Dépistage de l’infection par le VIH en France en 2016

// HIV testing in France, 2016

Françoise Cazein1 (françoise.cazein@santepubliquefrance.fr), Yann Le Strat1, Aminata Sarr2, Charly Ramus1, Nadine Bouche2, Jean-Christophe Comboroure2, Florence Lot1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Direction générale de la santé, Paris, France
Soumis le 08.09.2017 // Date of submission: 09.08.2017
Mots-clés : VIH | Surveillance | Dépistage | France
Keywords: HIV | Epidemiological surveillance | Testing | France

Résumé

Cet article présente un bilan, actualisé pour 2016, de l’activité de dépistage du VIH en France dans les laboratoires d’analyses médicales (recueil LaboVIH), des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et des autotests.

En 2016, 5,4 millions [IC95%: 5,34-5,52] de sérologies VIH ont été réalisées, un nombre en augmentation depuis 2014 (+3%, p=0,001). Parmi elles, environ 300 000 (6%) ont été effectuées dans un cadre anonyme et gratuit. Le nombre de sérologies VIH confirmées positives était de 10 667 [9 926-11 407], un nombre stable depuis 2007. La proportion de sérologies positives était plus élevée parmi les sérologies anonymes (3,6 pour 1 000 tests) que parmi les non anonymes (1,9 pour 1 000).

Environ 56 300 TROD du VIH ont été réalisés en 2016 par 52 structures associatives ou de prévention retenues dans le dispositif national de dépistage communautaire mis en place depuis cinq ans en France, dont 491 étaient positifs, soit 8,7 pour 1 000 tests.

En 2016, 74 651 autotests VIH ont été vendus en pharmacie.

L’activité de dépistage du VIH en France a légèrement augmenté au cours des deux dernières années, sans accroissement du nombre de sérologies positives. Les dispositifs de dépistage existants sont complémentaires pour concourir à l’objectif de réduction du nombre de personnes infectées non encore diagnostiquées.

Abstract

This article presents updated data for 2016 on HIV testing in French medical laboratories, from the LaboVIH survey, and data on HIV rapid tests (TROD) performed in 2016 through community screening activities and self-tests.

In 2016, 5.4 million [95%CI: 5.34-5.52] HIV tests were performed. This number has increased (+3%, p=0.001) compared to 2014. Of these, around 300,000 (6%) were free anonymous tests. 10,667 [95%CI: 9,926-11,407] HIV tests were confirmed positive, a stable number since 2007. The proportion of HIV positive tests was 3.6 per 1,000 among anonymous tests, more than in confidential testing (1.9 per 1,000).

Approximately 56,300 HIV rapid tests were performed in 2016 by 52 associations authorized to perform the community screening activities, implemented five years ago in France, of which 491 were found positive (8.7 per 1,000 tests).

In 2016, 74,651 HIV self-test screening devices were sold in pharmacies.

HIV screening activity has slightly increased in France over the past two years, with no increase in the number of HIV positive tests. The existing HIV testing modalities are complementary to contribute to reduce the number of infected people still undiagnosed.

Introduction

Les principaux enjeux de santé publique dans la lutte contre le VIH en France sont actuellement le retard au diagnostic 1,2, et donc à la prise en charge médicale, ainsi que l’incidence qui reste élevée dans certains groupes de population, notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) et les migrants originaires d’Afrique subsaharienne.

Le dépistage des personnes infectées par le VIH, en permettant le diagnostic précoce et la mise en route rapide d’un traitement antirétroviral 3, apporte à la fois un bénéfice individuel aux personnes diagnostiquées (diminution de la morbidité et de la mortalité) et un bénéfice collectif, le traitement antirétroviral constituant une forme de prévention (concept international du TasP « Treatment as Prevention »).

Afin de contribuer à l’évaluation de la politique de dépistage, Santé publique France recueille et publie chaque année les données d’activité de dépistage du VIH en laboratoires d’analyses médicales 4, complétées par celles des associations ou des structures de prévention qui réalisent, depuis septembre 2011, un dépistage communautaire par tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) 5, ainsi que par les données de ventes d’autotests VIH, disponibles en France depuis septembre 2015. Cet article décrit l’activité de dépistage du VIH en 2016 en France et son évolution depuis 2003.

