Diagnostic, surveillance et épidémiologie de la leptospirose en France
// Diagnosis, surveillance, and epidemiology of leptospirosis in France
Résumé
La leptospirose est une zoonose émergente dans le monde, y compris en Europe. Elle reste largement sous-estimée du fait de l’absence de symptômes spécifiques et d’un manque de sensibilisation au sein de la communauté médicale, en particulier en France métropolitaine où son incidence, au cours des années 2014 et 2015, a atteint 1 cas pour 100 000 habitants, incidence la plus élevée observée depuis 1920. La leptospirose est endémique dans de nombreux départements et collectivités d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française), où son incidence peut être 50 fois plus élevée qu’en France métropolitaine. Le diagnostic s’effectue principalement par la détection de l’ADN bactérien dans le sang par PCR lors de la première semaine de la maladie ou par la recherche des anticorps à partir de la deuxième semaine. Près d’un siècle après la découverte de l’agent causal de la leptospirose, cette zoonose reste un problème de santé publique important dans les territoires français. La leptospirose est aussi considérée comme une maladie émergente en raison du changement climatique (réchauffement climatique et phénomènes climatiques extrêmes plus fréquents entraînant des inondations) et de l’urbanisation grandissante (transmission par l’intermédiaire des rats dans les zones insalubres de type bidonvilles).
Abstract
Leptospirosis is a zoonotic emerging disease worldwide, including in Europe. The incidence of the disease is underestimated due to the absence of non-specific symptoms, and the lack of awareness among the medical community, in particular in mainland France, where its incidence reached 1 case per 100,000 inhabitants between 2014 and 2015, which is the highest incidence since 1920. Leptospirosis is endemic in many French overseas territories (Martinique, Guadeloupe, French Guyana, Reunion Island, New Caledonia, Mayotte, French Polynesia) where its incidence can be 50 times higher than in mainland France. Most cases of leptospirosis are currently detected by PCR amplification of bacterial DNA from the blood during the first week after the onset of symptoms, or by detection of antibodies from the second week of the disease. Leptospirosis remains an important public health issue in French territories one century after discovering the causative agent. Leptospirosis is also considered as an emerging disease due to global climate changes (global warming and more frequent extreme climatic events resulting in flooding) and rapid urbanization (rat-borne transmission in slum areas).
Introduction
La leptospirose est la maladie zoonotique la plus répandue dans le monde en raison du grand nombre de mammifères réservoirs, sauvages ou domestiques, qui peuvent être porteurs de la bactérie. Elle provoque plus de 1 millions de cas et est responsable d’environ 60 000 décès par an 1. Le fardeau de la leptospirose est donc comparable, voire supérieur à celui d’autres maladies tropicales négligées comme la dengue ou la leishmaniose. En France, pendant les années 2014-2015, un doublement du nombre de cas a été constaté par rapport aux années précédentes en France métropolitaine, avec plus de 600 cas, et une moyenne de 700 cas dans les départements et collectivités d’outre-mer, où les conditions climatiques sont propices au maintien de la bactérie dans l’environnement. Cet article présente les fondements de la surveillance de cette infection émergente en France métropolitaine et dans les régions et départements d’outre-mer.
La leptospirose, rappel sur la maladie
Les leptospires appartiennent au phylum des spirochètes, qui partagent des caractéristiques morphologiques uniques dans le monde bactérien : les leptospires sont des bactéries spiralées possédant un organe locomoteur interne, les flagelles périplasmiques ou endoflagelles. Le genre Leptospira comprend 22 espèces, dont 10 pathogènes, et plus de 300 sérovars regroupés en au moins 24 sérogroupes 2.
Les leptospires pathogènes sont responsables d’une zoonose de répartition mondiale, la leptospirose, où l’Homme se retrouve être un hôte occasionnel dans un cycle impliquant des animaux sauvages et domestiques. Tous les mammifères sont susceptibles d’héberger les leptospires pathogènes au niveau des tubules rénaux proximaux. L’infection aiguë et la colonisation chronique représentent les deux pôles d’un large spectre de signes cliniques observés chez les animaux. On distinguera ainsi les animaux porteurs asymptomatiques, principalement les rongeurs, et les animaux sensibles tels que le bétail (avortements, perte de production de lait) et les chiens (formes sévères pouvant entraîner la mort). Il existe une spécificité d’hôtes vis-à-vis de certains sérovars : ainsi, Canicola est associé au chien, Icterohaemorrhagiae au rat, Ballum à la souris domestique, etc. 3, mais cette spécificité d’hôte n’est pas exclusive. La transmission est avant tout environnementale, mais d’autres modes de transmission (in utero, sexuelle, allaitement maternel) ne sont pas à négliger chez les animaux. L’animal excrète les leptospires dans ses urines et contamine ainsi l’environnement hydrique, propageant la maladie à d’autres animaux ou à l’Homme. Bien que plus rare, l’exposition aux leptospires peut être directe, après contact avec l’urine ou les tissus d’animaux infectés. Dans des conditions environnementales favorables (eau ou sol mouillé à pH neutre ou légèrement alcalin à l’abri des UV), les leptospires peuvent survivre pendant plusieurs semaines 4. Ils pénètrent dans l’organisme humain au niveau de lésions du revêtement cutané ou par les muqueuses des yeux, de la bouche ou du nez après contact avec de l’eau contaminée.
