tuberculoses, mais le faible taux de réponses ne garantit pas que d’autres tuberculoses ne soient pas encore actives dans cette population.

En cas de cas repérage de cas groupés de tuberculose, le déploiement nécessaire des travaux de dépistage nécessite un travail collaboratif de tous les professionnels de terrain et des instances de santé publique, pour créer un espace de réflexion commun où la multidisciplinarité est essentielle pour élaborer les stratégies puis bénéficier du soutien de personnels supplémentaires et d’un appui logistique et financier solide.

Une évaluation des dépistages est importante pour en retirer des enseignements utiles à d’autres qui seront confrontés aux mêmes problématiques.

La communication au public doit être précoce, large et répétée tout au long du dépistage, afin d’augmenter la participation et de répondre aux inquiétudes légitimes du public.

Le réseau des Clat, très actif en France et dans notre territoire, a permis un repérage et une intervention rapides grâce auxquels cette épidémie a pu être enrayée. Les Clat doivent développer ce travail en réseau en s’appuyant sur des outils communs et des échanges permanents, afin de garantir une vigilance et une surveillance de leur territoire et d’augmenter le taux de déclaration en améliorant l’information des professionnels de terrain.

Remerciements

Nous tenons à remercier tout particulièrement les médecins, infirmiers et personnels de l’Éducation nationale, du lycée, des Clat voisins et du Centre hospitalier Côte basque qui ont participé activement à ce dépistage. Nous sommes très reconnaissants à J.P. Guthmann, F. Aupa et B. Unibert pour leur relecture et les éclairages apportés à ce manuscrit.

Références

1 Eurosurveillance Editorial Team. ECDC and WHO/Europe joint report on tuberculosis surveillance and monitoring in Europe. Euro Surveill. 2014;19(11):pii:20741.
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3 Guthmann JP, Ait Belghiti F, Lévy-Bruhl D. Épidémiologie de la tuberculose en France en 2015. Impact de la suspension de l’obligation vaccinale BCG sur la tuberculose de l’enfant, 2007-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(7):116-26. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=13312
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Citer cet article

Pueyo S, Andres ML, Bellegarde MP, Vivier-Darrigol M, Charron M, Nocent C. Une épidémie de tuberculose dans un lycée des Pyrénées-Atlantiques en 2016-2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(6-7):105-12. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/6-7/2018_6-7_2.html