Objectifs et méthodes

La surveillance de l’activité de dépistage du VIH en laboratoire (LaboVIH), coordonnée par Santé publique France, a pour objectifs de suivre l’évolution nationale, régionale et si possible départementale du nombre de sérologies VIH réalisées en France et d’estimer l’exhaustivité de la notification obligatoire du VIH. Elle inclut les sérologies anonymes ou non anonymes réalisées par les laboratoires, quel que soit le lieu de prélèvement : ville, hôpital, CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles)… Elle inclut également les TROD réalisés dans les laboratoires, mais exclut les sérologies effectuées à l’occasion d’un don de sang (près de 3 millions par an).

Santé publique France sollicite chaque semestre tous les laboratoires d’analyses médicales de France, en ville et à l’hôpital (environ 4 200 sites), pour recueillir le nombre de personnes testées pour le VIH et le nombre de celles qui ont été confirmées positives pour la première fois pour le laboratoire (1). Une même personne est comptée plusieurs fois si elle a réalisé plusieurs sérologies dans l’année. Une sérologie positive n’est comptée qu’une seule fois pour un laboratoire donné, mais plusieurs fois si elle est confirmée positive successivement par plusieurs laboratoires.

Les estimations présentées correspondent à l’activité de l’ensemble des laboratoires, qu’ils aient ou non répondu à LaboVIH. Les nombres de sérologies VIH réalisées et de sérologies positives ont été estimés en considérant que les laboratoires participants constituent un échantillon issu d’un plan de sondage stratifié sur la région et le type de laboratoire (ville ou hôpital). Les médianes des nombres de sérologies ont été préférées aux moyennes pour calculer les poids de sondage, afin de générer des estimations plus robustes au biais de non-participation. Ces poids ont permis d’estimer les valeurs centrales en utilisant un estimateur par prédiction. Les variances des nombres de sérologies réalisées et de sérologies positives ont été calculées en utilisant une méthode de bootstrap. Les estimations sont moins fiables ou impossibles à produire pour les zones géographiques qui présentent les plus faibles participations.

Les données analysées sont le nombre de sérologies VIH réalisées, le nombre et le taux de sérologies confirmées positives en 2016 ainsi que leur évolution depuis 2003. Pour comparer les régions entre elles, le nombre de sérologies est rapporté au nombre d’habitants (estimations Insee actualisées au 17 janvier 2017 6). Les tendances dans le temps ont été testées par une droite des moindres carrés pondérés par l’inverse de la variance du nombre de sérologies. Le nombre de sérologies positives non anonymes, issu de LaboVIH, est utilisé pour estimer l’exhaustivité de la déclaration obligatoire du VIH, et donc le nombre annuel de découvertes de séropositivité 2.

Cet article présente également une actualisation des données du dispositif national de dépistage communautaire par TROD VIH, mis en place depuis septembre 2011 et regroupant initialement 60 structures associatives ou de prévention habilitées par les Agences régionales de santé (ARS) et retenues dans le cadre d’un dispositif national de soutien aux activités de dépistage communautaire de l’infection à VIH 7,8. L’année 2016 constitue la dernière année de recueil de données pour ce dispositif, avant son élargissement, début 2017, aux TROD de l’hépatite C, aux autotests VIH et à la participation de nouvelles structures associatives.

Les données sont issues des rapports annuels d’activité transmis par ces associations aux caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), aux ARS et à la Direction générale de la santé (DGS). Elles portent sur le profil des personnes dépistées et leur orientation en cas de découverte de séropositivité. Ces données agrégées font l’objet d’une analyse annuelle par la DGS pour mesurer l’intérêt du dispositif en termes de santé publique. Ces résultats ne tiennent pas compte des TROD réalisés par d’autres acteurs, hors du cadre de l’appel à projets.

Enfin, un bilan des autotests VIH vendus en 2016 est présenté pour compléter ce descriptif du dépistage du VIH en France. Les données recueillies sont les ventes d’autotests, comptabilisées en sortie de caisse et incluant les ventes en ligne. Ces données sont achetées par Santé publique France à la société IMS Health qui s’appuie, pour réaliser ses estimations, sur un panel recouvrant un peu plus de la moitié des pharmacies.

Résultats

Participation

Pour l’année 2016, 85% (3 572/4 227) des sites de laboratoires d’analyses médicales ont participé à LaboVIH. Cette participation était légèrement inférieure à celle des années précédentes (89%), aussi bien pour les laboratoires hospitaliers (86% en 2016 vs 92% en 2015) que pour les laboratoires de ville (84% en 2016 vs 88% en 2015).