Après une période d’incubation d’une dizaine de jours, la leptospirose humaine se manifeste par une présentation clinique très polymorphe, depuis la forme fébrile anictérique observée dans la grande majorité des cas jusqu’à une défaillance multiviscérale potentiellement mortelle, caractérisée par une insuffisance rénale, des hémorragies viscérales et un ictère 5. Les deux classes d’antibiotiques prescrites dans le traitement de la leptospirose sont les ß-lactamines et les cyclines. Il n’y a pas de résistance à ces antibiotiques rapportée jusqu’à maintenant, mais l’antibiothérapie doit commencer le plus précocement possible pour éviter les formes les plus graves 5.
Le diagnostic est souvent tardif au cours de l’infection. En effet, le spectre clinique de la leptospirose pouvant varier d’un état pseudo-grippal à une insuffisance rénale aiguë, ce syndrome peut être confondu avec d’autres maladies telles que la grippe ou, dans les régions tropicales, le paludisme ou la dengue 6.
Dans les pays industrialisés des zones tempérées, la leptospirose est une maladie qui touche certaines catégories professionnelles exposées (agriculteurs, éleveurs, égoutiers, pisciculteurs) et les adeptes de loisirs en plein air (pêche, rafting, canyoning) par contact avec les eaux douces souillées par les urines d’animaux infectés. Dans les régions tropicales comme les départements (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Mayotte, La Réunion) et collectivités (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie) français d’outre-mer, la population est plus largement exposée. En France, un vaccin, composé d’une souche du sérovar Icterohaemorrhagiae inactivée, est disponible (Spirolept®). Cette vaccination nécessite un rappel tous les deux ans et ne protège pas contre l’ensemble des sérovars. Malgré tout, le sérovar Icterohaemorrhagiae est le plus fréquemment incriminé en clinique humaine dans les formes les plus graves 7,8,9 et cette vaccination est recommandée pour la population à risque 5,10.
Le diagnostic biologique de la leptospirose en France
Un panel de tests pour le diagnostic moléculaire ou sérologique de la leptospirose est disponible. Cependant, le choix dans la prescription du test est très dépendant de la cinétique de l’infection, notamment de la date d’apparition des signes cliniques 6.
Outils diagnostiques
La technique permettant le diagnostic le plus précoce est la PCR (Polymerase Chain Reaction) dans le sang. En effet, les leptospires pathogènes se retrouvent dans la circulation sanguine dès les premiers jours après l’apparition des symptômes ; cependant, la concentration de bactéries dans le sang est en général faible (<106 bactéries/ml) et la bactériémie peut-être de courte durée, surtout si une antibiothérapie a été mise en place. En outre, en l’absence de kit PCR commercial à visée humaine, les laboratoires doivent valider une méthode interne qui ne fait pas toujours l’objet d’une validation technique et clinique rigoureuse.
Au cours de l’évolution de la maladie, la bactériémie tend à diminuer puis disparaître au profit de la réponse immunitaire, où les anticorps de type IgM peuvent être détectés dès le 5e jour après le début de la maladie. Le diagnostic de choix est alors la sérologie par recherche d’anticorps anti-leptospires à l’aide de tests de type Elisa IgM et/ou le test de micro-agglutination (MAT) pour les immunoglobulines totales. Durant cette phase « immune », la PCR peut aussi être pratiquée sur les urines ou le liquide cérébro-spinal (LCS), lorsque l’antibiothérapie est absente ou administrée depuis moins de 48h.
