Personnes sourdes ou malentendantes : améliorer la communication et l’accessibilité de la société pour améliorer leur santé

// Deaf or hearing impaired people: better communication and access to society to improve their health

Geneviève Gueydan
Directrice générale de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, Paris

Le handicap auditif est assez méconnu en France. Il y concerne pourtant plus de 5 millions de personnes. Ce handicap sensoriel est invisible, mais les études présentées dans ce BEH consacré à la santé des personnes sourdes ou malentendantes nous livrent des enseignements qui doivent nous permettre de nous mobiliser collectivement.

De nombreux témoignages de personnes sourdes et de leurs familles montrent que la difficulté à maîtriser une langue (langue française et/ou langue des signes française) explique, en partie, la détresse psychologique chez les populations sourdes ou malentendantes. Le Baromètre santé Sourds et malentendants, réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) en 2011-2012, révèle que la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide est nettement plus élevée chez les personnes sourdes ou malentendantes que dans l’ensemble de la population (A. Sitbon et coll.). Les limitations d’activités dues aux troubles de l’audition et la fatigue fréquente liée à la communication au quotidien en sont les principales causes. Les chiffres de cette étude confirment l’urgence d’une accélération de la mise en accessibilité de notre société. Si l’action des pouvoirs publics y contribue (expérimentation d’un dispositif d’accès à la téléphonie, développement de l’accès aux informations audiovisuelles, accessibilité des services publics), elle suppose l’implication de tous les acteurs pour qu’ils se rendent eux-mêmes accessibles à leurs publics sourds ou malentendants. Sans accessibilité de l’environnement à leur handicap, les personnes sourdes ou malentendantes continueront de peiner pour accéder aux études de leur choix, à une vie professionnelle épanouissante ainsi qu’à la culture.

La description épidémiologique des surdités sévères et profondes de l’enfant en France (M. Delobel-Ayoub et coll.) rappelle qu’au-delà de la prise en charge de qualité qui doit être proposée à chaque enfant sourd, c’est l’accès à la communication et à une langue qui doit rester le pilier de son projet éducatif. La refonte du dispositif national d’information sur la surdité (1) va dans ce sens, ainsi que les travaux engagés par les pouvoirs publics pour que chaque enfant sourd accède à un parcours scolaire conforme à son projet linguistique. À cet égard, l’accompagnement des parents qui découvrent la surdité de leur enfant reste essentiel : l’accès du jeune sourd à une langue et à la communication passe d’abord par la fluidité de ses échanges avec sa famille. La mobilisation des acteurs, à la fois de la santé et du champ éducatif, est essentielle. En outre, la mise en place progressive d’un programme de dépistage de la surdité permanente néonatale, dont le cahier des charges national a été publié par arrêté du 3 novembre 2014, permettra d’améliorer la description de ces surdités, de leurs étiologies et de leurs prises en charge.

Autre objectif d’accessibilité qui s’impose aux différents acteurs des politiques publiques, celui des soins. L’accès aux soins des personnes avec handicap auditif est l’objet même des unités régionales hospitalières d’accueil et de soins pour les sourds (Urass), également présentés dans ce numéro (B. Mongourdin et coll.). La barrière de la communication ne met pas en situation de handicap les seules personnes sourdes, mais également les médecins et autres soignants. C’est donc au sein même de l’hôpital que se réalise l’accessibilité. Parti d’une unité pionnière implantée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le réseau compte désormais 18 unités régionales en France. Leur fréquentation confirme au quotidien l’utilité d’offrir un parcours de soins adapté aux patients sourds. La mixité des équipes, composées de professionnels sourds ou malentendants et entendants, montre encore une fois l’intérêt d’une approche par des pairs, à même de garantir une réelle prise en compte de l’existence même des personnes concernées.

À travers ses travaux sur l’accessibilité de l’information, le financement de structures de diagnostic et d’accompagnement et la mise en oeuvre du schéma national pour les handicaps rares (situations qui concernent notamment les personnes en très grand déficit de communication), la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie prend sa part, aux côtés du Ministère des Affaires sociales et de la Santé et avec d’autres acteurs institutionnels, comme l’Inpes, ou associatifs, dans le chantier visant à prendre en compte le handicap auditif dans toutes ses dimensions. Une amélioration de la situation des personnes avec handicap auditif du point de vue de la communication et de l’accessibilité de la société constitue un enjeu très fort pour l’amélioration de leur état de santé. C’est sans doute le message important que l’on peut faire passer via la publication de ce BEH.

Citer cet article

Gueydan G. Éditorial. Personnes sourdes ou malentendantes : améliorer la communication et l’accessibilité de la société pour améliorer leur santé. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(42-43):780-1. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/42-43/2015_42-43_0.html

(1) Il est composé d’une plateforme téléphonique : 0812 040 040 (numéro d’appel au tarif local) et d’un site internet : www.surdi.info. Ce service a pour mission de délivrer, en temps réel, une information neutre et fiable aux publics concernés par la surdité, en particulier aux parents qui découvrent la surdité de leur enfant et aux personnes qui deviennent sourdes.