Comme chaque année, la participation variait selon la région (de 73% à 100%) avec, en 2016, une plus grande hétérogénéité par département (de 0% à 100%).

Sérologies VIH réalisées

En 2016, les 4 200 laboratoires ont réalisé 5,43 millions [intervalle de confiance à 95%, IC95%: 5,34-5,52] de sérologies VIH, un nombre en augmentation depuis 2014 (+3%, p=0,001), après un palier entre 2011 et 2014 (figure 1a).

Figure 1 : Sérologies VIH en France, LaboVIH, 2003-2016
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Avec 1,36 million [IC95%: 1,30-1,42] de sérologies réalisées en 2016, l’Île-de-France (IdF) représente un quart de l’activité nationale de dépistage (tableau). L’augmentation du nombre de sérologies est plus rapide pour les départements d’outre-mer (DOM) (+7% entre 2014 et 2016, p=0,001) qu’en métropole hors IdF (+3%, p=0,003). On n’observe pas d’augmentation significative en IdF depuis 2014. À l’échelle régionale, l’activité de dépistage est stable ou augmente, sans aucune diminution significative sur la période.

Tableau : Nombre de TROD communautaires réalisés et positifs (source Direction générale de la santé) et comparaison avec les sérologies réalisées en laboratoire, par région (source LaboVIH), France, 2016
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Le nombre de sérologies réalisées en 2016 pour 1 000 habitants est présenté dans la figure 2a. Les régions avec les taux de sérologies réalisées les plus élevés sont les départements français d’Amérique (DFA) puis l’IdF, La Réunion, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et Mayotte.

Figure 2 : Sérologies VIH réalisées et sérologies confirmées positives, LaboVIH, 2016
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Les trois quarts (76% en 2016) des sérologies VIH sont réalisés en laboratoires de ville, proportion stable depuis plusieurs années.

En 2016, 6% des sérologies (soit environ 300 000) ont été réalisées dans un cadre anonyme.

Parallèlement à l’activité de dépistage en laboratoires, 56 339 TROD ont été réalisés en 2016 par 52 associations ou structures de prévention, situées en majorité (53%) en IdF (tableau). Ce nombre, légèrement plus faible que les deux années précédentes (autour de 62 000), est équivalent à celui observé en 2013. Parmi les personnes dépistées par TROD en 2016, 72,4% étaient des hommes, 26,7% des femmes et 0,9% des personnes transexuelles. Les HSH (32%) et les migrants (31%) représentaient la majorité des personnes dépistées par TROD (figure 3).

Figure 3 : Évolution de la répartition des TROD VIH communautaires par population testée, France, 2012-2016
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Parmi les personnes dépistées par TROD en 2016, 28% n’avaient jamais été dépistées auparavant pour le VIH (depuis 2012, cette proportion variait entre 27% et 31%) 4,5.

Au cours de l’année 2016, 74 651 autotests VIH ont été vendus en pharmacie, dont près de 28 000 (37%) en IdF. Le nombre moyen de ventes par mois était de 6 200 en 2016, avec deux pics en avril et en décembre. Il est inférieur à ce qui a été observé lors des quatre premiers mois de vente, de septembre à décembre 2015 (8 200 ventes mensuelles en moyenne). Au 31 décembre 2016, près de la moitié des pharmacies (47,9% en métropole) disposaient d’autotests à la vente.

Sérologies VIH positives

Le nombre de sérologies VIH confirmées positives en laboratoire en 2016 est estimé à 10 667 [IC95%: 9 926-11 407], dont près de la moitié (46%) en IdF (tableau). Le nombre de sérologies positives est globalement stable sur les dernières années (la diminution apparente depuis 2013 n’étant pas significative) (figure 1b), que ce soit en IdF, dans les DOM ou en métropole hors IdF.

En 2016, environ 1 100 sérologies anonymes ont été confirmées positives, soient 10% des sérologies positives.

Les laboratoires de ville étaient à l’origine de 35% des sérologies VIH confirmées positives en 2016. Le nombre de sérologies positives a diminué depuis 2014 en ville (-10%, p=0,013), alors qu’il est resté stable à l’hôpital.

En ce qui concerne le dépistage communautaire, 497 TROD étaient positifs en 2016, dont 93 (19%) chez des personnes qui connaissaient déjà leur séropositivité. Parmi ceux qui ne se savaient pas positifs auparavant, 77% ont été contrôlés par un test classique et 6 (2%) se sont avérés être des faux positifs. L’IdF comptabilisait 63% des 491 personnes ayant un TROD positif, après exclusion des faux positifs connus (tableau).