Le diagnostic bactériologique est peu pratiqué, car il nécessite un milieu de culture spécifique (le milieu EMJH) et le temps de génération des leptospires est particulièrement long, entraînant ainsi une réponse tardive (plusieurs semaines). Même si la culture n’a pas de valeur diagnostique, seul l’isolement de la souche permet une identification complète de la souche infectante au niveau du sérovar à l’aide de techniques sérologiques et moléculaires 11,12,13,14.
Plusieurs tests bandelettes commercialisés permettent la détection d’anticorps anti-leptospires en quelques heures à partir d’un prélèvement sanguin 15. Ces tests de diagnostic rapide sont particulièrement intéressants dans les pays en développement où il n’existe pas de laboratoire de référence.
Dans un avenir proche, l’utilisation du séquençage à haut débit pour le diagnostic à partir d’échantillons biologiques pourra être envisagée (ou proposée). Cette approche a ainsi récemment permis le diagnostic d’un cas de neuroleptospirose et l’amélioration de l’état du patient après antibiothérapie 16.
Quelles sont les capacités techniques en France ?
En France, les techniques de PCR et de sérologie Elisa IgM sont largement utilisées, notamment depuis leur inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et leur remboursement en septembre 2014. En revanche, le MAT ne figure plus parmi les actes remboursés. Le changement de la NABM a considérablement modifié le diagnostic de la leptospirose. Ainsi, l’Elisa IgM est maintenant largement utilisé, remplaçant le MAT.
Il existe un réseau de partenaires pratiquant le diagnostic de la leptospirose en métropole et dans les départements et collectivités d’outre-mer 17.
En métropole, ces techniques diagnostiques sont principalement utilisées par le Centre national de référence de la leptospirose (CNR – Institut Pasteur, Paris) et les laboratoires privés Biomnis et Cerba. Certains laboratoires hospitaliers réalisent la PCR et bénéficient également de kits commerciaux permettant d’effectuer des sérologies Elisa IgM 17.
Dans les départements et collectivités d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte, Guyane française, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), différents laboratoires bénéficient des techniques diagnostiques leur permettant d’effectuer un diagnostic de première intention (sérologie Elisa IgM ou PCR et, pour la Nouvelle-Calédonie, le MAT) en se reposant sur le CNR si nécessaire (confirmation des sérologies positives ou douteuses et typage) 17.
Le CNR utilise un test Elisa IgM qui lui est propre 18, le MAT et la PCR. Le CNR est le seul laboratoire en capacité de réaliser le MAT à l’aide de 24 antigènes spécifiques de chacun des sérogroupes de leptospires. Il permet de confirmer les cas séropositifs par Elisa et, dans certains cas, d’identifier le sérogroupe. L’interprétation des résultats de MAT est cependant délicate : il peut y avoir de nombreuses réactions croisées entre les antigènes et il faut, dans la plupart des cas, au moins deux prélèvements à deux semaines d’intervalle pour identifier le sérogroupe infectant. Le CNR bénéficie également de différentes techniques PCR pour le diagnostic et le génotypage de la souche infectante directement à partir des échantillons biologiques.
Dans les Outre-mer, où l’incidence est élevée, la détection de l’ADN bactérien par PCR sur des prélèvements biologiques précoces tend à supplanter la sérologie suite au changement de nomenclature. La mise en place des techniques PCR en Outre-mer a été un vrai défi pour que le diagnostic de la leptospirose puisse être effectué localement et rapidement (médecine de ville, hôpital) et pour permettre ainsi d’éviter un certain nombre d’hospitalisations avec une prise en charge précoce de ces cas 19.
La disponibilité de ces plateaux techniques, spécifiquement dans les départements et collectivités d’outre-mer, a permis l’élaboration et la mise en œuvre de systèmes de surveillance épidémiologique à visée d’alerte pour la leptospirose.