Sérologies VIH positives pour 1 000 sérologies réalisées

La proportion de sérologies confirmées positives pour 1 000 réalisées était estimée à 2,0 en 2016. Elle était plus élevée pour les sérologies réalisées dans un cadre anonyme (3,6 pour 1 000) que pour celles réalisées dans un cadre nominatif confidentiel (1,9 pour 1 000) (figure 4).

Figure 4 : Proportion de tests VIH positifs/1 000 tests réalisés (LaboVIH, 2003-2016 ; TROD communautaires, 2012-2016), France
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La proportion de TROD communautaires positifs était nettement plus élevée (8,7 pour 1 000 TROD en 2016, tableau). La proportion de découvertes de séropositivité était de 7,1 pour 1 000 TROD réalisés.

La proportion de TROD positifs était de 16,9 pour 1 000 pour les HSH (14,6 en 2015), de 9 pour 1 000 pour les personnes prostituées (13,4 en 2015), 7,6 pour 1 000 pour les migrants (7,4 en 2015), 6,3 pour 1 000 pour les usagers de drogues (7,2 en 2015), 5,4 pour 1 000 pour les publics précaires (2,5 en 2015) et 1,5 pour 1 000 pour les autres populations (1,1 en 2015). Près des deux tiers des personnes ayant eu un TROD positif (63%) ont été orientées vers le soin dans les trois mois, le devenir des autres n’étant pas connu des associations.

L’analyse par région montre que la proportion de sérologies positives en laboratoire était très variable selon la région (figure 2b, tableau). En Guyane, elle atteignait quatre fois la moyenne nationale. Les autres régions présentant les proportions les plus élevées étaient, dans les DOM, Mayotte, la Martinique et la Guadeloupe, et en métropole l’IdF et le Centre-Val-de-Loire. L’analyse par région des taux de positivité des TROD communautaires montre une répartition un peu différente (tableau) : les taux de positivité les plus élevés étaient observés en Martinique et en IdF, deux fois supérieurs à celui observé en Guyane. Les taux de positivité parmi les TROD étaient plus élevés que parmi les sérologies en laboratoire dans toutes les régions, sauf en Guyane et à La Réunion.

Discussion

La participation des laboratoires d’analyses médicales à LaboVIH, en légère diminution par rapport aux années précédentes, reste suffisante pour analyser l’activité de dépistage à l’échelle nationale. Elle doit cependant être améliorée car elle est trop faible dans plusieurs départements pour pouvoir disposer de données fiables à cette échelle.

L’activité de dépistage du VIH en France en laboratoire, avec 5,43 millions de sérologies réalisées en 2016, a augmenté de 3% depuis 2014, après avoir marqué un palier entre 2011 et 2014. Le dispositif des TROD en milieu associatif a progressivement pris de l’ampleur depuis 2012, mais semble avoir atteint sa limite d’évolution, avec une baisse de 9% du nombre de dépistages effectués en 2016 par rapport à 2015. Le nombre d’autotests VIH vendus en 2016 (74 600) dépasse celui des TROD communautaires (56 300). Cependant, les nombres d’autotests vendus et de TROD communautaires réalisés restent très faibles par rapport au nombre de sérologies classiques.

Parmi les 13 pays de l’Union européenne qui collectent cette donnée à l’échelle nationale, la France, avec 81 sérologies pour 1 000 habitants, a l’activité de dépistage rapportée à sa population la plus importante, suivie par la Belgique (62 pour 1 000) 9. Cependant, la comparaison est limitée par le fait que cette information n’est pas recueillie dans plusieurs pays voisins de la France (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Allemagne…). Par ailleurs, les TROD communautaires n’étaient pas encore largement utilisés en Europe en 2016, puisque seuls huit pays de l’Union européenne, en dehors de la France, autorisaient la réalisation de tests en milieu communautaire par du personnel non médical 10.

La création des CeGIDD (2) aurait pu entraîner depuis janvier 2016 une diminution du nombre de sérologies réalisées dans un cadre anonyme, en raison de la disparition du caractère systématique de l’anonymat au sein de ces nouvelles structures 11. Or, les sérologies anonymes représentaient encore 6% de l’ensemble des sérologies en 2016, comme en 2015.

La stratégie de dépistage du VIH en France a été réévaluée par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2016. Son rapport, paru en 2017 12, préconise le maintien de la proposition de dépistage généralisé à la population générale et l’augmentation de la fréquence de dépistage des populations clés les plus exposées au risque d’infection à VIH : HSH, personnes originaires de zones de forte prévalence de l’infection, notamment d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes, et usagers de drogues injectables.

Les nombres de sérologies et de TROD VIH positifs n’augmentent plus sur la période récente à l’échelle nationale. Comme cela a été observé depuis 2003, il ne suffit donc pas d’accroître le nombre de dépistages pour voir mécaniquement une augmentation du nombre de positifs. La recommandation de tester plus fréquemment les populations exposées préconisée par la HAS (tous les trois mois chez les HSH, tous les ans chez les usagers de drogues injectables et chez les personnes originaires de zones de forte prévalence de l’infection à VIH, notamment d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes), devrait, si elle est appliquée, permettre de diagnostiquer davantage de personnes qui ignorent leur séropositivité.

La proportion de sérologies positives reste plus élevée lorsque le dépistage est réalisé de façon anonyme, par rapport à un dépistage réalisé dans le cadre général nominatif, ce qui souligne son intérêt en montrant qu’il bénéficie toujours à une population plus exposée. La proportion de TROD positifs est encore plus élevée, montrant que le dispositif de dépistage communautaire par TROD, cinq ans après sa mise en place, touche toujours une population particulièrement exposée au VIH, principalement les HSH et les migrants, et rend compte d’un maintien du ciblage des publics prioritaires. La proportion élevée de TROD positifs chez les personnes prostituées pourrait s’expliquer par le fait qu’elles peuvent présenter plusieurs facteurs d’exposition au VIH. Les dispositifs de dépistage existants sont donc complémentaires, les sérologies classiques non anonymes représentant l’immense majorité des tests positifs, alors que les sérologies anonymes et les TROD, en nombre beaucoup plus limité, répondent aux besoins de populations particulières.

La répartition régionale de l’activité de dépistage du VIH en laboratoire est peu modifiée par rapport aux années récentes. Les régions qui dépistent le plus restent les DFA. L’IdF, Paca, La Réunion et, depuis 2015, Mayotte sont les autres régions où l’activité de dépistage dépasse la moyenne nationale, comme les années précédentes. Les taux de positivité des sérologies restent très hétérogènes d’une région à l’autre. La situation de la Guyane est marquée par une activité de dépistage plus importante que dans le reste du territoire, mais aussi une proportion de positifs très supérieure à la moyenne nationale, ce qui reflète la prévalence particulièrement élevée de l’infection à VIH dans ce territoire. En métropole, la répartition de l’activité de dépistage et de la proportion de positifs sont superposables, à deux exceptions près : le Centre-Val de Loire, caractérisé par un dépistage plus faible que dans les autres régions et un taux de positivité plus élevé que la moyenne nationale, et Paca, région à forte activité de dépistage mais avec un taux de positivité restant dans la moyenne de la métropole, hors IdF. Ces disparités pourraient s’expliquer par une pratique différente du « ciblage » du dépistage et pourraient expliquer en partie la proportion élevée de diagnostics précoces du VIH observée en Paca (40 à 49% sur la période 2011-2015, à comparer avec 37 à 39% pour l’ensemble de la France 2). En ce qui concerne les TROD, la proportion de positifs très élevée en Martinique n’était pas observée les années précédentes et concerne un faible nombre de TROD réalisés par une seule association. Inversement, les publics ciblés par les TROD communautaires ne semblent pas plus à risque que la population testée en laboratoire, en Guyane et à La Réunion. Pour l’ensemble des régions en dehors de l’IdF, le nombre de TROD positifs était très faible et la proportion de positifs reflète surtout le ciblage des publics bénéficiaires de ce dépistage communautaire.

Conclusion

L’activité de dépistage du VIH en France a légèrement augmenté depuis 2014, alors que le nombre de sérologies positives reste stable. Le maintien d’une offre diversifiée de dépistage – avec les sérologies classiques nominatives, qui permettent de dépister la majorité des cas diagnostiqués, les sérologies anonymes, les TROD et les autotests permettant de toucher des populations spécifiques – est indispensable pour répondre aux objectifs de diagnostic précoce des personnes infectées. Il doit permettre d’augmenter la fréquence du dépistage dans les populations les plus exposées, suite aux recommandations 2017 de la HAS et à la nouvelle stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 13 qui couvre un champ très large, incluant notamment l’information et l’éducation à la santé sexuelle, le renforcement de la prévention du VIH et des autres IST, l’amélioration de la santé reproductive, une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des populations vulnérables et des territoires d’outre-mer.