Surveillance de la leptospirose en France
Depuis 1986, la leptospirose n’est plus une maladie à déclaration obligatoire. Sa surveillance en France est une surveillance passive basée sur :
-l’activité diagnostique du CNR. Tous les ans, le CNR réalise le diagnostic d’environ 4 000 échantillons (en provenance de l’hexagone et d’Outre-mer). Ces diagnostics sont effectués soit en première intention, soit dans le cadre de la confirmation des cas positifs ou douteux envoyés par les laboratoires privés ou hospitaliers pratiquant le diagnostic. Lors de l’envoi des échantillons au CNR, il est demandé de remplir une fiche de renseignements comportant des informations cliniques, biologiques et épidémiologiques permettant de contribuer à la surveillance de la leptospirose au niveau national. Cependant, ces fiches ne sont pas systématiquement renseignées, ou le sont le plus souvent de manière incomplète, ce qui limite le recueil d’informations. Cette implication directe du CNR dans le diagnostic de la maladie facilite la surveillance et la détection d’évènements inhabituels (cas groupés, expositions spécifiques), notamment en métropole ;
-l’analyse des données des laboratoires privés Biomnis et Cerba, qui réalisent les deux tiers des diagnostics biologiques. Une convention entre Santé publique France et ces deux laboratoires permet de récupérer tous les mois les résultats des analyses qu’ils ont effectuées. Ces données permettent de compléter les données du CNR et des réseaux de laboratoires hospitaliers (nombre de tests réalisés et de cas positifs). Dans ce cas, les informations cliniques et épidémiologiques ne sont pas disponibles ;
-des partenariats entre le CNR et les professionnels de la santé animale. En effet, ceux-ci jouent un rôle actif dans la surveillance de la zoonose, notamment par la mise en place d’investigations et d’études de la prévalence de la leptospirose chez la faune sauvage 20, les rongeurs et les animaux de rente. Ces études permettent de mieux connaître les réservoirs et les souches circulantes pouvant avoir un impact direct sur la santé humaine.
Il existe de plus, dans les départements d’outre-mer, des systèmes de surveillance spécifiques incluant le signalement ou la déclaration des cas de leptospirose par les médecins et laboratoires (Voir les autres articles de ce BEH).
Des collaborations étroites entre différents partenaires (CNR, laboratoires privés et hospitaliers, médecins, Santé publique France, Agences régionales de santé, opérateurs de lutte antivectorielle, Direction générale de l’alimentation, Office national de la chasse et de la faune sauvage, European Centre for Disease Prevention and Control) permettent, lors de la détection de cas de leptospirose (cas groupés pour la métropole) ou d’évènements inhabituels, de mettre en place des investigations épidémiologiques et environnementales.
En tant que Centre collaborateur de l’OMS, le CNR participe également aux réflexions sur l’épidémiologie de la leptospirose, la surveillance et l’impact de cette maladie au niveau européen et mondial.
Suite au changement de nomenclature, le remplacement progressif du MAT (non remboursé) par l’Elisa (remboursé) a eu un impact sur la surveillance de la leptospirose en France. En effet, ceci a entraîné une perte d’information sur les sérogroupes infectants circulants en France : contrairement au MAT, ni la PCR ni l’Elisa ne peuvent identifier le sérogroupe ou le sérovar.
Épidémiologie de la leptospirose en France métropolitaine et Outre-mer
La leptospirose représente un problème de santé publique majeur dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. On estime à plus d’un million le nombre de cas sévères de leptospirose chaque année dans le monde, avec un taux de mortalité de 5 à 20% 1.
La France est un des pays industrialisés qui a l’incidence la plus élevée (incidence annuelle comprise entre 0,5 et 1 cas /100 000 habitants) 17. La leptospirose est une des maladies infectieuses dont l’incidence est susceptible d’être modifiée par le changement climatique en France métropolitaine 21,22. Selon les données issues du CNR et de son réseau de laboratoires, on observe une augmentation du nombre de cas, avec une incidence record jamais enregistrée depuis 1920 23 pour les années 2014 et 2015, de 1 cas pour 100 000 habitants (incidence 2 fois plus élevée qu’en 2011) (figure 1). Plus de 85% des cas documentés n’avaient pas voyagé le mois précédent l’apparition des symptômes. La très grande majorité des cas était de sexe masculin. Les facteurs de risque étaient la fréquentation d’un environnement rural et/ou la pratique de loisirs en plein air, notamment d’activités aquatiques (baignade, kayaking, rafting, canyoning). Une étude rétrospective en Normandie a également montré une prédominance des cas parmi les personnes exerçant une activité professionnelle au moment de la survenue de la maladie (52%) 24. Depuis quelques années, plusieurs cas de leptospirose ont été rapportés chez des personnes possédant des rats de compagnie. Pour les autres cas, un voyage en région endémique (Asie du Sud-Est, Antilles ou Océan Indien) était rapporté. Le maximum de cas est habituellement retrouvé entre les mois d’août et septembre. Pour les cas diagnostiqués par le MAT, le sérogroupe Icterohaemorrhagiae est prédominant, représentant un tiers des cas. Pour la période 2011-2015, les régions Aquitaine, Franche-Comté et Basse-Normandie étaient les plus touchées.
Dans les départements d’outre-mer, l’incidence de la leptospirose est de 10 à 50 fois plus élevée qu’en France métropolitaine (figure 2), avec une majorité de cas pendant la saison des pluies.
En Guadeloupe et Martinique, le nombre de cas est en diminution ces dernières années 17, probablement en raison d’un « relâchement » de l’attention de la communauté médicale suite à l’étude d’incidence de 2011 19 et aux récentes épidémies de dengue, de chikungunya et de Zika. En 2015, le sérogroupe Icterohaemorrhagiae représentait la grande majorité des sérogroupes déterminés par le MAT. Le CNR a participé à plusieurs études pour l’identification des souches circulantes dans ces régions, notamment grâce à l’isolement de nombreuses souches de patients mais aussi par typage direct sur les échantillons biologiques 8,25,26,27.
En Guyane française, le nombre de cas recensés est en nette augmentation depuis 2011 grâce à une sensibilisation croissante de la communauté médicale 28. Depuis 2014, la grande majorité des cas a été diagnostiquée par Elisa IgM. Pour les sérologies positives par MAT, les sérogroupes identifiés appartenaient le plus fréquemment à Icterohaemorrhagiae.
À Mayotte, grâce à la mobilisation des médecins et biologistes locaux, le diagnostic de la leptospirose a été optimisé et l’isolement des souches est fréquent depuis 2007. C’est ainsi qu’une épidémiologie atypique a été mise en évidence, avec une majorité de cas appartenant au sérogroupe Mini et une absence du sérogroupe Icterohaemorrhagiae, habituellement le plus rencontré en clinique humaine 29. Une nouvelle espèce pathogène pour l’Homme, Leptospira mayottensis, a également été identifiée 30 ; son principal réservoir est le tenrec, un mammifère insectivore d’apparence proche des hérissons 31.
À La Réunion, le nombre de cas semblait être en diminution en 2015 par rapport aux années précédentes, et ce malgré une pluviométrie élevée. Contrairement à Mayotte, la très grande majorité des sérogroupes identifiés par MAT appartiennent au sérogroupe Icterohaemorrhagiae.
Pour les collectivités d’outre-mer comme Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, la surveillance est gérée par un système de surveillance indépendant. Les données sont consultables sur les sites officiels des territoires (pour la Nouvelle-Calédonie : http://www.dass.gouv.nc/portal/page/portal/dass/) et dans des publications récentes comme pour Futuna 32 et la Polynésie française 33.
Conclusion
La leptospirose, considérée comme une maladie négligée, est très probablement largement sous-estimée à travers le monde. De nombreux rapports montrent que cette zoonose est émergente, notamment en Europe 34. Les raisons de cette émergence ne sont pas clairement identifiées et sont probablement multiples (réchauffement climatique, notamment hivers plus doux, augmentation des populations de rongeurs, augmentation des activités à risque, etc.). La surveillance de la leptospirose s’est mise en place en France depuis plusieurs décennies et a évolué concomitamment avec le développement et la mise à disposition de nouvelles techniques diagnostiques.
Avec le changement de nomenclature en septembre 2014 et le remboursement de la PCR dans le sang et de la sérologie Elisa IgM, l’accès aux techniques diagnostiques pour les laboratoires de ville et hospitaliers a permis une prise en charge rapide des cas et la mise en place de systèmes de surveillance et de gestion spécifique dans les zones où l’incidence est élevée. Cependant, ces deux techniques ne permettent pas de mettre en évidence le sérogroupe ou le génotype en cause dans l’infection. Il est donc important que les laboratoires envoient au CNR les sérologies ou les extraits d’ADN testés positifs pour typage afin de continuer le suivi épidémiologique des souches circulantes.
Le développement de tests de diagnostic rapide permettra de mettre à disposition un test fiable et utilisable facilement dans les pays en développement où le test de référence n’est pas disponible.
La surveillance de la leptospirose en France est basée sur une surveillance passive, non exhaustive. La sensibilisation des professionnels de santé reste donc essentielle. En effet, les signes cliniques initiaux étant peu spécifiques, ceci peut conduire à un retard diagnostique et thérapeutique par confusion avec des diagnostics différentiels tels que la grippe, le paludisme, le chikungunya ou la dengue.
Alors qu’il existe un nombre croissant d’études sur la leptospirose en Outre-mer, il y a un déficit de connaissances sur la leptospirose en France métropolitaine, en particulier sur les modes de transmission et facteurs de risques qui sont peu connus et sur les souches cliniques rarement isolées. Il y a donc un besoin urgent de mieux comprendre l’épidémiologie de la leptospirose en métropole, d’autant plus que le nombre de cas est en forte augmentation depuis quelques années.