Remerciements

Nous remercions vivement tous les biologistes qui ont contribué à LaboVIH en 2016 (3 572 sites de laboratoires) et les 52 associations ayant participé en 2016 à l’appel à projets DGS/CnamTS de soutien aux activités de dépistage communautaire de l’infection à VIH. La présente analyse serait impossible sans leur travail de transmission d’information.
Nous remercions Hélène Haguy-Boulai (Santé publique France) pour la réalisation des cartes et Delphine Rahib (Santé publique France) pour la transmission des données sur les ventes d’autotests.

Références

1 Dépistage. In: Morlat P. (Dir). Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandations du groupe d’experts. Rapport 2013. Paris: La Documentation Française; 2013. p. 41-55. http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Morlat_2013_Mise_en_ligne.pdf
2 Santé publique France. Découvertes de séropositivité VIH et de sida. Point épidémiologique, 23 mars 2017. Saint-Maurice: Santé publique France; 2017. 6 p. http://invs.santepubliquefrance.fr/content/download/135287/485871/version/4/file/SurveillanceVIHSida2003_2015.pdf
3 Initiation d’un premier traitement antirétroviral. In : Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH – Recommandations du groupe d’experts, sous la direction du Pr Philippe Morlat et sous l’égide du CNS et de l’ANRS. Actualisation Octobre 2017. 28 p. https://cns.sante.fr/actualites/prise-en-charge-du-vih-recommandations-du-groupe-dexperts/
4 Cazein F, Le Strat Y, Sarr A, Ramus C, Bouche N, Pillonel J, et al. Dépistage de l’infection par le VIH en France, 2003-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(41-42):745-8. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=10607
5 Sarr A, Itodo O, Bouché N, Caté L, Faliu B. Dépistage communautaire par tests rapides (TROD) VIH en France sur une période de trois ans, 2012-2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(40-41):772-8. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=10192
6 Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Estimation de population au 1er janvier 2016. Séries par département, sexe et grande classe d’âge de 1975 à 2016. [Internet]. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893198
7 Ministère de la Santé et des Sports. Plan national de lutte contre le VIH/SIDA et les IST 2010-2014. Paris: Ministère de la Santé et des Sports; 2010. 265 p. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_lutte_contre_le_VIH-SIDA_et_les_IST_2010-2014.pdf
8 Ministère de la Santé et des Sports. Arrêté du 9 novembre 2010 fixant les conditions de réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique de l’infection à virus de l’immunodéficience humaine (VIH 1 et 2) ; modifié par l’arrêté du 1er août 2016. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023093746&dateTexte=&categorieLien=idP
9 European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), World Health Organization (WHO) Regional Office for Europe. HIV/AIDS surveillance in Europe 2015. Stockholm: ECDC; 2016. 108 p. https://ecdc.europa.eu/sites/portal/files/media/en/publications/Publications/HIV-AIDS-surveillance-Europe-2015.pdf
10 European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC). HIV testing. Monitoring implementation of the Dublin Declaration. The Dublin Declaration on Partnership to fight HIV/AIDS in Europe and Central Asia. Stockholm: ECDC; 2017. https://ecdc.europa.eu/en/infectious-diseases-public-health/hiv-infection-and-aids/prevention-and-control/monitoring
11 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Arrêté du 1er juillet 2015 relatif aux centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Version consolidée le 5 septembre 2017. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030824409&dateTexte=20170905
12 Haute Autorité de santé (HAS). Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France. Paris: HAS; 2017. 307 p. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2024411/fr/reevaluation-de-la-strategie-de-depistage-de-l-infection-a-vih-en-france
13 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Stratégie nationale de santé sexuelle. Agenda 2017-2030. Paris: Ministère des Affaires sociales et de la Santé, 2017. 74 p. http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_sante_sexuelle.pdf

Citer cet article

Cazein F, Le Strat F, Sarr A, Ramus C, Bouche N, Comboroure JC, et al. Dépistage de l’infection par le VIH en France en 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(29-30):601-8. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/
29-30/2017_29-30_2.html

(1) Réponse possible via l’application de déclaration en ligne www.e-do.fr depuis avril 2016.
(2) Création des CeGIDD en janvier 2016 en fusionnant les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et les centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST).